Paris, un douloureux échec pour Jeanne d’Arc
LA GUERRE DE CENT ANS
De 1337 à 1453
LES VALOIS DIRECTS
PARIS, UN DOULOUREUX ÉCHEC
POUR
JEANNE D’ARC…
Le 8 septembre 1429
Seule représentation contemporaine connue de Jeanne d’Arc, esquissée le 10 mai 1429 en marge d’un registre, par Clément de Fauquembergue, greffier du Parlement de Paris. Ne l’ayant jamais vue, le greffier la dessine par ouï-dire comme une figure allégorique sans prétention, au portrait physique réaliste, avec un vêtement féminin (la robe décolletée), nu-tête et « décoiffée », les cheveux longs dénoués caractérisant en l’occurrence la prostituée ou la prophétesse (femmes hors de l’ordre social médiéval). À ces attributs féminins symboliques, pourtant délaissés par la Pucelle qui portait l’habit masculin et la coupe en sébile, Fauquembergue ajoute une épée et un étendard à deux queues arborant les initiales « JHS » (monogramme trilitère du nom grec de Jésus-Christ), détails puisés dans les échos de la levée du siège d’Orléans. Archives nationales, Registre du Parlement de Paris, 1429.
SOMMAIRE
Le siège de Paris se déroule du 3 au 8 septembre 1429. L’armée française du roi Charles VII, dirigée par Jeanne d’Arc, entreprend la conquête de la cité occupée par les alliés anglo-bourguignons. La capitale est défendue par le gouverneur Jean de Villiers de L’Isle-Adam et le prévôt Simon Morhier. Les troupes royales ne parviendront pas à s’en emparer.
Le 8 septembre 1429, Jeanne d’Arc subit sa première défaite sous les remparts de Paris. Ce jour-là, elle est atteinte sérieusement par un carreau d’arbalète. De cette blessure, elle peut s’en accommoder. La souffrance de sa chair meurtrie lui paraît futile à côté de la grande déception qu’elle a de devoir abandonner la lutte pour la conquête de la capitale. Elle ressent aussi de l’amertume envers la décision du roi, qui s’apprête à mettre un terme à sa « mission divine ».
CONTEXTE
Après la prise de Paris par les Anglais, en 1420, la gouvernance du roi Henri V d’Angleterre montre à l’égard des bourgeois parisiens une mansuétude et une bienveillance favorable. En effet, l’administration des vainqueurs confirme leurs anciens privilèges, et leur en attribue même des nouveaux.
Si les Parisiens acceptent la domination des Anglais, c’est surtout par la haine qu’ils vouent au « petit roi de Bourges », Charles VII. La population de la capitale éprouve aussi beaucoup de ressentiments envers les Armagnacs. (La guerre civile qui sévit alors dans la capitale a mis la cité à feu et à sang). Outre ces hostilités avérées, le parti armagnac menace les diverses libertés que la ville a acquises au fil des siècles ; et çà, on ne peut l’accepter.
Dès le 23 août 1429, Jeanne d’Arc et le duc d’Alençon arrivent à Saint-Denis ; la ville sera conquise deux jours plus tard. Mais leur véritable objectif, c’est Paris.
Dans la capitale, on a eu connaissance des derniers exploits de « la Pucelle », et un vent de panique se répand comme une traînée de poudre ; il y règne un affolement général. Les Parisiens n’ont pas du tout envie qu’on les « délivre ». Ils se souviennent encore des abus et des assassinats perpétrés en 1418, lorsque les Armagnacs se sont emparés de la ville contrôlée alors par les Bourguignons. Il s’en est suivi règlements de comptes, châtiments, crimes, et meurtres en séries. Aujourd’hui, ils craignent les représailles encore plus terribles des hommes de Charles VII, ainsi que des pillages et des vengeances à profusion…
Le 28 août, Charles VII signe la trêve de Compiègne, qui devra prendre fin le 25 décembre 1429.
LA TRÊVE DE COMPIÈGNE
Dans ce décret, Charles VII déclare renoncer à poursuivre ses opérations militaires sur la rive droite de la Seine. Cette trêve exclut Saint-Denis (qui était déjà pris), Saint-Cloud, Vincennes, Charenton et Paris. En outre, le roi de France accepte que son cousin Philippe III, duc de Bourgogne, envoie des troupes à Jean de Lancastre, duc de Bedford. En cas de nécessité, celui-ci pourra assurer la défense de Paris. Les villes picardes de Compiègne, Pont-Sainte-Maxence, et Senlis devront être restituées par Charles VII à Jean de Lancastre, duc de Bedford. Par cet engagement, le roi de France se prive d’un moyen vital dans sa reconquête de la capitale.
FORCES EN PRÉSENCE
POUR LES FRANÇAIS
L’armée Française est forte d’environ de 10 000 hommes.
Elle est commandée par Jeanne d’Arc, Jean II d’Alençon, Jean de Brosse (seigneur de Boussac) et Gilles de Rais, baron de Retz.
Pertes : 500 morts et 1000 blessés.
JEANNE D’ARC
Lire :
– Jeanne d’Arc, de Domrémy à Chinon
– Baudricourt accepte d’Aider « la Pucelle »
– Jeanne d’Arc, des batailles à la capture.
– Jeanne « la Pucelle » à la tête de l’ost royal.
– Jeanne d’arc, la rencontre de Chinon.
– Jeanne d’Arc et le procès de Poitiers.
JEAN II D’ALENÇON
C’est un prince de sang et un chef de guerre français du XVème siècle. Il sera compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. Il participera avec elle au Siège d’Orléans (du 12 octobre 1428 au 8 mai 1429). Il est capturé le 17 août 1424, au cours de la bataille de Verneuil. Il ne retrouvera la liberté qu’en 1427, contre une forte rançon.
JEAN DE BROSSE, SEIGNEUR DE BOUSSAC
Le 31 mars 1423, il combat à la tête de cent hommes d’armes sous les ordres du comte de Sancerre. Il passe ensuite au service d’Arthur III de Bretagne (connétable de Richemont). Le 14 juillet 1426, en récompense de ses bons et loyaux services, le roi l’élève à la dignité de maréchal de France. En 1428, Jean de Brosse se révolte contre l’autorité royale, avec le comte de Clermont et le comte de Perdriac. Ils s’enferment dans le château de Bourges, mais reviennent à de meilleurs sentiments après mûres réflexions. Le roi, qui a un besoin vital de valeureux capitaines, leur accorde son pardon. Le 12 février, Jean de Brosse participe à « la journée des harengs ». Son beau-frère, Jean de Naillac, est tué lors du combat. Lors du siège d’Orléans, Jean de Brosse et Louis de Culant (son cousin, futur amiral de France) sont désignés par le roi pour escorter Jeanne d’Arc à la tête d’une armée, afin d’aller rejoindre le gros des forces royales. Jean de Brosse participe alors aux combats pour la libération de Jargeau, Meung-sur-Loire, Beaugency, et à la victoire de Patay le 18 juin 1429. Le 17 juillet 1429, lors du sacre de Charles VII à Reims, Jean de Brosse est l’un des trois seigneurs, avec Louis de Culant et Gilles de Rais, qui ont l’honneur de porter, depuis la basilique Saint-Rémi jusqu’à la cathédrale, la Sainte Ampoule contenant le Saint chrême, destiné à « oindre » le roi. Jean de Brosse meurt de maladie en 1433.
GILLES DE RAIS, BARON DE RETZ
Le baron de Rais participe à la levée du siège d’Orléans. Il sera promu maréchal de France le 17 juillet 1429, jour du sacre royal de Charles VII à Reims. Il combat les Anglais aux côtés de Jeanne d’Arc à Jargeau (le 12 juin 1429) et à Patay (le 18 juin 1429).
POUR LES ANGLO-BOURGUIGNONS
La garnison Anglo-bourguignone de Paris est forte d’environ 3000 hommes en armes.
La défense de la capitale est confiée au capitaine bourguignon et gouverneur Jean de Villiers de L’Isle-Adam, et au prévôt Simon Morhier.
Pertes inconnues.
JEAN DE VILLIERS DE L’ISLE-ADAM
Jean de Villiers est nommé capitaine du Louvre en 1428, puis gouverneur militaire de Paris en 1429. À ce titre, il défendra la capitale assiégée par l’armée du roi de France et dirigée par Jeanne d’Arc. En 1430, Philippe le Bon le fait chevalier de la Toison d’Or. En 1432, le duc de Bedford lui redonne sa charge de maréchal de France.
SIMON MORHIER
Il sera également seigneur de Houdan, de Mesnil-Aubry, de Montanglaut, de Montlouet, de Saint-Piat, de Talvoisin, de Thour-en-Ardennes, et de Villiers-le-Morhier. En 1420, après la prise de Paris par les Anglais, Simon Morhier est nommé prévôt de la ville de Paris par l’occupant du 1er décembre 1422 jusqu’en 1432. En septembre 1429, Simon Morhier repousse une attaque de Paris par les troupes de Jeanne d’Arc. La même année, il est attaqué par surprise et bat les Français lors de la Journée des Harengs, dans les environs de Chartres. Le 25 février 1449, il est capturé près de Dieppe. Simon Morhier meurt en captivité le 4 juillet 1449.
PRÉLUDE AVANT LE SIÈGE
Au début du mois de septembre, Charles VII se positionne avec son armée vers la butte Saint-Roch.
On la confond parfois avec une autre protubérance, la butte des Moulins, qui se trouve un peu plus à l’est. L’origine de cette butte prête toujours à discussions. Certains prétendent qu’il pourrait s’agir d’un ancien tumulus gaulois, d’autres parlent d’un ancien dépôt d’immondices et de gravois (gravats, décombres…). Elle fut surélevée une première fois au XIVème, siècle par l’apport des débris des maisons détruites par le prévôt de Paris. Puis elle le sera une seconde fois avec l’ajout des éboulis provenant de la démolition de l’ancienne enceinte de la ville de Paris. A cela viendront se rajouter les gravats des quelques moulins à vent détruits qui se trouvaient sur cette butte, et des terres de remblayage provenant de la construction de la nouvelle enceinte. Quoi qu’il en soit, cette butte était utilisée comme voirie. (Les voiries de Paris étaient des dépotoirs, des dépôts publics ou particuliers d’ordures ménagères, d’immondices, de matières fécales humaines, animales, et d’animaux morts, consécutifs à l’activité de la ville de Paris. Ils étaient situés à l’intérieur ou en périphérie immédiate de la ville, et ont existé du Moyen-Âge au XIXème siècle).
Le 3 septembre, Jeanne d’Arc loge dans le village de la Chapelle. Elle est accompagnée des ducs d’Alençon et de Bourbon, des comtes de Vendôme et de Laval, de Gilles de Rais, d’Étienne de Vignoles (dit Lahire), et de leurs gens en armes.
Ils viennent d’effectuer, durant plusieurs jours, des reconnaissances et des escarmouches sur diverses portes de Paris. Pour l’instant, Jeanne prie dans la chapelle Sainte-Geneviève.
Tôt dans la matinée du jeudi 8 septembre 1429, et après avoir dormi au château de Monceau, Jeanne d’Arc se met en route. Elle est accompagnée du duc d’Alençon, ainsi que des maréchaux Gilles de Rais et Jean de Brosse (seigneur de Boussac). Ils quittent le village de La Chapelle pour aller attaquer la porte Saint-Honoré.
Afin de soutenir l’attaque, Jeanne d’Arc ordonne de faire placer des couleuvrines sur la butte Saint-Roch.
DES DOUVES INFRANCHISSABLES…
A Saint-Denis, Jeanne et le duc d’Alençon font construire un pont de bateaux sur la Seine. Charles VII est indécis ; il hésite ; il ne les a toujours pas autorisés à donner l’assaut. Le temps qui passe en atermoiements dans le camp du roi de France n’est pas bon pour le moral des troupes qui s’impatientent. Jeanne et ses compagnons d’armes sont condamnés à l’inaction, alors qu’ils sont si près du but ! mais ils ne sont pas décidés à renoncer…
Alors le duc d’Alençon galope à bride abattue pour Senlis. Il a bien l’intention d’y rencontrer le roi Charles, et de le ramener devant les remparts de Paris. Bien lui en a pris, car celui-ci finit par céder à ses implorations…
Le 8 septembre (jour de la Sainte Nativité de Notre-Dame), les dix mille hommes de l’ost royal se rassemblent. L’attaque se produit à l’ouest de la cité, près de la Porte Saint Honoré. Les premiers retranchements avancés du boulevard sont enfoncés sans difficulté. Le premier fossé, qui est à sec, est franchi facilement. Mais la seconde douve, large de trente mètres, est remplie d’eau, et se présente comme un obstacle infranchissable.
Entre onze heures et midi, l’artillerie commence à se faire entendre et pilonne les hauts murs de la capitale.
C’est alors que Jeanne, brandissant son étendard, donne l’ordre d’attaquer, de marcher vers le fossé et de tenter de le combler avec des fagots.
L’assaut est particulièrement violent. Les Parisiens, croyant que les troupes royales veulent détruire la ville de fond en comble, ripostent avec force et se défendent bec et ongles.
UN CARREAU D’ARBALÈTE INOPPORTUN !
Avant la tombée de la nuit, Jeanne descend dans le fossé en eau devant la porte, pour voir s’il a été comblé. Anglais, Bourguignons et Parisiens, du haut des remparts, couvrent le secteur d’une averse de pierres, de boulets et de flèches.
Soudain, en tentant de franchir la douve, Jeanne reçoit un carreau d’arbalète dans la cuisse. Raymond, son porte-étendard, un jeune page qui la suit comme son ombre, est tué. L’affaire se présente mal. Malgré son refus, le duc d’Alençon et le fidèle Raoul de Gaucourt la transportent de force pour la mettre à l’abri à Saint-
Denis. Puis Jeanne est ramenée à son logis de La Chapelle.
Pour la première fois, Jeanne et son armée sont contraintes de reculer. La défaite est d’autant plus accablante que les troupes royales relèvent, après quatre heures d’assaut, mille cinq cents blessés et plus de cinq cents morts. Minée par le chagrin, Jeanne passe la majeure partie de la nuit à prier.
Le lendemain matin, dès l’aube, Jeanne est prête à « vaincre ou à mourir ». Malgré sa blessure qui la fait souffrir, elle est déterminée à ne pas renoncer et décide Alençon de repartir à l’attaque de Paris.
Mais le roi Charles en a décidé autrement ; il ordonne la retraite et le repli vers la Loire. Pour bien marquer sa détermination, il fait détruire le pont de bateaux sur la Seine.
CONSÉQUENCES
Le 18 septembre 1429, le roi Charles VII accepte d’inclure Paris dans les régions concernées par la trêve signée avec Philippe le Bon (le duc de Bourgogne) le 28 août à Compiègne. Il espère que le Bourguignon tiendra sa promesse, et qu’il lui cèdera la capitale.
Le 21 septembre, il dissout l’armée du Sacre, et part pour son château de Mehun-sur-Yèvre.
Désormais, c’est lui le roi… Et il décide seul !
JEANNE BLESSÉE PHYSIQUEMENT ET MORALEMENT
Jeanne est dévastée. Devant la capitale, elle vient de subir sa première défaite. Est-ce un signe qui annonce la fin de sa mission divine ?
Pour la jeune fille, les choses de la politique ne sont pas ses principales préoccupations. C’est pourquoi elle ne comprend pas que le Conseil royal n’envisage pas de victoire sans réconciliation avec le duc de Bourgogne.
Sa déception est immense. Elle ressent de l’amertume, et se dit injustement trahie par ce roi qu’elle aime tant et pour qui elle a tant fait.
Avant de partir, elle se rend à la basilique de Saint-Denis. Là elle laisse son harnais blanc et son épée.
Sources :
Mes photos
Photos publiques Facebook
Les rois de France des Éditions Atlas (Valois directs).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Cent_Ans
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_d%27Arc
https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_Paris_(1429)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_d%27Orl%C3%A9ans_(1428-1429)
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/2126644
Bonjour,
Je viens de lire votre article sur Jeanne d’Arc à Paris et je tenais à vous féliciter pour votre plume passionnante et votre analyse pertinente. Votre article m’a transporté dans l’histoire et j’ai appris de nouvelles informations sur cette grande figure historique. Je suis curieux de savoir si vous avez des recommandations pour d’autres endroits à visiter à Paris en lien avec l’histoire de Jeanne d’Arc. Merci encore pour cet excellent article.
Cordialement,
Bonjour, je tenais à vous féliciter pour votre article très intéressant sur Jeanne d’Arc et son échec à Paris. Vous avez su rendre compte de manière claire et concise des événements historiques tout en apportant votre propre analyse. J’ai particulièrement apprécié la manière dont vous avez mis en avant les différentes hypothèses quant aux raisons de cet échec. Votre article m’a donné envie de creuser davantage le sujet et de découvrir ce que d’autres historiens ont pu dire à ce sujet. Merci pour ce partage, j’attends avec impatience votre prochain article.