Théodoric le Grand, l’Amale, roi des Ostrogoths
LES OSTROGOTHS
THÉODORIC LE GRAND, L’AMALE,
ROI DES OSTROGOTHS
LE PEUPLE GOTH
Ces deux peuples seront à plusieurs reprises ennemies ou alliées avec Rome au cours de la période des grandes invasions de la fin de l’Antiquité. Au Vème siècle, en Europe occidentale, le territoire des Goths comprend les actuelles Croatie, Italie, France du sud, puis l’est, le centre, et le sud de l’Espagne. Leurs royaumes s’effondreront en 553 pour les Ostrogoths et en 711 pour les Wisigoths (En 711, le royaume wisigoth d’Hispanie sera détruit par les musulmans, à l’exception des Asturies au nord de l’Espagne). Les origines des Goths sont sujettes à controverses. Au IIIème siècle, le peuple Goth est établi dans la région des actuelles Ukraine et Biélorussie. Après un premier conflit avec l’Empire de Rome dans le sud-est de l’Europe, ils se divisent en deux : les Greuthunges à l’est, et les Tervinges à l’ouest. Ils seront habituellement nommés Ostrogoths et Wisigoths. Vers 375, les Ostrogoths sont conquis par les Huns, puis ils entrent dans l’Empire d’Orient en tant que « foederati » (fédérés). En 488, Théodoric le Grand conquiert l’Italie. (Le royaume ostrogoth d’Italie de Théodoric s’effondrera en 553, face aux forces romaines de l’Empereur Justinien). Quant aux Wisigoths, ils seront victorieux des troupes romaines de l’Empereur Valens en 378, lors de la bataille d’Andrinople. En 382, ils deviendront eux aussi des « foederati ». Au début du Vème siècle, ils créent en Aquitaine le royaume de Toulouse. Défaits en 507 par les Francs de Clovis, au cours de la bataille de Vouillé, ils refluent vers l’Espagne, où ils fondent le royaume de Tolède. En 711, celui-ci disparaîtra avec l’invasion omeyyade de la péninsule ibérique.
SOMMAIRE
Certains historiens ont désigné Théodoric de « préfiguration de Charlemagne ». Celui-ci va s’évertuer, tout au long de son règne, d’accroître son royaume en multipliant les victoires et lui procurer une brillante prospérité.
En 494, Théodoric prend pour épouse Audoflède, la sœur de Clovis. Au cours de la période qui va suivre, Théodoric, le roi des Ostrogoths et Clovis, le roi des Francs n’auront de cesse de s’opposer. Les deux monarques, désireux d’assouvir leur soif de conquêtes et de pouvoir, n’auront qu’une ambition, celle de régner en maître sur les ruines de l’Empire romain d’Occident.
NAISSANCE & FAMILLE
Théodoric, dit le Grand (ou l’Amale), est roi des Ostrogoths. Il naît vers 455 sur les bords du lac de Neusiedl, près de Carnuntum, en Pannonie, et meurt le 30 août 526 à Ravenne, en Italie.
Les Ostrogoths apparaissent dans l’Antiquité et poursuivent leur migration jusqu’à l’Antiquité tardive. Ils se révèleront dans les bassins de la Vistule, puis du Dniepr et du Boug méridional, d’où ils seront chassés par les Huns. Puis ils ravageront les Balkans pour finalement conquérir l’Italie, sous le règne de Théodoric le Grand. Une petite minorité restera en Crimée.
Issu de la dynastie des Amales, Théodoric est le fils de Thiudimir (naissance inconnue- mort en 474) et d’Ereuleva (née avant 440, morte vers 500). Son père avait pour frère aîné Valamir et pour frère cadet Vidimir. Les trois frères sont les fils de Vandalarius et les cousins du roi Thorismod.
Thiudimir, le père de Théodoric, règnera conjointement avec ses deux frères et deviendra un fidèle vassal d’Attila (vers 395-453), roi des Huns.
Valamir participera aux campagnes menées par les Huns : en 447 lors des raids d’Attila dans les provinces du Danube, et en 451 lors de la bataille des Champs Catalauniques, durant laquelle il commandera ses troupes.
En 453, après la mort d’Attila, Valamir devient le chef des Goths installés en Pannonie.
En 456 et 457, il dirige la lutte contre les Huns affaiblis. Lors de cette guerre, à la bataille de la Nedao, il sera victorieux et mettra en déroute les fils d’Attila,
UN JUDICIEUX JEU DES ALLIANCES MARITALES
– En 494, il épouse Audoflède, fille de Childéric 1er, sœur de Clovis, roi des Francs. Une union qui aura pour but de contrer les Burgondes qui se sont montrés belliqueux envers l’Italie. – La même année, il donne à Alaric II, le roi des Wisigoths, sa fille Théodegothe (Téodegonde Amalasunta). – Quelque temps après, il marie sa deuxième fille Ostrogotho Areagni à Sigismond, le fils de Gondebaud, roi des Burgondes. – En 500, sa sœur Amalafrède épousera Tharasamund, le roi des Vandales.
ORIGINES
Issu dans sa plus grande partie de l’actuelle Suède, et bien avant l’avènement de Clovis, le peuple Goth s’est fractionné en deux grandes lignées nobles : les Amales et les Balthes.
A l’origine, la dynastie des Amales s’installa en Roumanie avant de se déplacer vers l’Ouest et de parvenir à Rome.
La lignée des Balthes, partie d’Ukraine, étendra sa domination le long de la rive septentrionale du Danube.
Malgré cette scission, les Goths rassemblés (Amales et Balthes) constitueront, bien avant l’arrivée des Francs, la plus importante puissance après l’Empire romain d’Occident.
La lignée des Amales, celle de Théodoric, fut fortement influencée par la domination des Huns. Elle se libèrera de sa dépendance en 454, lors de la bataille de la rivière Nedao.
Depuis le traité signé avec l’Empereur Marcien, leur statut de fédérés leur permet de résider en Panonie, sur la rive méridionale du Danube.
Leur chef, Attila, surnommé le « fléau de Dieu » …, naît aux alentours de 395 dans les plaines du Danube, et meurt en mars 453 dans la région de la Tisza, dans l’Est de la Hongrie actuelle. Généralement nommé « Attila le Hun », il est leur roi de 434 jusqu’à sa mort, en mars 453.
JEUNESSE
Encore enfant, le jeune Théodoric est envoyé à Constantinople où il servira d’otage (garantie du traité conclu entre son père et l’Empire byzantin).
Il y sera élevé pendant 10 ans par les empereurs Léon 1er (457-474) et Zénon (424-491), qui le traiteront comme un Romain, Bien qu’en lui le barbare soit toujours présent, Théodoric recevra une double éducation, à la fois germanique et romaine. Il apprendra le grec et le latin, acquerra des connaissances sur les institutions de l’Empire et sur la manière militaire de diriger un empire ; il sera fortement imprégné par la civilisation romaine.
En 471, pour compenser le pouvoir de Théodoric Strabon (chef ostrogoth en rivalité avec Théodoric l’Amale) sur l’Empire d’Orient, l’empereur Léon Ier renvoie le jeune Théodoric à son père ; il n’a alors que 18 ans.
En 474, son père Thiudimir décède. L’année suivante Théodoric hérite de son trône. Deux ans plus tard, Zénon, conscient de la valeur du jeune prince (celui-ci a pris une grande part dans son rétablissement sur le trône usurpé par Basilisque), lui propose le royaume de Messie, et l’adopte comme « fils d’arme ».
En 483, pour services rendus, l’Empereur Zénon le fait sénateur, puis patrice, maître de la milice, et enfin consul en 484.
Malgré tous ces titres et reconnaissances, Théodoric exerce de nombreuses pressions sur le pouvoir central de Constantinople, et n’hésite pas à soulever son peuple contre l’autorité romaine. Si bien qu’en 488, Zénon, qui veut éloigner des frontières d’Orient ce chef encombrant, lui demande d’aller en Italie afin de chasser Odoacre (433-493), le roi des Hérules. C’est le meilleur moyen de se débarrasser d’un adversaire qui devient trop remuant à ses yeux. Théodoric n’a alors qu’une trentaine d’années.
En 489, Théodoric, à la tête de quelques cent mille Ostrogoths et Ruges (dont le royaume a été décimé par Odoacre), débute sa campagne militaire et pénètre en Italie.
Il remporte un premier succès sur l’Isonzo, puis un second à Vérone, et sur l’Adda en 490. Il sera victorieux grâce au soutien des troupes wisigothes de son cousin Alaric II, venues en renfort. Odoacre devra se retirer dans Ravenne ; il y résistera durant trois ans.
Le 26 février 493, après trois ans de siège, la cité capitule enfin.
Le 15 mars, la reddition est célébrée autour d’un somptueux banquet au palais impérial du Laurier. C’est ce moment de réjouissances que choisit Théodoric pour égorger Odoacre, son ennemi vaincu. Il fera subir le même sort à toute sa famille.
THÉODORIC, ROI DES OSTROGOTHS
En 491, l’Empereur Anastase succède à Zénon (règne du 11 avril 491 au10 juillet 518).
Théodoric est désormais maître de la péninsule, des Alpes à la Sicile, mais aussi de la Dalmatie. Tout en fondant son royaume, il ambitionne le titre de vice-empereur.
Il revendique le droit de porter la pourpre et le diadème (l’habit impérial), et se fait appeler « très glorieux ». Théodoric accorde cependant aux Romains d’être administrés suivant les lois et les juridictions romaines, alors que les Goths gardent leurs propres coutumes. Il est le souverain incontesté de l’Italie, le maître de Rome et de Ravenne.
Théodoric se comporte déjà comme l’héritier de Rome en Occident, à un rang à peine inférieur à celui de l’Empereur d’Orient. Il choisit d’exercer une politique intérieure s’appuyant sur la séparation des peuples romains et germaniques.
UN ROYAUME DIVISE PAR LA RELIGION
Toutefois, Théodoric organise une stricte séparation entre les Goths ariens et les Romains catholiques. Les mariages entre les deux peuples sont interdits.
Sur la question religieuse, Théodoric (qui est lui-même arien) établit un clergé arien (culte opposé au clergé catholique). Jusque dans les années 520, il se montrera tolérant envers les Catholiques et entretiendra de bonnes relations avec l’église italienne. Il sait que la stabilité de la péninsule en dépend, et il affichera une certaine considération manifeste envers la papauté du fait de son attache avec l’Empire Romain d’Orient. Certaines villes peuvent donc disposer de deux évêques, l’un arien, l’autre catholique.
Normalement, le roi Théodoric ne doit pas faire acte d’ingérence dans l’élection du pape.
Cependant en 483, le pape Simplice (420-483) a conféré à un petit groupe de sénateurs et de religieux (dirigé par le préfet du prétoire) la nomination de son successeur. Le roi devra donc servir d’arbitre en cas de différends entre les parties.
C’est ce qui va se passer en 498, lorsque se produira le schisme laurentien. Deux candidats sont nominés pour prendre la succession d’Anastase II sur le trône du Saint Siège :
– d’une part le diacre Symmaque (460-514), le favori du parti intransigeant qui dénie toute transaction pour mettre un terme au « schisme acacien » (Acace patriarche de Constantinople de 471 à 489)).
– de l’autre, l’évêque Laurent (il fut deux fois antipape, du 22 novembre 498 jusqu’en février 499 et de 501 à 505/506). Celui-ci prône le rapprochement avec Constantinople.
Le roi Théodoric convoquera Symmaque et Laurent à Ravenne, se prononcera en faveur de Symmaque, et confirmera son élection. Laurent prendra la fuite.
Mais le schisme laurentien vit toujours. Les fidèles de Laurent se lancent dans une campagne diffamatoire à l’encontre de Symmaque. Ils l’accusent d’avoir des liaisons avec des femmes et d’être débauché.
Le roi ostrogoth Théodoric intervient à nouveau, de manière plus sévère et catégorique.
En 501, il appelle le pape Symmaque pour avoir des explications. Celui-ci, redoutant un piège, ne répond pas à l’invitation du roi. Théodoric nomme alors un suppléant pour le remplacer et convoque un concile pour le juger.
Nonobstant, le 23 octobre 501, le concile se déclarera incompétent pour juger Symmaque et celui-ci sera réhabilité.
En 507, son adversaire Laurent perd définitivement le soutien de Théodoric.
Le contrôle des affaires du Saint Siège par Théodoric ne s’arrête pas après la délibération du schisme.
Le roi des Ostrogoths veut que lui soient rendus les églises et sanctuaires dont les Ariens ont été spoliés. Pour accomplir cette mission, il dépêche le pape Jean Ier lui-même (470-526), accompagné par de nombreux négociateurs, à Constantinople auprès de l’Empereur Justin Ier (450-527). Mais la délégation papale essuie un refus de l’Empereur byzantin.
Pour sanctionner l’échec de la mission du pape, Théodoric le met en prison et le laisse mourir de faim.
En 526, il imposera Félix IV à la succession de Jean Ier.
La politique religieuse de Théodoric va prendre un nouveau cap avec l’avènement de l’Empereur Justin 1er, puisqu’il va entraîner la persécution des Catholiques. Le roi des Ostrogoths redoute que ces derniers ne le trahissent au profit de l’Empereur byzantin.
C’est pour cette raison que vers 523/525, il fait arrêter de nombreux sénateurs suspectés d’avoir des liens étroits avec Constantinople.
Parmi ceux-ci, il fera écrouer Boèce (Anicius Manlius Severinus Boethius), qui a défendu le sénateur Albinius (celui-ci avait dénigré ouvertement par écrit le règne de Théodoric, écrit adressé à l’Empereur Justin Ier), et son beau-père Symmaque (Quintus Aurelius Memmius Symmachus).
Boèce, Albinius et Symmaque seront exécutés.
THÉODORIC ET SA COUR
Théodoric réutilise le système fiscal romain, qu’il confie à des comtes goths entièrement dévoués à sa solde. Le tiers de l’impôt foncier est employé pour l’armée.
NB : L’armée est un privilège des Ostrogoths, alors qu’il est interdit aux Romains de porter des armes.
Il fait frapper de la monnaie à l’effigie de l’empereur d’Orient. Quelques rares médailles le représenteront avec le titre de « prince ».
Théodoric installe sa Cour à Ravenne. Il y réunit des ministres érudits, tels Cassiodore ou Boèce, et protège les arts. Durant les trente années de son règne, l’Italie va recouvrer toute sa prospérité passée.
Le gouvernement raffiné de Théodoric sera l’exact contraire de la politique exercée par Clovis en Gaule septentrionale. Plutôt que de favoriser la séparation entre Romains et barbares, Théodoric prônera le mélange des cultures dont découlera une nouvelle société.
DES SUCCÈS MILITAIRES ÉCLATANTS
En 504, il envoie le comte Pitzia (chef militaire ostrogoth, général du roi Théodoric le Grand) contre les Gépides du roi Thrasaric (peuple germanique proche des Goths). Pitzia conquiert la Pannonie (ancienne région de l’Europe centrale) et la Dalmatie avec Sirmium (cité romaine située dans la province de Pannonie).
Théodoric conquiert aussi le Norique (royaume celtique qui s’est constitué au IIe siècle av. J.-C) face aux Bavarois et, après la victoire de Clovis sur les Alamans, intervient pour l’arrêter et place la Rhétie (province de l’Empire romains) sous sa protection.
Lire : la bataille de Tolbiac
En 507, Alaric II, roi des Wisigoths, est tué par Clovis pendant la bataille de Vouillé.
Théodoric devient le tuteur du jeune roi wisigoth Amalaric, petit-fils d’Alaric, alors âgé de six ans. Théodoric gouvernera en son nom l’Espagne wisigothique jusqu’en 526, secondé par le gouverneur ostrogoth Theudis (futur roi wisigoth d’Hispanie et de Septimanie de 531 à 548).
En 507 et 508, il résiste aux ambitions expansionnistes franques et soutient les Wisigoths, notamment lors du siège d’Arles. Et il se rend maître de la Provence, puis du Languedoc et du Roussillon.
En 524, il collaborera au premier partage du royaume des Burgondes.
Au Ier siècle, ils migrent vers l’actuelle Poméranie aux bouches de l’Oder. Au IIème siècle, ils s’établissent en Silésie, aux sources de la Vistule. Vers la fin du IIIème siècle, ils font mouvement vers l’Elbe, puis vers le Main. À la fin du IVème siècle, à la suite de la migration des Vandales et Alains en Gaule romaine, ils s’établissent aux abords du Rhin, en Germanie supérieure. Ils constituent ainsi un premier royaume en 413. En 436, ils seront battus par les Huns en Germanie inférieure. A la fin des Migrations germaniques de la fin de l’Antiquité, les Burgondes s’établissent durablement dans le centre-est de la Gaule, comme peuple fédéré de l’Empire romain d’Occident. Au Vème siècle, lors de l’effondrement de ce dernier, les Burgondes y fondent un royaume couvrant initialement une grande partie des actuelles régions suivantes : Bourgogne, Franche-Comté, Savoie, Lyonnais, Dauphiné et Suisse romande. Dès 534, le Royaume des Burgondes est absorbé dans l’Espace Mérovingien en tant que « Regnum Burgundi », futur Royaume de Bourgogne.
SA FIN DE VIE
Théodoric meurt de dysenterie en 526.
Il laisse dans la mémoire collective le souvenir de trente ans de paix pour l’Italie.
Il est enterré à Ravenne, où son tombeau constitue l’un des plus intéressants monuments de la ville (il est couvert d’une énorme coupole monolithe).
Sa fille Amalasonte lui succède, en assurant la régence pour son petit-fils Athalaric.
Sources :
Les rois de France des Éditions Atlas (Les Mérovingiens).
http://www.cosmovisions.com/Theodoric.htm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9odoric_le_Grand
https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9rovingiens
https://fr.wikipedia.org/wiki/Clovis_Ier