Le château d’If
LES TÉMOINS DU PASSÉ
LE CHÂTEAU D’IF
TYPE : forteresse.
NOM COURANT : Château d’If.
ÉPOQUE : 1ère moitié du XVIème siècle.
PÉRIODE : Renaissance.
DÉBUT DE CONSTRUCTION : 1527.
FIN DE CONSTRUCTION : 1529.
DESTINATION INITIALE : ouvrage défensif stratégique, puis prison pendant plusieurs siècles.
PROTECTION :
– classé sur la liste des Monuments Historiques par arrêté le 7 juillet 1926.
– Inscrit sur la liste des Monuments Historiques 6 août 2021.
ÉTAT DE CONSERVATION : le château d’If est aujourd’hui géré par le Centre des Monuments Nationaux. De mars 2019 à octobre 2021, celui-ci a entrepris un chantier de restauration des remparts du château d’If (fortifications datant des XVIème et XVIIème siècles).
PROPRIÉTAIRE : l’Etat (Ministère de la Culture).
AFFECTATAIRE : Édifice géré par le CMN (Centre des Monuments Nationaux).
COMMUNE : Marseille.
DÉPARTEMENT : Bouches du Rhône.
RÉGION : Provence-Alpes-Côte d’Azur.
LOCALISATION
Le château d’If est une forteresse française qui se trouve sur l’îlot d‘If, situé sur l’archipel du Frioul, au centre de la rade de Marseille. Ce monument emblématique est la plus ancienne fortification connue sur l’archipel du Frioul.
L’archipel du Frioul est constitué de quatre îles (Pomègues, Ratonneau, l’Île d’If, et Tiboulen du Frioul). L’ensemble atteint 200 hectares ; il est situé à environ 4 km au large de Marseille.
Le château se trouve à 5,4 km par voie maritime de l’abbaye Saint-Victor de Marseille (sources Google Maps).
Première forteresse royale de Marseille, le Château d’If se dresse isolé en plein centre de la baie de la cité phocéenne, à environ un mille nautique (1852m) du Vieux-Port.
Au fil des siècles, l’île d’If a longtemps servi de mouillage aux pirates, aux contrebandiers, ou plus généralement aux pêcheurs marseillais.
UN CHÂTEAU MYTHIQUE
Ce château légendaire fut rendu célèbre grâce aux aventures du Comte de Monte-Cristo, racontées par Alexandre Dumas.
On se souvient de prisonniers célèbres tels le Chevalier Anselme, au XVIème siècle, ou le Comte de Mirabeau, au XVIIIème. Mais il faut convenir que la renommée mondiale du Château d’If est étroitement liée à un personnage de fiction d’Alexandre Dumas, Edmond Dantès, futur Comte de Monte-Cristo.
De nos jours, il représente l’un des sites les plus visités de la ville de Marseille (près de 100 000 visiteurs par an).
DU MYTHE A LA RÉALITÉ…
QUAND LA LÉGENDE DEVIENT RÉALITÉ !
Le lieu exerce une curieuse fascination et affiche une grande part de mystère. D’aucuns croient qu’’il hébergea comme prisonniers le marquis de Sade ou le Masque de Fer, mais leur choix se porte surtout sur un certain Edmond Dantès… La forteresse est sans aucun doute mondialement célèbre pour avoir été immortalisée par Alexandre Dumas dans son ouvrage « Le Comte de Monte-Cristo ». Dès sa publication en 1844, le roman connut un succès fulgurant.
L’Histoire remonte au 24 février 1815 ; c’est le début du règne de Louis XVIII, alors que Napoléon se prépare à quitter l’île d’Elbe pour les Cent Jours. Edmond Dantès, jeune matelot de dix-neuf ans, second du navire « Le Pharaon », débarque à Marseille pour s’y marier le lendemain avec sa promise, la belle Catalane Mercédès. Mais il est trahi par des « amis » jaloux de sa réussite en amour et en affaire (Danglars et Mondégo). Dantès est dénoncé comme conspirateur bonapartiste, et immédiatement emprisonné dans une geôle du château d’If, au large de Marseille. Écroué dans une minuscule cellule sombre et insalubre, il se trouve seul et livré au désespoir. Jusqu’au jour où, après quatorze années de détention, Dantès fait la connaissance de l’Abbé Faria, son voisin de cachot, qui a creusé une galerie entre leurs deux cellules. Il se lie d’amitié avec ce compagnon de captivité, un vieil homme érudit qui fait de Dantès son disciple. Tous deux projettent de s’enfuir ensemble. Mais le vieil abbé, sentant sa fin proche, lui révèle l’emplacement d’un trésor disparu, et meurt avant l’évasion. Edmond Dantès réussit à s’évader en se substituant à la dépouille de l’Abbé décédé (en se glissant dans son linceul). C’est dans ce sac de toile qu’il est jeté à la mer par-dessus les remparts, comme cela se faisait alors. Ainsi naît la légende de l’unique évadé du Château d’If. Une fois libre, il s’empare du trésor caché dans l’île de Montecristo. Devenu riche et puissant, Dantès prend successivement les noms de Comte de Monte-Cristo, Lord Wilmore, l’abbé Busoni, et Bartolomé Zaccone. Dès lors, il entreprend d’assurer le bonheur des quelques personnes qui lui sont restées fidèles, et de se venger sans répit de ceux qui l’ont accusé à tort et fait emprisonner injustement. Il provoque la ruine de Danglars, et pousse Mondégo au suicide. Puis, une fois sa vengeance accomplie, il quitte la France avec Haydée, la femme qu’il aime.
Lire : le Premier Empire
Si Edmond Dantès est un personnage purement fictif, l’abbé Faria, lui, a bel et bien existé ! Ce célèbre vieillard, qui a aidé Dantès à s’évader du château d’If, est librement inspiré d’un certain José Custódio de Faria (un prêtre métis, catholique et révolutionnaire, scientifique et magnétiseur portugais). Il est l’un des premiers à avoir pu décrire avec précision les méthodes et les effets de l’hypnose. Faria a réellement été incarcéré quelques mois au château d’If, probablement pour ses idées révolutionnaires.
HISTORIQUE
UNE POSITION STRATÉGIQUE
En 1481, faute d’héritiers directs, la maison d’Anjou cède Marseille et la Provence au royaume de France. C’est une chance pour la monarchie qui hérite avec la cité phocéenne du plus grand port méditerranéen ouvert sur le Levant. Presque aussitôt, une politique de fortifications du littoral est mise en place.
En 1516, François Ier ordonne, afin de protéger l’accès du port de Marseille, la construction d’une forteresse sur un îlot de l’archipel du Frioul.
Mais les Marseillais ne coopèrent pas facilement à la construction de cette forteresse qu’ils nomment « la Malvoisine » (littéralement la « mauvaise voisine »). Mais de quoi s’agit-il ? du château d’If, tout simplement ! Tous les habitants de la cité phocéenne en parlent ; ils sont méfiants et perplexes ; ils disent que la forteresse du roi de France sert autant à les surveiller qu’à les protéger.
Le chantier du château d’If débuta à la mi-avril 1529, et fut retardé à cause du mauvais temps. La date exacte de la fin des travaux n’est pas connue, mais en 1531, la forteresse fut malgré tout achevée.
L’archipel, du fait de sa position stratégique en rade de Marseille, constituait depuis fort longtemps des défenses avancées sur la mer. Sur chaque île fut édifié un fort militaire avec sa garnison, ses batteries et ses tranchées (la première garnison et son gouverneur sont en place dès 1531). Des postes d’observations furent disséminés sur l’ensemble de l’archipel.
UN ÉDIFICE CARCÉRAL…
Dès 1580, le château fut converti en prison d’Etat. Son architecture, ainsi que sa situation insulaire, en firent une prison idéale, d’où il semblait impossible de s’échapper (un modèle réduit d’Alcatraz). De plus, les courants y étaient dangereux. On y enferma donc des opposants politiques de tous bords.
Parmi les plus célèbres prisonniers, on cite le comte de Mirabeau (une figure célèbre de la Révolution française), qui y fut écroué une année. Les prisonniers politiques des révolutions de 1848 et 1871 ont laissé des graffitis remarquables, encore visibles de nos jours.
DES CAPTIFS HUGUENOTS AUSSI…
À partir du XVIIIème siècle, 3 500 Protestants furent emprisonnés au château d’If. Il s’agissait de galériens huguenots arrêtés sur l’ordre du roi en 1685, après la révocation de l’Edit de Nantes. Ceux-ci se trouvaient en transit avant d’être enchaînés sur les galères de Marseille ; ils y resteront jusqu’à leur mort.
DES DÉTENUS RÉPUBLICAINS AUSSI…
Après les émeutes de 1848, cent-vingt personnes y furent emprisonnées.
Après le coup d’État du 2 décembre 1851, la forteresse eut dans ses murs 304 détenus, en attente de leur déportation vers le bagne de Maison-Carrée (Algérie) ou celui de Cayenne (Guyane).
Acte par lequel Louis-Napoléon Bonaparte, président de la Deuxième République française depuis trois ans, conserve le pouvoir à quelques mois de la fin de son mandat, alors que la Constitution de la Deuxième République lui interdisait de se représenter.
D’autres prisonniers politiques y furent également enfermés lors de la chute du Second Empire (1870), comme Gaston Crémieux (1836-1871).
Ce dernier fut fusillé (en raison de sa participation à la Commune de Marseille lors de la répression versaillaise) le 30 novembre 1871, à 7 heures du matin, au champ de tir du Pharo.
Mouvement insurrectionnel communaliste qui fut proclamé par solidarité avec le soulèvement de la Commune de Paris du 18 mars 1871. Son objectif était de soutenir la république alors naissante contre les manœuvres des « Versaillais », et de permettre à la ville de Marseille d’administrer ses propres intérêts. Elle réunit des républicains, modérés et Blanquistes (Louis Auguste Blanqui), des socialistes, et des membres de la première internationale de toutes opinions.
Les derniers captifs du château d’If furent des Allemands, détenus durant la Première Guerre mondiale. Ces derniers prisonniers étaient des civils alsaciens et lorrains ; ils seront libérés en septembre 1914.
– Chevalier Anselme : accusé de complot contre la monarchie, premier prisonnier en 1582, il périra étranglé dans sa cellule. – Jean-Baptiste Chataud : commandant du Grand-Saint-Antoine, tenu responsable de la peste qui frappa, à partir de 1720, Marseille et toute la Provence. – Le comte de Mirabeau, enfermé en 1774. – Fanny Dillon : épouse du général Bertrand, emprisonnée en mars 1815. – Louis Auguste Blanqui : révolutionnaire socialiste français. – Le corps du général Jean-Baptiste Kléber assassiné au Caire. – Philippe de Lorraine, dit le « Chevalier de Lorraine », avant son exil à Rome. – Chevalier Charles d’Hozier, Marquis de Rivière-Lajolais : chef chouan et conspirateur royaliste, détenu au Château d’If de 1804 à 1814.
Lire : Jean-Baptiste Kléber
LE CHÂTEAU D’IF, UNE CONSTRUCTION MASSIVE ET REDOUTABLE…
Le château affiche une construction carrée de trois étages mesurant 28 mètres sur chaque côté, flanquée de trois tours percées de larges embrasures.
Au nord-ouest, la tour Saint Christophe est la plus haute ; elle permettait de surveiller la mer. Les tours Saint Jaume et Maugovert sont à l’opposé, au nord-est et au sud-est du Fort. Elles sont reliées entre elles par une terrasse sur deux étages.
Le salon et la cuisine étaient au rez-de-chaussée, et des casemates se trouvaient au premier étage. Les trois tours produisaient une puissance de feu colossale. Par son aspect robuste et massif, le château d’If avait aussi une importante fonction symbolique et dissuasive.
Le reste de l’îlot (dont la surface était de seulement 3 hectares) est fortement défendu par de hauts remparts, avec des plates-formes d’artillerie surplombant les falaises, donnant au Château d’If l’aspect d’une redoutable forteresse.
En 1702, Vauban, très critique envers les travaux antérieurs (excepté le château d’origine), fit installer des batteries côtières basses permettant un tir plus ciblé et plus performant. Il fit aussi bâtir une maison de garde, à droite avant la sortie de la forteresse (« la caserne Vauban »).
Pour un château dont la fonction était d’interdire l’accès maritime à Marseille, l’arme principale était le canon. Ce dernier devint quasi indispensable au XVIIème siècle. Et quand on parle de « canon de 36 », cette appellation ne désigne pas une année mais le poids en livres des boulets projetés ! Sa portée efficace était de 650 mètres en ligne droite. Le projectile pouvait traverser une paroi de chêne de 90 cm. Or, l’épaisseur des coques des navires était au mieux de 80 cm… Les tirs de canons provenaient principalement des 50 embrasures (canonnières) du château (ouvertures pratiquées dans la façade d’une forteresse, pour permettre le passage d’une pièce d’artillerie à feu). Les embrasures du château d’If furent positionnées stratégiquement : elles étaient présentes à chaque étage et à des hauteurs différentes, pour multiplier les champs de tir et éviter un affaiblissement de la ligne de défense. Ces ouvertures étaient adaptées à la perspective de tirs plongeants en direction de la mer, vers la rade, ou vers des vaisseaux passant à proximité. Cependant, dans le cas de navires croisant trop près de la forteresse, ils devenaient inefficaces parce que moins précis. On note la présence de conduits d’évacuation (très modernes pour l’époque) qui permettaient d’évacuer la fumée des tirs ; ce qui devait améliorer le confort des artilleurs pendant le combat.
LE CHÂTEAU D’IF
L’EXTÉRIEUR
VUE GÉNÉRALE
LES REMPARTS
L’INTÉRIEUR
LES CELLULES DU REZ-DE-CHAUSSÉE
Les conditions les plus rudes de détention se trouvaient dans les « culs de tour ». C’étaient des pièces sombres et humides, remplies de vermines et d’ordures, où l’espérance de vie ne dépassait pas quelques semaines.
Le rez-de-chaussée était destiné aux prisons collectives. Les conditions y étaient meilleures. Les prisonniers avaient un peu plus de lumière, et pouvaient utiliser la citerne de la cour pour l’hygiène et pour se désaltérer.
Dans ces cellules insalubres où la promiscuité et l’hygiène étaient pitoyables, les prisonniers avaient une espérance de vie de 9 mois environ.
LES PISTOLES
Cependant, il était possible, moyennant finance, de louer au premier étage une cellule appelée aussi « chambre passable », ou « pistole » (du nom de la monnaie servant au paiement). Ces geôles étaient plus spacieuses, et possédaient généralement des fenêtres et des cheminées. Les prisonniers fortunés y étaient enfermés.
Les « pistoles » étaient des anciens logements des officiers de la garnison. Elles étaient individuelles et permettaient aux prisonniers les plus riches, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, d’adoucir les conditions de leur détention.
Selon les historiens de Provence, le 23 janvier 1516, un étrange et surprenant passager débarque sur l’île d’If… un rhinocéros ! En effet, c’est sur l’îlot d’If que fit escale la nef portugaise qui convoyait, de Lisbonne à Rome, le célèbre rhinocéros indien que Manuel Ier de Portugal offrait comme cadeau au pape Léon X. Cet animal (le premier rhinocéros visible en Europe depuis l’an 248) avait été offert au roi du Portugal par Muzaffar Shah II, Sultan du Cambay (Gujarat moderne, un des vingt-huit États de l’Inde). C’est l’époque où se construisit la fameuse Tour de Belem. L’animal attira de nombreux visiteurs, dont le roi François Ier qui était en pèlerinage à Saint-Maximin-La-Sainte-Baume. Le monarque, poussé par la curiosité, fit le déplacement avec sa cour pour venir l’admirer. C’est ainsi que le roi découvrit le site stratégique de l’archipel du Frioul. Et c’est à cette occasion qu’il décida d’y faire construire un fort. Après quelques semaines sur l’île, la bête reprit son voyage ; mais le navire fit naufrage dans le golfe de Gênes. Le pape reçut bien le rhinocéros, mais celui-ci avait été empaillé entretemps, après la découverte de son cadavre à la suite du naufrage. Alors inconnu en Europe, le rhinocéros marqua durablement les esprits. Et l’on peut se poser la question : peut-être que, sans la présence du rhinocéros sur l’Îlot d’If, le château d’If n’existerait pas ; il n’aurait jamais vu le jour !
Lire :
– Saint-Maximin-La-Sainte-Baume.
– Basilique de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume.
Sources :
Mes photos
Photos publiques Facebook
https://monumentum.fr/monument-historique/pa00081333/marseille-chateau-dif
https://pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00081333
https://www.calanques-parcnational.fr/fr/le-chateau-dif
https://www.marseille.fr/culture/patrimoine-culturel/le-ch%C3%A2teau-dif
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_d%27If
https://fr.wikipedia.org/wiki/Canon_de_36_livres