La légende du tambour du pont d’Arcole
La légende du tambour du pont d’Arcole
André Estienne de Cadenet
(13 octobre 1777-29 décembre 1837)
« Le vrai courage, c’est celui de trois heures du matin. » Napoléon Bonaparte.
L’Histoire est faite d’événements précis qui, une fois relatés soit par les protagonistes eux-mêmes, soit par les témoins, prennent parfois quelques détours. Seule la foi de l’historien peut faire acte de vérité. Bien souvent, faute de renseignements louables, il doit composer, et s’appuyer lui aussi sur les légendes qui entourent le mystère. Les anecdotes sont alors foison, les faits deviennent illustres, et glorieux.
Que se passa-t-il ce 16 novembre 1796 à Arcole ? Les livres d’école nous disent que Napoléon, ayant été repoussé sur le Pont d’Arcole par les troupes autrichiennes, décide de franchir le torrent (l’Alpone) à la nage pour prendre l’ennemi à revers. C’est alors que, sous les yeux attentifs du général Bonaparte, quelques audacieux se jettent à l’eau, et parmi ceux-ci, le tambour André Estienne. Les Autrichiens étant sur l’autre rive, les intrépides soldats ont pour ordre, une fois de l’autre côté, de faire le plus de vacarme possible pour égarer l’attention de l’ennemi. Ce qu’ils font ! Se dressant soudainement, le jeune Estienne se met à frapper de toutes ses forces sur la peau mouillée de son tambour, et sonne la charge en criant : « A moi braves grenadiers ! ». Les Autrichiens, se croyant pris à revers par l’avant-garde d’un bataillon de soldats Français, sont pris d’une peur panique et s’enfuient. Ce mouvement inattendu donne à Bonaparte l’occasion de franchir le pont à sec, et de remporter une victoire qui semblait pourtant compromise, tant la résistance des Autrichiens était vaillante.
Trois jeunes tambours
Voici une autre version, citée par un contemporain et spécialiste de cette époque :
Il semblerait qu’au soir de la bataille, dans la nuit du 15 au 16 novembre 1796, trois jeunes tambours, dont André Estienne, se soient séparés par mégarde de leur régiment. Perdus, isolés, ils avancent dans l’obscurité, et tombent tous les trois dans l’eau de la rivière. Emportés par le courant, ils s’accrochent désespérément à leurs tambours. Ceux-ci étant étanches, ils parviennent à nager, à regagner l’autre rive, se retrouvant ainsi chez l’ennemi, mais séparés les uns des autres. Apeuré, le jeune Estienne de Cadenet commence à battre de son tambour et à sonner la charge (seul air qu’il connaisse). Les deux autres l’entendent et en font de même. Les Autrichiens, croyant être encerclés, amorcent alors une retraite. Napoléon s’aperçoit, de facto, de la tournure favorable des événements ; il donne l’assaut et franchit le pont.
André Estienne de Cadenet
André Estienne raconte dans ses écrits que, respectant les ordres reçus de se protéger de la mitraille ennemie, et tout en fuyant les boulets des artilleurs autrichiens, lui et les deux autres tambours tombent involontairement dans la rivière. Ce qui explique leur errance derrière les lignes autrichiennes. Pour le remercier de cet acte de bravoure, Napoléon lui décernera les baguettes d’argent, les décorations n’étant pas encore autorisées à cette époque. Ces deux camarades recevront la même récompense. Son nom est gravé sur l’Arc de Triomphe, à Paris, aux côtés de ceux des officiers de la Grande Armée. Il recevra le 15 juillet 1804 la Légion d’Honneur, nouvellement créée. Il mourra en 1837 à l’âge de 60 ans.
Les sculpteurs David d’Angers et Feuchére vont l’immortaliser en le représentant sur le fronton du Panthéon, et sur le bas-relief ouest de l’Arc de Triomphe, juste derrière le grenadier Trompe-la-mort qui veille sur son général.