Routes, véhicules et transports au Moyen Âge
ROUTES, VÉHICULES ET TRANSPORTS
AU MOYEN ÂGE
LES ROUTES
Au haut Moyen Âge, les migrations barbares on plongé la France dans une période obscure. On ne retrouve aucun témoignage écrit sur l’état et l’entretien des voies publiques au début du 1er millénaire. Ce n’est qu’entre le 10ème et 11ème siècle que l’on observe une lente amélioration du réseau routier en France. Le plus souvent il se structure par des voies « médiévales », parfois construites en parallèle avec les anciennes chaussées érigées par l’occupation romaine. Ces anciennes voies sont tombées en ruine, érodées par les intempéries, abandonnées, et ne sont plus que des pistes effondrées dont les pavés ont été récupérés pour la construction des habitations, voire de monuments. Il faut attendre le 12ème siècle, avec Philippe Auguste, pour que les rois de France se soucient du problème. Une politique d’envergure sera mise en place à partir du règne de Louis XI. En 1599, Henri IV établira la charge de grand « voyer » du royaume, qu’il cèdera à Sully. Des investissements et des sommes énormes seront alors allouées pour la réfection des routes.
Les causes de cette évolution sont multiples.
On retiendra :
– l’émergence de nouveaux échanges commerciaux et religieux.
– les pistes et chemins s’orientant vers les foires et marchés (foires de Champagne).
– les pèlerinages, comme celui de Saint-Jacques de Compostelle, qui engendreront d’une part des déplacements de population se fixant autour des villages-étapes, et d’autre part de nouveaux métiers afférents à la route. Le système de « corvée » établi sous Charlemagne ayant disparu, les travaux de voirie tels que les ponts et les routes sont rétribués, soit par des dons, soit par des péages aménagés par les seigneurs des lieux.
– les routes prises par les Croisades à partir de 1095.
Des confréries religieuses érigent des ponts (comme les frères pontifes et les œuvres du pont). Mais aucune disposition n’existe quant à la mise en chantier de routes et à leur entretien. Ainsi l’existant se dégrade, faute de soins appropriés. Un siècle sera nécessaire pour voir apparaître une organisation centralisée répondant à cette demande urgente.
LES CHEMINS DE PÈLERINAGES
Malgré ces difficultés, la circulation entre les différentes provinces de la France et même entre les divers États de l’Europe ne sera jamais complètement interrompue. Alors que les seigneurs sont en guerre et entretiennent une anarchie féodale à son paroxysme, toutes sortes de pèlerinages rassemblent, à époque fixe, une foule de croyants vers des sanctuaires vénérés. Cette foule de pieux arrive parfois de contrées proches, parfois de tous les points de la chrétienté.
Ces pèlerins voyagent le plus souvent à pied ou à cheval sur des routes avec des gués, des bacs ou des ponts, bravant mille dangers et l’insécurité des chemins. Ils se dirigent vers les grands lieux de prières collectives tels que :
– Saint-Martin de Tours (6ème siècle).
– Saint-Gilles-sur-le-Rhône (15èmesiècle).
– Saint-Jacques-de-Compostelle (11èmesiècle).
Beaucoup d’itinérants, plus modestes, prennent les mêmes chemins que les autres voyageurs : marchands, artisans, religieux, gens d’armes, vagabonds, étudiants se rendant dans les universités (13èmesiècle).
LES CHEMINS DES CROISES
Dès l’appel à la Première Croisade du pape Urbain II, au Concile de Clermont en 1095, des milliers d’hommes de toutes conditions s’élancent sur les routes de France et d’Europe en direction de la Terre Sainte. Ils ont pour but de libérer les routes qui mènent à Jérusalem, qui ont été coupées par les Turcs seldjoukides.
Ces expéditions militaires, qu’elles soient considérées comme le combat des Chrétiens contre l’Islam ou comme des événements religieux, sont avant tout de gigantesques déplacements de soldats en armes et de leurs impédimenta : chevaux, carrioles, charriots de ravitaillement, et équipements de tous bords. Ces exodes, qui vont s’étaler sur deux siècles, vont modeler de leurs empreintes les routes et les chemins des contrées de France.
Tous ces mouvements migratoires d’hommes hors de leurs pays d’origines vont accroître les relations sociales, développer le commerce et rendre cruciaux les moyens de communications. L’on pense tout d’abord aux voies les plus dangereuses, aux passages les plus laborieux des grands chemins et à la traversée des cours d’eau. Les ordres monastiques bénéficient de l’appui des religieux et des offrandes de fidèles en faveur des pèlerins et pénitents. Les seigneurs ont recours à l’instauration de péages, soit par générosité, soit par intérêt personnel ; ils participent ainsi à l’installation de bacs, et à l’édification de ponts et de chaussées. Dans les villes émancipées, les mêmes travaux sont accomplis par des associations de marchands et de mariniers. Le roi lui-même se doit de donner l’exemple à l’intérieur du domaine royal.
L’ÉTAT DES ROUTES VERS LE 10ème SIÈCLE
Il est mauvais, pour plusieurs causes :
– la disparition systématique du pouvoir central.
– l’appropriation des droits monarchiques par les seigneurs médiévaux qui se répartissent et se repaissent dans les lambeaux des domaines royaux.
– l’état de guerre incessant d’un suzerain avec un autre.
– l’anarchie générale.
Tous ces facteurs ont détruit les communications entre les populations, ruiné le commerce et fait disparaître ou laissé mourir la praticabilité des routes. Ces dernières sont à l’abandon, submergées par les herbes folles, et même parfois recouvertes par des forêts. Si bien qu’au fil du temps, mis à part les entrées de châteaux et certaines chaussées dans la périphérie des villes, il ne reste que quelques chemins de village en terre. Ces derniers sont dessinés par la bonne fortune des pas du paysan, de ses animaux et des roues de ses attelages, et par le fourniment du souverain partant guerroyer avec tous ses gens.
VERS DE NOUVEAUX HORIZONS COMMERCIAUX
Nous l’avons donc bien compris, le monde médiéval est très sédentaire. Pour les hommes de cette époque-là, les déplacements sont la plupart du temps très limités. Leur travail, leurs loisirs et leurs occupations se déploient dans un espace de vie qui n’excède rarement qu’un périmètre variant entre 5 et 10 km. Pour la grosse majorité du monde rural, la vie est réduite aux bornes de leur territoire, c’est-à-dire le village et les terres aux alentours. On peut avancer que la vie du paysan est délimitée par l’horizon qui se profile sous ses yeux : il est de coutume de naître dans son village et d’y mourir. Les rares sorties sont occasionnelles : pour se rendre au marché de la ville voisine, pour aller porter son blé à moudre au moulin, ou pour se marier avec une fille d’un village voisin. Mais ce sont de très courtes sorties, et le terme de voyage est impropre et n’a pas de sens.
Pourtant le peuple du Moyen Âge bouge, mais le fait de se déplacer par la route n’est pas à la portée de toutes les bourses.
ALORS QUI PREND LA ROUTE AU MOYEN ÂGE ?
On retrouve bien sûr en premier, les marchands, des artisans (compagnonnage), des camelots, des colporteurs (pieds poudreux), des saisonniers en quête d’embauche, et notamment des chevaliers et des ecclésiastiques. Plus on est riches, plus on voyage ; ce sont les classes aisées que l’on retrouvera le plus souvent arpentant les chemins de la France Moyenâgeuse.
AVEC QUELS MOYENS ET SOUS QUELLES CONDITIONS ?
LES VÉHICULES
Le petit peuple, lui, part à pied. Pour certains, c’est un devoir, comme pour les pèlerins qui sont pieds nus. L’autre solution est d’utiliser une mule, un âne, ou un cheval. Remarquons que l’on ne se sert pas de la même monture suivant le degré de richesse de l’individu. A chacun son équidé : le palefroi est un cheval pour la parade, le destrier est harnaché pour guerroyer, alors que le percheron est un cheval de trait, et le roncin est destiné au labour. Mais le prix d’un cheval au Moyen Âge est très onéreux et pratiquement inaccessible au commun des mortels.
Il reste tous les matériels roulants, voitures, chariots, chars branlants et litières rustiques etc…
Tous ces moyens de transports sont désagréables, sans confort et peu commodes, eu égard à l’état des voies de communications déplorables. Ces chemins sont souvent des cloaques détrempés par la pluie et recouverts de boue. Ces conditions ralentissent les déplacements ; il faudra attendre le 14ème siècle pour que la situation des routes s’améliore.
En 1294, Philippe le Bel, qui a déjà fait paver les rues de Paris, essaie de palier à ces désagréments en tentant de limiter le nombre de charrettes et en décrétant que « nul bourgeois habitant d’un bourg ne possède charrette ». Il est entendu que seules les dames de la noblesse auront le droit d’utiliser cet ancêtre primitif du carrosse.
La dite charrette, dont Philippe le Bel entend contrôler la quantité, reviendra en usage au 13ème siècle après avoir tant soit peu disparu de la circulation. Jusqu’alors les solutions pour se déplacer sont peu nombreuses : ce peut être à pied, à cheval, à dos d’âne ou de mulet, en litière à bras tractée par des chevaux. Les charges lourdes sont transportées dans des chars rustiques tirés par des bœufs.
C’est vers l’an mille que l’on se sert du collier d’épaule, ce qui permet de porter des charges plus pesantes, passant de 500 kilos à plusieurs tonnes, surtout depuis la venue de l’attelage en flèche. Jusqu’alors, l’utilisation du collier de cuir souple pressé sur la gorge de l’animal limitait ses mouvements. Puis les marchands, pour des raisons de confort et de sécurité, choisissent pour l’acheminement des vins et des denrées fragiles, le transport fluvial. Ce qui leur permet d’éviter les péages et les escortes armées, vitales pour se défendre en cas d’agressions par des bandits.
ET LA CHARRETTE REVIENT…
Après une longue absence, l’on assiste à un retour en force de la voiture, appelée « charrette ». Elle fait son apparition sur les routes du royaume de France. Bien que rustique, elle va recevoir de sérieuses améliorations, et les techniques oubliées avec le temps vont se perfectionner. Rudimentaire, sans suspension, elle est dotée d’une caisse simplement apposée sur les essieux des roues. Le voyageur est fortement secoué et supporte toutes les anomalies des routes chaotiques de ces temps reculés. Non nantie de système de braquage, et sans train avant pivotant, elle expose son équipage à finir bien souvent sa route dans le fossé. De toute évidence, conduire un tel engin relève de la folie…
Malgré tout, la charrette, ouverte ou fermée, rudimentaire ou élégante, se propage partout dans les villes et les campagnes.
ET LES RUES ? L’ANCÊTRE DU « BOUCHON » !
La multiplication des charrettes dans les villes et les gros bourgs du royaume cause un véritable problème. Les embouteillages sont si intenses que l’on comprend mieux la décision de Philippe le Bel de diminuer leur nombre. Ce charroi gêne les citadins des grandes cités, et surtout à Paris où les encombrements atteignent des records. Dans la capitale, les rues étroites sont envahies par les étals des marchands, les piétons et les cavaliers, mais aussi par les troupeaux de moutons, de vaches, par les montreurs d’ours et les saltimbanques. De toute évidence, dans ce tumulte, une charrette a beaucoup de difficultés pour tracer son chemin. Il suffit qu’un cheval s’emporte et c’est aussitôt affolement, la bousculade et un sauve-qui-peut général.
UN PARCOURS JONCHE D’OBSTACLES
LES DISTANCES ET LE TEMPS
En ces temps difficiles, voyager est pénible et incommodant, ce n’est pas de tout repos, et c’est peu dire… Les conditions de circulation sont lentes, les trajets démesurément longs, parsemés d’embuches, où de nombreux périls menacent les individus. La prudence veut que celui qui se lance sur ces routes ait, au préalable et par précaution, écrit ses dernières volontés.
La notion de distance est sans contexte la principale difficulté pour le voyageur. Elles sont considérables, voire éternellement longues. Les contemporains ont du mal à évaluer véritablement leurs justes dimensions. Un itinéraire se calcule facilement en semaines ou en mois.
LES TAXES (DOUANES, TONLIEU) :
Dès qu’une route est praticable et empruntée régulièrement ou occasionnellement, elle est taxée, surtout si cette chaussée est sillonnée par des marchands. Ce tribut, qui tombe dans l’escarcelle des seigneurs et suzerains, représente pour eux une manne financière conséquente. A cela il faut rajouter les péages pour traverser les ponts, ou plus simplement les entrées de villes. On l’a compris, voyager peut coûter très cher. Il faut donc se rendre à l’évidence, rien n’a changé de ce côté-là ; les contemporains que nous sommes n’ont rien à envier avec nos autoroutes payantes et autres taxes diverses…
LES ÉPREUVES ET LES PÉRILS
La difficulté majeure qui se présente le plus souvent comme un obstacle, c’est la nature. Il faut franchir des montagnes, des raidillons aux déclivités abruptes, et même des rivières et fleuves. Les forêts demeurent impénétrables et inextricables, faute de chemins disponibles. Là-dessus, il faut rajouter les taxes et les péages.
INSÉCURITÉ
Comme un malheur n’arrive jamais seul, l’insécurité qui règne sur les routes du Moyen Âge expose le voyageur à divers dangers : agressions de bandits de tout poil, détrousseurs de grands chemins et brigands redoutables. Les risques encourus sont énormes et à foison. On cite les cas de pillards, d’écorcheurs, déserteurs de tous bords, coupe jarrets, détrousseurs, mendiants pullulant sur les bords des chemins et qui n’hésitent pas à violer ou assassiner les pauvres gens.
Autant dire qu’il n’était pas aisé, à cette époque-là, d’aller prendre un verre avec les copains à la taverne du coin de la rue…
Merci pour l’article. Dommage que les cartes soient trop petites pour être visibles
Intéressant, mais un peu limite sur les moyens de transports en eu même. Sur les routes et chemins c était parfait.
Article qui m’éclaire un peu. Je tentais d’imaginer les voyages qui avaient lieu au 10ème siècle entre l’Angleterre et la Normandie, sachant que les seigneurs et leurs familles vivaient à cheval des deux côtés de la Manche. Une fois le navire rangé je ne sais où, à Barfleur par exemple, il fallait rejoindre sa demeure ou château à quelques lieues au centre du Cotentin avec armes et bagages pour des séjours de plusieurs mois. Si le Moyen-âge était sédentaire, ce n’était pas le cas des Normands.