Charles VI le « Fol » et la révolte de la Harelle de Rouen
LA GUERRE DE CENT ANS
De 1337 à 1453
LES VALOIS DIRECTS
CHARLES VI « LE FOL » ET
LA RÉVOLTE DE LA HARELLE DE ROUEN
est roi de France de 1380 jusqu’à sa mort. Fils du roi Charles V et de la reine Jeanne de Bourbon, il est le quatrième roi de la branche des Valois de la dynastie capétienne. Il n’a que douze ans lorsqu’il monte sur le trône. Son père lui laisse un royaume certes en guerre, mais avec une situation militaire favorable. La plupart des possessions anglaises en France ont été reconquises. Le jeune roi est d’abord placé sous la régence de ses oncles, les ducs de Bourgogne, d’Anjou, de Berry et de Bourbon. Sa minorité est marquée par les querelles entre ses oncles, les ducs d’Anjou, de Bourgogne, de Berry et de Bourbon, qui rivalisent pour le pouvoir et s’enrichissent sur le dos de la population parisienne. En janvier 1382, cette dernière est écrasée et affamée par la restauration d’anciens impôts. Au mois de février suivant, la ville de Rouen se révolte. Les troubles gagnent Paris et le 1er mars 1382, des révoltés, connus sous le nom de Maillotins, saccagent la capitale et assassinent les collecteurs d’impôts avec des maillets de fer. Charles VI va mettre en place une répression terrible, qui va s’abattre sur les émeutiers dont les meneurs seront décapités ou pendus sans autre forme de procès. En 1388, alors âgé de 20 ans, il décide de se libérer de la tutelle de ses oncles, et de gouverner seul le royaume de France. Le 17 juillet 1385, Charles VI de France épouse Isabeau de Bavière. De cette union naîtront douze enfants. En 1392, Charles VI souffre de sa première crise de folie. Puis sa maladie l’écartera progressivement des affaires gouvernementales. Ces épisodes d’instabilité mentale apparaissent de manière irrégulière et perturbent la cour. Jusqu’à la fin de sa vie, les périodes de lucidité vont alterner avec les périodes de démence de plus en plus fréquentes, qui vont rendre le roi violent. De son côté, Isabeau de Bavière se consacre à ses enfants et amasse une fortune personnelle ; son goût pour le luxe lui sera d’ailleurs reproché. Au cours du funeste « Bal des Ardents », organisé par la reine en 1393, le roi échappera de peu à la mort. A la mort du roi Charles VI, Isabeau de Bavière est nommée régente mais n’a pas beaucoup d’influence politique. L’oncle du roi (le duc Philippe II de Bourgogne) et le frère du roi (le duc Louis d’Orléans) se disputent le pouvoir. La reine Isabeau sera soupçonnée d’avoir une liaison avec son beau-frère le duc d’Orléans. Les négociations entre Henri V, Isabeau et les Bourguignons, aboutissent, en 1420, à la signature du désastreux traité de Troyes (21 mai 1420). Cet accord prive le dauphin de ses droits au trône, et garantit, à la mort de Charles VI, la couronne de France à Henri V le Plantagenêt,
Lire :
– Charles VI, et les reconquêtes françaises
– Charles VI, le royaume démembré
– La folie du roi Charles « le Fol » le « bien aimé »
– La révolte des Maillotins de Paris
LA RÉVOLTE
DE LA
HARELLE DE ROUEN
Le 25 février1382
Cette révolte est dite de la Harelle, d’après « haro », le cri poussé par les émeutiers.
SOMMAIRE
En février 1382, la ville de Rouen, fière cité normande, arrogante et suffisante de tous ses privilèges, rejette le rétablissement des impôts voulus par le roi Charles VI. Celui-ci va sévèrement réprimer ce soulèvement, décidant même, le 29 mars, de la suppression de Rouen.
UN SOULÈVEMENT POPULAIRE…
C’est l’une des nombreuses révoltes qui éclatent dans tout le royaume de France au cours de l’année 1382, qui voit le peuple se soulever pour protester (entre autres) contre l’oppression fiscale. Les collecteurs de taxes et les usuriers sont les principales victimes de ces soulèvements populaires.
A Rouen, à l’instar de la révolte des Maillotins à Paris ou de celle des Tuchins en Languedoc, la révolte de la Harelle voit le peuple se soulever suite à l’annonce du rétablissement des contributions indirectes sur les marchandises.
La révolte va engendrer de nombreux pillages et dégâts matériels. Rouen s’insurge et sombre dans une terrible émeute qui sera réprimée dans le sang. Les Rouennais vont devoir se soumettre à la volonté du roi de France, payer de lourds impôts. Ils vont perdre dans cette affaire tous leurs privilèges.
Émeutes populaires survenues entre 1363 et 1384 en Auvergne, puis en Languedoc. L’insurrection se développa d’abord pour se défendre contre les exactions des mercenaires, qu’ils soient anglais, gascons ou français (routiers du duc Jean de Berry), puis contre les prélèvements fiscaux et le royaume de France.
Lire :
– La révolte des Maillotins de Paris
– Mercenaires routiers et écorcheurs au Moyen Âge.
HISTORIQUE
Vers 1150, le Duc de Normandie octroie à la ville de Rouen une Charte communale. Cette Charte stipule que « tout homme libre ayant un an de résidence relève alors de la juridiction communale ».
A l’époque, les habitants sont regroupés dans des corps de métiers et appartiennent à des confréries. Seules quelques familles participent au gouvernement de la ville : les « Cent Pairs », qui sont cooptés (choisis).
Rouen est un centre intellectuel et artistique. La cité, stimulée par la construction de la cathédrale, est aussi une place commerçante, florissante et très active. Elle doit cette prospérité aux relations qu’elle entretient avec la région parisienne, à qui elle vend du sel et du poisson. Et avec l’Angleterre, à qui elle vend du vin de Normandie. Elle commerce aussi avec l’Irlande.
Lire : La Hanse parisienne des marchands de l’eau
Malgré la conquête de la ville par Philippe Auguste et le rattachement de la Normandie à la France, Rouen garde le monopole du commerce sur la Basse Seine. La ville s’accroît et devient la seconde ville du royaume, un rang qu’elle conservera longtemps.
Philippe Auguste fait bâtir un château au nord de la ville, d’où descend la Renelle. C’est le domaine des tanneurs.
Les teinturiers et les drapiers sont installés sur le Robec, à l’Est de Rouen, dans un quartier qui sera inclus dans la muraille de la ville au 14ème siècle.
Après l’incendie de 1200, la cathédrale est reconstruite tout au long du 13ème siècle. La nef est rapidement achevée, puis chaque métier cherche à avoir sa chapelle. Le portail des Libraires (au nord) et celui de la Calende (au sud) sont mis en chantier en 1280.
Au début du 14ème siècle, c’est le retour des famines et des épidémies, et les conséquences de la Guerre de Cent Ans, qui commence en 1337. Rouen perd de sa superbe ; la prospérité des siècles précédents est brisée.
Même si la guerre ne touche pas directement la ville, Rouen nécessitera la construction de nouveaux remparts qui vont absorber un budget colossal. On créera aussi des chantiers navals sur la rive gauche, dont le plus important, le Clos des Galées, deviendra le principal arsenal français.
Lire : La bataille de l’Écluse.
En 1349, Rouen est atteinte par la Peste Noire ; c’est une grande catastrophe. La cité connaîtra par la suite d’autres pestes, et bien sûr d’autres famines. Malgré tous ces maux, l’activité économique se maintiendra grâce à la Seine.
UN REJET DES IMPÔTS : UNE IDÉE DE DÉJÀ VU, ET UN MAL BIEN FRANÇAIS !
En ce dimanche 24 février 1382, les Français jouissent d’un régime fiscal exceptionnel. Charles V, « Le Sage », agonisant sur son lit de mort, a décidé, dans une dernière volonté pour le bien de son peuple, de supprimer les impôts directs. Et, cerise sur le gâteau, l’héritier au trône, le jeune Charles VI, afin de fêter solennellement son avènement, s’est résolu à ne point lever d’impôts indirects. Le roi « doit vivre du sien », c’est-à-dire des revenus du domaine royal.
Mais au fil du temps, cette grande générosité va enfoncer le royaume dans une grave crise financière. Une seule solution s’impose : il faudra rétablir les impôts… C’est ainsi que le 17 janvier 1382, les hérauts sur les marchés annoncent une ordonnance royale rétablissant les contributions indirectes. Les taxes s’appliqueront particulièrement sur le sel et le vin. Lorsque les Rouennais apprennent la nouvelle, la ville est proche de l’embrasement.
CARNAVAL ET PILLAGE !
Au matin du 27 février, le tocsin résonne, tandis que l’on ferme les portes de la ville. Une émeute éclate, et trois cents ouvriers des draperies prennent la tête de l’insurrection.
A Rouen, la plaisanterie du « roi de carnaval » est prise à la lettre par la population, qui ne cache pas son ressentiment envers les barons prévaricateurs du conseil de régence. Aussi, la cité commerçante, attachée à ses privilèges, ne veut rien céder et surtout ne se résout pas à s’acquitter de ces « nouveaux » impôts. Dans une mise en scène digne de carnaval, la population se choisit un « roi » en la personne de Jean Le Gras. Un marchand drapier obèse et inquiet, qui dirige bien malgré lui ce cortège. On le promène, debout sur un char, à travers les rue de Rouen. Sur son passage, il accorde ici et là l’abolition de l’impôt.
Mais ce simulacre va vite se dégrader, et des débordements vont s’en suivre et se transformer en émeute.
On ouvre les portes des prisons et, pendant trois jours, ce sont des scènes de pillage. Elles visent aussi bien les hôtels particuliers des bourgeois que le chapitre de la cathédrale ou les demeures des juifs.
Les caves sont assaillies et les tonneaux de vin éventrés à coups de hache. Les émeutiers, enivrés par l’alcool, massacrent quelques malheureux juifs, qu’ils assimilent à l’argent, des percepteurs et des prêteurs sur gages.
La foule en délire se rue ensuite contre les notables, et la maison de l’ancien maire, Guérout de Maromme, est vandalisée. Les bourgeois, paniqués par tant de violence, voulant éviter le pire, tentent de créer des milices armées. Nombreux sont ceux qui iront trouver un refuge provisoire dans les couvents de la ville, encore épargnés par la furia populaire.
Au soir du 27 février, le soulèvement antifiscal s’est transformé en une véritable « chasse aux riches ».
Vient la nuit, et les ardeurs des émeutiers s’estompent. Les soudards (la « merdaille », comme on les nomme) sombrent dans une indolence alcoolisée. Les esprits s’apaisent, et donnent un peu de répit aux Rouennais.
La bourgeoisie rouennaise sait qu’elle a tout à perdre du rétablissement des impôts comme de la vindicte des insurgés. Elle essaie de rassembler les énergies et d’obtenir le respect de l’autorité royale. Les notables demandent au procureur du roi de jurer solennellement et publiquement sur la « charte aux Normands », charte accordée par Louis X, en 1315. Celle-ci est exhumée sur le champ du trésor de la cathédrale.
La réconciliation semble rétablie entre les représentants du roi et les notables de la ville.
LE CHÂTIMENT DU ROI
Il reste à convaincre le roi Charles. Le monarque, auprès duquel plusieurs délégations ont été dépêchées pour quémander son pardon et la confirmation de la charte.
Mais la monarchie a d’autres préoccupations. En effet, depuis le 1er mars de la même année, Paris est en proie à de violentes émeutes (Révolte des Maillotins). De ce fait, les émissaires des Rouennais n’obtiendront qu’une réponse pour le moins laconique. Il leur est répondu que le roi viendrait à Rouen un peu plus tard ; alors, il « saurait qui avait mangé le lard ! ».
UNE RÉPRESSION SANGLANTE !
Le 29 mars, Charles VI fait une entrée triomphale dans la cité normande où il vient, suite à la révolte de la Harelle, pour rétablir l’autorité royale bafouée et sanctionner les coupables. La semaine précédente, ses hommes ont méticuleusement préparé le terrain : les meneurs de l’insurrection de la Harelle ont été arrêtés. Six d’entre eux ont été immédiatement décapités, et leurs têtes ont été exposées aux portes de la ville.
Les cloches du beffroi, qui avaient sonné le tocsin, ont été démontées. La porte que doit emprunter le monarque est démolie. Les Rouennais reçoivent une sévère mise en garde. Ils sont prévenus : le roi n’est pas venu pour faire une visite de courtoisie, mais pour restaurer l’autorité royale bafouée.
Le jeune Charles s’est installé au château. Depuis la forteresse, il dicte sa sentence : saisie de la municipalité dont les attributions sont confiées au bailli royal, amende de cent cinquante marcs d’or, et restauration des impôts.
Puis, le jour de Pâques, Charles VI accorde son pardon à une population rouennaise affligée par tant de sévérité.
Quatre mois plus tard, le 1er août 1382, dès l’apparition des percepteurs d’impôt, de nouveaux incidents vont voir le jour à la halle aux draps. Mais cette fois-ci, les bourgeois de la ville, sachant trop bien ce qu’il est arrivé lors de la première insurrection, vont stopper court à tout soulèvement du peuple. De toute manière, c’est peine perdue… la lutte est trop inégale. Et puis on ne discute pas les levées de taxes qui doivent financer la guerre. Une guerre qui débute en Flandre, pour réprimer une autre révolte antifiscale, celle des tisserands de Gand.
Le 27 novembre 1382, le soulèvement des milices bourgeoises flamandes est écrasé dans le sang à la bataille de Roosebeke,
LA SECONDE HARELLE DE ROUEN
Les incidents du 1er août n’ont certes pas la même ampleur que ceux de février, mais les suites seront bien plus dramatiques. Charles VI, dès qu’il a connaissance du rejet de son autorité par une poignée d’insoumis, fait volte-face et abroge son pardon. Il condamne la ville normande à débourser 60 000 francs dans l’année, et en même temps (chose beaucoup plus grave), il abolit le privilège Rouennais de la navigation sur la Seine. Ainsi Rouen, qui doit sa richesse à son commerce fluvial, voit sa prospérité sérieusement compromise pour de nombreuses années.
Quant aux prérogatives de Louis X (accordées par la « charte aux Normands » en 1315), elles sont abolies ; à partir de 1382, elles ne seront plus qu’un lointain souvenir…
Lire :
– La Hanse parisienne des marchands de l’eau
– Répertoire de la Guerre de Cent Ans
Sources :
Photos publiques Facebook
Les rois de France des Éditions Atlas (Valois directs).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Cent_Ans
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_VI_(roi_de_France)
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_de_la_Harelle?tableofcontents=0
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