Marseille sous les bombes de « l’Oncle Sam »
SECONDE GUERRE MONDIALE
MARSEILLE SOUS LES BOMBES DE
« L’ONCLE SAM »
Cet article est une fiction. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait qu’une pure coïncidence. Seuls les événements historiques sont authentiques.
Lire : Mistral brûlant sur la « Bonne Mère ».
SOMMAIRE
Ça s’est passé le 27 mai 1944, à 10 h 50. Sept vagues de bombardiers américains et canadiens apparaissent à 4 ou 5 000 mètres d’altitude. Les 130 forteresses volantes de l’US Air force larguent plus de 800 bombes (de 250 à 500 kilos) sur le centre-ville de Marseille. La ville phocéenne subit le « Blitz » de l’armée américaine, qui prépare ainsi le futur débarquement allié en Provence. Ce bombardement dit stratégique, mené par l’US Air force, fera dans la population civile 4 510 tués ou blessés (1750 morts et 2760 blessés), 20 000 sinistrés, et tuera environ 50 soldats allemands. Ce sera un véritable massacre, et peu d’objectifs vitaux seront atteints. Les bombes toucheront surtout le centre-ville, alors que toutes les installations portuaires et militaires resteront intactes. Plus de 400 immeubles seront rasés et près de 850 autres deviendront totalement inhabitables. Une cinquantaine d’incendies se déclareront simultanément dans la cité phocéenne. Les Alliés ne débarqueront sur les côtes provençales que deux mois et demi plus tard, le 15 août 1944.
UNE VILLE MARTYRE ET OUBLIÉE…
Mais cet événement de la Guerre a éclipsé le terrible martyre qu’a subi Marseille. En effet, elle aussi fut l’une des principales villes meurtries de ce conflit. Même 78 ans après, ses blessures restent toujours béantes et ont du mal à cicatriser. Marseille se souvient des rafles, et aussi du cataclysme provoqué par la destruction des quartiers du Vieux-Port par les Allemands. Et surtout, par l’un des bombardements les plus dévastateurs que la France ait connus à cette époque. Les destructions les plus importantes furent causées dans le centre de la ville, notamment rue de Rome et à la Belle-de-Mai.
Je m’appelle Jean. Ce samedi 27 mai, je me suis levé tôt pour partir aux aurores. Je vais aider Juliette, la tante de ma femme, qui est maraîchère à la Belle de Mai. Cette sexagénaire n’a plus la force de pousser son charreton recouvert de fruits et légumes ; et aujourd’hui il est particulièrement chargé. Je travaille en haut de la Canebière, dans la grande boucherie Allègre, aux « Réformés ». Mais aujourd’hui, j’ai un jour de repos. Alors, comme le marché des Capucins ne se trouve pas très loin, je me suis proposé de charrier le lourd fardeau jusqu’à la camionnette du dénommé Roger. Cet homme à tout faire se propose, moyennant finance, de transporter à destination, avec son véhicule, les achats des commerçants. Il doit ce matin acheminer ceux de Juliette jusqu’à son étalage du marché de la Belle de Mai.
LA BELLE-DE-MAI SOUS LES BOMBES DE
« L’ONCLE SAM »
Le temps est splendide. Marseille se réveille à peine, et le pont Transbordeur a les pieds enveloppés dans une légère brume passagère.
LE PONT TRANSBORDEUR
Le reste s’écroulera le 1er septembre 1945, dynamité avec 400 kg d’explosifs.
Autour du Vieux Port, il y a déjà un foisonnement cacophonique qui accompagne le retour des chaluts. Les « gabians » (sortes de mouettes) crient à tue-tête en virevoltant, espérant récupérer quelques poissons au passage des chalutiers. Tout ce beau monde s’active ; cette journée printanière promet d’être belle.
Ah ! J’ai oublié de vous dire que pour venir à pied de Saint Lazare, il me faut 20 bonnes minutes pour parcourir 1,5 km. D’ailleurs, à l’époque, tout se fait à pied ou à bicyclette.
Il est 10 h 45 lorsque, mon labeur terminé, je salue la tante Juliette et m’en retourne chez moi, à Saint Lazare. Tout est paisible ; la foule est devenue subitement calme, et les « gabians » ne piaillent plus. Ce décor insolite a quelque chose d’étrange que je ne peux expliquer…
A 10 h 50 pile, je sais pourquoi les mouettes ont subitement déserté le port. Elles ont senti le danger mortel qui se rapproche au-dessus de nos têtes.
Soudain, le ciel marseillais s’assombrit. Je distingue mal ce qui arrive sur nous. Ce n’est pas un nuage de sauterelles, bien sûr, mais d’autres oiseaux de proie, porteurs eux de mort et de désolation. Sur le moment, je reste dubitatif…Autour de moi, les gens lèvent de concert les yeux vers ciel, car maintenant un ronronnement sourd se fait entendre.
Puis les sirènes hurlent… Elles nous avertissent bruyamment, de leurs chants macabres à s’époumoner, que le péril approche. A voir l’affolement soudain des Allemands, je comprends très vite qu’il faut que je me sauve, ou du moins que je me trouve un abri sûr.
Mais déjà les premières bombes explosent dans le port, puis se rapprochent dangereusement du centre-ville. Je cherche où me réfugier, mais je suis obligé de me rendre à l’évidence : personne n’est protégé, et les obus meurtriers s’abattent sans crier gare. Dans mon affolement, il me semble que ça explose de partout.
Ce qui représente près de 300 tonnes de munitions, et presque autant d’explosifs. C’est un véritable désastre. Les quartiers du centre-ville de la belle cité marseillaise ne sont plus qu’un champ de ruines et de morts.
J’essaie tant bien que mal d’éviter le pire en me faufilant au travers des éboulements, et de sauver ma peau. L’air est irrespirable ; à chaque mètre, des éboulis s’abattent sur mon chemin en dégageant une fumée et une poussière dense indescriptible.
Une femme recouverte de cendres, le visage en sueur, tente d’extirper son enfant des décombres et m’appelle à son secours. Je me précipite vers elle ; son bébé ne bouge pas. Je crains le pire pour cette malheureuse. Soudain, les pleurs et les toussotements de ce petit bonhomme sont perceptibles ; il est vivant. Je commence par ôter délicatement les gros débris qui recouvrent son frêle petit corps. Mais sa mère est pressée ; elle enlève les pierres sans compter, comme une furie. On la comprend ; elle languit de serrer son enfant indemne dans ses bras. Le bébé est sauf ; commotionné mais vivant.
De nombreuses rues étant condamnées par les éboulis, il est trop dangereux de m’aventurer dans ces ruines fumantes. Dans la rue de Rome, les sauveteurs sont à pied d’œuvre et s’activent à sauver tout ce qui peut l’être. Les ambulances ont entamé un ballet macabre ininterrompu, et transportent les blessés vers les hôpitaux de la ville. Les détonations ont cessé. Le bombardement est sans doute terminé ; il m’a paru long, très long. En fait, il a été constitué de sept vagues de bombardiers ; une hécatombe…
Je suis détourné de mon itinéraire vers la gare Saint Charles. Là, impossible de continuer mon chemin vers Saint Lazare, les alentours de la gare ont été touchés ; je suis obligé d’emprunter, si je le peux, le boulevard National.
Les services de secours auront aussi de nombreuses pertes. La défense passive perdra 64 de ses volontaires, les services de déminages 47 de ses techniciens, et les marins-pompiers déploreront la perte d’une dizaine d’hommes, ensevelis par un pan de mur alors qu’ils se trouvaient dans leur véhicule.
Quelle n’est pas ma consternation lorsque je constate avec stupeur, face à moi, les dégâts au niveau du tunnel du boulevard National (communément appelé les Trois Ponts) ! La population y est venue s’y réfugier pour échapper aux bombes, croyant les lieux sûrs. Cet endroit est maintenant devenu un charnier ; les morts se comptent par centaines. Je suis effaré, et trop choqué pour réaliser le désastre.
UN TÉMOIN RACONTE
Je sus plus tard que notre voisin avait trouvé la mort, écrasé comme tant d’autres, par les effondrements de pans de murs et d’une partie de la voûte.
Rappelons que ce raid, comme tous ceux qui allaient suivre durant cette période, avait pour objectif de préparer le débarquement en Provence. Les Américains préféraient les bombardements à haute altitude, afin de réduire les pertes infligées par la DCA allemande qui devenait de plus en plus précise.
Je continue mon calvaire, car c’est bien d’un calvaire dont il s’agit, tant les voies de circulation sont encombrées de gravats et de décombres en tout genre ; et il devient de plus en plus pénible d’avancer. J’emprunte la rue Guérin (qui deviendra rue Jean Cristofol), et me retrouve dans la rue Belle-de-Mai. Là, le « blitz » a cassé de nombreuses vitres, mais épargné les habitations. Enfin, c’est ce que je croyais… Arrivé près de la maternité (place Bernard Cadenat), je constate que des habitants fuient les destructions dans les rues voisines. Au-dessus de la rue Loubon, sur la place Placide-Caffo, se trouve l’église. Les dégâts sont sévères, et ont sinistré le vieil édifice religieux de 1843. (En 1952, j’y baptiserai mon premier fils, Jean-Marie).
Une nouvelle église (Saint Charles, ou église de la Belle-de-Mai) sera construite en 1957 en remplacement de la précédente, devenue obsolète en raison des dommages subis.
Gros soulagement ! La tante Juliette est saine et sauve, très choquée par les péripéties de cette morbide journée, mais vivante. Elle m’a donné des nouvelles rassurantes de mon épouse Carméline, qui a réussi à se mettre à l’abri.
Le soir de cette terrible journée, je regagne Saint Lazare. Un grand deuil est ressenti par tout le monde. Juste à côté de la boucherie de mon père, dans la rue Eugène Pottier, une petite bâtisse qui servait d’orphelinat a été touchée par les obus. De nombreux enfants y sont morts, écrasés sous les éboulis, emportés par la folie meurtrière des hommes. La petite maison restera longtemps dans l’état, comme pour raviver les mémoires des Marseillais, et pour se souvenir de ce triste 27 mai 1944.
Sources :
Photos publiques Facebook
https://tourisme-marseille.com/fiche/le-bombardement-americain-de-marseille-de-1944/
https://www.laprovence.com/article/papier/4464654/27-mai-1944-et-soudain-lenfer.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bombardement_de_Marseille_(1944)
2 réponses
[…] – Marseille sous les bombes de l’Oncle Sam. […]
[…] Lire : « La Belle de Mai sous les bombes de l’Oncle Sam » […]