La paysannerie et la ruralité au Moyen Âge
CHRONIQUES MÉDIÉVALES
LA PAYSANNERIE ET LA RURALITÉ
AU MOYEN ÂGE
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– Les jours fériés au Moyen Âge
INTRODUCTION
Au Moyen Âge, les paysans représentent 90% de la population. Ils ont une existence difficile, faite du labeur harassant de la terre. Leur vie se borne aux fiefs du seigneur dont ils dépendent, près du château. Ils doivent travailler dur pour se nourrir, subvenir aux besoins de leur protecteur, résister aux maladies et épidémies (peste, choléra, etc…), aux disettes et bien sûr aux guerres récurrentes que se livrent les différents souverains du royaume. Leur espérance de vie excède rarement les 40 ans.
Il faudra attendre le 13ème siècle pour que le monde rural connaisse une lente amélioration de sa condition de vie.
LA SOCIÉTÉ PAYSANNE
L’on distingue deux sortes de paysans :
LES SERFS : paysans qui sont privés de leur liberté d’agir et de se déplacer à leur guise. Leurs droits sont limités, et leurs obligations importantes. Nombreux sont ceux qui travaillent sur la terre que s’est réservée le seigneur, aux champs ou aux jardins du château. Les serfs ont une existence insignifiante au sein de la communauté ; ils ne peuvent se marier en dehors de la seigneurie, ni la quitter, ni succéder à leur père sur la parcelle qu’il cultivait. Leurs enfants seront eux aussi serfs à leur tour.
LES VILAINS : paysans libres de quitter le domaine. Nouveaux venus dans la population, ils défrichent et mettent en culture de nouvelles terres. Les taxes et les prestations dues sont plus faibles que pour les autres paysans. Le maître local voulant les garder à son service se montre moins strict.
Où travaillent-ils ?
LA SEIGNEURIE
Afin de mieux administrer ses domaines, le seigneur regroupe ses paysans dans de petits villages et par foyer. Plusieurs générations d’individus d’une même famille vivent réunies dans une même cabane. Autour de la chaumière on trouve des jardins clos, et au-delà, les champs, les pâturages, et enfin la forêt. Il est à noter que les vieillards sont rares car l’espérance de vie est courte.
LA CHAUMIÈRE
Généralement, c’est une misérable masure construite en bois et en torchis, recouverte d’un toit de chaume. Cet abri précaire n’a la plupart du temps qu’une seule pièce ; les murs orbes ne disposent que de rares lucarnes sans vitres, que l’on ferme avec de simples volets de bois, la nuit tombée. Le sol est en terre battue. A l’intérieur, l’on trouve un mobilier spartiate ; des bancs, des coffres de rangements, quelquefois des escabeaux, et un lit recouvert d’une paillasse. Les plus pauvres couchent sur de la paille.
L’équipement est des plus sommaires. Comme ustensiles de ménage on utilise une poêle, des pots de différentes dimensions, des cuillers, des couteaux, et un croc pour suspendre le chaudron au-dessus de l’âtre. C’est dans cet environnement que vit le paysan. Exposé aux incertitudes du climat et au bon vouloir de son seigneur, il représente l’ultime maillon du monde médiéval.
LA SURVIE
Parmi ce petit peuple de défavorisés, une organisation voit le jour. La culture potagère se répand ; c’est un des seuls moyens dont dispose le paysan pour lutter contre la famine et la disette. Aussi, dans chaque village, les maisons ont un jardin : c’est l’enclos, ou le « courtil ».
On y cultive des légumes, comme des fèves ou des choux, qui se rajouteront au pain et au lard des jours gras. On y trouve aussi des arbres fruitiers, quelques vignes, et des herbes médicinales. La nourriture habituelle est constituée de fromages, de lait caillé, de poisson salé, de pois, de haricots, de raves, d’oignons, de fruits, ainsi que de galettes cuites avec différentes farines mélangées. Au-delà des clôtures qui cernent les logis, on trouve les terres défrichées ou « coutures ». Sur ces parcelles, on y récolte des céréales, comme le blé et le seigle, des plantes textiles, comme le lin et quelquefois le chanvre. Dans les zones humides, on fait pousser de l’herbe qui, une fois coupée et séchée, produira du foin pour les longs et rigoureux hivers. D’autre part, les forêts, les bois, les landes, les marais et les étangs sont des propriétés privées qui appartiennent au seigneur. Les paysans sont autorisés à y faire paître leurs bêtes et collecter du bois mort pour se chauffer. Ils peuvent aussi ramasser les bruyères, les fougères, et les feuillages sur le sol, qui seront utilisés comme litières pour les animaux.
LES REVENUS FONCIERS DU SEIGNEUR
Les besoins et les nécessités des seigneurs sont réglementés par la « coutume ». Celle-ci peut varier d’une région à l’autre, quelquefois d’un domaine à l’autre. La terre est la propriété du seigneur. Dans la plupart des cas, ce dernier s’en attribue une part pour son exploitation personnelle : c’est la « réserve ». L’autre portion est répartie entre les paysans. Moyennant le payement d’une taxe, ces derniers se voient accorder des parcelles de terre, et sont soumis à la « corvée » pour l’entretien de la « réserve » seigneuriale.
LA COUTUME : « on appelle coutume les usages anciens et généraux ayant force de loi, qui forment le droit coutumier. La coutume est une source du droit, qui tire son autorité de l’acceptation implicite de toute la société ».
LA RÉSERVE : c’est la portion de territoire cultivée par des serfs (paysans non libres appartenant au seigneur), que le maître garde pour lui.
LA CORVÉE : La corvée est, au Moyen Âge, un travail non rémunéré ordonné par un souverain, un seigneur ou un maître, à ses sujets et ses subordonnés, qu’ils soient de statut libre ou non. Cette tâche est effectuée gratuitement sur le domaine seigneurial. C’est un engrenage essentiel du système politico-économique médiéval. Cet impôt non payé est issu de la pénurie de monnaie à cette époque.
UNE MULTITUDE DE DROITS SEIGNEURIAUX
LE CHAMPART : impôt seigneurial prélevé en nature et proportionnel à la récolte. Il est retenu sur la moisson ou sur la vendange avant que l’exploitant ait récolté.
LE CENS : taxe payée en monnaie ou en nature sur les terres attribuées. Il disparaîtra, tout comme le servage, à la fin du Moyen Âge.
LA TAILLE : impôt direct apparu au 12ème siècle en échange de la protection fournie par le seigneur. Elle se substitue au service des armes dû par tout homme libre.
LA GABELLE : impôt indirect, très impopulaire, prélevé sur le sel. Cette taxe royale est en vigueur au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime.
LA DÎME : impôt prélevé sur le bétail et les récoltes, destiné à l’entretien du clergé. Il représente pour les paysans un dixième de leurs récoltes, et pour les artisans, un dixième de leur production.
LA DÎME SALADINE : destinée à financer les Croisades.
LA « DÎME SALADINE » DES DEUX CÔTES DE LA MANCHE
EN FRANCE
C’est une fort désagréable nouvelle que le peuple du royaume de France découvre en ce mois de mars 1188. Philippe Auguste, afin de financer la Troisième Croisade, vient de lever un nouvel impôt, la « dîme saladine », une taxe écrasante pour les petites gens. Cette mesure fiscale instaurée par le monarque français va entraîner une série de protestations et de révoltes. Les plus virulentes seront conduites par le clergé. L’opposition de l’Eglise est instantanée et sans compromis. « La Croisades de Dieu » ne doit pas faire préjudice aux plus pauvres et aux plus démunis…
EN ANGLETERRE
De l’autre côté de la Manche, le modèle anglais est plus intransigeant. Henri II, puis son fils Richard Cœur de Lion en 1189, ne reculeront pas : la « dîme saladine » est instaurée envers et contre tout. Cet impôt deviendra même une pièce essentielle du système fiscal anglais. D’ailleurs, plus tard en 1194, les sommes récoltées seront utilisées pour financer le prix de la rançon pour la liberté de Richard, alors retenu prisonnier en Autriche par Léopold V de Babenberg. A son tour, en 1207, son frère Jean sans Terre transformera cet impôt en une « taxe royale ».
EN ATTENDANT LES ENGRAIS ET LES PESTICIDES !
Les terres pauvres s’épuisent rapidement ; l’on ne connaît pas encore l’engrais. Pour y remédier, les paysans pratiquent la jachère. Ils laissent reposer les sols un an sur deux, parfois trois. Les productions sont médiocres : quatre ou cinq grains récoltés pour un grain semé. Les rendements diminuent d’autant plus lors des sécheresses ou des épisodes pluvieux trop abondants.
LA DÉFORESTATION, DÉJÀ…
A partir du 12ème siècle, sous le règne de Philippe Auguste, les grandes forêts d’Occident reculent face aux importants défrichements. De grandes clairières apparaissent et de nombreux villages naissent partout dans les espaces ainsi libérés. Les paysans, soudainement devenus à l’étroit dans leur « tenures » louées par le seigneur, cherchent à s’étendre et à augmenter la production de leurs parcelles cultivables.
LES TENURES : ce sont des parcelles de terre concédées par un seigneur à un non noble. Le suzerain n’accorde que la jouissance temporaire à l’exploitant et reste propriétaire de son patrimoine. Ces sols sont occupés et cultivés par un vilain (paysan libre) en contrepartie de redevances ou de corvées. (Terre concédée par le seigneur au « tenancier»).
Ces initiatives ne sont pas pour déplaire au seigneur. En favorisant ces entreprises, il accroît du même coup les terres soumises aux taxes et redevances. En outre, les champs conquis sur les forêts dégagent un sol riche rempli d’humus et fertilisé par les cendres des arbres arrachés et brûlés.
NOUVELLES CULTURES
Progressivement, la condition de vie du paysan prend un nouvel essor. De nouvelles méthodes de cultures apparaissent, avec l’introduction de céréales de printemps comme l’orge et l’avoine, ainsi que des légumineuses (pois, haricots…).
Les outils en fer remplacent les instruments en bois, et la charrue vient se substituer à « l’araire ».
L’apparition de forges dans les villages témoigne d’un net progrès du travail du fer (maréchal ferrant) et de celui de la métallurgie en général.
Tous ces grands projets de défrichement attirent de nombreux journaliers étrangers à la région. On les nomme « les hôtes ». Ils sont alléchés par les avantages qui leur sont alloués afin de les retenir sur place (redevances plus faibles, corvées réduites). Souhaitant une vie et des privilèges meilleurs, beaucoup de paysans sont tentés de quitter leur seigneur pour s’enrôler comme « hôtes ». Afin de juguler cette hémorragie de départs sur leurs terres, certains grands féodaux choisissent de diminuer les taxes et droits qui écrasent la paysannerie. Nonobstant, la destiné de ceux qui cultivent la terre ne sera pas plus enviable pour autant.
« DES SERFS ET DES VILAINS»
Bonjour j’ai un doute sur cette affirmation « l’espérance de vie des paysans n’excède pas 40 ans et les vieillards sont rares ».
L’ espérance de vie générale n’excédait pas 40 ans car le taux de mortalité infantile était très élevé et que beaucoup de bébés mourraient après la naissance, cela implique que toutes les classes d’age étaient représentées, Non ?
Bonjour, certes vous avez raison, mais à cela il faut rajouter, les maladies, les épidémies, les guerres etc… C’est pour cette raison que mon chiffre tient compte de tous ces paramètres. Lorsque j’avance le chiffre de 40, je fais référence à tous ceux qui ont pu traverse sans dommages tous les fléaux de cette époque. Tout en sachant qu’en ces temps médiévaux, lorsqu’on atteignait l’âge de 40 ans, on était vieux. Je vous remercie pour votre message et de m’avoir lu.
Cordialement.
JMB
Bonjour, les serfs étaient liés à la terre, certes, mais dans des deux sens, à savoir qu’ils ne pouvaient en sortir, mais ils ne pouvaient pas non plus en être exclus. Sécurité juridique. Concernant leur existence juridique, ils ne peuvent être assimilés aux esclaves, qui sont réellement des meubles en Droit romain. A l’ère féodale, ils peuvent se marier, transmettre un héritage meuble (pas immeuble), et certains cerfs (peu mais tout de même) sont devenus fort riches en acquérant certains biens en donation, notamment de certains couvents.
Bonjour,
Je tenais à vous féliciter pour votre article sur la paysannerie et la ruralité au Moyen Âge. Votre analyse est très juste et vos exemples précis permettent de mieux comprendre la vie quotidienne de l’époque. J’ai particulièrement apprécié votre approche qui met en avant la place centrale de la paysannerie dans la société médiévale.
Je suis curieux de savoir si vous avez une idée de l’évolution de la paysannerie et de la ruralité après le Moyen Âge. Peut-être pourriez-vous écrire un autre article sur ce sujet ?
En tout cas, merci pour ce bel article !
Cordialement,
Félicitations pour cet article très intéressant sur la paysannerie et la ruralité au Moyen Âge. J’ai particulièrement apprécié l’analyse de l’évolution de la place des paysans dans la société médiévale et les conséquences que cela a eu sur leur quotidien. Votre article m’a donné envie de poursuivre mes recherches sur ce sujet fascinant. Merci pour cette belle découverte !
Bonjour Jean-Marie,
Je viens de lire votre article sur la paysannerie et la ruralité au Moyen Âge avec grand intérêt. Votre analyse de la vie quotidienne des paysans est très pertinente et permet de mieux comprendre leur place dans la société médiévale.
Votre article suscite en moi plusieurs questions sur les conditions de vie des paysans et leur relation avec les seigneurs féodaux. J’aimerais beaucoup en discuter avec vous et échanger sur ce sujet passionnant.
Merci pour cet article instructif et passionnant !
Bien à vous.