L’apparition de l’artillerie médiévale
LA GUERRE DE CENT ANS
De 1337 à 1453
LES VALOIS DIRECTS
L’APPARITION DE L’ARTILLERIE MÉDIÉVALE
Les Michelettess tirent leur nom d’un fait historique, la guerre de Cent Ans, au cours de laquelle les Anglais assiégèrent le Mont Saint-Michel. La tradition montoise relate que le 17 juin 1434, lors d’une attaque, les défenseurs Montois repoussèrent les troupes de Thomas de Scales ; ces derniers, dans leur débâcle, abandonnèrent sur la grève deux bombardes. Ces canons furent rapatriés intra-muros, à l’entrée de la ville, comme trophées, par les habitants du Mont qui en firent le symbole de leur indépendance. Ces deux pièces d’artillerie portent depuis le nom de Michelettes.
Lire : La résistance héroïque de Mont Saint Michel.
UNE ARTILLERIE PRIMITIVE
C’est en Europe, au début du XIVème siècle, que l’on assiste au développement des pièces d’artillerie. Celles-ci, primitives et peu opérantes, furent souvent utilisées dans la guerre de siège dès le milieu du XVIème siècle. La plupart du temps, le boulet de pierre se brisait à l’impact et son effet était plutôt d’ordre psychologique et sûrement moins efficace que les projectiles envoyés par les catapultes, mangonneaux, trébuchets, etc…
De plus, ces pièces (appelés bombardes) étaient très lourdes et leur cadence de tir très faible, ce qui les rendait inaptes et inefficaces pour être utilisées sur le champ de bataille.
Néanmoins, l’évolution des techniques de production va améliorer ces différentes bouches à feu qui seront de plus en plus légères et plus faciles à manier. Un de ces premiers canons, appelé Pots de fer en France et Vari en Italie, était un engin de petit calibre qui tirait une balle en fer, de petits boulets de pierre ou des carreaux d’arbalète.
Les termes médiévaux employés pour l’artillerie sont souvent imprécis, ce qui rend difficile toute classification drastique pour le XIVème et le début du XVème siècle.
En fait, c’est une période où abonde une très grande variété d’armes en tout genre, aux noms bizarres tels que nases, mortiers ou bombardes, gros canons, veuglaires, serpentines, crapaudins ou crapaudines, ribauquins, couleuvrines, etc… En effet le vocabulaire ne manque pas pour désigner aux XIVème et XVème siècles les premiers canons.
Nous sommes pourtant bien loin des engins de destruction massifs. Pourtant ces nouvelles armes engendrent une panique et une terreur intense, aussi bien chez les servants de l’arme que chez l’adversaire. Cela vient davantage de leur caractère imprévisible que de leur efficacité hasardeuse.
MORTIERS, BOMBARDES, SERPENTINES ET COULEVRINES, DES DIFFÉRENCES NOTOIRES…
LES ARMES PORTATIVES
Ce sont les couleuvrines ou les serpentines.
LES ARMES LOURDES
Ce sont les Mortiers, « Canons », Bombardes (pièces qui ne lancent pas de bombes), Bombardes à culasse, Bombardelles (pièces portatives).
Les bombardes lancent une grosse pierre qui sera appelée plus tard « boulet » lorsqu’elle sera taillée en boule.
Enfin, on distingue, outre les pièces se chargeant par la bouche, des pièces approvisionnées par la culasse, connues sous le nom de veuglaires et de crapaudeaux.
LA GUERRE AU MOYEN ÂGE
La guerre au Moyen Âge est une affaire permanente. Le seigneur qui rend hommage à son souverain part guerroyer pour son roi avec ses gens. En temps de paix, il occupe son temps en faisant des jeux de guerre, comme des tournois. En fait, la guerre est une occupation de tous les instants.
Aussi, cette société belliqueuse demande de perpétuels inventions et perfectionnements. Et l’artillerie est un exemple de choix.
La première annotation de la formule de la poudre à canon apparaît en 1044 dans un ouvrage chinois. Le mot artillerie découle de l’ancien français « artillier » (décorer avec soin), d’où provient le mot « artillier » (qui désigne le fabricant d’engin de guerre). Quant au mot « canon », on ne le verra apparaître qu’en 1326.
La Guerre de Cent Ans est une bonne occasion pour introduire ces engins de guerre qui donnent autant de frayeur chez les artilleurs que chez l’ennemi. Il s’agit en fait d’un tube en fer qui envoie à plusieurs dizaines de mètres une grosse pierre dont on a pris soin de la tailler en boule.
En France, c’est au cours de la première année de la Guerre de Cent Ans que ces bouches à feu (ou bombardes) voient le jour (1337-1338).
On leur donne des noms curieux comme « martinets », « engins volants », « truies », « bricoles », ou encore « couillards ».
On cite que Philippe le Bon, duc de Bourgogne, fit construire en 1457 un canon géant de 17 tonnes, capable de projeter des boulets de plus de 250 kilos.
Ces pièces colossales sont assez rapidement abandonnées car difficiles à manœuvrer sur le champ de bataille. Elles sont transportées sur des charriots, à quatre voire même huit roues. On les place sur un chevalet ou un châssis avant de faire feu, quand on le peut ou quand la charpente ne s’affaisse pas sous le poids de l’engin.
En 1450, dès que naît l’artillerie tractée, plus maniable, le canon s’appuie alors sur simple affût, monté sur un essieu, doté seulement de deux roues.
UN PEU D’HISTOIRE
C’est pourtant essentiellement à Louis XI et aux ducs de Bourgogne qu’on doit attribuer la création de l’Arme de l’Artillerie. Au départ, les accidents sont nombreux. Cela est dû en partie à la mauvaise connaissance de ce nouveau produit, à l’amateurisme et à l’improvisation. Louis XI décide de la création d’une ferme du salpêtre, indispensable à la fabrication de la poudre noire. Il fait couler, à l’instigation des frères Bureau, douze pièces de 45 livres (les 12 pairs de France). En décembre 1444, Gaspard, le cadet des frères Bureau, sera fait Maître de l’artillerie.
BRUYANT ET INOFFENSIF !
Vers 1460, l’armée Française s’enorgueillit d’être, avec ses 150 pièces d’artillerie, la première au monde.
Mais le nombre ne fait pas tout ; cette arme est-elle vraiment efficace ? Durant la seconde moitié du XVème siècle, les bouches à feu sont très peu utilisées dans les batailles rangées, car elles ne suffisent pas à assurer la victoire.
On cite que lors de la bataille de Brustem (le 28 octobre 1467), qui met face à face les Bourguignons aux Liégeois, l’artillerie a fait preuve d’une grande vulnérabilité. La bataille débute par une canonnade bourguignonne qui envoie une soixantaine de boulets sur les lignes adverses. Le tir est inefficace, car les arbres et les haies gênent leurs trajectoires. Et du côté liégeois, abrités derrière des palissades, on riposte par des tirs inoffensifs à l’aveugle qui ne parviennent pas à stopper l’attaque ennemie. Les Bourguignons ayant abandonné leur artillerie derrière eux gagnent la bataille… et les canons avec.
De plus, et cela représente un inconvénient de taille, les cadences de tir sont peu nombreuses : quarante coups par jour avec une portée de quelques centaines, voire de dizaines de mètres. Dès les premiers coups tirés, l’ennemi n’a plus qu’à s’emparer des canons et à les rendre inutilisables. Il devient impératif alors de protéger les bouches à feu derrière des « gros guets », fagots et monticules de terre. Toutes ces précautions peuvent certes éviter la prise des pièces d’artillerie par l’ennemi, mais gênent considérablement le tir.
LA BOUCHE A FEU, UNE ARME DE SIÈGE ET DE DÉFENSE…
Pour les seigneurs médiévaux, le principal intérêt d’employer ces machines réside essentiellement dans la guerre de siège, contre des places fortes. Ces stratèges du Moyen Âge ont compris tout le bénéfice qu’ils peuvent obtenir par des tirs de barrage. En effet, les bouches à feu servent à protéger les sapeurs qui creusent des tranchées et qui vont permettre aux assaillants de parvenir jusqu’au fossé et aux remparts.
En 1428, les Anglais envoient contre les murailles de la ville d’Orléans 124 pierres de bombardes, dont quelques-unes pèsent plus de 60 kilos. On sait maintenant que les canons peuvent ouvrir des brèches dans les fortifications les plus imposantes (30 ou 40 pièces à feu peuvent transpercer des murs de 8 pieds d’épaisseur).
Dès lors, les villes et les châteaux forts s’adaptent, et construisent dans leurs murs des systèmes de défenses comme des canonnières.
Château de Lourmarin (Vaucluse)
Château de Barroux (Vaucluse)
Ainsi en 1468, la cité de Bourg-en-Bresse, assaillie par les troupes de Louis XI, défend chacune de ses six portes par six canons.
On cite aussi la ville de Rennes, qui acquiert entre 1450 et 1492 45 canons, 32 serpentines, et 65 couleuvrines.
En 1479, Strasbourg est équipée de 476 pièces d’artillerie.
A la fin du XVème siècle, de nombreuses cités paient avec le maître horloger un maître canonnier.
LES « CALIBRES DE FRANCE »
Les « Calibres de France » étaient un système de normalisation des canons en France. Il fut établi par le roi François Ier de France à partir de 1525 environ. Le but était de simplifier et de codifier la canonnerie, afin de faciliter la production.
Le 26 septembre 1526, François Ier l’écrit sur « l’artillerye de mon calibre ». Une mention encore plus ancienne est connue à partir de 1512. Les Calibres de France ont été officialisés dans une ordonnance de 1552.
On dénombre six calibres standards : le canon, la couleuvrine « grande », la couleuvrine « bâtarde », la couleuvrine « moyenne », le Falconet (Faucon), et le Fauconneau.
Le système a été élargi par une ordonnance du 27 novembre 1572 et par un édit datant de décembre 1601.
Le système « Calibres de France » à 6 canons était encore en place à l’époque de Louis XIII. Par la suite, le système a été étendu à 18 canons.
En 1666, le système a été progressivement supprimé avec le système Keller puis, le 7 octobre 1732, avec le système De Vallière.
Jean-Florent de Vallière (7 septembre 1667 – 7 janvier 1759) était un officier d’artillerie français du XVIIIème siècle. Le système de Vallière utilisait le carottage de l’alésage des canons fondés en une seule pièce de bronze. Une méthode développée à l’époque par Jean Maritz, qui permettait une bien plus grande précision de la forme et de la surface de l’alésage, et donc une plus grande efficacité de tir. Jean Maritz (1680-1743) était un mécanicien suisse appelé en France au poste de Commissaire des Fontes à Strasbourg. Il mit au point une machine à aléser verticale, puis une machine à aléser horizontale.
PETIT LEXIQUE
Bouche à feu : terme générique employé pour désigner les armes à feu qui ne se portent pas, tels les canons, les mortiers.
Bombarde (poids de 3600 livres) : machine de guerre pouvant lancer des boulets de pierre d’un poids variant de 50 à 500 kilos.
Veuglaire (poids de 300 à 900 livres) : pièce d’artillerie des XIVème et XVème siècles qui se chargeait par la culasse. Ces « bouches à feu » étaient appelées acquéraux, sarres ou spiroles, et plus tard veuglaires.
Crapeaudeau (ou petite veuglaire) : bouche à feu se chargeant par la culasse, de petite dimension, qui envoyait des tirs directs dits « de plein fouet » (poids de 200 à 250 livres).
Couleuvrine : petite pièce d’artillerie au tube long et effilé de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance qui tire des boulets (de pierre ou de métal). Elle doit son nom à la couleur du métal utilisé qui rappelait celle de la couleuvre.
Serpentine, ou Couleuvrine (poids de 12 à 60 livres) : canon léger monté sur un affût à roues.
Faucon : petit canon léger (aussi appelé fauconneau).
Mortier : bouche à feu qui effectuait des tirs courbes.
Sources :
Photos publiques Facebook
Mes photos
Les rois de France des Éditions Atlas (Valois directs).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Cent_Ans
https://fr.wikipedia.org/wiki/Michelettes_du_Mont_Saint-Michel
https://fr.wikipedia.org/wiki/Artillerie_m%C3%A9di%C3%A9vale
http://www.artillerie.info/styled-2/page-2/
https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Merveilles_de_la_science/L%E2%80%99Artillerie_ancienne_et_moderne
Bonjour,
Je tenais à vous féliciter pour votre article sur l’apparition de l’artillerie médiévale. Votre analyse est très intéressante et apporte un éclairage nouveau sur cette période historique. J’ai particulièrement apprécié votre approche détaillée des différents types d’armes utilisées à l’époque.
Je me demande toutefois si vous pourriez évoquer les conséquences politiques et militaires de l’arrivée de l’artillerie médiévale. Quel a été son impact sur les conflits de l’époque ? Comment les armées ont-elles dû s’adapter à cette nouvelle arme ?
Merci encore pour cet article passionnant. J’attends avec impatience votre réponse.
Cordialement.