Les Croisades – Philippe II Auguste
LES CROISADES
(1095 – 1291)
PHILIPPE II AUGUSTE
(1165 – 1223)
« Rex Franciæ, roi de France, plutôt que Rex Francorum, roi des Francs »
DYNASTIE DES CAPÉTIENS
7ème souverain de la dynastie des Capétiens direct.
TITRE :
Roi des Francs, puis roi de France du 18 septembre 1180 à sa mort, le 14 juillet 1223 (57 ans).
COURONNEMENT
Le 1er novembre 1179, en la cathédrale de Reims.
NAISSANCE ET FAMILLE
Philippe II, dit « Philippe Auguste », naît le 21 août 1165 à Paris, et meurt à Mantes le 14 juillet 1223. Il est le fils héritier de Louis VII et d’Adèle de Champagne.
LES ÉPOUSES DE PHILIPPE AUGUSTE
1- ISABELLE DE HAINAUT
Isabelle de Hainaut naît le 23 avril 1170, et meurt le 15 mars 1190 à Paris. (Isabelle décède en couche en donnant naissance à des garçons jumeaux qui ne lui survivront pas).
Elle est la fille de Baudouin V, comte de Hainaut (1150-1195), et de Marguerite 1ère de Flandre (1145-1194), dite Marguerite d’Alsace, comtesse de Flandre. Elle épousera Philippe II de France, et deviendra reine des Francs de 1180 à sa mort en 1190.
DE CETTE UNION NAÎTRA :
Louis VIII, dit le Lion (1187-1226). Roi de France du 14 juillet 1223 au 8 novembre 1226.
2- INGEBURGE DE DANEMARK
Ingeburge de Danemark naît en 1174, et meurt le 29 juillet 1236. Par son mariage avec Philippe II Auguste, elle sera reine de France du 15 août 1193 au 5 novembre 1193 (date de sa répudiation).
Elle est la fille de Valdemar Ier de Danemark, dit Valdemar le Grand (1131-1182), et de Sophie de Polock (1140-1198).
Le 14 août 1193, Ingeburge de Danemark épouse Philippe II Auguste. Dès le lendemain, le roi éprouve à son encontre une répulsion inexpliquée qu’il ne pourra jamais vaincre.
Le prétexte avancé par Philippe est celui d’avoir l’« aiguillette nouée » en présence d’Ingeburge.
Alors que le Saint Siège hésite à prononcer le divorce (il faudra 4 conciles sans suite), la malheureuse reine sera emprisonnée, et déportée de monastères en forteresses pendant vingt ans.
AUCUNE CONSOLATION POUR LA MALHEUREUSE REINE RÉPUDIÉE
En 1203, lors de son incarcération au château d’Étampes, Ingeburge de Danemark ne cesse d’envoyer des lettres et missives au pape Innocent III. Elle veut alerter le pontife sur sa misérable condition de détention.
Innocent III excommuniera le roi Philippe, cassera son remariage avec Agnès de Méranie, et jettera l’interdit sur le royaume de France. Le peuple, ne pouvant plus recevoir les sacrements, commencera alors à tempêter. Les morts écartés des cimetières consacrés ne pourront plus être inhumés, et l’air empestera de l’odeur des cadavres qui s’exhale alors des charniers.
Fou de rage, Philippe refuse de céder. Un bras de fer va s’instaurer entre le Saint Siège et le monarque ; deux volontés et deux intelligences s’affrontent, et ça va durer neuf longs mois. Le conflit s’enlise, au point que Philippe chasse les évêques et les curés ayant plié aux ordres de Rome (des « suppôts » du pape), puis s’empare de leurs biens. L’Église de France est à un cheveu du schisme ; elle est limitée à sa plus simple expression. Les deux adversaires sont abasourdis par le choc de leur entêtement respectif, et la tension baisse un peu. Le roi, accablé par la détresse de ses sujets, accepte de réhabiliter Ingeburge de Danemark. Le cœur brisé, il se sépare d’Agnès de Méranie qui se retire au château de Poissy. En septembre 1200, le Concile de Soissons rétablit Ingeburge dans sa position de reine de France.
3- AGNÈS DE MERANIE
Agnès de Méranie (Agnès d’Andechs) naît vers 1172 et meurt le 20 juillet 1201. Le 1er juin 1196, par son mariage avec Philippe II Auguste, elle devient reine de France.
Elle est la fille de Berthold IV von Diessen, dit Berchtold VI de Babenberg (1153- 12 août 1204), comte d’Andechs, duc de Méranie de 1182 à 1204) et d’Agnès de Wettin (1152- 25 mars 1195).
Pour l’amour d’une femme dont l’Histoire n’a pas retenu les traits du visage, le roi Philippe va s’opposer farouchement à Rome. Il va mettre en danger son royaume, alors qu’il a déjà beaucoup de soucis avec les puissants souverains d’Angleterre, établis sur une grande partie du territoire français. Ce fin politique, habile, sage, avisé et têtu de surcroit, osera tout entreprendre pour l’amour de cette femme qui sera, sans aucun doute, l’unique passion de sa vie.
DE CETTE UNION NAÎTRONT :
– Marie de France (vers 1198- 15 août 1236).
Elle deviendra comtesse de Namur par son mariage le 1er août 1206 avec Philippe 1er, comte de Namur.
Le 24 avril 1213, elle deviendra duchesse de Brabant, en épousant en secondes noces Henri 1er duc de Brabant.
– Philippe Hurepel de Clermont (vers 1197-1234).
Comte de Clermont, il deviendra comte consort de Boulogne, d’Aumale et de Dammartin, en épousant en 1216 Matilde de Dammartin.
SA JEUNESSE ET SON RÈGNE
UN ROI ADOLESCENT
Le 1er novembre 1179, Philippe n’a que quatorze ans lorsqu’il est associé à la couronne et sacré à Reims, du vivant de son père Louis VII.
1180
– Le 28 avril, il épouse Isabelle de Hainaut. Par ce mariage elle apporte en dot l’Artois et Saint-Omer.
– Le 28 juin a lieu la signature du traité de Gisors ; c’est un accord d’assistance défensive et offensive établi entre le Capétien et le Plantagenêt.
– Le 19 septembre, les événements se précipitent pour le jeune prince : son père meurt ; il est de facto seul à régner sur le royaume de France sous le nom de Philippe II.
DES RIVALITÉS ET DES EMBROUILLES
Dès le début de son règne, Philippe se révèle rapidement à la hauteur du défi, et entreprend immédiatement d’accroître son domaine et de tirer parti des rivalités entre les seigneurs.
Dès 1181, il se brouille avec le comte de Flandre, Philippe d’Alsace, oncle de son épouse. Philippe II ravive ainsi contre lui le conflit avec les barons, et provoque une grande coalition féodale formée par les Champenois et les Flamands. Malgré son jeune âge, il résiste avec détermination et va se montrer très doué et fin stratège en divisant les alliances du comte de Flandre : le landgrave de Brabant, Godefroy de Louvain, et l’archevêque de Cologne. Il va battre ses ennemis les uns après les autres, et imposer la paix.
En juillet 1185, le traité de Boves garantit à Philippe II la main mise sur le Vermandois, l’Artois, et l’Amiénois ; il assoie ainsi son pouvoir et son autorité sur les grands seigneurs du royaume.
1186
Philippe Auguste fait paver les principales rues de Paris. (Lire: l’insalubrité du Paris médiéval).
LA CURIEUSE ATTITUDE DES PLANTAGENÊT
De toute évidence, si le jeune roi Philippe II est sorti vainqueur du conflit qui l’oppose au comte de Flandre et sa coalition de feudataires, c’est surtout grâce à la neutralité du roi Henri II d’Angleterre. On peut se poser la question quant à la raison de son immobilisme. Pourquoi n’a-t-il pas profité de l’occasion qui lui était offerte pour renverser le Capétien, empêtré dans des disputes de famille et en conflit avec les barons ? Est-ce par respect de la loi féodale qui défend à tout vassal de se liguer contre son suzerain durant sa minorité ? N’a-t-il pas eu assez d’assurance concernant la loyauté de ses fils pour entamer un conflit qui pouvait s’avérer long ? Nonobstant, durant six années, l’attitude du Plantagenêt ne variera pas. Jusqu’en 1187, Henri II accordera au Capétien toute la liberté et l’amplitude requise pour mener à bien sa souveraineté contre ses rivaux. Ce que le Plantagenêt ignorait, c’est qu’à son tour, il subirait les coups d’un roi de France ambitieux et avide de reconquête.
LA LUTTE AVEC LES PLANTAGENÊT
L’autorité du roi de France est directement menacée par les possessions continentales des Plantagenêt, Henri II et ses fils, Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre. En effet, le roi d’Angleterre, qui est aussi comte d’Anjou, possède de surcroit la Normandie, le Vexin et la Bretagne. Fin diplomate, Philippe veut tirer profit des rivalités qui existent entre les fils du clan Plantagenêt, Richard et son cadet Jean sans Terre. Il cherche alors à diviser son ennemi en se rapprochant de Richard Cœur de Lion, avec lequel il devient ami.
Après une lutte de deux années faite d’escarmouches et de pillages, Henri II est vaincu et forcé à la capitulation d’Azay-le-Rideau le 4 juillet 1189. Il décède à Chinon deux jours plus tard.
LA TROISIÈME CROISADE
(1189-1192)
« La Croisade des rois »
« Dieu le veut ! »
Un long chemin vers la terre du Christ
Lire :
1 – Des origines à l’appel du pape Urbain II
CHRONOLOGIE
SOMMAIRE :
SITUATION
En 1187, Saladin (Ṣalāḥ ad-Dīn Yūsuf, 1138-1193) est victorieux à la bataille d’Hattin (4 juillet 1187). L’armée du roi de Jérusalem, Guy de Lusignan, est détruite. Le sultan d’Égypte et de Syrie s’empare ainsi de la ville Sainte et de tout le royaume latin. Dès 1189, à l’annonce de la défaite des armées chrétiennes en Palestine, les souverains d’Occident se mettent en route pour l’Orient ; c’est le départ pour la Troisième Croisade, prêchée par le pape Grégoire VIII. Les plus puissants monarques d’Europe s’activent pour rejoindre Saint Jean d’Acre, une petite ville de Galilée sur la Méditerranée.
Le premier à répondre à l’appel du pape est l’Empereur Frédéric 1er de Hohenstaufen, dit Barberousse, en mars 1188. Son implication dans la Croisade contraint les deux autres monarques d’Occident à lui emboîter le pas. En effet, ni le roi de France Philippe Auguste, ni celui d’Angleterre, Richard Cœur de Lion, ne partagent la ferveur de l’Empereur germanique. Le 10 juin 1190, Barberousse se noie dans le fleuve Saleph (Göksu en Asie Mineure). La puissante armée germanique (l’on avance le chiffre de plus de 260 000 hommes) se disloque et se disperse dès l’annonce de la mort de son souverain. Beaucoup prennent le chemin du retour ; seuls quelques chevaliers participeront au siège d’Acre avec Frédéric de Souabe, le fils de l’infortuné Barberousse.
De leur côté, Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion ont décidé de se rendre en Terre Sainte par la mer. Les deux « frères ennemis» n’ont cessé de se disputer durant toute la première partie du voyage. Dans un premier temps, le Capétien Philippe Auguste avait (en 1187-1189) soutenu Richard le Plantagenêt, alors que celui-ci était en rébellion contre son père Henri II. Mais dès son accession sur le trône d’Angleterre en 1189, Richard Cœur de Lion va dénier son alliance avec le roi de France, accordant ainsi un nouvel élan à la rivalité entre Capétiens et Plantagenêt. Les deux monarques embarquent dans deux ports différents : Philippe à Gênes, alors que Richard prend la mer à Marseille. Les deux souverains arrivent en Sicile. Philippe s’empresse de partir directement pour la Terre Sainte, et arrive à Saint Jean d’Acre le 20 avril 1191. Richard, quant à lui, décide de s’emparer de l’île de Chypre (1191). Ses exploits, ses coups d’éclats et son faste l’ont rendu célèbre. Tant de prestige exaspère encore plus son rival le Capétien, qui pourtant est militairement plus puissant que lui. Saint Jean d’Acre devient le lieu de favori de la querelle entre les deux souverains.
CHRONOLOGIE
1188
– Janvier : le roi de France Philippe II, Auguste et le roi Henri II d’Angleterre prennent la croix.
– février : Henri II Plantagenêt d’Angleterre lève la « dîme saladine » dans ses États pour financer la Croisade.
– Mars : l’Empereur Frédéric 1er de Hohenstaufen, dit Barberousse, prend la croix.
LA « DÎME SALADINE » DES DEUX CÔTES DE LA MANCHE.
EN FRANCE
C’est une fort désagréable nouvelle que le peuple du royaume de France découvre en ce mois de mars 1188. Philippe Auguste, afin de financer la Troisième Croisade, vient de lever un nouvel impôt, la « dîme saladine » ; une taxe écrasante pour les petites gens. Cette mesure fiscale instaurée par le monarque français va entraîner une série de protestations et de révoltes. Les plus virulentes seront conduites par le clergé. L’opposition de l’Église est instantanée et sans compromis. « La Croisades de Dieu » ne doit pas faire préjudice aux plus pauvres et aux plus démunis…
EN ANGLETERRE
De l’autre côté de la Manche, le modèle anglais est plus intransigeant. Henri II, puis son fils Richard Cœur de Lion en 1189, ne reculeront pas : la « dîme saladine » est instaurée envers et contre tout. Cet impôt deviendra même une pièce essentielle du système fiscal anglais. D’ailleurs, plus tard en 1194, les sommes récoltées seront utilisées pour financer le prix de la rançon pour la liberté de Richard, alors retenu prisonnier en Autriche par Léopold V de Babenberg. A son tour, en 1207, son frère Jean sans Terre transformera cet impôt en une « taxe royale ».
1189
– Mai : départ d’une première vague de Croisés pour l’Orient.
– 28 juin : l’armée croisée de l’Empereur Frédéric 1er de Hohenstaufen, dit Barberousse, atteint l’Empire byzantin ; le basileus Isaac II Ange lui interdit le passage. Ce dernier fait alliance avec son ennemi Saladin, celui contre lequel la Croisade est conduite.
– Juin : reddition du Krak de Montréal. Après un an et demi de siège, Saladin (Ṣalāḥ ad-Dīn Yūsuf, 1138-1193) s’empare de la forteresse.
– 6 juillet : mort du roi Henri II d’Angleterre.
– Août : Saladin (Ṣalāḥ ad-Dīn Yūsuf) libère Guy de Lusignan. Immédiatement, ce dernier engage la reconquête de la forteresse de Saint-Jean-d’Acre, aux mains des musulmans depuis l’année 1187. Le siège va durer deux ans. Le roi de Jérusalem est rejoint dans son combat par les forces chrétiennes, commandées par Henri de Champagne, Louis de Thuringe et par Léopold d’Autriche.
– 1er octobre : mort de Gérard de Ridefort, 10ème Grand Maître de l’Ordre du Temple (capturé puis exécuté devant Acre). Robert IV de Sablé lui succèdera deux ans plus tard.
1190
– 10 juin : En route pour rejoindre la croisade, l’Empereur Frédéric 1er de Hohenstaufen, dit Barberousse, se noie dans le fleuve Saleph (Göksu en Asie Mineure).
– 4 juillet : Richard 1er Cœur de Lion et Philippe II, Auguste quittent Vézelay pour la Palestine.
– 27 juillet : arrivée d’Henri II de Champagne devant Saint Jean d’Acre .
– Octobre : mort de Sibylle, reine de Jérusalem.
– Hiver : Richard 1er Cœur de Lion et Philippe II, Auguste arrivent en Sicile ; ils n’ont cessé de se disputer.
– novembre : mariage entre Isabelle 1ère de Jérusalem et Conrad de Montferrat.
1191
– 27 mars : à Rome, mort du pape Clément III. Célestin III lui succède.
– Mars : Philippe II, Auguste embarque pour Saint-Jean-d’Acre. De son côté, Richard 1er Cœur de Lion décide de reprendre Chypre aux Byzantins. Une fois l’ile conquise, il la vendra aux Templiers puis à Guy de Lusignan. Ce dernier fondera l’année suivante le Royaume franc de Chypre.
– Avril : Philippe II, Auguste arrive à Saint-Jean-d’Acre.
– 3 Juillet : reddition de Saint-Jean-d’Acre. Victorieux, Philippe II, Auguste décide de rentrer en Occident. Il s’en retourne en France en laissant son armée à la disposition de la Croisade.
CONSÉQUENCES
L’éclat de cette victoire rejaillit presque en totalité sur Richard Cœur de Lion. Il semble que par son panache, sa vaillance au combat, et parce qu’il représente dans tous les esprits le véritable roi chevalier, il ait conquis les cœurs de ses condisciples. Bien entendu, cette reconnaissance envers Richard ne facilite pas les rapports déjà tendus entre les deux hommes. Le Capétien, vexé, décide de retourner en France sur-le-champ bien décidé à continuer la lutte contre les Plantagenêt, et dans la foulée reconquérir ses domaines continentaux annexés par l’Angleterre ; ce qu’il fera…
Richard Cœur de Lion, pour sa part, choisira de continuer la lutte en Orient en multipliant les succès contre Saladin (Arsuf en septembre 1191), mais il ne pourra pas reconquérir Jérusalem. Il ne prendra le chemin du retour qu’en 1192.
LA RECONQUÊTE
UN DÉPART HÂTIF
Le 2 août 1191, Philippe s’embarque à Tyr pour s’en retourner en France. Son départ précipité surprend tout le monde : n’a-t-il pas vaincu l’ennemi à Acre avec son meilleur ennemi Richard ? Les véritables raisons de ce revirement son sujettes à discussions et suscitent des soupçons, d’autant que Jérusalem n’a toujours pas été reprise.
UNE FIÈVRE A PROPOS !
Une effroyable épidémie frappe les chevaliers en Terre Sainte. Les deux monarques sont infectés par une variante de la typhoïde ou peut-être du scorbut. Il n’en demeure pas moins que Philippe gardera des séquelles toute sa vie de cette terrible maladie. Pour l’heure, ses jours sont en danger. Pris d’une forte fièvre, il perd ses cheveux, ses ongles, des lambeaux de peaux sur les mains, et une énorme tache sur la cornée lui fait perdre un œil. Persuadé que l’heure de sa mort a sonné, il dépêche ses trois principaux barons, l’évêque de Beauvais, le duc de Bourgogne, Dreu de Mello et Dreu d’Amiens, au roi Richard pour lui annoncer sa décision de partir. L’abandon du roi suscite la honte parmi les seigneurs français, et Richard, lui, estime que c’est un déshonneur pour le roi de France. Mais bien qu’il réprouve l’acte du Capétien, le Plantagenêt n’en est pas moins satisfait ; n’est-il pas désormais le seul chef de la Croisade ? Et ce n’est pas pour lui déplaire, car il est maintenant libre des ses mouvements. En outre, le roi de France lui laisse une grande partie de son armée pour continuer la lutte contre les infidèles (10 000 chevaliers commandés par le duc de Bourgogne).
Mais un souci le mine particulièrement, Philippe ne va-t-il pas profiter de son éloignement pour reconquérir ses terres en Occident…
LE RETOUR DU CAPÉTIEN
Philippe II Auguste embarque à Tyr avec trois vaisseaux ; son voyage de retour durera quatre mois. Après avoir longé les côtes d’Asie mineure, il fait escale à Rhodes, à Corfou, parcourt l’Italie, et passe les Alpes par la Maurienne. Sur son périple il fait une halte à Rome, où il est béni par le Saint-Père Célestin III. A Milan, il s’entretien avec l’Empereur Henri VI. Ce dernier est en lutte pour la possession de la Sicile contre Tancrède de Lecce, avec qui Richard Cœur de Lion a signé un traité. Henri VI fait donc alliance avec Philippe contre l’ennemi commun, et le Capétien s’apprête à guerroyer contre son compagnon de croisade.
Le 25 décembre 1191, Philippe fête Noël à Fontainebleau, « indemne ».
DISCORDES CHEZ LES PLANTAGENÊT.
Le pouvoir de Richard est constamment remis en cause par son frère Jean, dit Jean sans Terre, qui veut usurper le trône d’Angleterre alors que son frère guerroie en Terre Sainte. Pour ce faire, il s’est allié avec le roi de France, Philippe II Auguste, revenu de Palestine. Ce dernier cherche à agrandir son domaine royal aux dépens des territoires continentaux appartenant à la couronne d’Angleterre.
RICHARD PRISONNIER
Durant son retour de Terre Sainte, à l’automne 1192, Richard Cœur de Lion doit faire une halte à Vienne. C’est à Erdberg (Vienne), lors de cet arrêt, qu’il est capturé par le duc Léopold V de Babenberg.
Après avoir été retenu prisonnier à Dürnstein, en Autriche, il est livré à l’Empereur Henri VI du Saint Empire. Ce dernier exigera une rançon colossale de 150 000 marks d’argent, ce qui équivaut à deux années de recettes du Royaume d’Angleterre.
1193
– Philippe veut profiter de la captivité de Richard pour s’entendre avec son frère cadet Jean sans Terre. Celui-ci, qui s’est emparé du royaume anglo-normand durant l’absence de Richard, espère récupérer la couronne anglaise avec l’aide du Capétien et lui prête allégeance.
– Avril : Philippe se fait livrer le château de Gisors par le sénéchal Gilbert de Vascœuil.
1194
– Janvier : le Capétien se lance à l’assaut des possessions des Plantagenêt en Normandie. Il s’empare du Vexin normand, d’Évreux, puis de Neubourg, Vaudreuil et de nombreux châteaux, sans réussir à prendre Rouen.
– 4 février : Richard Cœur de Lion est libéré.
– 20 mars : il est de retour sur le sol anglais. Après avoir confié la régence du royaume à l’archevêque de Cantorbéry, Hubert Walter, il rembarque spontanément pour reprendre le combat contre le Capétien. La lutte se terminera avec sa mort en 1199.
– 17 avril : il se fait sacrer une seconde fois roi d’Angleterre à Winchester.
– 10 mai : Philippe met le siège devant Verneuil.
– 14 juin : Richard reprend Loches, après un siège de huit jours.
– 5 juillet : Philippe Auguste est battu par Richard à la bataille de Fréteval (Loir et Cher).
– 23 juillet : une trêve est signée entre les deux adversaires ; aucun des deux camps ne la respectera.
1195
– 14 janvier : signature du Traité de Gaillon. Il représente, à la requête du monarque anglais, un nouvel arrêt des hostilités entre les deux partis. Richard, après avoir déposé les armes, prête allégeance au roi de France pour le duché de Normandie et pour les comtés de Poitou et d’Anjou ; sur l’heure, chacun des deux rois fait serment d’observer la paix. Richard cède Gisors et le Vexin normand à Philippe, qui conserve sa suzeraineté sur l’Auvergne mais abandonne ses prétentions sur le Berry.
1197
Début de la construction de Château-Gaillard.
1198
– Fin de la construction de Château-Gaillard.
– 27 septembre : Richard s’empare des châteaux de Courcelles puis celui de Boury dans la même journée. Accouru de Mantes au secours des deux places fortes, Philippe est battu à nouveau près de Gisors.
1199
– 8 janvier : à Rome, mort du pape Célestin III. Innocent III lui succède.
Innocent III, qui envisage une quatrième Croisade, insiste pour que les deux puissants monarques cessent les combats et négocient une trêve.
– Le 13 janvier : entre Les Andelys et Vernon, une paix pour cinq ans est signée.
– Le 26 mars : alors qu’il assiège le donjon du château de Châlus-Chabrol (Limousin), Richard est mortellement blessé par un arbalétrier. Il meurt le 6 avril des suites de ses blessures, au sommet de sa gloire ; il a 41 ans.
L’Histoire a retenu le nom de Pierre Basile ; c’est lui qui, du haut des remparts du château de Châlus, a tiré le carreau d’arbalète sur le Plantagenêt. Il ne pouvait pas savoir que son acte allait changer le cours des événements en Europe. La disparition de Richard permet ainsi à Philippe Auguste de se débarrasser d’un rival gênant. Elle lui permet d’assoir sa domination sur le royaume de France, et de lui donner la plupart de ses frontières actuelles.
LE COMBAT AVEC JEAN SANS TERRE
LA CHUTE DES PLANTAGENÊT
1200
Richard Cœur de Lion mort, la succession au trône échoit à son frère cadet Jean (sans Terre). Cet héritage se fait aux dépens de leur neveu Arthur de Bretagne (âgé de douze ans), le fils de Geoffroy II de Bretagne. Fidèle à sa politique favorite, Philippe Auguste entreprend de diviser en prenant le parti d’Arthur de Bretagne. Les deux rois vont alors s’affronter dans une guerre d’escarmouches qui se terminera avec la paix du Goulet le 22 mai 1200.
Jean fait allégeance au roi de France et cède Évreux, une partie du Vexin normand, Issoudun, l’Auvergne et le Berry. Le traité est certifié par le mariage de Louis de France (futur Louis VIII), le fils de Philippe, et la nièce de Jean, Blanche de Castille.
Les combats ne cesseront pas vraiment, et vont se porter en Aquitaine.
1202
– Printemps : Philippe et Arthur se lancent respectivement à l’assaut de la Normandie et du Poitou.
– 1er août : Arthur de Bretagne est fait prisonnier devant le château de Mirebeau par son oncle Jean sans Terre. Le jeune Arthur mourra le 3 avril 1203, probablement assassiné.
1203
– Printemps : après s’être assuré du soutien des vassaux d’Arthur, Philippe se relance à l’assaut de la Normandie et prend Le Vaudreuil.
– Septembre : début du siège de Château-Gaillard.
1204
– 6 mars : chute de Château-Gaillard.
– Philippe Auguste envahit alors la Normandie : il prend Falaise, Caen, Bayeux et Rouen qui capitule le 24 juin après 40 jours de siège, puis Verneuil et Arques. Après s’être rendu maître de la Normandie, il se tourne maintenant vers la vallée de la Loire.
– Août : le Capétien s’empare de Poitiers.
1205
– Prises de Loches et Chinon.
1206
Une trêve est signée à Thouars entre les deux belligérants. Philippe étend dorénavant son autorité en Champagne, en Bretagne et en Auvergne.
1208
CROISADE DES ALBIGEOIS
1206-1212
Durant toute cette période, Philippe va concentrer ses forces pour consolider ses acquisitions. Mais il est préoccupé par le comté de Boulogne et la Flandre, plus particulièrement avec le comte de Boulogne Renaud de Dammartin, qui traite avec l’ennemi. Le Capétien passe alors à l’attaque et s’empare de Mortain, Aumale et Dammartin.
1212
Jean sans Terre essaie par tous les moyens de récupérer ses fiefs. Il monte une puissante coalition contre le roi de France. Elle rassemble avec lui l’Empereur d’Allemagne Otton de Brunswick et le comte de Boulogne Renaud de Dammartin. Philippe Auguste devance ses ennemis et les bat successivement :
1214
– 2 juillet : bataille de La Roche au Moines.
Victoire de l’armée du Prince Louis face au roi d’Angleterre Jean sans Terre. Ce dernier est forcé à la retraite, ce qui permet au jeune Prince de soumettre l’Anjou et de faciliter la victoire de son père le 27 juillet, à Bouvines.
– 27 juillet : bataille de Bouvines.
Victoire de l’armée du roi Philippe Auguste, face aux forces coalisées menées par l’empereur du Saint-Empire Otton IV, du comte de Flandre Ferrand de Flandre, du comte de Boulogne Renaud de Dammartin, de princes et seigneurs flamands, allemands et français, renforcés de contingents anglais. A l’issue de la bataille, les comtes de Flandre et de Boulogne seront tous les deux faits prisonniers.
Cette victoire dépossède définitivement les Plantagenêt de leurs conquêtes continentales, l’Aquitaine exceptée. Bouvines donnera, dans toute l’Europe, une grande dimension et un immense prestige à la monarchie française. Alors que son fils Louis VIII franchit la Manche, occupe Londres et tout l’Est de l’Angleterre sans heurts ni coups, Philippe dans la foulée accroît à nouveau le domaine royal. Il y réunit l’Auvergne, l’Artois et le comté d’Évreux.
LE PRINCE LOUIS A LA CONQUÊTE DE L’ANGLETERRE
(janvier-octobre 1216)
1215
-15 juin : sous la pression des barons anglais et du clergé, le roi d’Angleterre Jean sans Terre signe la Magna Carta « Grande Charte ». Cette dernière accorde des garanties aux seigneurs et à l’Eglise, et limite le pouvoir du roi.
– A l’automne : Philippe II Auguste accueille une ambassade des barons anglais hostiles à Jean sans Terre, leur souverain. Ces derniers, révoltés contre leur roi, proposent le trône d’Angleterre à Louis en échange de son aide. En gage de fidélité, des otages seront remis au roi Philippe.
– 11 novembre : ouverture du 4ème Concile de Latran.
– 30 novembre : clôture du 4ème Concile de Latran.
Le 4ème Concile du Latran (du 11 au 30 novembre 1215).
– Fin décembre : Louis VIII, qui dirige l’ost royal, se rend en Angleterre pour recevoir ce somptueux cadeau, et une centaine de chevaliers français débarquent sur le sol Anglais.
1216
Louis se rend donc dans l’île pour prêter main-forte aux barons anglais insurgés.
– Janvier : Une partie de la flotte française accoste en Angleterre et débarque 1500 soldats français.
– Avril : Assemblée de Melun. Alors que Philippe Auguste, pour ne pas entrer en conflit avec le Saint Siège, adopte « officiellement » une position neutre, son fils se voit confier la tête des opérations de « conquête» de l’Angleterre.
– Le 21 mai : Louis VIII est accueilli à Londres en libérateur. A l’Abbaye de Westminster, il prête serment à la Grande Charte et reçoit les hommages des grands du royaume, de la noblesse, du clergé et des bourgeois anglais.
– 29 mai : le légat du pape Innocent III en Angleterre excommunie le Prince Louis et ses alliés.
– 16 juin : à Pérouse, mort du pape Innocent III, Giovanni Lotario, comte de Segni.
– 18 juillet : Honorius III succède à Innocent III ; ce dernier s’engage à poursuivre l’œuvre de son prédécesseur dans la lutte contre l’hérésie cathare.
– 19 octobre : mort du roi Jean sans Terre. Son héritier mineur Henry III lui succède, proclamé roi avec l’appui du pape Honorius III.
– 28 octobre : évêques et barons anglais font serment d’allégeance au jeune Henry III.
Ce dernier est sacré roi à Gloucester le 28 octobre 1216, et à l’Abbaye de Westminster le 17 mai 1220. Bien que Louis VIII contrôle l’est du royaume, il voit ses espérances d’accéder à la couronne d’Angleterre ruinées par ce revirement de situation.
1217
– Janvier : le Prince Louis rentre en France. Il a l’intention d’obtenir des subsides et des renforts pour mener à bien la poursuite de son projet d’invasion sur le sol anglais.
– 22 avril : bataille de Douvres.
De retour en Angleterre, après des débuts prometteurs, Louis subit un échec dans sa tentative de s’emparer de la ville de Douvres. Défaite navale de la flotte française placée sous le commandement d’Eustache le Moine, face aux navires anglais emmenés par Huber de Burgh.
– 20 mai : bataille de Lincoln.
Défaite de l’armée royale du Prince Louis, face aux troupes fidèles au roi Henry III, fils de feu Jean sans Terre.
– 24 août : bataille de Sandwich ou des Cinq-Îles, dans le Kent, au large de la ville de Sandwich.
Défaite navale de la flotte de secours française, partie de Calais et placée sous le commandement d’Eustache le Moine (ce dernier sera capturé et décapité), face aux navires anglais emmenés par Huber de Burgh.
– 11 septembre : traité de paix de Lambeth ou traité de Kingston.
Il met fin à la première guerre des barons en Angleterre débutée en 1215. Le Prince Louis se voit contraint de renoncer à la couronne d’Angleterre. Cette dernière échoit à Henry III, âgé alors de 9 ans. Le Capétien obtient pour son départ une forte indemnité d’un montant de dix mille marks.
UN ROYAUME DEVENU RICHE ET PUISSANT
Après Bouvines, les guerres cessent sur le sol du royaume de France. L’on ne se bat plus qu’en Angleterre et dans le Midi (Croisade contre les Albigeois). Cependant, Philippe continue d’étendre son influence et d’assoir sa suzeraineté sur la Champagne ; il recouvre des territoires comme Issoudun, Bully, Alençon, Clermont-en-Beauvaisis, et le Ponthieu.
SON ŒUVRE
Philippe, dit Auguste (du latin augeo, « celui qui augmente), mérite bien son surnom. Il ne passera pas uniquement son existence à guerroyer sur les champs de batailles.
ADMINISTRATION
Philippe gèrera et organisera l’administration de son royaume. C’est à son initiative que le corps des fonctionnaires (baillis et sénéchaux) voit le jour, créant ainsi une gestion puissante et centralisée du pouvoir. C’est aussi sous son règne que des impôts sont levés concernant aussi bien les seigneurs que les ecclésiastiques, tel que la dîme saladine destinée à payer les dépenses de la Troisième Croisade. Il ordonne une Justice et crée des Parlements. Il implique les bourgeois des villes en leur procurant des participations plus importantes aux affaires communales ; ce qui diminuera le pouvoir des seigneurs. Il sera le protecteur des arts et des lettres. Enfin Philippe Auguste favorisera l’essor du commerce en cherchant le soutien des riches citadins.
INFRASTRUCTURES
Philippe se lancera dans de grands travaux d’amélioration de sa capitale :
– En 1186, il fait paver les principales rues de Paris. (Lire l’insalubrité du Paris médiéval).
– En 1187, il fait assainir le cimetière Saint-Lazare.
– En 1190, il ordonne la construction d’un mur d’enceinte autour de Paris.
– L’année 1202 voit l’achèvement de la Tour Neuve et des travaux d’une nouvelle résidence royale au Louvre.
– De 1209 à 1210, la tour du Petit Chatelet est rénovée et surélevée.
– De 1209 à 1212, il fait édifier la partie rive gauche de l’enceinte de Paris.
SA MORT
Une assemblée des membres du clergé doit se tenir à Paris afin de programmer les préparatifs de la nouvelle Croisade. Alors que ses médecins lui déconseillent un tel voyage, Philippe Auguste, qui se trouve à Pacy, décide malgré tout d’y assister. Le 14 juillet 1223, tandis qu’il navigue sur la Seine pour rallier Mantes, le Capétien rend son dernier souffle. Cet éprouvant déplacement lui sera fatal !
A sa mort en 1223, la France est devenue le plus puissant royaume de l’Occident chrétien. Paris devient la plus grande ville d’Europe. Vers 1200, en quelques années, sa population passera de 25 000 à 50 000 habitants.
2 réponses
[…] Rouen est protégée par son château. Cette imposante forteresse, construite de 1204 à 1210 par Philippe Auguste, est le siège de l’autorité administrative et […]
[…] le Vème du VIème arrondissement). Une première amélioration voit le jour sous le règne de Philippe Auguste qui, vers 1200, entreprend de faire paver les rues de la capitale, avec une rigole […]