La Guerre de Sécession – La bataille navale d’Hampton Roads
LA GUERRE DE SÉCESSION
(1861-1865)
LA BATAILLE
NAVALE
D’HAMPTON ROADS
(Les 8 et 9 mars 1862)
SOMMAIRE
Les 8 et 9 mars 1862, à la confluence des rivières Elizabeth, Nansemond et James, va se dérouler le célèbre combat de Hampton Roads. Cette bataille navale va être le théâtre d’un affrontement singulier et titanesque entre les deux premiers cuirassés (Ironclads) de l’Histoire de la Marine de guerre. Ce jour-là, le « Monitor » et le « Virginia » (ex Merrimack) ont rendez-vous avec l’Histoire.
SITUATION
Situé sur la côte Est de l’Amérique du Nord, le bras de mer d’Hampton Roads se partage en plusieurs rivières. Il permet de remonter aussi bien jusqu’à Washington, la capitale nordiste, qu’à Richmond, la capitale confédérée. La branche nord se jette dans la baie de Chesapeake où débouche la York River.
Le combat naval aura lieu au confluent de la James River dans la branche sud (celle qui vient de l’ouest), et de l’Elizabeth River (celle qui vient du sud). Ce confluent porte le nom d’Hampton Roads. Si on poursuit vers l’Est, on rejoint l’Océan Atlantique.
En remontant la James River, vers l’ouest, on arrive à Richmond. En remontant la Elizabeth River, vers le sud, on arrive à Norfolk, puis à l’arsenal de Gosport.
Le 17 février 1862, le cuirassé Merrimack, renommé « Virginia » après sa remise en état dans l’arsenal de Gosport, appareille avec sa nouvelle superstructure blindée.
Le Merrimack est lancé à Boston le 15 juin 1854. Son nom vient d’une rivière du New Hampshire, qui se jette dans l’Atlantique après avoir parcouru un trajet d’environ 300 kilomètres. Au début du conflit, le Sud ne dispose pas de marine de guerre. Au déclenchement des hostilités, le Merrimack est en réparation à l’arsenal de Gosport, près de Norfolk, en Virginie. Les machines à vapeur de la frégate y sont démontées pour un entretien et une révision complète. Le 17 avril 1861, l’arrivée de l’armée confédérée menace le chantier naval. Les machines du Merrimack sont alors réinstallées en urgence. Le navire tente d’appareiller, mais en vain. Les sudistes ont coupé le passage en aval de l’arsenal Gosport. Des embarcations ont été coulées pour bloquer le cours de la rivière, rendant impossible toute navigation. Les Fédéraux sont forcés d’évacuer la région manu militari. Dans la nuit du 20 avril 1861, ils mettent le feu à l’arsenal et sabordent les navires qui s’y trouvent, dont le Merrimack. Par chance, seules la mâture et les superstructures de la frégate brûlent. Le bateau coule dans les eaux peu profondes de l’Elizabeth River, avant que sa coque ne soit entièrement atteinte par les flammes. Pour les Sudistes, le choix est simple : faute de temps et d’argent, il est plus facile de restaurer des navires existants plutôt que d’en construire pour se constituer une marine de guerre. (La valeur du Merrimack renfloué est estimée à 250 000 $ ; sa remise en état comme frégate, à 450 000 $ au moins. La transformation en cuirassé est, elle, estimée à 172 523 $). Ceci explique l’intérêt porté à l’épave de la frégate. Le 24 mai 1861, une société privée locale, moyennant 6 000 $, effectue le renflouage de l’épave et l’installe en cale sèche dans l’arsenal que les Nordistes ont oublié de saboter. Le 17 février 1862, le Merrimack, renommé « Virginia », est remis en état et appareille avec sa nouvelle superstructure blindée.
« Il avançait, fendant les flots tel un énorme crocodile à demi immergé. A la proue je pouvais distinguer l’éperon métallique qui pointait droit devant ». « La Guerre de Sécession », de Ken Burns.
Les Confédérés viennent de crééer le premier navire cuirassé de l’Histoire de la Marine de guerre, sans rival dans la flotte de l’Union. Ils le rebabtisent « Virginia ». A partir de cette date, la marine de guerre sudiste est la maîtresse incontestée des mers.
FORCES EN PRÉSENCE
POUR LES FÉDÉRAUX
La force navale nordiste est composée de plusieurs vaisseaux de l’escadre qui ont instauré le blocus des côtes de la Confédération en avril 1861 (plan Anaconda). Elle est constituée de 6 voiliers, certains à vapeur, tous construits en bois. Le plus gros est armé de 50 canons. Ces navires font partie des unités les plus puissantes de la Marine de l’Union.
COMPOSITION DE LA FLOTTE NORDISTE :
La frégate à vapeur USS Minnesota est lancée en 1855. Elle jauge 4833 tonnes. Son armement est constitué de 43 canons.
La frégate USS Cumberland est lancée en 1842. Elle jauge 990 tonnes. Son armement est constitué de 24 canons.
La frégate USS Congress est lancée en 1841. Elle jauge 1867 tonnes. Son armement est constitué de 50 canons.
La frégate à vapeur USS Roanoke est lancée en 1855. Elle jauge 4772 tonnes. Son armement est constitué de 43 canons. Ayant une avarie d’hélice, elle ne pourra compter sur sa machine.
La frégate USS St-Lawrence, a les mêmes caractéristiques que celles du Congress.
Plusieurs dizaines d’autres navires nordistes sont à proximité : des remorqueurs, des transports, et des ferries, mais ils n’interviendront pas dans les combats. Dans les parages, on compte aussi un ancien paquebot à roues à aube latérales, le USS Vanderbilt. Ce dernier possède une proue renforcée pour éventuellement éperonner le CSS Virginia (alias Merrimack).
Une unité supplémentaire est en route pour rejoindre l’escadre, le cuirassé USS Monitor.
Les cinq frégates de l’Union sont réparties le long de la rive nord, dans le chenal menant à la James River. Dans l’ordre, et de l’ouest vers l’est, on trouve l’USS Cumberland, l’USS Congress, L’USS Minnesota, l’USS Roanoke et l’USS St-Lawrence.
COMPOSITION DE LA FLOTTE CONFÉDÉRÉE :
POUR LES CONFÉDÉRÉS
L’escadre sudiste se compose du navire cuirassé CSS Virginia (alias Merrimack) escorté de quelques navires plus petits.
Le CSS Patrick Henry jauge 1400 tonnes, avec roues à aubes latérales. Nommé Yorktown avant d’être saisi par les sudistes, il assurait la liaison entre Washington et Richmond. Il est armé maintenant de 10 canons et d’un équipage de 150 officiers et marins.
Le CSS Jamestown est un navire similaire au précédent.
Le CSS Teaser est un remorqueur de 65 tonnes. Il est armé de 2 canons, un de 32 livres et un de 12 livres.
Ces trois bâtiments sont dans la James River, en amont, bloqués par l’escadre nordiste.
Accompagnant le Merrimack, on trouve le CSS Raleigh, remorqueur de 65 tonnes, et le CSS Beaufort, de même tonnage. Ils sont armés chacun d’un canon de 32 livres.
L’effectif du CSMC est d’abord de 45 officiers et 944 hommes. Le 24 septembre 1862, il passe à 1026 hommes recrutés. Son organisation débute à Montgomery, en Alabama, et se termine à Richmond, en Virginie, siège de la capitale confédérée qui vient d’être déplacée. Tout au long de la Guerre, le centre nerveux du CSMC et les installations principales de formation resteront à Richmond. Durant toute la période du conflit, ils seront situés dans le camp Beall, sur Drewry’s Bluf,f et au chantier naval de Gosport à Portsmouth, en Virginie. C’est le 9 avril 1865 que la dernière unité du CSMC se rendra aux forces de l’Union.
John (Johan) Ericsson naît le 31 juillet 1803 à Långbanshyttan, en Suède. Il meurt le 8 mars 1889 à New York. En 1839, après des débuts discrets en Grande-Bretagne, et après avoir tenté vain de vendre à la marine britannique un nouveau modèle de navire de guerre, il émigre aux USA. Il y effectuera la plus grande partie de sa carrière. Il y créera par exemple la locomotive Novelty, le moteur Ericsson, l’USS Monitor, et travaillera sur la propulsion à hélices. D’un caractère difficile, Ericsson est mal perçu par l’état-major de la marine américaine qui le dit fier, vaniteux, et loufoque. Cet homme très controversé a beaucoup de rancœur envers le gouvernement fédéral. Il estime ne pas avoir été correctement payé pour des services rendus plusieurs années auparavant. Mais finalement, son projet sera retenu in-extrémis !
Lincoln sait pourtant qu’il n’y a qu’un seul homme en Amérique pour battre le CSS Virginia (alias Merrimack) : c’est Ericsson.
Gideon Welles, le ministre de la marine des États-Unis, le supplie de faire quelque chose pour stopper l’« ironclad » confédéré ; Ericsson finit par accepter.
Il lui propose un navire équipé seulement de deux canons montés dans une tourelle pivotante. Le vaisseau sera entièrement construit en fer. Mais, assure Ericsson, « la mer lui glissera dessus et il s’y sentira aussi à l’aise qu’un canard ».
Le projet est mal accueilli par les spécialistes de la Marine ; ils estiment qu’il est farfelu et irréalisable. Mais Lincoln passe outre les avis de ses amiraux, et donne son accord pour que l’inventeur suédois construise son bateau.
Le 30 janvier 1862, 100 jours plus tard, le navire cuirassé d’Ericsson est mis à l’eau sur l’East River qui coule le long de Manhattan. Le prototype est baptisé Monitor. Lorsqu’on le regarde, il ne ressemble à rien de ce qui s’est fait jusqu’alors (on dénombre à son bord pas moins de 47 inventions susceptibles d’être brevetées).
« Nous sommes allés d’abord du côté de Manhattan, puis jusqu’à Brooklyn, louvoyant ainsi à travers le fleuve tel un individu ivre sur un trottoir ». « La Guerre de Sécession », de Ken Burns.
Le bateau refuse obstinément d’obéir au gouvernail. Une fois en mer, il commence à prendre l’eau, et les ventilateurs tombent en panne. Le gaz s’accumule à l’intérieur et plusieurs membres de l’équipage perdent connaissance. Mais le Monitor poursuit tant bien que mal sa route vers le Sud. Le Virginia l’attend à 650 km de là, au large de la Virginie.
« Il faut qu’on me pardonne ici la comparaison très familière dont je vais me servir pour figurer aux yeux du lecteur cet étrange bâtiment, « le Monitor ». Il n’est personne qui ne connaisse ces biscuits de Savoie cylindriques, couverts d’une croûte de chocolat, l’un des principaux ornements de nos pâtisseries. Qu’on se représente ce gâteau placé dans un plat oblong, et l’on aura une idée exacte de l’apparence extérieure du Monitor. Le biscuit de Savoie est une tour en fer, percée de deux ouvertures par lesquelles passe la gueule de ses deux énormes canons. Cette tour a la propriété de tourner sur son axe par un appareil très ingénieux, de manière à diriger son tir sur n’importe quel point de l’horizon. Quant au plat oblong sur lequel le plateau est placé, c’est une espèce de couvercle posé à fleur d’eau sur la coque et qui contient la machine, le logement de l’équipage, les approvisionnements ; son déplacement supporte le tout. De loin, on ne voit que la tour ; cette tour flottante, d’un aspect si nouveau, fut la première chose qu’aperçurent le Merrimac et ses compagnons lorsque, le 9 mars au matin, ils revinrent (après un combat) pour porter les derniers coups au Minnesota, toujours échoué, et probablement se livrer à d’autres destructions. Les deux navires ennemis, le James- Town et le York-Town, s’avancèrent les premiers vers le Monitor avec cette curiosité toujours un peu craintive que mettent les chiens à s’approcher d’un animal inconnu. Ils n’attendirent pas longtemps : deux éclairs partirent de la tour, suivis par le sifflement de deux boulets de 120. Il n’en fallut pas d’avantage pour faire rebrousser chemin au plus vite aux deux explorateurs. Le Merrimac reconnut aussitôt à qui il avait affaire ; et il se porta bravement au-devant de l’adversaire qu’il ne s’attendait pas à rencontrer. Alors commença le duel dont il a été tant parlé, et qui semble appelé à faire une si grande révolution dans l’art naval. Dès l’abord, les deux jouteurs sentirent qu’il fallait se combattre de près ; mais même à quelques mètres de distance l’un de l’autre, ils semblaient également invulnérables. Les boulets ricochaient ou se brisaient sans faire autre chose que de laisser de légères empreintes. Boulets ronds du poids de 120, boulets coniques de 100, boulet Armstrong, rien n’y faisait. Le Merrimac alors, voulant profiter de sa grande masse, chercha à couler son adversaire en l’abordant violemment par le travers ; mais il ne pouvait prendre d’élan. Le Monitor, très court, très agile, très prompt à la manœuvre, s’attachait à lui, tournait autour de lui, échappait à ses coups avec une rapidité que la longueur excessive du Merrimac ne lui permettait pas d’atteindre. Rien de plus curieux que de voir les deux adversaires se remettant alors à tourner en rond l’un autour de l’autre, le petit Monitor décrivant le cercle intérieur, tous deux également attentifs à chercher le point faible de l’ennemi, pour y décharger aussitôt à bout portant l’un de leurs énormes projectiles ». Extrait de « Il y a toujours un reporter ». (« La guerre de Sécession », de Victor Austin, paru aux éditions René Julliard).
DÉROULEMENT DE LA BATAILLE
Le premier jour : le samedi 8 mars 1862
C’est un jour de grand relâchement pour la flotte de l’Union, qui stationne dans le port d’Hampton Roads. On y fait la lessive, et le linge sèche suspendu aux gréements des navires de guerre.
La bataille commence lorsque le matin du 8 mars, le CSS Virginia (alias Merrimack), le colossal et impressionnant « ironclad » confédéré, pénètre dans Hampton Roads.
Le capitaine du cuirassé, Franklin Buchanan (1800-1874), a l’intention d’attaquer le plus tôt possible. Il est accompagné par les frégates Raleigh et Beaufort, auxquelles viennent se rajouter sur la James River le Patrick Henry, le Jamestown et le Teaser.
La petite armada se présente dans le port naturel d’Hampton Roads. Alors qu’elle croise devant Newport News, les batteries du fort endommagent, d’un coup au but, la chaudière du Patrick Henry, tuant quatre marins de l’équipage. Une fois les réparations effectuées, la frégate pourra rejoindre l’escadre sudiste pour le combat qui se précise.
En raison de sa blessure, Buchanan dut quitter le navire avant la bataille décisive contre l’USS Monitor le lendemain, le 9 mars 1862.
A cet instant-là, la marine fédérale dispose de 5 navires ancrés dans la rade, ainsi que plusieurs unités en soutien. Le Cumberland et le Congress stationnent près de Newport News. La frégate à voile Saint Lawrence et les frégates à vapeur Roanoke et Minnesota sont ancrées à Fort Monroe.
Lorsque le Virginia fait son apparition, il attaque aussitôt le Cumberland. Celui-ci riposte immédiatement et ouvre le feu. Mais quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il voit ses projectiles rebondir sur les flancs du Virginia sans lui causer de dégâts. Ne laissant aucun répit à son adversaire, le cuirassé confédéré éperonne le Cumberland et s’agrippe à lui. Ils sont si près l’un de l’autre que les gueules des canons se touchent presque.
Le Cumberland continue son bombardement, même après avoir été éperonné à deux reprises par le Virginia.
Le Cumberland sombre finalement avec une bonne partie de son équipage dans des eaux peu profondes. Le Virginia, dans l’étreinte du combat avec le Cumberland, a perdu son éperon ; il n’a plus la possibilité d’éperonner d’autres victimes… Dans son naufrage, le Cumberland emporte dans les eaux d’Hampton Roads 121 marins.
Le cuirassé confédéré se retourne ensuite sur le Congress, qu’il réduit en fumée à l’aide de projectiles incendiaires et de boulets (chauffés à blanc).
Le Virginia sort indemne de l’affrontement, même s’il a perdu son éperon, et malgré la pluie de projectiles qui continuent à rebondir sur sa cuirasse. Il se tourne ensuite vers la frégate Minnesota, qui prend la fuite devant le monstre métallique et finit par s’échouer.
Enfin le Virginia se retire pour la nuit. Le fort tirant d’eau et la marée descendante amènent son commandant Roger Jones (qui a remplacé au pied levé le capitaine Buchanan blessé) à prendre cette décision. Sûr de son fait, il compte revenir le lendemain matin pour parachever son œuvre destructrice et donner le coup de grâce au Minnesota échoué.
Ce jour-là, la suprématie de la marine confédérée a été totale.
Le commandant Catesby ap Roger Jones (1821-1877) commandera temporairement le CSS Virginia après la blessure le 8 mars 1862 de son commandant, le capitaine Franklin Buchanan (1800-1874), lors de l’attaque victorieuse contre les navires de guerre fédéraux Cumberland et Congress, à Hampton Roads.
Le deuxième jour : le dimanche 9 mars 1862
A une heure du matin, ce jour-là, l’équipage du Minnesota, durement éprouvé la veille, voit s’approcher dans l’obscurité un étrange bateau…
« Tout près sur notre flanc se tenait une embarcation, comme aucun marin n’en avait jamais vu. Une immense plaque flottant sur la mer, surmontée en son centre d’une gigantesque boîte à fromage, sans voile, sans roue à aube, sans cheminée, sans canons. Quelle était donc cette chose ? » « La Guerre de Sécession » de Ken Burns.
Le Monitor vient d’arriver…
Lors de la Guerre de Sécession, il commande l’USS Monitor, le premier « ironclad » (navire blindé) à vapeur de l’Union. Le 9 mars 1862, à Hampton Roads, en Virginie, il affronte le CSS Virginia, dans le premier combat entre des navires à vapeur cuirassés de l’Histoire de la Marine de guerre.
Dès le lever du soleil, le Virginia appareille et quitte son mouillage de Sewell’s Point. Il a l’intention de parachever le travail commencé la veille, et d’en terminer avec les navires de l’Union, notamment avec le Minnesota qui est toujours échoué. Le Congress, lui, est toujours la proie des flammes. Mais pour l’instant, les deux camps doivent attendre la dissipation du brouillard. Lorsque le Virginia se présente pour attaquer, il découvre face à lui une étrange embarcation « comme un fromage sur un radeau, dira en se moquant un marin confédéré » qui essaie de protéger le Minnesota.
C’est le Monitor qui engage le premier le combat. Les navires sudistes qui escortent le Virginia ne prennent pas part à la bataille.
L’affrontement commence alors, coque contre coque ; les deux vaisseaux se pilonnent mutuellement ; ils sont si près qu’ils se heurtent violemment à cinq reprises. A l’abri derrière les parois blindées des deux « ironclads », les canonniers, aveuglés par la fumée, tirent salves sur salves. Au bout de 4 heures et demie de combat furieux, le duel entre les deux monstres cesse. Un des obus du cuirassé confédéré ayant explosé sur la timonerie du Monitor, celui-ci est obligé de s’éloigner pour un temps. Le Virginia, convaincu d’avoir remporté la partie, se retire. Sans adversaire à sa taille, et devant le risque de s’échouer avec la marée descendante, il regagne Norfolk.
« C’est le quartier-maître timonier, Peter Williams, qui, de tout l’équipage, a vu le Merrimac de plus près. Il a vu jusqu’à l’âme d’un canon, et le type qui le servait était un nègre. Alors que Peter s’écriait « Cap’tain, celui-là est pour nous ! », vlan ! le coup arriva. Nous avons tiré deux boulets, l’un après l’autre, quelque part au niveau de la ligne de flottaison du Merrimac et un autre, un peu au-dessus. Puis, deux boulets traversèrent sa toiture tandis que d’autres ricochaient et qu’un autre atteignait son gaillard arrière. Nous avons heurté sa proue en éperon, et le choc en fit voler des éclats. Le Merrimac, lui aussi, nous envoyait de violentes bordées. Il battait pavillon noir à croix blanche. Un de nos boulets emporta une partie de son mât de pavillon ; un autre arracha la moitié du pavillon. Des milliers de soldats, de marins et de riverains, nous observaient, et les meilleures longues-vues du pays étaient braquées sur nous. Le combat se déroula sur un espace de quatre milles de côté environ. Nous naviguions en tournant autour du Merrimac, le serrant toujours de près. Nous avions une vitesse supérieure à la sienne, car nous pouvons filer six nœuds environ, et lui moins que ça. Nous lui avons tiré dessus pendant quelques temps avant qu’il ne riposte. Le commandant nous dit : « Attendez pour tirer, les gars, nous allons l’approcher au plus près. » Ainsi, après une première bordée, il fonça sur nous et nos boulets de 175 livres le traversèrent de part en part. Pensez donc, eux à quelques pieds de distance et leurs boulets ne pénétrant pas notre tourelle ! Deux fois, nos coques se heurtèrent légèrement et les boulets et les obus ne cessèrent de voler au-dessus des ponts. Ils ont bien essayé de tirer des coups de fusil dans les sabords et les fronteaux de mire, mais en vain ». Extrait de « Il y a toujours un reporter ». (« La guerre de Sécession », de Victor Austin, paru aux éditions René Julliard).
Des deux côtés, chacun reste persuadé d’avoir fait fuir l’adversaire, et les deux camps revendiqueront la victoire.
« La lutte se prolongea ainsi, sans résultats apparents, pendant plusieurs heures. Une seule fois, le Merrimac réussit à frapper avec son avant le travers du Monitor ; mais celui-ci pirouetta sous le coup comme un baquet flottant, et une très légère endenture laissée dans sa muraille fut la seule avarie causée par ce choc formidable. L’épuisement des deux combattants finit par mettre un terme à la lutte. Les Confédérés rentrèrent à Norfolk, et le Monitor resta maître du champ de bataille. Le pygmée avait tenu tête au géant. Restait à savoir si celui-ci ferait une autre tentative lorsque l’enjeu serait plus tentant, lorsque, au lieu de chercher à détruire un ou deux navires de guerre, il s’agirait de s’opposer au débarquement de toute une armée d’invasion. C’est dans ces circonstances que j’arrivai à Fort-Monroe. Bientôt, la rade se couvrit de vaisseaux venant soit d’Alexandrie, soit d’Annapolis, chargés les uns de soldats, les autres de chevaux, de canons, de matériel de tout genre. Quelquefois, je comptais au mouillage plusieurs centaines de navires, et parmi eux vingt ou vingt-cinq grands transports à vapeur attendant le moment de venir à quai pour y déposer les quinze ou vingt mille hommes qu’ils transportaient. Que l’on juge du désastre épouvantable qui fût survenu si le Merrimac était apparu soudainement au milieu de cette masse épaisse de bâtiments, les frappant les uns après les autres, et coulant à fond ces sortes de ruches humaines où rien n’eût pu échapper à ses coups ! Il y eut là pour les autorités fédérales, soit navales, soit militaires, quelques jours de la plus vive anxiété. Chaque fois que l’on apercevait une fumée au-dessus des arbres qui cachaient l’entrée de l’Elisabeth River le cœur battait violemment. Mais le Merrimac ne vint pas ; il laissa s’achever sans encombre le débarquement de l’armée. » Extrait de « Il y a toujours un reporter ». (« La guerre de Sécession », de Victor Austin, paru aux éditions René Julliard).
PERTES
POUR LES FÉDÉRAUX
L’union déplorera :
– 261 tués et 108 blessés.
– 2 frégates coulées : l’USS Cumberland et l’USS Congress.
– 2 frégates endommagées : l’USS Minnesota et l’USS St. Lawrence.
– 3 bateaux auxiliaires endommagés.
POUR LES CONFÉDÉRÉS
La Confédération déplorera la perte de 7 tués, 17 blessés, et une canonnière endommagée.
CONSÉQUENCES
LA FIN DE VIE DES DEUX CUIRASSES
Le combat entre les deux cuirassés se termine sans vainqueur. Malgré les faibles pertes humaines, on peut cependant considérer que les sudistes ont eu l’avantage puisque ce sont les nordistes qui ont subi le plus de pertes et de dégâts matériels.
LE VIRGINIA
Deux mois plus tard, le 11 mai 1862, contraints d’évacuer Norfolk, les Confédérés préfèreront saborder le Virginia (alias Merrimack), plutôt que de le voir tomber entre les mains de l’ennemi.
Quelques jours plus tard, le 15 mai 1862, une fois la menace du cuirassé confédéré disparue, les navires de l’Union tenteront de remonter la James River pour aller bombarder Richmond. Croyant la voie libre, ils seront stoppés à Drewry’s Bluff par l’artillerie de Fort Darling.
Lire : « la bataille de Drewry’s Bluff ».
LE MONITOR
Le 29 décembre 1862, l’USS Monitor, accompagné du remorqueur Rhodes Island, est chargé par l’amirauté de rejoindre l’escadre qui participe au blocus devant Wilmington, en Caroline du Sud.
Le 31 décembre 1862, il traverse une tempête et sombre, entraînant avec lui 12 marins et 4 officiers.
Ainsi, comme son adversaire le CSS Virginia, l’USS Monitor ne verra pas la fin de sa première année d’existence.
Lorsque les deux navires ont ouvert le feu ce jour-là, ce sont toutes les marines du monde qui se sont soudain trouvées obsolètes.
Désormais les deux camps vont entreprendre la construction d’autres vaisseaux blindés, sous le regard à la fois fasciné et inquiet des Européens. À la fin de la guerre, plus de 40 cuirassés seront lancés par les deux camps.
Sources :
La « Guerre de Sécession », de Ken Burns.
L’article comprend des extraits de « Il y a toujours un reporter ». (« La guerre de Sécession », de Victor Austin, paru aux éditions René Julliard).
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