Le château cathare d’Arques
LES TÉMOINS DU PASSÉ
LE CHÂTEAU CATHARE D’ARQUES
TYPE : Maison forte.
ÉPOQUE : Moyen Âge.
DÉBUT DE CONSTRUCTION : 1280.
FIN DE CONSTRUCTION : 1310.
PROPRIÉTÉ : Commune d’Arques et propriétaire privé.
ÉTAT DE CONSERVATION : Bon état de conservation.
COMMUNE : Arques.
RÉGION : département de l’Aude (Occitanie).
PROTECTION : classé Monument Historique en 1887.
SITUATION
Le château d’Arques est situé dans le département français de l’Aude, sur la commune d’Arques, au sud-est de Carcassonne. Il fait partie des châteaux du pays cathare.
HISTORIQUE
– Au XIème siècle, Arques est un village situé à l’intersection des routes reliant le Fenouillèdes (Fenolhédès en occitan) au Carcassès.
– Au XIIème siècle, une tour seigneuriale se dresse au centre du village, qui affiche le pouvoir de la famille de Termes.
– Au XIIème siècle, un conflit oppose le vicomte de Carcassonne et plusieurs seigneurs, dont ceux d’Arques et de Lagrasse. Le fief d’Arques devient alors la propriété des seigneurs de Termes.
– En 1217, Béranger d’Arques est un proche de Guillaume de Peyrepertuse.
– En 1231, après s’être emparé du château de Termes durant la croisade contre les Albigeois, Simon IV de Montfort (chef de l’armée croisée) s’attaque à Arques.
Après avoir pillé et brûlé le village, il offre cette partie des terres du Razès à un de ses lieutenants, Pierre de Voisins (1177-1233).
Olivier de Termes, rallié au roi de France, vend la seigneurie d’Arques à Pierre de Voisins. Pierre est l’un des compagnons d’armes de Simon de Montfort, chef de l’armée croisée qui déferle sur le Languedoc au début du XIIème siècle. Il vient pour éradiquer, à la demande du pape Innocent III, l’hérésie cathare. Les Voisins feront souche dans cette vallée tranquille aux faux airs d’Île de France. Ils seront seigneurs du lieu jusqu’au XVIème siècle.
Lire :
– En 1260, la famille de Voisins achète à Olivier de Termes ses terres d’Arques.
– En 1280, le petit-fils de Pierre, Gilles de Voisins, entreprend la construction du château et décide de développer le village.
– En 1284, Gilles de Voisins débute les travaux de construction du château (il s’agit alors de défendre la vallée du Rialsès et de contrôler les voies de la transhumance qui mènent aux Corbières).
Le château construit par Gilles de Voisin et ses descendants se présente comme un château-résidence. Pour construire cette demeure rafinée (qui se veut confortable et rentable sur le plan militaire), ils sollicitent probablement le concours des artisans du roi, qui sont alors à l’œuvre à Carcassonne et dans toutes les Corbières.
– En 1316, Gilles II de Voisins (dit « Gilet ») retouche et achève la construction du château.
– Au XVIème siècle, les habitants d’Arques viennent se réfugier au château (leur village étant détruit d’abord par les Espagnols, puis par les Protestants).
– En 1518, Françoise de Voisins, dernière héritière des Voisins, épouse Jean de Joyeuse, héritier de la baronnie d’Arques. Arques devient ainsi possession d’une famille dont l’ascension va être fulgurante. Le couple se fait construire un château plus conforme à la mode du temps (dans le style Renaissance), en bord de l’Aude, à Couiza. Plus tard, Anne de Joyeuse sera le principal mignon d’Henri III. Arques est ainsi dans le giron d’une lignée de la plus haute noblesse…qui compte beaucoup d’ennemis.
– En 1575, le château est assiégé par les Protestants ; seul le donjon résistera à l’assaut.
Le château d’Arques a connu plusieurs attaques au cours des siècles, en vain. Le Donjon s’est révélé extrêmement efficace pour assurer la protection de ses résidents, que ce soit pendant la Guerre de Cent ans ou pendant les Guerres de Religion. En effet, en 1546, une incursion espagnole ravage le pays, brûle le village mais épargne le Donjon. Puis en 1575, les Protestants assiègent le château, sans parvenir à s’en emparer.
– Après la Révolution, le château tombera en ruine. Il sera vendu comme bien national et subira quelques dégâts.
– Après son classement en 1887, il sera restauré et reconstruit en partie, puis ouvert aux visiteurs.
PLAN DU CHÂTEAU
PRÉSENTATION
La maison forte d’Arques affiche toutes les caractéristiques du château : tour maitresse (donjon), tours d’angles, courtines, porte fortifiée, etc.
Elle est constituée d’une enceinte et d’un donjon défensif pourvu de quatre tourelles (échauguettes). Cette maison forte a vu le jour au XIIIème siècle, après la Croisade contre les Albigeois. Simon de Montfort, chef de la Croisade, en fit don à un de ses lieutenants, Pierre de Voisins.
L’enceinte, qui est presque carrée (51 sur 55 mètres), entoure le château. Elle possède une porte à mâchicoulis décorée sur son faîte d’une clef de voûte aux armes de la famille de Voisins.
La porte du château incite tout individu malintentionné à faire demi-tour. Son aspect massif dénote une certaine efficacité de sa défense. Le guetteur qui surveille la porte est juché sur une plateforme, derrière la muraille. Il peut, par l’énorme assommoir qui la surmonte, jeter des pierres et casser n’importe quelles têtes qui se présentent dans son champ de vision ! Au cas où ce premier obstacle ne suffirait pas, il faut encore, pour l’assaillant, traverser un passage fermé, puis une deuxième porte, avant de pénétrer dans la cour.
Des nombreux bâtiments qui devaient exister dans l’enceinte, il ne subsiste que deux tours-logis en bon état de conservation.
LE DONJON, CARACTÉRISTIQUES
Il est flanqué par quatre monumentales échauguettes, ce qui lui donne l’impression d’être perché sur quatre échasses gigantesques.
Élancé et majestueux dans son enveloppe de grès jaune, il se présente, au premier abord, comme un hôte accueillant. Mais n’en doutons pas, le donjon d’Arques est bel et bien un ouvrage défensif qui veille depuis des siècles sur ces lieux.
Le donjon est carré et haut de 25 mètres. C’est un chef-d’œuvre d’architecture militaire inspirée d’Ile de France.
Il comprend quatre niveaux, desservis par un escalier à vis.
A chaque étage, les différentes salles ont été bâties avec un soin extrême. Le dernier degré était consacré à la défense du château. Une quarantaine de soldats pouvaient y prendre place et défendre le donjon, grâce aux nombreuses archères et baies rectangulaires qui ajourent symétriquement les murs.
PAS DE PORTE
Le donjon comprend un rez-de-chaussée et trois étages. Il est pourvu d’une centaine d’ouvertures sur toute sa hauteur…
La porte est un exemple des améliorations apportées par les architectes du roi dans le perfectionnement de la défense. Les évolutions sont tournées vers l’offensive ; les murs sont dorénavant « actifs » : ainsi une porte devient-elle armée. Suivant les exigences, elle est munie d’un assommoir, et non plus uniquement surveillée.
LA SALLE DU REZ-DE-CHAUSSÉE
Cette belle salle au sol inégal, à la voûte percée d’une clé en forme d’anneau, servait au Moyen Âge de cellier : elle abritait des provisions : grains, viandes salées, vins…
Une petite porte est étrangement percée à l’étage. C’est une énigme. Que fait-elle là ? Attend-elle depuis des siècles un ouvrage qui aurait dû la rejoindre ?
Cette vaste salle est aujourd’hui un refuge pour des animaux très utiles, mais hélas très menacés. Il s’agit des chauve-souris. On en distingue ici trois espèces : les murins à oreilles échancrées, les grands rhinolophes, et les petites pipistrelles. Elles trouvent dans ces lieux un abri sain et tranquille.
Fermez un instant la porte, asseyez-vous et faites le silence. Peut-être alors entendrez-vous soudain de petits craquètements, et vos yeux habitués à l’obscurité auront-ils la chance d’apercevoir le vol des chauves-souris. Apprécierez-vous alors d’approcher ces fragiles animaux si précieux ??
LA SALLE DU PREMIER ÉTAGE
LE CONFORT MÉDIÉVAL
Cette pièce, qui devait abriter l’appartement seigneurial, dénote un certain souci de confort. Elle affiche une grande qualité d’exécution dans sa décoration. La croisée d’ogive est pourvue d’une remarquable clé nervurée, raccordant élégamment les huit branches prismatiques de la voûte. Aux meurtrières s’ajoute une baie lumineuse largement ajourée. Cette fenêtre géminée de style gothique est surmontée d’un oculus.
Un comble de voûte est l’espace d’une construction situé sous la toiture et le dernier plancher.
Les trois tourelles d’angle sont desservies par des couloirs discrets, ménagés dans l’épaisseur des murs.
La cheminée sur le mur Ouest garantit la chaleur. Le style et les proportions de ses piédroits, couronnés de chapiteaux feuillagés à crochets, s’inspirent des cheminées d’Île-de-France, région d’origine des Voisins.
Enfin, le dallage en grès a été préservé grâce aux restauration de 1998.
Comment la belle flambée de la grande cheminée pouvait-elle réchauffer l’atmosphère de cette salle avec ce trou dans le sol ? Il débouche sur le plafond de la salle du rez-de-chaussée.
Y faisait-on monter de la nourriture ? Peut-être. Ce trou devait certainement être fermé en hiver pour se prémunir du froid.
Une belle fenêtre à coussiège s’ouvre sur le paysage et sur le village. C’est un lieu de rêverie, bien à l’abri des deux échauguettes où l’on accède par de petits couloirs furtifs.
Dans ces tourelles, les soldats de garde veillent depuis leur poste, sans empiéter sur la vie de leur seigneur…
A gauche de la fenêtre, on pénètre dans une tourelle dont on voit, en levant la tête, toute l’organisation : l’implantation des ouvertures en quinconce, et trois niveaux sur lesquels on peut imaginer les planchers.
LA SALLE DES GARDES
Dans cette pièce de plan octogonal était logée la garnison, immédiatement au-dessus des appartements seigneuriaux. Sur les murs Sud et Est, deux fenêtres en arc brisés sont équipées de coussièges.
Au Nord, la pièce dispose d’une cheminée. Cette dernière ne présente plus que des colonnes engagées surmontées de chapiteaux feuillagés. La face Ouest révèle essentiellement les vestiges du conduit de la cheminée de l’étage inférieur.
Au sol, un carrelage décoratif en terre cuite a été posé lors de la dernière campagne de travaux.
Un souci commun à tous les châteaux préoccupe ses résidants : les courants d’air. Pour pallier à cet inconvénient majeur, pour couper cette circulation d’air, l’on a décalé les ouvertures : ici l’escalier ne donne pas directement dans la salle grâce à une porte en biseau.
Les pans coupés de la salle s’ouvrent sur quatre tourelles ; un entresol est aménagé dans chacune, dans le but de multiplier les postes de défense. Ces ouvrages flanquent les angles du Donjon et ajoutent à la protection du site. Ils viennent à la fois en contrefort de la construction et en poste de guet ou de tir. Ils permettent la défense du château sans angle mort, grâce à leur plan circulaire, donnant aux tirs une plus grande amplitude. Ce dispositif militaire est complété par de nombreuses archères.
LE DERNIER ÉTAGE
Ce dernier étage se distingue de l’extérieur par son parement à bossages, interrompant esthétiquement la régularité du reste de l’édifice. Ce traitement architectural est notamment identique à celui de la Tour Narbonnaise de la Cité de Carcassonne.
Le chantier du château d’Arques marque le début d’un nouveau style d’architecture. Le château féodal, purement militaire, fait place aux châteaux-résidences, plus confortables. Les maîtres des œuvres du roi apportent dans la région une mode qui se développe dans le Nord, en Île-de-France et bientôt au bord de la Loire.
LA DÉFENSE
Ce dernier niveau est réservé à la défense. Les murs sont régulièrement ajourés d’une quarantaine d’ouvertures, selon un rythme alternant meurtrières et baies rectangulaires. Celles-ci sont rétrécies dans leur partie supérieure, grâce à un linteau supporté par deux corbeaux en quart de rond. Ces aménagements permettaient, pour ce seul niveau, la présence d’une quarantaine d’hommes.
La toiture d’origine, vraisemblablement à forte pente, avait déjà disparu à la fin du XVIIIème siècle. La couverture actuelle, en tuiles canal et à quatre pans, correspond aux restaurations effectuées en 1910. Jusqu’en 1998, cet étage était dépourvu de plancher, lequel est attesté par la présence de bandeaux d’appui visibles à l’étage inférieur. La réalisation du sol actuel, incluant un chaînage en béton armé, permet d’assurer la stabilité générale du Donjon.
Depuis cette salle aux multiples ouvertures, les soldats peuvent apercevoir tout mouvement de l’ennemi à l’extérieur. Ils sont capables d’atteindre leurs cibles sous tous les angles et à repousser toute attaque.
Le Prince Noir qui saccage Carcassonne, les pilleurs en maraude qui sillonnent la région, n’ont qu’à bien se tenir… Ils éviteront de se frotter à la redoutable défense du château d’Arques, et passeront au large. Une paix relative règnera ici au cours des XIVème et XVème siècles.
Lire : Mercenaires, routiers et écorcheurs au Moyen Âge
LES TOURELLES
La clef de voûte, c’est-à-dire la pierre centrale d’une des portes, est très décalée, il semble qu’elle va tomber. Ce décalage (que l’on peut observer un peu partout dans l’édifice à des degrés divers), ainsi que les fissures, seraient dus à un tremblement de terre.
UN PEU D’HISTOIRE
1575, les Guerres de Religion font rage. Les Protestants ont incendié le village d’Arques et donnent maintenant l’assaut au château où les habitants se sont réfugiés. Mais en vain. Le Donjon résiste à l’attaque, et les Protestants doivent renoncer.
LE PANORAMA
Depuis ce niveau, la vue embrasse, à l’Est le village d’Arques, et au Sud, la forêt domaniale du Réalsesse. Cette dernière, très étendue au Moyen Âge et à la Renaissance, a été fortement réduite à la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème siècle. En effet, Arques à cette époque possédait une verrerie qui brûla un important volume de bois.
Au XIXème siècle s‘ensuivit un reboisement, avec l’apport d’arbres aux essence nouvelles tels le pin noir d’Autriche, ou le cèdre de l’Atlas. Dissimulée au Nord, la carrière désaffectée de Peyresol aurait permis d’extraire le grès doré utilisé dans la construction du Donjon.
Lors d’une chasse au sanglier, Charlemagne perd son épée, Joyeuse. Un soldat la lui retrouve. Pour le récompenser, Charlemagne le dote de terres et lui fait épouser l’une de ses favorites. Ainsi naît la légende des Joyeuses…
LA TOUR LOGIS
De l’enceinte quadrangulaire construite au début du XIVème siècle, seule la partie Sud est encore visible de nos jours. Elle est pourvue d’une porte, d’une tour logis et d’une ancienne chapelle. Des vestiges de bâtiments subsistent dans les parties orientales et occidentales de l’enceinte. L’ensemble était probablement entouré d’un fossé.
La tour d’angle, dite « tour logis », jouait à la fois un rôle civil et militaire. Elle comprend deux niveaux :
LA SALLE BASSE
En partie souterraine, elle affiche une voûte en berceau, et possède trois ouvertures pour laisser entrer la lumière du jour. Elle est desservie par un escalier sur arc, et conserve au Nord une partie de son dallage d’origine en pierre. Vers la fin du XVIIIème siècle, elle servait de cave à vin. En 1999, elle a été entièrement déblayée de la terre qu’elle contenait.
L’ESCALIER
On accède à l’étage par une tourelle polygonale attenante, située dans l’angle Sud-Est de l’édifice. Munie de deux meurtrières au Nord, elle dévoile un escalier à vis.
LA SALLE HAUTE
La tour abrite une salle d’habitation quadrangulaire, dont la croisée d’ogive arbore les armes des Voisins.
La voûte retombe sur des cul-de-lampes, dont trois affichent des bustes masculins et féminins.
Au Sud et à l’Ouest, cette salle est éclairée par des baies géminées trilobées du gothique rayonnant.
Sur le mur Est, on distingue l’emplacement d’une cheminée.
Des latrines sont visibles dans l’épaisseur du mur Nord ; elles rejoignent en oblique le mur Ouest de la courtine.
UNE RENCONTRE INSOLITE !
Quelle ne fut pas ma surprise en entrant dans cette belle salle voûtée ! Je fus interpellé par un craquètement sinistre et inquiétant. Le lieu, selon toute évidence, n’était pas désert, bien au contraire : il pourrait s’apparenter à une « HLM ». En effet une colonie de petites chauve souris, regroupées en grappes, devrais-je dire en essaims, étaient suspendues au-dessus de ma tête. Blotties les unes contre les autres, ces petites bestioles, au demeurant inoffensives, épiaient, me semblait-il, tous mes faits et gestes. Elles avaient trouvé comme lieu de villégiature la croisée d’ogive de cette salle ! De toute évidence, j’étais l’intrus de service qui venait troubler leur repos…
Pour ne pas les déranger plus longtemps, et après avoir pris quelques photos, je me dirigeai à pas feutrés vers la sortie…
– Assommoir : ouverture pratiquée dans la voûte d’un passage d’entrée, permettant un jet de projectile. – Baie géminée : baie groupée par deux, sans être en contact direct. – Basse-Cour : cour du château protégée par une enceinte. – Bossage : pierre de taille présentant des bosses sur la surface extérieure. Cette particularité donne ainsi au mur un aspect brut. – Courtine : partie de mur comprise entre deux tours. – Cul-de-lampe (culot) : ornement de sculpture servant à supporter une base de colonne, la retombée d’un arc, ou les nervures d’une voûte. – Trilobé : formé de la rencontre de trois cercles décrivant un trèfle. – Voûte en berceau : voûte semi-cylindrique, engendrée par un arc en plein cintre.
Sources :
Mes photos
Photos publiques Facebook
Fascicule explicatif offert au public avec le droit d’entrée.
Panneaux explicatifs exposés dans les salles du château à l’attention du public.
https://www.payscathare.org/les-sites/chateau-d-arques
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_d%27Arques