La Croisade contre les Albigeois – Innocent III
La croisade des Albigeois
(1208-1244)
Innocent III
(1160-1216)
GRANDES FIGURES DE LA CROISADE CONTRE LES ALBIGEOIS
Albigeois, nom donné au 12ème siècle aux cathares du Languedoc
PROLOGUE
LE CATHARISME, UNE MENACE POUR L’ÉGLISE ET POUR LE ROI
Vers le milieu du 12ème siècle, alors que l’Europe est dominée par une profonde et ardente foi catholique, le Midi toulousain est gagné par une hérésie toute aussi enflammée, le Catharisme. Cette nouvelle religion, qui apparaît vers le 12ème siècle dans les Balkans, s’appuie essentiellement sur une dualité. Ses disciples, « les Parfaits », croient en deux principes divins opposés : d’une part un monde spirituel avec un Dieu bon, celui de l’Évangile, et de l’autre un monde matériel et corrompu avec un prince du mal et des ténèbres, Dieu de l’Ancien Testament. Les valeurs morales et l’austérité de ses adeptes contrastent avec l’opulence et le relâchement des représentants de l’Église catholique. Les cathares rejettent les sacrements, les indulgences, le purgatoire et le culte des saints. Ils ne glorifient point le sacrifice de la croix, et ne reconnaissent pas le pape comme le successeur légal des apôtres. Refusant le concept de propriété et condamnant le serment, ils sont considérés comme subversifs par la société féodale et par la royauté. Les fondations du christianisme vont chanceler, au point de décider le pape Innocent III à déclarer les « Bons Hommes » et les « Bonnes Dames », hérétiques.
En France, lorsque les croyances cathares apparaissent, la chrétienté est partagée au sein de l’Église et une grande divergence d’idées demeure entre les Français du Nord et les gens du Midi. Alors que ceux du Nord admettent la foi catholique romaine, dans les régions du Sud l’on a adopté l’« arianisme » depuis les premières heures du christianisme. Cette disparité va opposer le Languedoc à l’autorité de Rome et faire de lui un foyer où les hérésies et les schismes vont se développer sans contrainte.
L’ÉTINCELLE
C’est vers le début du 13ème siècle, en 1204, que le pape Innocent III demande au roi Philippe Auguste (Philippe II), de mener une croisade contre les hérétiques cathares du Languedoc. Pour mener à bien la lutte contre cette nouvelle religion, qui fait vaciller les dogmes de l’église catholique, le pape nomme dans cette région les légats apostoliques, Pierre de Castelnau et Arnaud Amaury. Le sud de la France va alors s’embraser dans une guerre fratricide qui opposera ses habitants et ses seigneurs, aux forces de l’Église Catholiques qui ont pris la Croix. Plus connue sous le nom de Croisade des Albigeois, cette guerre dévastera le midi et durera plus de 30 ans. La région sera dévastée, pillée et ruinée. Les années de destructions et de combats vont plonger le pays dans la famine et l’appauvrissement. Avec autant de morts et de désolation, peut-on parler de génocide ? Même de nos jours, il est difficile de faire ressortir un véritable coupable de cette triste page de notre histoire.
Le 14 janvier 1208, alors qu’il traverse le Rhône près de Saint-Gilles à Trinquetailles, le légat Pierre de Castelnau est assassiné par un homme à la solde du comte de Toulouse.
PREMIER APPEL A LA CROISADE
L’expédition porte officiellement le nom d’«Affaire de la Paix et de la Foi»(en latin, negotium pacis et fidei).
Innocent III promet les mêmes indulgences que pour un pèlerinage à Jérusalem. Philippe II refuse la proposition ; il est trop occupé dans son combat avec les Plantagenêts et ne prend pas part à la croisade contre l’hérésie cathare. Il préfère se tenir en retrait, et ne veut pas écorner son image en guerroyant contre des gens qui sont ses sujets. Il n’est pas d’accord avec le pape qui s’apprête à s’investir dans une affaire intérieure au pays, et il le lui fait savoir. Mais il accorde néanmoins sa bénédiction à ses vassaux et ne s’oppose pas à ce que l’abbé Guy des Vaux-de-Cernay recrute parmi les barons du nord.
Le légat pontifical Pierre de Castelnau essaie alors de se tourner vers Raymond VI de Toulouse, afin que celui-ci prenne la tête d’une force armée destinée à soumettre l’hérésie cathare. Mais le comte de Toulouse, descendant du notoire Raymond IV de Saint-Gilles, chef de la Première Croisade en terre sainte, réfute l’offre du pape, arguant qu’il ne veut pas combattre ses propres sujets. Jugé trop complaisant envers les ennemis de l’Église, il sera excommunié. Fait inédit dans l’Histoire, pour la première fois une croisade est dirigée contre des disciples du Christ. Cet événement ne semble pas troubler les contemporains de cette époque ; il est vrai que l’hérésie cathare ne peut être tolérée.
Le choix d’Innocent III va se porter sur Simon de Montfort, un petit seigneur d’Île-de-France. Ce dernier va mettre le Languedoc à feu et à sang.
ÉVÉNEMENTS ANTÉRIEURS
12 avril 1204 : prise de Constantinople. Avril 1204 : fondation de l’Empire latin d’Orient.
LES CROISES SUR LES ROUTES DU LANGUEDOC
CHRONOLOGIE
QUELQUES DATES :
– 5 février 1205 : Folquet de Marseille (1155-1231) devient évêque de Toulouse.
– 1206 : Dominique de Guzman, futur « Saint Dominique », (1170 à Caleruega, non loin de Silos en Castille, Rome le 6 août 1221), s’établit à Notre-Dame de Prouilhe, à Fangeaux, dont il devient le curé en 1214. Il ouvrira un refuge destiné à recevoir les femmes cathares après leur conversion.
1207
– Printemps 1207 : lors d’une rencontre avec des Cathares, Dominique parvient à les convertir.
– 29 mai 1207 : Accusé d’être complaisant à l’égard des Cathares, Raymond VI de Toulouse est excommunié par Pierre de Castelnau, légat du pape Innocent III, et l’interdit est jeté sur ses terres.
– mai 1207 : Innocent III confirme par lettre la sentence d’excommunication de Raymond VI de Toulouse.
1208
– janvier : Raymond VI requiert vainement le pardon de l’Église.
Le 14 janvier, le légat Pierre de Castelnau est assassiné par un homme à la solde du comte de Toulouse.
Le 10 mars, Pierre de Castelnau est canonisé. (Bulle d’Innocent III contre les assassins de Pierre de Castelnau). Toutes les tentatives du pape pour ramener les hérétiques au sein de l’Église catholique ont échoué. A la cour de France comme à Rome, on est décidé à mettre un terme aux ambitions d’indépendance du Languedoc.
– 22 juillet : prise de Béziers. La population est massacrée. On dénombrera entre 20 000 et 30 000 morts.
1211
CONCILE DE MONTPELLIER
En 1211, le concile se réunit à Montpellier pour statuer sur le cas du comte de Toulouse. Bien que Raymond VI se soit rallié à la croisade, les faveurs du synode ne penchent toujours pas de son côté. L’assemblée, réunie pour la circonstance, maintient donc sa sentence d’excommunication envers lui. Cette décision est assortie d’une charte qui devra être respectée point par point par le comte de Toulouse et ses descendants. Cette pénitence, qualifiée de « Charte Infâme » par les Toulousains, se présente comme suit :
1- Raymond VI de Toulouse doit renvoyer ses routiers (mercenaires regroupés en Grande Compagnies).
2- Il doit arrêter de protéger les hérétiques et les juifs.
3- Il doit faire maigre 6 jours par semaine.
4- Il doit porter des habits de drap sombre et rugueux.
5- Ses châteaux et les remparts de ses villes seront abattus.
6- Il lui sera interdit à lui et ses chevaliers de se rendre dans les villes.
7- Ses droits de péage lui seront retirés.
8- Il aura pour obligation de partir en terre sainte sous la garde des hospitaliers jusqu’à ce que Rome décide de son retour.
Si toutes ces conditions sont réunies, le concile se garde le droit de lui réattribuer ses fiefs, dès sa pénitence terminée….
– Pierre II d’Aragon tente de négocier la paix entre Raymond VI de Toulouse, le légat Arnaud Amaury et Simon IV de Montfort.
1215
CONCILE DU LATRAN
8 janvier : le Concile de Montpellier attribue provisoirement les biens de Raymond VI de Toulouse à Simon IV de Montfort.
– Dominique de Guzman, futur « Saint Dominique », chargé par le pape d’extirper définitivement l’hérésie cathare, fonde l’ordre des dominicains.
– Toulouse accueille le premier contingent de frères prêcheurs, fondé par le futur Saint Dominique.
– 11 novembre : ouverture du 4ème Concile de Latran.
– Appel du pape à la 5ème croisade vers l’Égypte (1217-1221).
– 30 novembre : clôture du 4ème Concile de Latran.
– 15 décembre : à l’issue du Concile de Latran, le pape Innocent III lègue définitivement le comté de Toulouse, le duché de Narbonne, les vicomtés de Carcassonne et de Béziers à Simon IV de Montfort. Le marquisat de Provence est donné à Raymond VII de Toulouse, le fils de Raymond VI de Toulouse.
INNOCENT III
(1160-1216)
NAISSANCE ET JEUNESSE
Giovanni Lotario, comte de Segni, est né en 1160 à Agnani ; il meurt le 16 juin 1216 à Pérouse. Issu d’une famille noble, il fait ses études à Rome, Paris et Bologne, et acquiert ainsi de sérieuses connaissances en théologie et en droit canon. Il est considéré comme l’un des plus grands, si ce n’est le plus grand, pape du Moyen-Âge.
UN PAPE A POIGNE SUR LE SIÈGE DE SAINT PIERRE
Il est élu pape le 8 janvier 1198 et prend le nom d’Innocent III. Il succède ainsi à Célestin III. Son élection prend un caractère exceptionnel ; en effet, ce cardinal-diacre (1190) n’a jamais obtenu le sacerdoce, et n’a donc pas reçu le sacrement de l’ordre dans l’église catholique pour devenir prêtre. Peu importe ; tout chrétien baptisé de sexe mâle est susceptible de s’installer sur le fauteuil de Saint Pierre. Innocent III doit ce choix à sa notoriété de théologien et à son caractère énergique et résolu. Ancien étudiant de l’Université de Paris, il n’a que 37 ans lors de sa prise de pouvoir. Il va se présenter comme un fervent partisan de la «République chrétienne et universelle». Son souhait est d’imposer l’autorité papale de Rome aux souverains de ce monde. Innocent III aspire ainsi à ordonner la supériorité de l’Église sur la société laïque. Il dit : «De même que la Lune reçoit sa lumière du Soleil, de même la dignité royale n’est qu’un reflet de la dignité pontificale».
Plus que tout autre souverain pontife, Innocent III va s’ingérer dans les affaires intérieures des États. Il compte ainsi maîtriser la conformité religieuse, tout en s’immisçant dans leur politique. Il se réfère aux idées théocratiques de Grégoire VII, pour lequel toute autorité politique est pourvue d’un socle d’ordre divin. Fort de ces préceptes, il va s’évertuer à les mettre immédiatement en application.
LE TRIOMPHE DE LA PAPAUTÉ
Après avoir répudié son épouse, la reine Ingeburge de Danemark, Philippe II la remplace à la hâte, en juin 1196, par une jeune noble bavaroise, Agnès de Méranie. Ce qui ne plaît pas du tout au pape, qui enjoint au Capétien de renvoyer Agnès et de rendre sa place à Ingeburge. Face au silence du roi, le 13 janvier 1200 la décision du pape est immédiate. Souhaitant affirmer son autorité, Innocent III excommunie le roi Philippe Auguste et jette l’interdit sur tout le royaume de France.
Ainsi, il va imposer sa suprématie à la veuve de l’Empereur Henri VI (Constance de Hauteville), et s’octroyer la tutelle du futur Frédéric II de Hohenstaufen. Son objectif sera de faire disparaître toutes les emprises allemandes en Italie.
Dans la lutte pour le trône impérial, Innocent III prend le parti du guelfe Othon de Brunswick, contre Philippe de Souabe dont la cause est soutenue par les gibelins.
Le 4 octobre 1209, Innocent III couronne Othon de Brunswick Empereur des Romains.
Guelfes : factions italiennes, en italien « parte guelfa », partisantes de la famille princière allemande des Welfens et de l’empereur.
Gibelins : factions rivales, en italien « parte ghibellina », partisantes des Hohenstaufens, seigneurs de Waiblingen, et du pouvoir du pape en Italie.
Après avoir été mis en place et couronné par le pape, Othon de Brunswick va poursuivre la politique de son prédécesseur, et se montrer hostile à toute ingérence de l’Église sur son royaume. Ce qui va amener Innocent III à l’excommunier en 1210, et à lui imposer Frédéric II. Après s’être rangé du côté de Philippe Auguste, Innocent III soutient ce dernier contre Othon. La victoire des Français à Bouvines, le 27 juillet 1214, entraîne l’année suivante l’éviction d’Othon. Innocent III peut alors prétendre être l’arbitre de l’Empire.
Innocent III en fera de même avec Jean Sans Terre, coupable de s’être approprié les biens d’Etienne Langton (archevêque de Canterbury). En mai 1213, après avoir été excommunié, ce dernier fera sa soumission et se déclarera vassal du pape.
Son pouvoir et son influence politique s’étendront jusque dans les Balkans, à Chypre et en Arménie.
En France, Innocent III se heurte à la volonté du Capétien Philippe Auguste, et ne pourra assoir son autorité sur lui.
Destinée à délivrer le tombeau du Christ, la 4ème Croisade est détournée sur Byzance par les marchands Vénitiens. La cité orthodoxe tombe sous les coups des Croisés le 12 avril 1204. Innocent III en sera terriblement contrarié.
Le 14 janvier 1208, le légat du pape Pierre de Castelnau est assassiné. Innocent III va se montrer un fervent combattant contre les hérétiques du Languedoc. La mort de son envoyé va servir de prétexte pour déchaîner la Croisade contre les Albigeois. Il soutiendra les actions des ordres mendiants tels que Dominicains et Franciscains, convaincu de leur efficacité en opposition à la violence des armées.
En 1210, Innocent III donne son approbation à Saint François d’Assise pour la création de l’ordre des « frères mineurs ». Cette fondation sera une des rares satisfactions de son règne.
Le 16 juillet 1212 : bataille de Las Navas de Tolosas. Victoire du roi Philippe II d’Aragon sur les musulmans almohades d’Espagne.
Innocent III a des raisons d’être satisfait, puisque la Chrétienté vient de reconquérir des territoires perdus en Espagne. Cette bataille annonce le déclin des forces almohades dans la péninsule ibérique.
Mais l’année suivante, Pierre II d’Aragon trouve la mort au combat lors de la bataille de Muret, au sud de Toulouse, face à Simon de Montfort, chef de l’armée croisée.
En 1215, il est l’instigateur du Concile du Latran, qui marque l’apogée de son pontificat. Il meurt l’année suivante en laissant une tâche inachevée et un avenir rempli d’incertitudes.
En 1216, Innocent III entreprend un voyage en Italie du Nord. Il veut user de son autorité et faire valoir sa toute puissance pour apaiser les tensions entre Gênes et Pise. Lors de son passage à Pérouse, il contracte une fièvre et en meurt le 16 juillet. Il est inhumé dans la cathédrale San-Lorenzo. En 1615, ses reliques seront ajoutées à celles d’Urbain IV et celles de Martin IV. Plus tard en 1891, elles seront déposées à la basilique Saint-Jean de Latran.
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