Le baptistère de Venasque
LES TÉMOINS DU PASSÉ
LE BAPTISTÈRE DE VENASQUE
TYPE : baptistère.
CULTE : aucun de nos jours.
NOM : actuellement appelée, à tort, église funéraire épiscopale de forme quadrilobée.
STYLE : préroman.
ÉPOQUE : mérovingienne.
PÉRIODES DE CONSTRUCTION : VIème et VIIème siècles. (Remanié aux XIème, XIIème, XIIIème siècles, et restauré au XIXème siècle par les Monuments Historiques.
PROTECTION : classé sur la liste des Monuments Historiques de 1840. L’église et le bâtiment (couloir voûté en plein cintre) qui la relie au baptistère, sont classés par arrêté du 30 mai 1906.
ÉTAT DE CONSERVATION : bon état.
PROPRIÉTAIRE : la commune.
COMMUNE : Venasque
DÉPARTEMENT : le Vaucluse.
RÉGION : Provence-Alpes-Côte d’Azur.
VENASQUE
LOCALISATION :
Venasque est une commune française située dans le département de Vaucluse, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le village se situe à environ 11 km au sud-est de Carpentras par le CD 4, puis le CD 28 et à une trentaine de km d’Avignon.
PRÉSENTATION
Le village de Venasque se dresse sur un éperon rocheux aux flancs abrupts, au débouché des gorges de la Nesque. Le territoire de la commune est composé de terres cultivables vers la plaine de Carpentras, et de zones de garrigue sur les hauteurs des monts de Vaucluse. La commune occupe donc une position facile à défendre. Par le passé, cette situation privilégiée a conduit très rapidement à une occupation humaine.
L’origine du nom « Venasque » serait issue du celto-ligure, « Vindasca » (VIème siècle) ou « Vendasca » (Xème siècle). Le préfixe « vind », d’origine celte, se traduit par blanc et le suffixe ligure, « asca », par rocher ; donc : rocher blanc (et par extension « qui s’aperçoit de loin »).
Venasque a donné son nom au Comtat Venaissin. Cette appellation proviendrait de « Comitatus Vendascensis », Comité de Venasque (qui représentait un groupement des habitants des villages du pays de Venasque contre d’éventuelles attaques extérieures). Par la suite le nom va se transformer, passant de Comité à Comté, puis à Comtat.
Sur les régions rattachées au trône de France, Louis IX fondera un port artificiel connu sous le nom d’Aigues-Mortes, duquel il s’embarquera pour la 7ème croisade le 25 août 1248. Le Comte de Toulouse Raymond VII conserve quelques fiefs jusqu’à sa mort. En outre, il consent à donner en mariage sa fille unique Jeanne à l’un des frères du roi Alphonse de Poitiers. Il prend conscience alors que par cette décision, il accepte la fin de sa dynastie et de la souveraineté de son Comté.
Lire : la Croisade des Albigeois
Le village de Venasque possède trois monuments classés Monuments Historiques :
– L’ÉDIFICE QUADRILOBE, DIT « LE BAPTISTÈRE » (classé en 1840)
Le baptistère est un édifice exceptionnel par ses jeux d’arcatures et ses chapiteaux. Construit au VIème siècle probablement sur les ruines d’un temple romain, il sera remanié aux XIème, XIIème et XIIIème siècles, et restauré au XIXème siècle.
Malgré de nombreuses études historiques et archéologiques, ce monument n’a pas encore livré tous ses secrets.
Admirable par son architecture et la finesse de ses sculptures, les mystères qui l’entourent lui confèrent une atmosphère propre à la contemplation. Connu des « Antiquaires » et des historiens des XVIIIème et XIXème siècles, le monument passera, selon les auteurs, du statut de « temple païen » à celui « d’église des premiers temps du christianisme », pour finir sous la plume de Prosper Mérimée, en visite à Venasque en 1834, comme étant « peut-être un baptistère ».
Six ans plus tard, lors de l’établissement de la première liste des Monuments Historiques en France, le « temple » venasquais y est classé, ce qui montre qu’en ce temps-là, l’ensemble était déjà jugé d’un intérêt majeur.
– LES TOURS SARRASINES (classées en 1892)
Naturellement protégée de par sa position sur un éperon rocheux, la cité de Venasque ne pouvait être attaquée que dans sa partie sud-est. Pour y remédier, à la fin du IIIème siècle, les Romains érigèrent une muraille sur l’emplacement d’un mur primitif. La muraille sera consolidée à la fin du IVème siècle et lors de la période mérovingienne, lorsque l’évêché sera transféré à Venasque.
Par arrêté du 15 mars 1892, l’enceinte est classée au titre des Monuments Historiques. Plus tard, sous la direction de ces mêmes services, la porte subira à tort une restauration à la façon d’une entrée de château.
Lire : les Tours Sarrasines
– L’ÉGLISE PAROISSIALE NOTRE-DAME (classée en 1906)
Une source historique nous éclaire sur la datation de l’église : en 1528, l’abbé de Montmajour fit un don à l’évêque de Carpentras pour qu’il reconstruise l’église de Venasque. Le terme de reconstruction induit donc l’existence d’un édifice antérieur. Cet édifice primitif a dû être bâti au VIème siècle, peut-être sous l’épiscopat de Saint Siffrein, car nous savons que ce dernier fit bâtir à Venasque une église dédiée à Sainte Marie. Une crypte (qui daterait de la fin du IVème siècle) est enfouie sous l’autel de l’église, témoignant ainsi de l’existence d’une communauté chrétienne établie tôt.
L’église du XIIIème siècle fut ensuite remaniée aux XVIIème et XVIIIème siècles.
LA LÉGENDE
Dans ses mains, il tient un objet étonnant : la représentation d’un mors de cheval romain du IVème siècle, « Le Saint Mors », que l’on retrouve dans son iconographie. Statue de Saint-Siffrein en bois doré du XVlème siècle. Il n’a pas pu en disposer de son vivant, car il vivait au Vlème siècle, et le mors (bien que datant de la même époque) se trouvait à Constantinople. Mais à partir du Xlllème siècle, le saint est toujours représenté avec cet objet. (Vous pouvez notamment le voir dans l’église sur le Primitif de l’Ecole d’Avignon, « La Crucifixion », datant de 1498). Selon la légende, la mère de l’empereur Constantin, Sainte Hélène, demanda qu’on lui forge deux clous de la crucifixion, pour réaliser un mors pour le cheval de son fils. Elle pensait que la sainte relique le protégerait au cours des batailles.
L’ÉDIFICE QUADRILOBE, DIT « LE BAPTISTÈRE »
UN DES PLUS ANCIENS ÉDIFICES RELIGIEUX DE FRANCE
Il semblerait que l’histoire de Venasque et celle du baptistère soient étroitement liées. Les grandes périodes de l’Histoire, de l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge, ont sensiblement laissé leurs empreintes sur l’architecture de ce dernier.
Comme je l’ai cité ci-dessus, Venasque occupe une position défensive de choix, en raison de sa situation élevée sur un « éperon rocheux aux flancs abrupts ». C’est probablement cette raison qui, à la suite des invasions barbares, aurait poussé les évêques de Carpentras à venir se réfugier à Venasque. Du VIème au IXème siècle, il est vraisemblable qu’un groupe épiscopal ait pu s’installer sur le rocher.
Le baptistère est situé au nord de l’église Notre Dame. Non perceptible de l’extérieur, une sorte de « couloir » relie les deux monuments. Le passage (voûté en plein cintre) sert de soubassement au presbytère du XIIIème siècle.
CARACTÉRISTIQUES
Le plan de l’édifice est en forme de croix grecque ; il n’est pas lisible de l’extérieur car il est inséré dans des blocs de maçonnerie différents. Le choix de ce plan nous révèle la fonction du bâtiment.
– Les chapelles funéraires. – Les baptistères. – Les lieux de culte dédiés à Marie. Un tel monument à Venasque nous fait penser qu’il aurait pu être la chapelle mortuaire de l’évêque Saint Siffrein. Dans les premiers temps du Christianisme, seuls les évêques administraient le sacrement du baptême, par immersion totale dans une cuve baptismale lors de la nuit de Pâques.
L’ESPACE CENTRAL
LA VOÛTE QUADRANGULAIRE
Le baptistère est voûté d’arêtes, et affiche quatre absides insérées dans des massifs quadrangulaires. Les quatre branches, de dimensions inégales, sont voûtées en cul-de-four.
Au même niveau que le sol se trouve, sous le chœur de l’église, une petite crypte qui daterait de la fin du lVème siècle, preuve qu’une communauté religieuse s’y est installée très tôt.
L’espace central, voûté d’arêtes, a été refait au XlXème siècle. Une coupole avec un lanternon octogonal a été installée au Xlllème siècle, mais elle s’est écroulée.
L’ABSIDE NORD
Ces absides ont été retouchées au XIème siècle. Les piliers en gros appareils datent de la fin du XIIème siècle. Elles évoquent les caractéristiques primitives du baptistère, lieu du salut spirituel de l’homme. Les six colonnes soutiennent cinq arcs (les cinq sens) orientés vers les quatre directions de la terre, qui sont en même temps les bras de la Croix.
L’autel date du IVème siècle. De forme rectangulaire, il est hérité des tables antiques. Il est en marbre cipolin, de l’italien « cipola », « oignon ». Les autels chrétiens ont été façonnés en creux jusqu’à cette époque, car les offrandes étaient en nature. Ces tables-autels étaient portés par quatre ou cinq colonnettes, ou par un pilier central en marbre ou en calcaire.
On trouve dans la voûte en cul de four de l’abside nord (la plus ancienne) des vases résonateurs en poterie fine, utilisés pour améliorer l’acoustique lors des cérémonies. Cette technique romaine, empruntée aux grecs, sera maintenue dans les églises jusqu’à la période gothique.
L’autel, trouvé sur place, est peut-être un réemploi païen ; il est analogue aux tables-autels chrétiens des IVème et Vème siècles, assez nombreux dans la région.
Dans l’abside nord, sur la gauche de l’autel, on peut apercevoir, scellé dans le mur, un fragment de sarcophage en marbre blanc de l’école d’Arles ; il date au plus tard de 420. Il a été découvert en 1905 lors d’une fouille dans la crypte. D’autres fragments sont connus ; malheureusement, l’épitaphe que soutenait le génie (divinité aillée) a disparu. Le personnage à côté pourrait-être le Christ sous un arbre.
L’ABSIDE SUD
C’est l’entrée du baptistère. Elle correspond à l’accueil. De nombreux vestiges y ont été entreposés sur le sol.
Ci-dessous : ces deux bouches d’arrivée d’eau dans l’abside sud, près de l’entrée, permettaient de remplir la cuve.
Elles sont en forme de goutte d’eau pour empêcher le ruissellement contre la paroi. Suivant la coutume, l’eau s’écoulait vers l’Est en direction de la lumière. Il est possible qu’il y eût une vasque recueillant l’eau provenant d’une source ou d’une citerne, et un système de canalisation amenant l’eau à la cuve.
L’ABSIDE EST
L’abside Est comporte (comme les autres absides) un décor d’arcatures aveugles composé de 6 colonnes soutenant 5 arcs, symbolisant les 5 sens : l’ouïe, la vue, l’odorat, le goût et le toucher, et ceci vers les 4 directions de la terre qui sont représentées par les bras de la croix. Comme on peut le constater, cette abside est beaucoup moins large que l’abside ouest qui lui fait face, car elle a été construite trop près du bord du rocher.
L’ABSIDE OUEST
Dans cette abside, certains chapiteaux à cannelures et entrelacs pourraient dater de la construction mérovingienne. Les uns sont en marbre et de style corinthien ; ils ont été taillés par les Romains et repris par le constructeur du baptistère. Les autres ont été sculptés lorsqu’on bâtit l’édifice où ils se trouvent. (Grandes colonnes).
Ci-dessous : la cuve de marbre située dans l’abside ouest proviendrait d’un ancien pressoir à huile, et a pu être mise là en fonction de l’évolution de la liturgie baptismale. En effet, on pratiqua l’immersion totale du tout début de la Chrétienté jusqu’au IVème siècle. On trouve une cuve similaire dans le baptistère de Fréjus (Var), ainsi que dans celui d’Albenga, en Italie (côte Ligure).
Ci-dessous : autel votif païen dédié à Mercure, dieu des voyageurs et des commerçants. « Votif » vient du latin « votum » : vœu fait, ou offert en vertu d’un vœu.
L’inscription gravée signifie : « au dieu Mercure aetius masculus s’est acquitté librement de son vœu ».
LES ARCATURES ROMANES
Les arcs doubleaux viennent prendre appui sur des colonnes, alors qu’une arcature murale typiquement romane, elle aussi soutenue par des colonnes, se déploie le long des absides. De cet ensemble se dégage une douce harmonie.
LES COLONNES
On dénombre un total de 32 colonnes, dont 8 de taille plus importante. Les colonnes de cet édifice sont des réemplois prélevés sur des monuments gallo-romains.
Elles sont toutes de réemploi sauf 6, refaites au XIXème siècle, toutes en marbre plus ou moins de bonne qualité. Certaines sont en marbre blanc (abside ouest), d’autres en marbre noir (abside est), une en granit (abside sud). Elles proviennent d’édifices romains plus anciens.
On peut voir dans cette abside nord que les fûts des colonnes ont, pour certains, été dressés la tête en bas. Plusieurs n’ont pas de base et semblent même enterrés en partie dans le sol ; d’autres, trop courts, ont dû être rallongés par des tambours de pierre placés sous les chapiteaux. Quand elles existent, les bases, en pierre calcaire, sont aussi de hauteurs différentes.
LES CHAPITEAUX
Les chapiteaux qui surmontent ces colonnes sont pour certains des pièces antiques, pour d’autres des œuvres d’art romanes. Leurs décorations se rapprochent de l’art roman provençal du XIème siècle.
Les chapiteaux dans l’abside ouest dateraient de l’époque mérovingienne. On trouve à l’abbaye de Montmajour des chapiteaux similaires à ceux de Venasque.
On y distingue trois types : type corinthien à double rangée de feuille d’acanthe, cannelures et godrons, et lacets tressés régulièrement.
Cette réutilisation a entraîné des ajustements : on constate des arcs qui descendent plus ou moins selon la dimension de la colonne, de même que des impostes corrigent les différences de hauteur au niveau des chapiteaux. En témoigne la variété des matériaux de réemploi : marbre blanc, marbre noir ou simple granit.
LA CUVE BAPTISMALE
A cette époque, de nombreux catéchumènes demandent à être baptisés. L’évêque célèbre le sacrement deux fois par an, la veille de Pâques et de Pentecôte.
Dans le sol se trouve l’emplacement, dans un mortier très ancien, de la cuve baptismale primitive de forme octogonale.
On remarquera que cette cuve, qui devait être à son origine recouverte de mosaïques, comporte huit côtés : le chiffre huit est symbolique de la Résurrection du Christ, le dimanche de Pâques. Il vient après les sept jours de la création ; considéré comme le huitième jour, ce dimanche de Pâques évoque le début de la Nouvelle Création. Le baptisé est « plongé » (c’est le sens du mot baptisé) dans la mort du Christ, dans la cuve. Il en ressort pour ressusciter avec lui à une vie nouvelle.
VESTIGES ET FRAGMENTS
Ci-dessous : cette grande pierre tombale est celle de François de Thézan, seigneur de Venasque. Celle de son épouse, Catherine de Tholon, est visible dans l’église. (Chapelle Saint Siffrein).
Ci-dessous : fragments de cancel mérovingien, du latin « cancellus » : balustrade, clôture basse en avant du chœur dans les églises paléochrétiennes. (Trouvés en 2012 au lieu-dit « Coste Chaude », à Venasque).
Ci-dessous : autel votif païen dédié à Silvain, divinité romaine, protectrice des bois et des champs. Provenance : Saint Pierre du prieuré, à Venasque.
Tel qu’il est actuellement, le baptistère de Venasque reste le témoin de longs siècles de vie religieuse locale, et on y célèbre encore les baptêmes (mais plus par immersion). On trouve d’autres baptistères dans le sud-est de la France : Aix-en-Provence (Bouches du Rhône), Riez (Alpes de Haute Provence), Fréjus (Var), et Cimiez (Alpes maritimes).
Lire :
La cathédrale Saint Léonce de Fréjus et son baptistère paléochrétien
La Cathédrale Saint Sauveur d’Aix en Provence et son baptistère paléochrétien
Le baptistère paléochrétien de Riez
FOUILLES
Sources :
Mes photos
Photos publique Facebook
https://fr.wikipedia.org/wiki/Baptist%C3%A8re_de_Venasque
https://www.communes.com/monuments-venasque
https://fr.wikipedia.org/wiki/Venasque
http://www.ventouxprovence.fr/mont-ventoux-une-destination-a-decouvrir/baptistere-de-venasque.html
http://www.venasque.fr/je-decouvre/patrimoine/monuments-historiques.html