Les Croisades – La prise de Constantinople 1204

 

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LES CROISADES

(1095 – 1291)

 

LA PRISE DE CONSTANTINOPLE

(Du 8 au 13 avril 1204)

Empire Byzantin

Empire Byzantin

QUATRIÈME CROISADE

« La Croisade de Venise »

(1202-1204)

République de Venise

République de Venise

« Dieu le veut ! »

Croisé

Croisé

 

Un long chemin vers la terre du Christ

Lire :

1 – Des origines à l’appel du pape Urbain II

2 – La Première Croisade

3 – La Deuxième Croisade

4 – La Troisième Croisade

5 – La Quatrième Croisade

 

 

INTRODUCTION

Prêchées et bénies par les papes successifs, dirigées par les souverains des royaumes et des Empires de la vieille Europe, ces expéditions se devaient d’être les ambassadrices de tout ce que l’esprit de la chevalerie médiévale portait de bon en lui. Nonobstant, les Croisades furent, mise à part la 1ère, un échec militaire, mais sur le plan culturel et économique, l’Occident chrétien en ressortira enrichi. En effet, au sortir de cette aventure, l’Europe en sera bénéficiaire ; elle était en retard sur le mode de vie d’un Orient qui commence alors à décliner. On retiendra sur le plan géopolitique, la création des États latins d’Orient : les Comtés d’Edesse et de Tripoli, la Principauté d’Antioche, et le Royaume de Jérusalem. De pair, cette période engendrera le développement et la prospérité des républiques italiennes comme Amalfi, Gênes, Pise et Venise, qui tireront des profits considérables de cette aventure.

Combats entre Chrétiens et Musulmans

Combats entre Chrétiens et Musulmans

CONTEXTE

Destinée tout d’abord à reconquérir les lieux saints, cette expédition prend son élan à Venise en 1202. Elle est prédite par le pape Innocent III, qui impose sa volonté aux souverains chrétiens d’occident de se croiser et d’aller libérer le Saint Sépulcre, alors sous domination musulmane. Cette Quatrième Croisade, à la différence de la précédente, sera menée par de simples chevaliers : Boniface de Montserrat, Baudouin de Flandre et Geoffroy de Villehardouin. A l’origine, elle avait pour but l’Égypte, mais sera détournée de son objectif par les Vénitiens. La république de Venise, qui était alors la principale puissance maritime de la Méditerranée, acceptera contre une forte somme d’argent le transport par mer des forces chrétiennes. Elle promettra une flotte en nombre suffisant de navires pour débarquer 30 000 Croisés en Terre Sainte, ce qui est considérable à l’époque. Mais les Chrétiens ne pourront réunir la totalité des fonds demandés (85 000 ducats d’argent). Le doge de Venise, Enrico Dandolo, accepte de reporter la dette et exige, en contre partie, la prise du port de Zara en Dalmatie (aujourd’hui Zadar en Yougoslavie), alors possession hongroise. Une fois la ville aux mains des Croisés, la puissante armée chrétienne se dirige sur Constantinople. La grande cité sur le Bosphore est prise et mise à sac en 1204. Par la suite, Vénitiens et Croisés se partageront une grande partie de l’Empire byzantin ; c’est la naissance de l’Empire latin de Constantinople. Baudouin de Flandre et de Hainaut (1171-1205 ou 1206) deviendra le premier empereur de l’Empire latin d’Orient. Ainsi s’achève cette expédition militaire fratricide qui a opposé des chrétiens contre d’autres chrétiens ; l’on est loin alors de l’esprit chevaleresque de la Première Croisade, de son idéal et de sa morale.

 

 

 

CHRONOLOGIE

1202

– Mort de Bohémond III d’Antioche, dit « le bègue ». Son fils Bohémond IV d’Antioche, dit « le borgne », devient comte d’Antioche et de Tripoli.

– Avril : Venise promet de convoyer l’armée chrétienne (4500 chevaliers, 9000 écuyers et 20 000 fantassins) par mer jusqu’en Terre-Sainte, moyennant 85 000 ducats d’argent et la moitié du butin ; 30 % seulement de l’armée croisée rallient alors la cité des Doges.

– Octobre : les Croisés ne pourront verser que 51 000 ducats d’argent, et seront incapables de fournir la totalité de la somme réclamée par Venise. Après de multiples négociations, un accord voit le jour. Les Croisés devront aider les Vénitiens à reconquérir la ville dalmate de Zara, possession hongroise depuis 1186. Le Doge de Venise, Enrico Dandolo, accepte le marché.

Siège de Zara

Siège de Zara

De nombreux Croisés étaient hostiles à guerroyer contre des Catholiques et beaucoup rebroussèrent chemin. Voyant la puissante armée chrétienne à ses portes, les habitants de la cité accrochèrent à leurs fenêtres des drapeaux avec des croix. Nonobstant la ville fut saccagée et pillée. Ces exactions fratricides amenèrent le pape Innocent III à excommunier les Vénitiens et les Croisés.

– 8 octobre : départ de la Quatrième Croisade en direction de Zara, petit port de l’Adriatique. L’expédition est conduite par Boniface de Montferrat, Baudouin de Flandre, Enrico Dandolo et Geoffroi de Villehardouin.  

– 11 novembre : début du siège de Zara.

– Novembre : prise de Zara par les Croisés.

– décembre : à Zara, une proposition d’alliance est offerte aux Croisés par Philippe de Souabe. Moyennant une forte somme (200 000 ducats d’argent), ils doivent aider Alexis IV Ange à rétablir son père Isaac II Ange sur le trône de Constantinople. En outre, les Byzantins participeront militairement à la Croisade et promettent de fournir 10 000 hommes pendant une année.

Philippe de Souabe

Philippe de Souabe

1203

– 6 avril : les Croisés quittent Zara et se dirigent sur Corfou.

– 24 mai : les Chrétiens quittent Corfou.

– Juin : les Croisés se dirigent sur Constantinople pour rétablir sur son trône Isaac II Ange, destitué par son frère Alexis III Ange.

– 6 juillet : prise de la forteresse de Galata par les Croisés.

– Du 11 au 17 juillet : 1er siège de Constantinople.

Les Croisés attaquent Constantinople

Les Croisés attaquent Constantinople

– 18 juillet : reddition de Constantinople ; Alexis III Ange prend la fuite.

– 1er août : Isaac II Ange est rétabli sur son trône ; il le partage désormais avec son fils, Alexis IV Ange.

BASILEUS : Roi en Grec ancien. Titre des empereurs romains et des empereurs byzantins.

1204

– Janvier : des émeutes surviennent à Constantinople. La population est mécontente. Elle accuse son Empereur Isaac II Lange de se soumettre sans condition à la suprématie franque, et refuse que leur souverain honore sa dette. 

– 28 janvier : mort de l’Empereur byzantin Isaac II Ange ; son fils Alexis IV Ange lui succède.

Alexis IV Ange

Alexis IV Ange

– 8 février : mort de l’Empereur byzantin Alexis IV Ange, étranglé en prison par un usurpateur du nom d’Alexis V Doukas, surnommé Murzuphle.

Alexis V Doukas

Alexis V Doukas

Alexis V Doukas, gendre d’Alexis III, succède à Alexis IV Ange.

– Mars : Vénitiens et Croisés se partagent l’Empire byzantin, suivant un traité conclu entre les deux parties. C’est la naissance de l’Empire latin de Constantinople, avec pour capitale Nicée.

– Du 8 au 13 avril : siège de Constantinople par les Croisés.

Prise deConstantinople

Prise de Constantinople

Le 12 avril, les troupes vénitiennes et croisées s’emparent de la  riche et puissante capitale de l’Empire byzantin. La ville est saccagée et pillée par les chevaliers ; 2000 Grecs sont assassinés. L’indignation est immense dans tout l’Occident chrétien. Le déshonneur de ce jour déplorable marque une date, celle de la véritable cassure entre la chrétienté orthodoxe d’Orient et la chrétienté catholique d’Occident.

Conquête de Constantinople par les croisés en 1204

Conquête de Constantinople par les croisés en 1204

– Avril : fondation de l’Empire Latin de Constantinople, ou Empire Latin d’Orient.

– 16 mai : le comte Baudouin de Flandre est sacré « Empereur latin de Constantinople » ; il prend le nom de Baudouin IX.

– Décembre : Alexis V Doukas, gendre d’Alexis III, est condamné à mort par Baudouin 1er de Flandre et exécuté.

– Hiver : les Croisés réussissent à reprendre une grande partie de la Grèce méridionale. Détournée de son but initial, la Quatrième Croisade n’a pu aboutir. Elle ne s’est terminée qu’avec la conquête de Constantinople, et la création de nouveaux États croisés qui vont se montrer très fragiles.

LE SAC DE CONSTANTINOPLE

(12 avril 1204)

 

Empire Byzantin

Empire Byzantin

SITUATION

Prédite en Occident par Innocent III, la Quatrième Croisade s’ébranle en direction de la Terre Sainte en novembre 1199. L’expédition n’arrivera jamais à Jérusalem. Les chefs ont pour intention avouée de prêter main forte au basileus Alexis IV Ange, pour rétablir son père Isaac II Ange sur le trône de Constantinople. Mais, sous couvert d’apporter leur soutien à l’empereur d’Orient, c’est l’appât du gain qui va les dévier de leur objectif initial, l’Égypte. En guise de paiement pour leur passage sur les navires vénitiens, les Francs, faute de moyens, vont attaquer le port dalmate de Zara (Zadar aujourd’hui en Croatie), principal verrou du commerce maritime dans l’Adriatique. Puis, gagnés par la convoitise et la cupidité, ils vont se lancer à l’assaut de la grande cité sur le Bosphore, Constantinople. Les forces croisées se rendent maître de la ville le 12 avril 1204. Après l’avoir pillée et mise à sac sans vergogne dans le plus abject des déshonneurs, ils vont massacrer sans aucune retenue la population chrétienne orthodoxe.

En 1202, certains barons, comme Simon de Montfort, avaient refusé d’affronter une cité chrétienne. Il n’en était pas de même pour de nombreux autres seigneurs. La plupart avait oublié le sens commun de la Croisade, celui d’aller reprendre Jérusalem aux mains des infidèles. Après Zara, une autre destination va les écarter de la Terre Sainte et de leur pieux objectif.

LE CASUS BELLI

Les Francs respectent leurs accords, et le 1er août 1203 Isaac II Ange est rétabli sur son trône. Son père Alexis IV Ange avait promis aux Croisés 200 000 marcs et un renfort de 10 000 hommes. Mais la dette tarde à être acquittée, et le 5 février 1204, Isaac II Ange est renversé et étranglé en prison par un usurpateur du nom d’Alexis V Doukas, surnommé Murzuphle.

Avec ce changement de situation, les Francs se rendent à l’évidence : ils ne pourront jamais récupérer leur dû. Démunis, sans vivres, n’ayant pas assez de moyens pour retourner en Occident ni pour continuer vers la Palestine, ils décident, en accord avec leurs alliés vénitiens, de donner l’assaut à Constantinople et de s’emparer de ses richesses. Osant défier la volonté du pape qui leur a interdit d’attaquer une ville chrétienne, le 9 avril à l’aube, les Croisés se ruent à l’attaque de la capitale de l’Empire d’Orient.

TROIS JOURS DE COMBATS

9 AVRIL

Mai la cité est fortement défendue, et après plusieurs heures de combats acharnés, les opérations franques semblent compromises. De nombreux engins de sièges ont été détruits par les projectiles lancés par les Grecs du haut des remparts. En outre, les mauvaises conditions météorologiques entravent les manœuvres des forces croisées. Les fortes rafales de vent gênent considérablement les navires, qui ne peuvent s’approcher au plus près des murs pour amorcer un assaut déterminant. Vers le milieu de l’après-midi, les Occidentaux ne peuvent que constater leur échec.

Tour de siège

Tour de siège

Les chefs croisés essaient alors de redonner un nouvel élan à leurs troupes. Mais nombreux sont ceux, parmi les plus croyants, qui se remémorent les ordres du pape Innocent III et montrent beaucoup de réticence à s’emparer d’une ville chrétienne. Cependant, les Chrétiens orthodoxes ont fait, par le passé, plusieurs fois alliance avec les Musulmans et cette coalition contre-nature suscite de la méfiance envers eux. Pour revitaliser le moral des forces franques au combat, les évêques prêchent des serments, attisant ainsi la  rancœur et le ressentiment.

Entrée des Croisés dans Constantinople

Entrée des Croisés dans Constantinople

« Les évêques prêchèrent des serments au travers du camp (…) et montrèrent aux pèlerins que la bataille était légitime car les Grecs étaient des traitres puisqu’ils avaient assassiné leur seigneur légitime : ils étaient pire que les juifs ». Rapporté par le chroniqueur Robert de Clari.

 

PIERRIÈRE

Cet engin diabolique, qui s’inspire du principe du balancier, est dans sa version primitive d’une redoutable efficacité. Il est doté d’un bras mobile fixé sur une poutre verticale. Une des extrémités est chargée d’un bloc de pierre ou d’un boulet, et sur l’autre, plus courte, l’on a fixé un système de câbles. Les servants actionnent l’engin en tirant un coup sec sur les cordes pour propulser le projectile.

Pierrière

Pierrière

MANGONNEAU

Avec le temps, la machine va subir des transformations et se perfectionner grâce à l’intervention de véritables ingénieurs. Elle change de nom et devient mangonneau. Un détail qui fait toute la différence, car la force motrice fournie par l’homme est remplacée par un contrepoids qui se substitue à la traction humaine.

TRÉBUCHET

Enfin, elle prend le nom de trébuchet lorsque la présence de l’homme n’est plus demandée. Des projectiles de cent kilos peuvent alors être envoyés à plus de deux cents mètres avec une précision millimétrée. L’engin se révèle alors très efficace contre les murailles et devient la hantise des villes assiégées. Il ne sera supplanté qu’avec l’avènement de l’artillerie.

Trébuchet

Trébuchet

12 AVRIL

Les Croisés, mieux préparés et galvanisés par le butin qui se dessine derrière les hauts murs, repartent à l’assaut de la cité. A force de persévérance, ils parviennent à se rendre maîtres des remparts et, à la fin de la journée, ils pénètrent dans Constantinople. Dès leur irruption dans l’enceinte fortifiée, et afin de prévenir une contre-attaque des troupes de Murzuphle, une grande partie de la ville est incendiée.  

TROIS JOURS DE CARNAGES ET DE PILLAGES

Dès le lendemain, alors que les défenseurs de la cité ont déposé les armes, les Francs vont se livrer aux pires exactions. Un horrible massacre va se perpétrer durant trois jours, jetant l’opprobre sur les chevaliers du Christ. Terrifiés, les habitants de la cité (pour la plupart des Grecs orthodoxes) essayent en vain d’échapper à la fureur exterminatrice des Francs. Les hommes sont égorgés, les femmes et les jeunes filles violées, puis tuées, des familles entières sont brûlées vives dans leurs habitations en flamme.

« Alors, vous auriez pu voir les Croisés abattre les Grecs. Il y eut là tant de morts et de blessés que c’était sans fin ni mesure », rapporte l’ancien maréchal de Champagne Villehardouin.

 Enfin la cité est mise à sac… Simples soldats du Christ ou bien chevaliers, tous se précipitent sans scrupules sur les biens et les trésors.

« Les brigands qui se rendirent maître de Constantinople, affamés d’or comme tous les peuples barbares, se livrèrent à des excès inouïs de pillage et de désolation. Ils ouvrirent les tombeaux des empereurs qui décoraient le sanctuaire du grand temple ; ils enlevèrent les richesses qui s’y trouvaient, les perles, les pierres précieuses », relate amèrement l’historien byzantin Nicétas Choniatès, témoin du drame.

Les reliques, dont le culte est alors si prisé en Occident, et dont la cité de Constantinople est garnie à souhait, ne seront pas épargnées. Il est à noter que même les clercs, hélas, se précipiteront pour se les accaparer.

Témoignage de Gunther de Pairis, moine cistercien. Il décrit l’avidité de son abbé devant un coffre de reliques trouvé dans une église : « L’abbé se hâta d’y plonger avidement, y allant des deux mains, puis, retroussant son vêtement du plus vivement qu’il put, il en remplit le creux. »

 

CONSÉQUENCES

Faisant suite au pillage de la cité, les Croisés fondent l’Empire Latin de Constantinople, ou Empire Latin d’Orient. Le 16 mai suivant, ils offrent la couronne au comte Baudouin de Flandre qui est sacré « Empereur latin de Constantinople » ; il prend le nom de Baudouin IX. De leur côté, les Grecs créent à Nicée un Empire byzantin en exil.

Il est attesté qu’après la violence des exactions commises lors du sac de Constantinople, tant sur le plan politique que religieux, la rupture est acquise pour longtemps entre les Chrétiens catholiques d’Occident et les Chrétiens orthodoxes d’Orient.

LA « TRAHISON » DES BARONS

Chevaux de Saint-Marc

Chevaux de Saint-Marc

D’une manière préméditée, Francs et Vénitiens ont signé un accord avant l’assaut décisif de la cité de Constantinople. Cet « arrangement » fixait les modalités quant au partage du butin entre les différents partis. Il y était précisé que toutes les richesses de la ville devaient être réunies pour être équitablement partagées. Mais ce marché va s’avérer être un marché de dupe et ne sera en rien respecté… Certains grands barons, dénués de toute honnêteté, vont s’approprier la totalité des richesses. Ils spolient ainsi les pauvres chevaliers et la piétaille qui, par leur bravoure, ont vaincu les remparts de Constantinople. Certains seigneurs, sans honte, cacheront leur butin pour venir le récupérer ultérieurement… On cite par exemple le doge de Venise Enrico Dandolo, qui rapportera dans la Sérénissime les chevaux qui décorent la place Saint Marc, ainsi que d’inestimables reliques : un morceau de la Vraie Croix, du sang du Christ, un bras de saint Georges et un morceau de la tête de saint Jean-Baptiste.

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