Les Témoins du Passé – La Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez
LES TÉMOINS DU PASSÉ
LA CHARTREUSE DE
SAINTE-CROIX-EN-JAREZ
Sainte-Croix-en-Jarez
Loire
TYPE : Chartreuse.
STYLE DOMINANT : gothique.
DÉBUT DE LA CONSTRUCTION : 1280.
PROTECTION : classée Monument Historique en 1902 et 1995 et inscrite aux Monuments Historiques en 1988 et 2016.
compagnons (quatre clercs et deux laïcs), il s’appuie sur une vie semi-érémitique (ermite, ou anachorète) de ses adeptes. Son nom est issu du massif de la Chartreuse, situé au nord de Grenoble, sur la commune de Saint-Pierre-de-Chartreuse dans l’Isère, où ils se sont installés à proximité de l’actuel monastère de la Grande Chartreuse. Anachorète : « qui s’est retiré du monde ». C’est une personne qui s’est volontairement soustraite de la société temporelle pour des raisons religieuses, afin de suivre une vie basée sur l’austérité, la rigueur et la pénitence. Les anachorètes sont des ermites qui vouent leur existence à la spiritualité, à la prière et à l’Eucharistie.
SAINTE-CROIX-EN-JAREZ
SITUATION
Sainte-Croix-en-Jarez est une commune française située dans le département de la Loire, en région Auvergne-Rhône-Alpes.
Positionnée au confluent de deux ruisseaux, le Couzon et le Gier, la ville fut une position fortifiée dès la protohistoire, construite selon la technique de « l’éperon barré » (promontoire rocheux dont l’isthme a été coupé par un retranchement, souvent isolé par un fossé profond).
LA CHARTREUSE DE
SAINTE-CROIX-EN-JAREZ
PRÉSENTATION
La chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez est un ancien monastère de moines chartreux situé à Sainte-Croix-en-Jarez, dans la Loire (France).
HISTORIQUE
MOYEN ÂGE
Le monastère fut fondé en 1280 par Béatrix de la Tour du Pin. Cette dernière était la veuve de Guillaume de Roussillon (1237-1277), mort le 28 décembre 1277 à Saint-Jean-d’Acre, victime du
complot fomenté par Charles d’Anjou et Guillaume de Beaujeu (Grand maître de l’Ordre du Temple).
Cette femme dévote, refusant le remariage auquel sa famille la destinait, décida, selon la tradition, de se retirer avec ses huit enfants dans un monastère.
Afin d’honorer par la prière la mémoire de son défunt époux, elle se dirigea vers l’Ordre des Chartreux où se trouvait un de ses oncles, Bernard de la Tour. (Ce dernier fut le 13ème général de l’Ordre des Chartreux de 1253 à 1258). C’est à eux qu’elle confiera la construction de la Chartreuse.
Son domaine possédait une place forte sur l’actuel emplacement du village de Châteauneuf, à dix kilomètres approximativement de l’endroit qui sera choisi pour fonder le monastère. Cette forteresse, qui était placée au confluent du Couzon et du Gier, représentait une route stratégique reliant l’Auvergne à la vallée du Rhône.
Elle fera don de ce fief aux Chartreux à la condition d’y finir sa vie ; elle y sera enterrée en 1306.
A cette époque-là, les femmes n’étaient pas admises dans l’enceinte d’un lieu de prières tenu par des hommes. Nonobstant, Béatrix assistera aux offices, et une petite cellule individuelle lui sera construite dans l’église.
En 1896, des fouilles archéologiques mirent à jour sa sépulture ; sa tombe se trouvait dans le chœur de l’église primitive.
L’église primitive fut bâtie à proximité de la forteresse. Une bien curieuse particularité puisqu’en ce temps-là, les
Chartreux vivaient en communauté comme des anachorètes, dans le silence, sans s’adresser la parole, et le plus éloigné possible des habitations. Le nom de la forteresse primitive demeure inconnu ; selon toute probabilité, celui de Sainte-Croix aurait été choisi par les moines chartreux, qui avaient comme symbole de la Chrétienté la Sainte-Croix. Leur devise corroborerait ces dires : « Stat Crux dum volvitur orbis », « Le monde tourne, la Croix demeure ».
UN PEU D’HISTOIRE
L’acte de fondation de la Chartreuse fut établi à Taluyers (Rhône) le 24 février 1280. Ce jour-là était présent Pierre Flote, légiste du futur dauphin Humbert de la Tour (frère de Béatrix de Roussillon et légiste du roi de France Philippe le Bel).
En mai 1274 a lieu à Lyon le plus grand Concile de la Chrétienté. A cette occasion, le synode propose d’expédier un nouveau contingent de troupes françaises à Saint-Jean-d’Acre. Cet acte est entériné par le roi Philippe III le Hardi et le pape Grégoire X. Cette force militaire se doit d’être une force d’interposition, et non une force de secours : en Occident, on est exaspéré par la chute inexorable des Lieux Saints, le siège de Saint-Jean-d’Acre par les Musulmans, et les querelles incessantes entre chrétiens au Royaume de Jérusalem.
Guillaume de Roussillon est dépêché sur place, avec pour mission de calmer les parties belligérantes dans le cas où le chevalier Olivier de Terme (le capitaine des forces françaises à Saint-Jean-d’Acre) serait tué.
En 1275, Guillaume de Roussillon rédige son testament dans son château à Annonay, et s’apprête à partir pour la Terre sainte.
Le 12 août 1274, Oliviers de Terme meurt à Saint-Jean-d’Acre.
Guillaume de Roussillon, seigneur d’Annonay, de Roussillon, de Châteauneuf (près de Rive-de-Gier) et de Dargoire, suivant l’ordonnance royale, s’embarque avec ses soldats à Aigues-Mortes.
Sur place, il s’attèle tout de suite à sa tâche et effectue sa mission avec succès. Mais trop au goût de son cousin Guillaume de Beaujeu, Grand Maître de l’Ordre du Temple, et surtout de Charles Ier d’Anjou, roi de Sicile et frère de Louis IX (saint Louis).
Guillaume de Roussillon disparaîtra à Saint-Jean-d’Acre dans la nuit du 7 au 8 juin 1277, lors du coup d’État fomenté par Charles d’Anjou.
RÉVOLUTION
La communauté de Pères et de Frères s’est maintenue jusqu’en 1792, puis fut confisquée comme bien national lors de la Révolution. Le monastère fut vendu aux enchères en 1794 en 44 lots aux familles des environs, qui s’établirent dans son enceinte.
RESTAURATION
Au cours de cette période, les Chartreux ne tentèrent pas de récupérer leur domaine. L’opération se présentait trop compliquée. D’une part, il fallait négocier avec chacune des 44 familles occupant les 44 lots respectifs. D’autre part, l’industrialisation naissante de la vallée du Gier rendait impossibles l’isolement et l’érémitisme des moines. Le monastère se transforma alors en un village qui prit le nom de Sainte-Croix-en-Pavezin, car dépendant de la commune proche de Pavezin. En 1888, la commune devint indépendante et le village prit le nom de Sainte-Croix-en-Jarez.
C’est le seul village de France se tenant à l’intérieur d’un monastère…
Les habitants actuels ainsi que la mairie, l’école, l’accueil des touristes et des commerces, occupent
certains ermitages et des locaux communs, tels que l’ancienne boulangerie et l’hostellerie. Ce village est un exemple très original de la transformation d’un ensemble religieux en un ensemble laïc.
En 1840, le cloître de la deuxième cour est démoli pour permettre le passage des charrettes. C’est aussi à la même époque que la loge de Béatrix est détruite pour laisser la place au clocher actuel, l’ancien étant devenu trop vétuste et menaçant de s’effondrer.
Les voûtes en pierre de l’église primitive seront démontées et remplacées par une charpente en bois.
Actuellement, le monastère de la Grande Chartreuse demeure la maison mère de l’Ordre ; au total 24 maisons sont toujours en fonctionnement dans le monde.
LA FAÇADE D’ENTRÉE DU MONASTÈRE
Au-dessus du porche d’entrée, nous pouvons apercevoir le symbole de l’Ordre des Chartreux : la croix sur le globe, entourée des sept étoiles symbolisant Bruno et ses compagnons, et la devise des Chartreux : « le monde tourne, la Croix demeure ».
L’imposante façade fortifiée date du 16ème siècle, et mesure 110 mètres de long. Elle est flanquée de chaque côté par une tour d’angle, et de hauts remparts enferment l’ensemble des constructions. Elle a subi une restauration au 17ème siècle. Elle donne accès à la cour des obédiences ou cour des Frères.
Sa muraille est restée presque aveugle jusqu’à la Révolution ; les seules ouvertures étaient des meurtrières qui avaient la forme de croix (croix cartusiennes). Elle est ornée de l’insigne de l’Ordre (une croix surmontée de sept étoiles dominant le globe) et des armoiries de la Chartreuse de Sainte Croix, composées à l’origine d’une croix dentelée, cantonnée de deux fleurs de lys et de deux étoiles.
L’Entrée principale, de style Renaissance, a subi un réaménagement vers la fin du 17ème siècle.
COUR DES FRÈRES
C’est la cour séculière de la Chartreuse ; elle est de forme carrée et a une surface d’environ 3500 m2. Elle accueillait les logements des frères et les bâtiments d’exploitation. Elle était nommée
aussi « Cour des Obédiences », car chaque bâtisse avait une activité spécifique (obédience) : menuiserie, buanderie, forge, etc. C’était le lieu où habitaient une quinzaine de Frères ; leurs cellules individuelles se situaient sur le côté gauche de la cour. On y trouvait aussi des granges, des étables, des pressoirs à vin et des entrepôts, car les Frères survenaient aux besoins matériels de la communauté de la Chartreuse.
L’ancienne boulangerie est toujours visitable aujourd’hui : c’est l’actuel point d’accueil.
Dans « la cour des Frères », on remarquera un calvaire de grande taille. De chaque côté de la croix en acier se dressent deux lances.
LE CORRIDOR ET LA ZONE CÉNOBITIQUE
« Le passage du temporel au spirituel »
Une ruelle (ou corridor) relie encore l’ancienne « cour des Frères » à la 2ème cour, celle « des Pères ». Elle marque la véritable entrée du monastère. Une porte en fermait l’accès et les laïcs n’y étaient pas admis.
A l’extrémité du corridor à gauche se trouvait la cellule du père Prieur, le supérieur de la Chartreuse.
Le corridor desservait les bâtiments communs où Pères et Frères se retrouvaient : l’église, la salle du chapitre, et le réfectoire dans lequel ils prenaient ensemble leur repas le dimanche.
LE PETIT CLOÎTRE
De ses galeries on accédait à l’église, au réfectoire et à la salle du chapitre. Au milieu se trouvaient le cimetière des Frères, ainsi qu’une croix en fer forgé représentant le symbole de l’Ordre des Chartreux. La croix d’origine se trouve à Pavezin.
LA CUISINE
Elle est remarquable par son imposante cheminée du 17ème siècle. Le frère cuisinier y préparait les repas puis les apportait directement dans chacune des cellules.
L’ÉGLISE PRIMITIVE
Elle date du 13ème siècle, et se situe perpendiculaire à l’église paroissiale actuelle. Ses murs sont ornés de remarquables peintures exécutées vers 1327 et classées monuments historiques ; elles font la fierté du site.
Le chœur possédait une voûte sur croisée d’ogives, caractéristique de l’époque gothique.
Au 18ème siècle, suite à un incendie, le chœur de l’église fut transformé en salle capitulaire et la nef devint la sacristie de l’église paroissiale.
A l’origine, le sanctuaire abritait trois tombeaux : celui qui contenait la sépulture de Béatrice de la Tour du Pin (la fondatrice), celui de Béatrix de Roussillon (membre de la famille de la fondatrice), et le tombeau de Thibeaud de Vassalieu (bienfaiteur de la Chartreuse).
Les fresques funéraires en l’honneur de Thibaud de Vassalieu représentent le chef-d’œuvre du site. Elles remontent à la première moitié du 14ème siècle. Cachées par un enduit jusqu’en 1896, elles sont des témoignages exceptionnels de peintures médiévales dans la Loire.
Béatrix de la Tour du Pin avait demandé le droit de demeurer jusqu’à sa mort (en 1307) à proximité de la Chartreuse. Depuis une petite pièce aménagée en loge, au flanc de l’église, elle assistait aux offices religieux.
En 1896, des fouilles archéologiques dans le chœur de l’église médiévale ont permis de mettre à jour sa tombe, ainsi que celle de Thibaud Vassalieu. Ce sanctuaire fut très endommagé par un incendie ; il sert aujourd’hui d’annexe à la sacristie.
Les fresques murales qui décorent la chapelle funéraire de Thibaud de Vassalieu (archidiacre de Lyon et de Cambrai, mort en 1327) couvrent deux des murs de la chapelle, et sont divisées chacune en deux registres :
1er registre : en haut, Le Couronnement de la Vierge et en bas, La Mort de Thibaud de Vassalieu,
assisté de deux évêques.
2ème registre : en haut, Le Crucifiement, et en bas, un Groupe de Chartreux.
Epitaphe (latin) : Hic jacet nobilis vir Theobaldus de Vassaliaco quidam L[ugdu]nem et Cameracem ecclar archidiaconus viennen (…) et dyen (…) q obiit anno Dni MCCC XXVII Julii cui anima P dei (…) requiescat in pace. Am.
L’ÉGLISE PAROISSIALE
Au départ, c’était une église conventuelle utilisée depuis le 17ème siècle. Elle renferme notamment de splendides stalles gothiques de la fin du 15ème siècle en bois sculpté, avec leurs miséricordes ou « drôleries » (des visages représentant les péchés et les démons).
LES STALLES ET LES DRÔLERIES
L’église paroissiale a été aménagée au 18ème siècle par les Chartreux dans ce qui était l’ancienne salle du chapitre et le réfectoire. Cette installation fait suite à un incendie qui, en 1714, avait sérieusement détruit la toiture de l’église primitive du 13ème siècle. Cette modification devait être provisoire, l’objectif étant à terme de restaurer l’église.
Les moines avaient conservé les stalles du 15ème siècle qui entourent la nef de la nouvelle église, devenue depuis église paroissiale. Les lambris de la nef ont été ajoutés à cette époque (15ème siècle), et des miséricordes ornées agrémentent les sièges des Pères et des Frères.
LA NEF & L’AUTEL
LES CHAPELLES
On peut apercevoir, dans une chapelle latérale, une chasse-reliquaire qui contient les os de Sainte-Félicie.
LES VITRAUX
LES DÉCORATIONS
LA COUR DES PÈRES CHARTREUX ET LES ERMITAGES
C’est la 2ème cour du monastère. Sur sa périphérie furent bâtis les cellules et les ermitages des
pères et des novices. Elle est de construction plus tardive que le monastère, et fut remodelée au 18ème siècle. On accédait aux ermitages des Pères par le grand cloître, détruit par les habitants en 1840.
On peut découvrir en son centre une croix de la même époque.
Aujourd’hui, ces anciens ermitages sont des propriétés privées ou des bâtiments communaux : en témoigne l’école, qui reçoit toujours les petits cartusiens.
Chaque ermitage était doté d’un petit jardinet dans lequel le père chartreux cultivait des plantes potagères et médicinales. On y accède en longeant le cimetière et en traversant un petit pont de pierre surnommé « la planche à cul ».
La cour des Pères est le reflet de l’Ordre cartusien. Elle était composée d’une douzaine de cellules, nommées ermitages ; cet endroit représente le lieu de vie des pères. Ces derniers ont une vocation de solitude qu’ils pratiquent dans leur cellule par la prière, l’étude et le travail.
Certaines des portes d’entrée, de forme arrondie, remontent au 17ème siècle. Chaque cartouche qui les surmonte permettait d’identifier le moine, grâce à une lettre peinte ainsi qu’à quelques versets d’un psaume.
On distingue trois ermitages décorés de blasons et d’un bas-relief, ceci pour rappeler la participation financière de familles de la noblesse.
LE BAS-RELIEF DE SAINT BRUNO
Il représente Saint Bruno méditant sur la mort. Ce bas-relief rappelle la vocation cartusienne à se rapprocher au plus près de Dieu, afin d’être en perpétuel contact avec lui. C’est dans la mort que se fera ce dernier acte. Donc, en toute logique, le moine chartreux, loin de redouter la mort, dialogue avec elle.
CLIN D’ŒIL HISTORIQUE, A TRAVERS LES ÂGES, SUR L’ÉLABORATION DE L’ÉLIXIR VÉGÉTAL, LA CHARTREUSE VERTE