Des pavés pour les rues de Paris
CHRONIQUES MÉDIÉVALES
DES PAVES POUR LES RUES DE PARIS
PARIS A L’AUBE DU 1er MILLÉNAIRE
12ème SIÈCLE
Monarque à l’odorat raffiné, Philippe Auguste est le premier à s’insurger contre toutes ces nuisances et à réagir contre l’insalubrité urbaine. En 1185, il est bien décidé à apporter des solutions au problème et prend des mesures concrètes. Il décide de faire paver toutes les artères de sa capitale avec de lourds carreaux en grès. Une opération coûteuse qui sera à la charge des bourgeois de Paris. Le montant des frais engagés est si important que, pendant longtemps, seules les voies principales de la capitale seront pavées. Il fait aussi creuser des canaux et des fosses au milieu des rues et ruelles encombrées. Les ordures ainsi amassées pourront être collectées par des charretiers (ancêtre de la collecte des ordures).
– lire : l’insalubrité des rues de Paris au Moyen Âge
Son grand-père Louis VI le Gros avait déjà, en son temps, interdit l’errance des porcs dans Paris. Cette décision visait surtout à prévenir les accidents nombreux et parfois mortels.
– Lire : Louis VII
UN CONSTAT AU GOÛT AMER !
Un gros orage sévit et déverse ses lourds nuages détrempés sur la capitale depuis le début de la matinée quand, soudainement, le grondement des tonnerres s’arrête, laissant la place à un ciel dégagé. Les rayons du soleil apparaissent timidement et finissent d’effacer les restes d’humidité sur les toits. C’est ce moment-là que choisit Philippe Auguste pour s’approcher des fenêtres de son palais de la Cité ; il veut profiter du spectacle des barques naviguant sur la Seine. Sur les bords du fleuve, les clameurs des bateliers font écho aux cris des flâneurs et des charretiers. Brusquement le roi est pris de dégoût et fait un bond en arrière, puis se penche à nouveau à la fenêtre pour observer la rue d’où monte une odeur pestilentielle. Le constat est sans appel ! Les voies ne sont plus que des chemins boueux où le ruissellement des rues et ruelles contigües transforme le tout en un vaste cloaque. Les hommes et les bêtes barbotent dans un univers visqueux, et les charriots s’embourbent. Contre les murs des maisons, l’orage a agglutiné une quantité d’ordures de toute provenance ; celles que les habitants ont l’habitude de balancer par les fenêtres.
UNE VOIRIE A REPENSER !
Que dire sur l’état de la voirie parisienne ? Sinon qu’il est de plus en plus déplorable, que le temps soit clément ou pluvieux. Il y a des lustres que les dalles posées à l’époque gallo-romaine ont disparu. De toute part le sol est recouvert par une dense et compacte couche de terre et de vase. Les ruelles tortueuses et obscures sont jonchées de détritus qui se mélangent aux eaux usées. Un encombrement gigantesque se profile au milieu des bâtisses édifiées en encorbellement.
De jour comme de nuit, il faut rajouter à cette insalubrité profonde l’insécurité répandue par les voleurs et coupe-jarrets, qui sévissent sans scrupules dans cette pénombre.
Lire : mercenaires, routiers, bandits au Moyen Âge.
Ces ruelles sombres et menaçantes sont de véritables bouillons de culture latents. Il peut s’y développer des épidémies aux conséquences catastrophiques, eu égard à la promiscuité des personnes et des habitations.
Le Parisien, pour se mouvoir dans un tel univers, doit produire un effort considérable. C’est un véritable parcours d’obstacles qui se profile devant lui ! Outre le fait d’éviter tout ce qui encombre le sol, il doit prendre garde à tout ce qui peut, à tout moment, être jeté par les fenêtres.
Il va de soi que les grandes artères, plus larges, sont mieux entretenues que les chemins et passages tortueux, moins denses et moins peuplés. Nonobstant, rien n’a été prévu pour y remédier ; aucun service de voirie n’a vu le jour jusqu’alors. Les Parisiens seraient-ils insensibles aux exhalations pestilentielles qui émanent de leur capitale ? Nul doute qu’ils en sont conscients : en témoignent les noms qu’ils donnent à certaines de leurs rues : rue Tirepet, rue Merdelle, rue de la fosse aux Chieurs… Cependant, une vraie prise de conscience est en train de naître en hauts lieux. Mais l’opération d’assainissement s’avère onéreuse, et jusqu’à présent aucun suzerain de s’est aventuré à financer un tel projet.
LE DÉCLIC !
« FAIRE PAVER TOUTES LES RUES AVEC DE FORTES ET DURES PIERRES »
En 1185, Philippe Auguste, « le bien nommé », fait mander en son palais le prévôt de Paris et une assemblée de représentants de la classe bourgeoise de la capitale. Le roi présente son projet aux membres et dignitaires présents. Il attire l’attention sur l’état d’insalubrité désastreux de la cité.
Pour Philippe Auguste, Paris se doit d’avoir une position centrale et d’être le miroir de sa puissance et de son pouvoir ! N’est-elle pas le siège de la royauté ? Nul doute alors que les décisions prises pour améliorer l’hygiène des Parisiens sont établies surtout pour mettre en valeur son prestige.
LES DÉBUTS DES TRAVAUX
L’année 1186, marque le début des travaux. Seules les grandes artères de la ville sont concernées. Tout d’abord on pave la « croisée de Paris », se rapportant aux grands axes nord-sud et est-ouest, c’est-à-dire aux rues Saint-Martin et Saint-Jacques, Saint-Antoine et Saint-Honoré, qui font leur jonction vers le Châtelet. Tout le réseau de la voirie de la capitale va reposer sur ces voies principales. Vient ensuite le pavage de certaines rues secondaires, comme celles qui se dessinent à partir des nouvelles Halles. Le Pont au Change, ainsi que le Petit Pont, sont aussi restaurés et recouverts d’un parement de pierres.
LA SALUBRITÉ, UN DEVOIR CIVIQUE…
Après le règne de Philippe Auguste, les travaux de salubrité publique vont perdurer, et l’état des rues ira en s’améliorant. Dorénavant, l’entretien des chaussées de la capitale relèvera de l’intérêt général, et sera un souci permanent pour tous les monarques qui vont se succéder. La cité de Paris servira d’exemple aux autres grandes villes du Royaume de France.
« DE FORTES ET DURES PIERRES »