Les Témoins du passé – Le trophée d’Auguste
LES TÉMOINS DU PASSÉ
LE TROPHÉE D’AUGUSTE
La Turbie
Alpes Maritimes
TYPE : vestiges romains.
ORIGINE : monument commémoratif.
CONSTRUCTION : en 7 – 6 av J.-C.
PROTECTION : le monument est classé MH en 1865.
PROPRIÉTAIRE : l’État.
PRÉSENTATION
Le Trophée d’Auguste, ou Trophée des Alpes, fut érigé au col de la Turbie (Alpes Maritimes), et domine le village du même nom. C’est le point le plus élevé de la voie Julia Augusta, construite par l’Empereur romain Auguste (63 avant J.-C – 14 après J.-C) afin de relier la Gaule Cisalpine à la Gaule Transalpine. En 7 – 6 av J.-C, le Sénat et le peuple lui dédièrent le trophée. Dominant la mer de San Remo à l’Estérel, il symbolise la puissance et la protection de Rome.
AUGUSTE DIVINISÉ
Par les dimensions exceptionnelles et colossales de ce monument, Auguste était honoré comme un Dieu. Selon la tradition, les trophées étaient destinés aux divinités de la victoire. Erigé sur les
hauteurs du port antique de Monaco, le monument se dressait tel une sentinelle et indiquait l’extrémité des Alpes. Il s’inscrivait aussi dans l’espace du sanctuaire dédié à Héraclès (Hercule chez les Romains), Monoïkos. Pour les écrivains antiques, le nom de Monaco (Monoïkos en Grec) est toujours relié à celui d’Hercule. Cette affiliation est significative et empreinte de sens : elle associe Auguste à Hercule, fils de Dieu voué à la divination. L’assujettissement des peuplades barbares et alpines n’était donc qu’un prétexte pour assoir la légitimité d’un Empereur héroïque. La glorification de ses exploits avait pour but d’accentuer sa filiation divine.
ORIGINES
Ce monument romain, édifié il y a plus de 2000 ans, célèbre la victoire de l’Empereur romain Auguste sur les peuples des Alpes, définitivement soumis entre 25 et 14 av J.-C. Ces populations (les Celtes, Ligures, Vénètes, Germains…), qui vivaient dans les montagnes, attaquaient les marchands tout en essayant de se rendre maîtres des routes commerciales.
DIMENSIONS
A l’origine, le monument mesurait 50 mètres de hauteur et 38 de côté ; la rotonde comprenait 24 colonnes. L’ensemble était surmonté par une colossale statue d’Auguste, dénotant un spectaculaire symbole de puissance.
La belle pierre blanche calcaire, utilisée pour son édification, provient d’une carrière située non loin du site, à 500 mètres. Elle est à ce jour la seule carrière romaine encore en activité.
LE TROPHÉE & SON SITE
1 – L’ENTRÉE & LES PORTES MÉDIÉVALES DU VILLAGE
Le sentier qui mène au monument est parsemé de beaux points de vue sur la baie de Monaco.
Un petit chemin végétal a été reconstitué par l’architecte Jules Formigé. Pour accéder au monument, nous sillonnons un petit parcours fort agréable au milieu des buis, cistes, lavandes, myrtes, cyprès…
2 – LE TROPHÉE :
– Il repose sur un soubassement carré (esplanade dallée), dont une face supportait une immense dédicace en hommage à Auguste, avec l’énumération des 45 peuples soumis.
L’inscription dédicatoire est restituée par Jules Formigé, grâce au texte transmis par Pline l’Ancien (1er siècle ap. J.-C.) et aux fragments découverts sur place.
Deux victoires ailées cernent l’inscription. De part et d’autre se trouve un bas-relief qui représente un trophée d’armes avec, à son pied, un couple de barbares enchaînés. Les noms des vaincus sont énumérés au niveau inférieur, et, sur la colonnade, on découvre les sculptures des légats (fonctionnaires qui administraient les provinces de l’Empereur) qui ont mené les campagnes d’Auguste.
Transcription de la dédicace donnée par Pline l’Ancien (23-79) :
Traduction :
Peuples alpins vaincus : les Trumpilini, les Camunes, les Vénostes, les Vénnonètes, les Isarciens, les Breunes, les Génaunes, les Focunates, les Quatre nations vindéliciennes, les Consuanètes, les Rucinates, les Licates, les Caténates, les Ambisuntes, les Rugusces, les Suanètes, les Calucons, les Brixentes, les Lépontiens, les Ubéris, les Nantuates, les Sédunis, les Véragres, les Salassis, les Acitavons, les Médulles, les Ucènes, les Caturiges, les Brigianis, les Sogiontiques, les Brodiontiques, les Nemaloni, les Edénates, les Esubianis, les Véaminis, les Gallites, les Triulattis, les Ectinis, les Vergunni, les Eguituris, les Némenturis, les Oratellis, les Nérusis, les Vélaunis (Vellaves ?), les Suetri. »
– Un premier étage, situé en retrait, se compose d’un haut podium de plan carré surmonté d’un édicule (petite construction).
– Un second étage, circulaire celui-là, est décoré d’une vaste colonnade dorique avec des niches pour les statues des généraux ayant pris part aux conquêtes.
L’élévation de la colonnade est conforme aux règles de l’ordre dorique. Les colonnes, surmontées des chapiteaux, supportent l’entablement constitué d’une architrave à trois fasces lisses (fasces : partie plate, bandeau de l’architrave), d’une frise décorée et d’une corniche moulurée. Sur la frise alternent triglyphes et métopes, ornés de bas-reliefs. La paroi en retrait de la colonnade abritait des niches creusées, dans lesquelles prenaient place les statues des légats ou des généraux d’Auguste, dont Drusus et Tibère, ses beaux-fils.
VOCABULAIRE DE L’ORDRE DORIQUE
– Enfin, au-dessus se dresse une coupole conique à degrés, qui servait d’assise à une magistrale statue d’Auguste.
Des escaliers permettent d’accéder à tous les étages de l’édifice.
3 – SA STRUCTURE
La structure interne du monument est visible. Les murs sont construits en gros blocs de calcaire, et forment une charpente remplie par un mélange de blocage constitué de pierre et de mortier de chaux, régulièrement employé dans l’architecture romaine. Le cylindre central possède des piliers qui servaient de fondations aux colonnes de l’étage circulaire. La façade du soubassement, partiellement restaurée, englobe le tout. Les sculptures, les chapiteaux et l’inscription sont en marbre de Carrare.
La restitution de l’architecture dans son environnement est l’œuvre de Jean-Camille Formigé (entre 1913 et 1915), qui reconstitua l’élévation en érigeant deux colonnes. Jules, son fils, terminera ensuite le mur de l’esplanade du soubassement et poursuivra l’érection de la colonnade. Ainsi rétabli, le monument dresse sa dédicace du côté de la Gaule, vers le village médiéval.
4 – LE MUSÉE
Le musée retrace l’Histoire du trophée et de sa restauration (maquette) à l’aide de plans, de dessins et de photos. On y trouve des bornes militaires, des inscriptions, des fragments du Trophée d’Auguste, des moulages, ainsi que documents sur d’autres édifices romains en Europe. Le musée expose aussi des moulages sur les principaux vestiges mis à jour, et des photographies concernant les fouilles effectuées à la fin de la restauration du trophée, en 1933.
Au centre de la galerie, on découvre la maquette du trophée des Formigés. Celle-ci présente un sommet conique à douze gradins, ainsi qu’une copie de la statue d’Auguste retrouvée à Primaporta. Celle-ci symbolise le couronnement du trophée.
DESTRUCTION & RENAISSANCE
Le monument est gravement endommagé à la fin de l’Antiquité. Au Moyen Âge, l’édifice est fortifié et habité. Il devient alors un ouvrage défensif (les arcatures aveugles que l’on peut admirer au sommet datent de cette époque).
En 1705, la forteresse est démantelée, et ses fragments sculptés sont réemployés dans les constructions des maisons du village. Miné sur ordre de Louis XIV, l’ouvrage résistera miraculeusement à la destruction. L’édifice sera exploité comme carrière au 19ème siècle ; ses pierres serviront à la construction de l’église Saint-Michel-Archange.
Au début du 20ème siècle, le monument se présente sous la forme d’une tour en ruine qui se dresse au milieu d’un amoncellement de décombres. Dans les années 1930, la minutieuse et patiente restauration de l’édifice, réalisée grâce au généreux concours de l’Américain E. Tuck, fut dirigée par Jules Formigé. Le trophée n’a pu être rehaussé que jusqu’à 35 mètres de hauteur, et une grande partie de l’ouvrage en ruine a été laissée intacte. L’inscription de la dédicace a été reconstituée, et a retrouvé la place qui était la sienne ; c’est la plus grande inscription qui nous a été transmise de l’Antiquité romaine. Aujourd’hui, telle une sentinelle, le monument occupe toujours une position dominante, visible de loin.
LE CLIN D’ŒIL & LA PETITE HISTOIRE
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