Une exploitation agricole au Moyen Âge
CHRONIQUES MÉDIÉVALES
UNE EXPLOITATION AGRICOLE AU MOYEN ÂGE
SOMMAIRE
La France de Charlemagne est essentiellement rurale. Sa richesse provient des domaines et des exploitations agricoles appartenant à de grands propriétaires (en général membres de deux des trois ordres nouvellement établis : le clergé et la noblesse), clercs ou laïcs.
Les paysans libres (vilains) ou non libres (serfs) sont contraints aux corvées et aux taxes. Ils doivent s’acquitter, sur leurs parcelles de terre comme sur celles de leurs maîtres, de dures et harassantes besognes.
Les serfs : paysans qui sont privés de leur liberté d’agir et de se déplacer à leur guise. Leurs droits sont limités, et leurs obligations importantes. Nombreux sont ceux qui travaillent sur la terre que s’est réservée le seigneur, aux champs ou aux jardins du château. Les serfs ont une existence insignifiante au sein de la communauté ; ils ne peuvent se marier en dehors de la seigneurie, ni la quitter, ni succéder à leur père sur la parcelle que ce dernier cultivait. Leurs enfants seront eux aussi serfs à leur tour.
A L’ORIGINE, LA VILLA OU (VILLAE) ROMAINE
Le mot latin « villa » désigne un domaine foncier composé de bâtiments d’exploitation et d’habitation. À l’époque romaine, une villa était un domaine rural, composé d’un bâtiment résidentiel principal et d’une série de bâtiments secondaires. Elle constituait alors le centre depuis lequel on gérait une exploitation agricole.
AU MOYEN ÂGE
Dans le contexte du Moyen Âge, une villa (du latin « villa rustica ») forme un domaine rural établi sous l’autorité d’un seul propriétaire.
On y exerce une économie domaniale, un système économique commun en Europe durant la période qui suit la chute de l’Empire romain d’Occident, et qui précède la formation du système féodal. Le servage y remplace peu à peu l’esclavage, sauf dans certaines régions comme la Normandie où l’un et l’autre disparaissent.
Villae : construction implantée uniquement dans les campagnes romaines ou les provinces. Ces domaines se caractérisent par une fonction exclusivement agricole, et sont donc destinés à la production agraire avant d’être des lieux d’habitation, de luxe et de loisir. Ils administrent un « fundus », qui peut être cultivé de différentes manières (céréaliculture, viniculture, oléiculture, horticulture, arboriculture…). Fundus : terrain agricole exploité par la villa. Pars urbana : partie résidentielle de la villa réservée au propriétaire. Pars rustica : partie rustique (agricole) de la villa dédiée à la production, où se trouvent les logements des travailleurs et les agencements liés à la production et au stockage. Pars fructuaria : partie réservée à la production destinée à l’exportation (bâtiments de stockage: greniers, caves spécifiques…).
LA VIE DES PAYSANS
Il faut survivre…
Les paysans se lèvent et se couchent avec le soleil. Les adultes et les enfants sont entassés dans de vétustes chaumières en bois, les aînés se blottissant contre les animaux de la ferme pour ne pas mourir de froid. L’existence est dure, et les paysans des « villae » carolingiennes n’ont pas la vie facile. Le plus difficile pour ces pauvres hères, c’est de subvenir à leurs besoins journaliers.
Bien entendu, leur priorité, c’est la nourriture. Leur alimentation est principalement constituée de maigres bouillies d’avoine, de baies sauvages ou d’orties cueillies dans les forêts alentours.
A cela viennent se rajouter les travaux et les corvées qu’ils ont obligation de fournir au seigneur ou à l’ecclésiastique dont ils dépendent. Ces paysans lui doivent, en échange de sa protection et du droit de posséder son « manse » (sa hutte et un lopin de terre suffisamment important pour nourrir une famille), des journées de travail sur ses terres. Ils lui doivent aussi des oboles annuelles en nature (vin, bétail, volailles, œufs, grain…) ou en argent. Toutes ces charges les pénalisent lourdement, et les empêchent la plupart du temps de subvenir à leurs propres devoirs envers leur famille.
Cultiver pour se nourrir…
Parmi ce petit peuple de défavorisés, une organisation voit le jour. La culture potagère se répand ; c’est un des seuls moyens dont dispose le paysan pour lutter contre la famine et la disette. Aussi, dans chaque village, les maisons ont un jardin : c’est l’enclos, ou le « courtil ».
On y cultive des légumes (comme des fèves ou des choux), qui se rajouteront au pain et au lard des jours gras. On y trouve aussi des arbres fruitiers, quelques vignes, et des herbes médicinales.
La nourriture habituelle est constituée de fromages, de lait caillé, de poisson salé, de pois, de haricots, de raves, d’oignons, de fruits, ainsi que de galettes cuites avec différentes farines mélangées.
Au-delà des clôtures qui cernent les logis, on trouve les terres défrichées, ou « coutures ». Sur ces parcelles, on récolte des céréales, comme le blé et le seigle, des plantes textiles, comme le lin et quelquefois le chanvre. Dans les zones humides, on fait pousser de l’herbe qui, une fois coupée et séchée, produira du foin pour les longs et rigoureux hivers.
D’autre part, les forêts, les bois, les landes, les marais et les étangs sont des propriétés privées qui appartiennent au seigneur. Les paysans sont autorisés à y faire paître leurs bêtes et y collecter du bois mort pour se chauffer. Ils peuvent aussi ramasser les bruyères, les fougères, et les feuillages sur le sol, qui seront utilisés comme litières pour les animaux.
QUI POSSÈDE LA TERRE ?
Les propriétaires sont les ecclésiastiques (les abbayes, les monastères…) ou les laïcs (la noblesse, les seigneurs…). Leurs fiefs sont parcellés en petits lots, qui sont cultivés par des agriculteurs embauchés par eux-mêmes.
Ces petites surfaces sont travaillées d’une manière rudimentaire : à la bêche et à la houe, puis plus tard à la charrue, tractée par une bête de somme (mulet, cheval, âne, bœuf…).
Les besoins et les nécessités des seigneurs sont réglementés par la « coutume ». Celle-ci peut varier d’une région à l’autre, quelquefois d’un domaine à l’autre. La terre est la propriété du seigneur. Dans la plupart des cas, ce dernier s’en attribue une part pour son exploitation personnelle : c’est la « réserve ». L’autre portion est répartie entre les paysans. Moyennant le payement d’une taxe, ces derniers se voient accorder des parcelles de terre, et sont soumis à la « corvée » pour l’entretien de la « réserve » seigneuriale. La coutume : « on appelle coutume les usages anciens et généraux ayant force de loi, qui forment le droit coutumier. La coutume est une source du droit, qui tire son autorité de l’acceptation implicite de toute la société ». La réserve : c’est la portion de territoire cultivée par des serfs (paysans non libres appartenant au seigneur), que le maître garde pour lui. La corvée : La corvée est, au Moyen Âge, un travail non rémunéré ordonné par un souverain, un seigneur ou un maître, à ses sujets et ses subordonnés, qu’ils soient de statut libre ou non. Cette tâche est effectuée gratuitement sur le domaine seigneurial. C’est un engrenage essentiel du système politico-économique médiéval. Cet impôt non payé est issu de la pénurie de monnaie à cette époque.
Le champart : impôt seigneurial prélevé en nature et proportionnel à la récolte. Il est retenu sur la moisson ou sur la vendange avant que l’exploitant ait récolté. Le cens : taxe payée en monnaie ou en nature sur les terres attribuées. Il disparaîtra, tout comme le servage, à la fin du Moyen Âge. La taille : impôt direct apparu au 12ème siècle en échange de la protection fournie par le seigneur. Elle se substitue au service des armes dû par tout homme libre. La gabelle : impôt indirect, très impopulaire, prélevé sur le sel. Cette taxe royale est en vigueur au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime. La dîme : impôt prélevé sur le bétail et les récoltes, destiné à l’entretien du clergé. Il représente pour les paysans un dixième de leurs récoltes, et pour les artisans, un dixième de leur production. La dîme saladine : destinée à financer les Croisades. Les tenures : ce sont des parcelles de terre concédées par un seigneur à un non noble. Le suzerain n’accorde que la jouissance temporaire à l’exploitant et reste propriétaire de son patrimoine. Ces sols sont occupés et cultivés par un vilain (paysan libre) en contrepartie de redevances ou de corvées (terre concédée par le seigneur au « tenancier »).
Lire : la paysannerie et la ruralité au Moyen Âge
LA COMMUNAUTÉ DES PAYSANS
À partir du XIème siècle, les « villa » se regroupent autour d’une source ou d’un cours d’eau, et généralement autour du château du seigneur, pour former des communautés de voisinage, de solidarité et d’entraide.
Les décisions sont prises par une assemblée de chefs de famille, avec souvent un représentant par « villa ». Et celui qui ne vient pas à la réunion sera redevable d’une amende. Ces réunions ostracisent les femmes ! Excepté les veuves, surtout si elles sont riches !
ÊTRE LIBRES OU NON LIBRES…
Dans les deux cas, la situation des paysans varie énormément. S’ils sont libres, ils peuvent en principe choisir de s’installer n’importe où dans l’Empire carolingien. Ils peuvent aussi échanger ou vendre leur « manse », transmettre leurs droits à leurs enfants et se marier selon leur bon vouloir.
En plus de leur chaumière, les mieux nantis possèdent un jardin qu’ils peuvent cultiver comme bon leur semble. Ils ont l’usufruit (contre redevance en service ou en corvée) des forêts et des friches du fief pour le bois de chauffage et de construction, ainsi que pour le pâturage des animaux domestiques.
DES CITOYENS A PART ENTIÈRE ?
Dans tout l’Empire carolingien, les paysans « libres » sont considérés comme des citoyens à part entière : ils ont prêté allégeance au seigneur. Et, s’ils sont propriétaires de plus de quatre « manses », ils doivent effectuer le service militaire.
En ce qui concerne les paysans « non libres », que ce soit par la naissance ou par punition, leur statut d’esclaves les met à la disposition de leur maître. Celui-ci peut, suivant son bon vouloir, les châtier, les marier ou les vendre. La plupart du temps, ces paysans « non libres » habitent sur le domaine, sous la direction d’un régisseur. Les hommes prennent soin du bétail, cultivent les potagers et les vergers, et élaborent des outils agricoles. Les femmes tissent des draps et des vêtements de laine.
Quelquefois, les mieux lotis logent dans un « manse » dont ils sont locataires.
LA GESTION SÉVÈRE DES DOMAINES : UNE PRIORITÉ POUR CHARLEMAGNE
L’organisation des possessions, dont le roi tire de grosses sommes d’argent, est rapidement devenue une priorité pour Charlemagne.
En 811, l’Empereur ordonne à ses envoyés (les missi dominici) de réaliser un inventaire très strict des différentes fiscalités de l’Empire. Il doit connaître les richesses de tous ses domaines, ceux-ci étant soumis à redevances (taxes, impôts).
Les grands propriétaires religieux vont suivre l’exemple du roi, et en faire de même avec leurs domaines.
En 813, l’abbé de Saint-Germain-des-Prés fait rédiger le « Polyptyque d’Irminon » (inventaire de biens). Y sont répertoriés, « villae » par « villae », le nombre des « tenures » (terres cultivées par le paysan sur le domaine), leur superficie, le nom des paysans, de leurs enfants, et le détail des taxes qui leur sont dévolues.
Mais toutes ces grandes dispositions présentent des failles et des lacunes. Tous ces fiefs soumis aux aléas climatiques et économiques ne permettent pas aux possédants de vivre sans craintes. A la peur de « manquer de ressources » viennent se rajouter la cupidité sans limites de certains seigneurs, ainsi que les terres abandonnées par des paysans partis s’installer ailleurs, les mauvaises récoltes aux productions minables, et le fléau des guerres.
Le paysan travaille la terre tous les jours de l’année, sauf les mois d’hiver (décembre, janvier et février). En mars, il taille la vigne. En avril, il consacre son temps à emmener le bétail en pâture et à sarcler la terre. En mai, il rassemble le fourrage pour les chevaux, le met à l’abri des intempéries et attache les vignes aux pieux (sarclage). En juin, c’est le temps des labours, en juillet celui de la fauchaison, et en août celui de la moisson. En outre, il doit comme chaque été rebâtir sa cabane, et s’affairer à son potager. En septembre et en octobre vient le temps des vendanges, et les ensemencements le font travailler toute la journée, de l’aube jusqu’au crépuscule. Enfin, en novembre, il met le vin en tonneau et bat le blé.
Sources :
Photos publiques Facebook
Les rois de France des Éditions Atlas (Les Carolingiens).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Domaine_m%C3%A9di%C3%A9val
https://villaegalloromaines.wordpress.com/glossaire/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Villa_romaine
https://www.sylvieteper.fr/sommaire/