La bataille de la Marne
Du 6 au 13 septembre 1914
Plan schliefen
Le 4 août 1914, l’Allemagne envahit la Belgique et le Luxembourg neutres. Les armées outre-rhin, avec à leur tête le chef d’état-major Helmut Von Moltke, appliquent à la lettre leur plan de campagne, le Plan Schlieffen. Le but est d’obtenir en six semaines une victoire décisive à l’Ouest, contre l’armée française et son allié britannique. Une fois cet avantage acquis, tous les efforts devraient se reporter à l’Est contre la Russie qui, pense-t-on, n’a pas fini sa mobilisation.
Pour ce faire, s’exécute un gigantesque mouvement enveloppant du dispositif de défense allié. L’aile marchante droite, comprenant la 1ère armée commandée par Von Kluck et la 2ème par Von Bülow, avec pour point de départ la frontière germano-belge, déferle sur Paris en traversant la Belgique. De leur côté, les Français appliquent comme prévu leur Plan XVII, et se portent aux frontières pour effectuer une percée en Lorraine. Le 8 août, ils entrent dans Mulhouse qu’ils reperdent deux jours plus tard. La bataille qui s’ensuit, les 19 et 20 août, est un échec pour les armées françaises. Cette série d’affrontements, du 7 au 23 août, le long des frontières franco-belge et franco-allemande, les Français l’appelleront « la Bataille des Frontières. »
Bataille des Frontières
En 1914, les grands stratèges de l’armée française croient «dur comme fer » que l’infanterie est la reine des batailles. Pour enlever une position ennemie, il suffit, pensent-ils, de masser un grand nombre de soldats, de les faire charger sabres au clair et baïonnettes aux canons. On prône l’offensive à outrance, avec un armement dépassé, et des uniformes de parade du siècle précédent. Mais en ce début de mois d’août 14, comment le panache des charges en casoars et gants blancs peut-il l’emporter sur une armée allemande bien préparée, et qui se bat avec du matériel moderne ? La France débute ce conflit avec une guerre de retard.
- 19 août 1914 : l’armée belge se replie dans le camp retranché d’Anvers.
- 20 août 1914 : défaite française à Sarrebourg, Dieuze et Morhange.
- 22 août 1914 : défaite française à Longwy, et échec devant Charleroi.
- 23 août 1914 : défaite de la B.E.F à Mons. (British Expeditionary Forces.)
Retraite
- Dès le 23 août, toutes les unités françaises et britanniques qui étaient entrées en Belgique battent en retraite. Conformément aux accords d’entre-aide mutuelle prévus par les Alliés, et pour soulager le front de l’Ouest, les Russes passent alors à l’offensive à l’Est, et battent l’armée du général allemand Prittwitz à Gumbinnen.
- Le 25 août 1914, Moltke réagit en prélevant des divisions du front occidental et les transfère vers la Prusse-Orientale. Ce faisant, il affaiblit son aile marchante droite, à la grande désapprobation d’une partie de ses officiers d’état-major. Il privilégie la prudence à un moment où ses armées engrangent partout des succès, alors qu’il se doit de redoubler d’audace. Conséquence sensible sur l’itinéraire prévu, le mouvement enveloppant des 1ère et 2ème armées allemandes s’infléchit vers le sud.
Après l’échec de la bataille de Lorraine le 20 août 1914, le général français Castelnau se replie et positionne sa 2ème armée sur le Grand Couronné, à l’est de Nancy. Il vient de vaincre la 6ème armée du Kronprinz à la trouée de Charmes, du 24 au 26 août 1914. Cet échec inattendu des troupes germaniques ébranle le moral de la 6ème armée. S’ensuivent alors quelques jours de répit ; mais le 4 septembre, les Allemands reprennent l’offensive. Débute alors la bataille du grand Couronné.
Le sursaut
- Joffre crée la 6ème armée, placée sous le commandement du Général Maunoury.
- Le 26 août 1914, Adolphe Messimy, ministre de la guerre, confie la défense de Paris au général Gallieni.
- Le même jour, défaite de la B.E.F du général French au Cateau ; mais l’ennemi subit de lourdes pertes.
- Le 29 août 1914, victoire tactique et stratégique française lors de la bataille de Guise. Elle oppose la 5ème armée française aux 1èreet 2ème armées allemandes près de Guise, dans l’Aisne. Cette bataille jouera un rôle important dans la réussite de la bataille de la Marne. Elle permettra aux Français de donner un coup d’arrêt à l’avancée allemande, et d’organiser une retraite stratégique, afin de mieux repartir de l’avant.
- Le 30 août, la 1ère armée allemande de Von Kluck infléchit sa marche pour venir en aide à la 2ème armée de Von Bülow, qui vient d’être battue à Guise. Moltke donne son accord, et le changement de direction s’oblique vers le sud-sud-est au lieu du sud-ouest, en évitant Paris. La 1ère armée allemande se dirige donc vers Meaux, la 2èmesur Epernay et la 3ème sur Châlons. L’objectif du commandement suprême allemand est de refouler les Français direction sud-est, en les coupant de Paris.
1er septembre 1914 : face à cet afflux de troupes, de réfugiés, de matériel, la logistique va prendre une place cruciale. Les transports ferroviaires sont débordés ou détruits ; beaucoup de parisiens fuient vers la province se mettre à l’abri. C’est alors que Gallieni prend une décision inédite : demander de l’aide aux civils. Il réquisitionne tous les moyens de transport et, pour la première fois dans l’Histoire, 180 taxis sont utilisés pour le transfert de vivres vers le front.
- Du 4 au 13 septembre 1914, lors de la bataille du Grand Couronné, la 2ème armée française d’Édouard de Castelnau bat la 6ème armée allemande commandée par le prince Rupprecht de Bavière.
- La bataille qui se prépare va se dérouler le long d’un arc de cercle de 225 km à travers la Brie, la Champagne et l’Argonne. A l’Ouest se trouve le camp retranché de Paris, et à l’Est, la place fortifiée de Verdun.
- 3 septembre 1914 : le président de la République, Raymond Poincaré, et son gouvernement, quittent Paris pour Bordeaux.
- Le même jour, des reconnaissances aériennes françaises et britanniques signalent que l’armée de Von Kluck tout entière a franchi l’Oise à la hauteur de Compiègne, et que ses colonnes avancent, à marche forcée, vers le sud-est. En infléchissant sa marche initiale, elle abandonne ainsi la route de Paris pour se diriger vers l’Ourcq et la Marne. Les Allemands sont aux portes de Paris…
- Le 3 septembre 1914, des détachements d’Uhlans sont signalés à quelques dizaines de kilomètres de Paris. Les Allemands cantonnent au Plessis-Belleville.
- De toute évidence, Moltke a modifié ses plans. Il veut couper Paris des Français en se dirigeant vers le sud-est. Il ne sait pas que Gallieni a transformé la ville en camp retranché, ni que Joffre vient de créer une 6ème armée sous le commandement de Maunoury. Cet infléchissement sur l’itinéraire initial est une grave erreur, car, sans le savoir, Von Kluck présente le flanc droit de son armée à l’ennemi.
Gallieni et les taxis de la marne
En 1914, la France est la nation phare de la construction automobile ; la capitale dispose de 12 000 taxis, et 7000 chauffeurs sont mobilisés pour la guerre.
- 5 septembre 1914, arrivée dans la soirée de la 7ème DI, composée du 103ème et du 104ème RI (6000 hommes). Cantonnement entre Gagny et Villemomble, à 50 kilomètres du front.
- Les 6 et 7 septembre 1914, le général Gallieni ordonne la réquisition immédiate de 600 taxis pour transporter la 7ème DI vers le front. Rassemblement aux Invalides où deux convois sont organisés. Le premier est constitué de 600 véhicules, et part à vide, dans la nuit du 6, pour Livry-Gargan ; le second part le lendemain, également à vide, pour Gagny.
- Le second convoi, qui part dans la journée du 7 septembre, transporte le 103ème RI. C’est un défilé en plein jour dans les grandes artères de la capitale (Pont Alexandre, rue Royale, rue Lafayette, Avenue Jean Jaurès, route de Meaux vers Gagny). Il restera dans la mémoire collective des parisiens et marquera longtemps leurs esprits. Le 103ème sera déposé à Silly-le-Long, et le 104ème aux portes de Nanteuil-le-Haudouin, tous deux près de la zone des combats.
S’il y a une voiture qui a sa place dans les annales de l’automobile, c’est bien le véhicule Renault 2 cylindres, type AG, qui fait, en ce début septembre 1914, une entrée de plain pied dans l’Histoire.
Les troupes ainsi engagées (6000 hommes), ne suffiront pas à faire pencher le sort de la bataille pour la victoire, eu égard au nombre considérable de soldats des armées en présence. La 7 DI a juste le temps d’être positionnée pour prendre part dans la contre-offensive sur l’Ourcq.
La bataille
Après plus d’un mois de retraite, les positions de replis voulues par Joffre sont atteintes ; l’armée française et la B.E.F amorcent la contre-offensive sur la Marne, font volte face, et surprennent les troupes allemandes imprudemment avancées à l’est de Paris.
La bataille de la Marne se dissocie en cinq engagements plus restreints, de l’ouest vers l’est :
- Bataille de l’Ourcq, du 5 au 9 septembre.
- Bataille des Deux Morins, du 5 au 9 septembre.
- Bataille des Marais de Saint-Gond, du 5 au 9 septembre.
- Bataille de Vitry, du 6 au 10 septembre.
- Bataille de Revigny, du 6 au 12 septembre.
Le miracle
Les Allemands, surpris sur leur flanc droit par l’armée de Maunoury, sont obligés de livrer bataille sur un terrain qu’ils n’ont pas choisi. Pour éviter d’être à leur tour contournés, et encerclés, ils amorcent un repli stratégique et repassent la Marne. S’ensuit alors une retraite générale de toutes les forces Germaniques. Le Miracle de la Marne vient de s’accomplir. Cette action unique et stratégique de Gallieni a redonné un peu d’espoir aux soldats français et à la France tout entière. L’épopée des Taxis de la Marne va devenir un symbole d’unité et de solidarité nationale, et magnifier la fierté des civils qui y ont participé. Tout au long du conflit, beaucoup de chauffeurs non mobilisables iront près des zones de combats, pour se porter volontaires aux transports des blessés. Certains y laisseront leur vie.
Ce récit contient des extraits du livre Des Poppies et des larmes : « Un taxi pour Gagny. » (Jean-Marie Borghino.)
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[…] et 100 mitrailleuses. C’est le plus beau succès obtenu par l’armée française depuis la bataille de la Marne, en septembre 1914. Conséquence directe, 35 divisions allemandes sont prélevées sur le front de […]
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