Les Grands Maîtres de l’Ordre du Temple – Jacques de Molay
MOYEN ÂGE
LES GRANDS MAÎTRES
DE
L’ORDRE DU TEMPLE
Convoqué par le pape Honorius II à la demande d’Hugues de Payns (1er Grand Maître des Templiers), le synode reconnaît officiellement l’Ordre du Temple dont la règle, transcrite par Bernard de Clairvaux, est ratifiée par le Concile. L’Ordre est créé selon la règle du « chevalier du Christ » : simplicité, pauvreté, chasteté et prières. Cette règle s’appuie sur celle de Saint Benoit, avec quelques nuances empruntées à celle de Saint Augustin. Cette doctrine est suivie par les chanoines de l’Ordre du Saint Sépulcre, près desquels vivent les premiers Templiers. L’ordre a alors plusieurs appellations : la milice des Pauvres Chevaliers de Christ, les Chevaliers de la Sainte Cité, les Chevaliers du Temple de Salomon de Jérusalem, la Sainte Milice hiérosolymitaine du Temple de Salomon. Au fil du temps, le nom qui deviendra le plus usité sera celui de « Templiers ».
JACQUES DE MOLAY
Jacques de Molay est né entre 1244 et 1249 à Molay, un village de la Haute-Saône, dans l’actuel canton de Vitrey-sur-Marne (à la limite de la Haute-Marne, en Franche-Comté). Il meurt sur le bûcher à Paris, le 18 mars 1314. L’absence d’archives précises le concernant ne permet de certifier ni le lieu, ni la date de naissance de Jacques de Molay. Cependant, les annotations écrites dans les minutes du procès, ainsi que dans les témoignages des royaumes européens de cette période-là, nous autorisent à penser que Jacques de Molay est né vers 1245 en Haute-Saône, dans le Comté de Bourgogne, alors vassal de l’Empire Germanique. En 1265, il est reçu dans l’Ordre à la commanderie de Beaune par Humbert de Pairaud, en présence d’Amaury de la Roche, maître en France et ami du roi Louis IX. Humbert de Pairaud occupe la fonction de « Visiteur de France et d’Angleterre ». Suivant la règle de l’Ordre du Temple, le novice est d’abord accueilli devant les membres de l’assistance présente. Après avoir écouté la lecture de ses devoirs et de ses vœux, on lui remet le manteau de l’Ordre. En 1307, au cours de son procès, on l’accusera d’avoir participé lors de cette cérémonie à un rituel initiatique scandaleux. On sait que vers 1270, Jacques de Molay se trouve en Orient. Cependant il n’existe aucune trace concernant ses premières années au sein de l’Ordre, ni sa vie, ni les endroits où il a habité. En 1291, lors de la chute de Saint-Jean-d’Acre, on ne peut affirmer avec certitude qu’il se trouve parmi les hommes qui réussissent à s’enfuir avec Thibaud Gaudin en direction de Chypre. En octobre 1291, le chapitre général de l’Ordre atteste l’élection de Thibaud Gaudin à la tête de l’Ordre du Temple. De nouveaux dignitaires sont nommés dans la hiérarchie templière. Jacques de Moley devient Maréchal de l’Ordre, remplaçant ainsi Pierre de Sevry, tué au combat sous les remparts d’Acre. Le 27 avril 1292, peu de temps après la mort de Thibaud Gaudin, Jacques de Molay est nommé Grand Maître de l’Ordre. Le « Moine Gaudin » lui a laissé un travail colossal à accomplir. Dès son élection, il s’attelle à parer au plus pressé. Après avoir doté l’île de Chypre d’un gouvernement, il se préoccupe de sa défense ainsi que celle du Royaume de Petite Arménie, ultimes emprises franques en Orient. Au printemps 1293, il fait un long voyage en Europe, où il s’occupe à la fois des questions diplomatiques et des différents problèmes internes de l’Ordre. Mais avant tout, il requiert le secours des princes occidentaux et de l’Église pour venir en aide aux derniers États Chrétiens en Terre Sainte. Il accoste à Marseille et rassemble un chapitre général à Montpellier. Afin d’affermir la discipline, il renforce la règle de l’Ordre tout en rappelant l’obligation de charité et d’Hospitalité des commanderies. Au cours de ce voyage, il nouera des liens étroits avec plusieurs monarques, dont Édouard 1er d’Angleterre, Jacques II d’Aragon et le pape Boniface VIII. Durant son périple il se rend en Aragon, où il doit mettre un terme à un différend entre Jacques II et les membres locaux de l’Ordre du Temple, différend qu’il traitera avec succès. Il voyage également en Angleterre, pour négocier l’annulation des amendes ordonnées par Édouard 1er aux Maîtres du Temple dans le royaume. Puis il se rend à Rome, où Boniface VIII vient d’être nommé pape. A l’occasion, le saint père atteste l’immunité et les privilèges des membres de l’Ordre au sein de la Chrétienté. Au début de 1296, il rassemble, lors d’un chapitre général, les Maîtres des différentes provinces afin de ratifier toutes ces décisions papales. En automne 1296, après un périple de trois ans, il retourne à Chypre. Il lui faut modérer les ambitions du roi Henri II, qui essaie d’affaiblir les prérogatives et les domaines des Templiers sur l’île. Ce qui représente cinq commanderies et quatre châteaux forts, auxquels se rajoutent une cinquantaine de dépendances ou de villages. Fortement installés dans l’île, les membres de l’Ordre provoquent crainte et convoitise chez le roi Henri II, d’autant que ces forteresses recèlent des dépôts d’armes et des monceaux de vivres. En effet, l’Ordre s’adonne à l’agriculture, fait du commerce et du négoce, exporte du coton et du sucre. Il devient un banquier de premier plan, prête de l’argent et se porte garant pour des transactions financières. En revanche, l’Ordre respecte la règle qui consiste à ne jamais faire affaire avec les Musulmans, et essaie de traquer ceux qui auraient tendance à le faire. En outre le Grand Maître assure, dans toutes les provinces de l’Ordre, le recrutement et le transfert des Templiers pour Chypre. L’objectif de ces enrôlements est bien sûr la reconquête de la Terre Sainte. Jacques de Molay doit aussi, et de toute urgence, assurer la protection des derniers États chrétiens encore sous l’autorité franque : Chypre et l’Arménie, car ces deux royaumes sont sous la menace d’une invasion mamelouke. En 1298, l’armée du sultan d’Égypte attaque la Syrie du nord et la Cilicie. Jacques de Molay, accompagné du Grand Maître des Hospitaliers Guillaume de Villaret, accourt pour défendre le royaume situé en Arménie. Malheureusement, les forces chrétiennes ne parviendront pas à empêcher les Mamelouks de s’emparer de la forteresse de Roche-Guillaume. Les 23 et 24 décembre 1299 voient la victoire des Mongols en Syrie face aux Mamelouks, à la bataille de Wadi al Khazandar, près de Homs. L’idée d’une alliance avec les Mongols pour vaincre les Mamelouks commence à poindre chez les Chrétiens, et serait peut-être la solution. A cette époque-là, les Mamelouks sont de plus en plus nombreux et en large supériorité numérique face aux forces chrétiennes. Pour compenser ce déficit, les Francs essaient de se rapprocher et de faire alliance avec les Mongols de Perse. Ces derniers, dirigés par Mahmud Ghazan Khan, veulent étendre leur domination sur les terres mameloukes. En 1300, le Khan dépêche un ambassadeur à Nicosie pour sceller une alliance avec les Chrétiens. Jacques de Molay, accompagné par le roi d’Arménie et le roi de Chypre, décide d’escorter le Khan jusqu’au pape Boniface VIII afin de le convaincre de faire alliance avec lui. En attendant la réponse du Saint Siège à cette initiative diplomatique, le roi d’Arménie, Henri II, Guillaume de Villaret (Grand Maître des Hospitaliers) et Jacques de Molay lèvent une force maritime. Cette flotte doit effectuer un raid sur l’Égypte. Seize galères sont affrétées ainsi qu’une dizaine de petits navires. L’expédition sera accompagnée d’un émissaire mongol. En juillet 1300, pendant le raid, les villes de Rosette et d’Alexandrie seront pillées et saccagées, puis la flotte regagnera Chypre. Au cours de la même année, l’Ordre du Temple fortifie l’îlot de Rouad qu’il occupe depuis son évacuation de Tortose, en 1291. Cette position retranchée doit servir de base avancée en vue d’opérations combinées avec les Mongols. L’îlot sera utilisé à la fois comme tête de pont pour un hypothétique débarquement en Palestine, et comme un ultime abri de transit en cas de retraite anticipée vers Chypre. Mais les Mongols, empêtrés dans des guerres claniques, ne pourront jamais combattre les Mamelouks aux côtés des Francs. En août-septembre 1302, les chevaliers de l’Ordre du Temple seront délogés de Rouad par les Musulmans. Les sergents syriens seront tous massacrés et les Templiers survivants emmenés en captivité au Caire. Par la suite, Jacques de Molay abandonnera la stratégie de l’alliance mongole, cette dernière s’avérant être un échec… Ironie de l’Histoire, le sort a voulu que si Rouad fut la dernière position fortifiée occupée par les Croisés, elle fut aussi celle par où, un jour de 1915, les Francs allaient débarquer et reprendre pied en Syrie. En 1305, le nouveau pape Clément V souhaite avoir les conseils des Grands Maîtres des Ordres religieux quant à l’organisation d’une nouvelle croisade. Il désire aussi s’entretenir avec eux sur une éventuelle entente et unification des deux forces militaires. Le 6 juin 1306, Clément V, qui réside alors en France, appelle les représentants des deux Ordres à Poitiers, mais compte tenu de son état de santé, la réunion ne se fera qu’en mai 1307. Jacques de Molay, en chef expérimenté, expose au pape un projet assez complet. D’abord, comme il l’a toujours maintenu, il refuse toute fusion entre les deux Ordres (décision qui aura de graves conséquences pour l’avenir de l’Ordre). Puis il soutient qu’il est inutile de combattre les Musulmans avec de petites unités armées, et qu’il est vain de considérer l’Arménie comme un appui solide. Ce royaume est trop faible pour être un allié de poids. Il propose une croisade avec tous les souverains d’Europe rassemblés sous la bannière du Saint Siège. Sa solution serait d’organiser une puissante armée bien équipée d’au moins 20 000 hommes, transportés par les marines des républiques italiennes. Concernant les Italiens, Jacques de Molay souhaite que le pape condamne le négoce qu’ils effectuent avec les Musulmans. Peu de temps après son arrivée, Jacques de Molay apprend des nouvelles peu rassurantes. Le roi de France, Philipe le Bel, n’apprécie pas du tout que le Grand Maître des Templiers refuse catégoriquement l’unification avec les Hospitaliers : cette décision perturbe ses ambitions. Le monarque est en train de rassembler les charges contre l’Ordre du Temple. Des rumeurs calomnieuses font état de comportements immoraux et pire, de pratiques hérétiques. D’anciens membres du Temple auraient apporté des témoignages délétères et précis sur des accusations de manquement à la charité (richesse et avarice de l’Ordre). Philippe le Bel et ses conseillers vont immédiatement exploiter ces charges pour élaborer un plan afin de détruire ces Templiers intraitables. Jacques de Molay n’aime pas Philippe le Bel. Pour lui, il est le responsable de la mort du pape Boniface VIII lors de l’attentat d’Agnani. De surcroit, le monarque français est un ennemi de l’Aragon, fidèle allié des chevaliers du Temple. Il est un roi vif et combatif qui essaie de dominer l’Église (il a réussi à obliger Clément V à résider en France), ainsi que les Ordres religieux afin de s’approprier leurs fiefs et leurs richesses en toute occasion. De plus, Philippe le Bel a emprunté des sommes énormes aux Templiers, et ne rembourse pas ses dettes. Le 24 juin 1307, Jacques de Molay rencontre Philippe le Bel à Paris, pour débattre sur les accusations proférées à son encontre et à celles des membres de l’Ordre. Rassuré par son entrevue avec le roi, il rentre à Poitiers. Nonobstant, pour couper court aux rumeurs, il quémande une enquête auprès du pape afin que l’Ordre soit débarrassé de tous soupçons. Le 24 août, Clément V signale à Jacques de Molay qu’il vient d’ordonner une enquête. Pressé par le temps, Philippe le Bel ne veut pas que l’affaire stagne entre les mains du Saint Père. Il n’attend pas le résultat de la commission qui statue sur le sort des membres du Temple. Le jour de la fête de l’exaltation de la Sainte Croix, à l’abbaye de Pontoise, il prend tout de suite les décisions qui s’imposent. Le 14 septembre, assisté par Nogaret, il envoie en secret des messages à tous ses baillis et sénéchaux du pays : ils doivent arrêter tous les Templiers de France, procéder à la séquestration de leurs fiefs et de leurs avoirs immobiliers. Ordre est donné de ne rien dévoiler sur l’opération avant la date prévue. Les Templiers étant éparpillés sur tout le territoire, leur arrestation sera plus facile que s’ils s’étaient rassemblés pour s’opposer à cette violente décision du roi. Le vendredi 13 octobre, au cours d’une même journée, le piège oudi par le monarque français et Nogaret se referme ; Jacques de Molay et ses frères sont arrêtés, et leur biens saisis. A l’aube du 13 octobre 1307, le pays découvre l’incroyable nouvelle. Préparée dans le plus grand secret depuis un mois, l’opération, qui a nécessité le recrutement de la plupart des baillis et sénéchaux du royaume, a permis de capturer en quelques heures tous les hommes et les biens du Temple. Dès le lendemain, Philippe le Bel fait paraître un acte d’accusation d’une rare sévérité (rédigé par son conseiller, Guillaume de Nogaret). Les Templiers sont inculpés de pratiques obscènes, d’idolâtrie, d’hérésie et autres déviations, tant morales que religieuses. Nul doute que le roi a décidé d’en terminer avec un Ordre dont l’utilité est controversée, alors même qu’il est immensément riche. Un délateur nommé Esquieu de Floyran Depuis la perte de Saint-Jean-d’Acre, en 1291, et le repli des forces croisées en Occident, l’Ordre du Temple se sent menacé. Son immense richesse attise les jalousies. Placé au banc des accusés, il lui est reproché son orgueil, sa rapacité et bientôt les rumeurs et les médisances les plus folles lui sont attribuées. Ses membres seraient des blasphémateurs et se rendraient coupables d’actes contre nature lors des cérémonies d’initiations des nouveaux frères. Le secret de ces messes initiatiques laisse libre cours aux hypothèses les plus excentriques et les plus extravagantes. En 1305, Esquieu de Floyran, un riche habitant de Béziers, vend au monarque français (le roi de fer) des témoignages précis sur les comportements des Templiers. Intéressé, Philippe le Bel écoute la liste d’accusations ahurissantes proférées par le bourgeois de Béziers. Les Templiers seraient hérétiques, idolâtres, renégats, et sodomites. A la lecture d’une telle litanie, il est évident que le roi a tout de suite compris tout l’avantage qu’il pourra en retirer. C’est pour lui l’occasion inespérée de se débarrasser de cet Ordre, arrogant parce que devenu indépendant, et surtout beaucoup trop riche. L’opération « coup de filet » de Nogaret C’est au printemps 1307 que Nogaret, le principal conseiller du roi, lance une première enquête. Avec la complicité d’espions au sein de l’Ordre du Temple, le futur garde des sceaux du « roi de fer » recueille rapidement des témoignages accablants. Le pape Clément V est obligé à son tour d’ouvrir une enquête officielle. Mais ses hésitations prolongées font penser qu’il est peu enclin à prendre une décision pour clore le brûlant dossier. Pour Nogaret, le temps presse : son gibier ne doit pas s’échapper. Il lui faut faire vite, sans attirer les soupçons des intéressés. Un « coup de filet » est mis en place dans la plus grande discrétion le 13 octobre 1307 ; l’opération est une entière réussite. Jacques de Molay et une soixantaine de ses frères sont capturés séance tenante et emprisonnés. Le Grand Maître du Temple est, lui, arrêté dans la maison cheftaine de l’Ordre à Paris. Les premiers aveux recueillis, le plus souvent sous la torture, ne laissent plus de doute, et le pape est secoué par les déclarations arrachées aux Templiers. Le 24 octobre, un événement surprenant intervient au cours du premier interrogatoire de Jacques de Molay. Plutôt que de nier les accusations portées contre lui et ses frères du Temple, il avoue certains faits, ce qui confirme l’acharnement royal contre l’Ordre. Le 22 novembre, Clément V ordonne aux souverains de la chrétienté romaine de procéder à l’arrestation, dans leurs Etats respectifs, de tous les chevaliers du Temple. Mais le dossier est trop mince pour hâter les condamnations de l’Ordre ; le roi a besoin d’aveux clairs et distincts. La torture va parachever les souhaits du roi. Dans tous les baillages de France, les hommes du roi interrogent les Templiers. Ceux-ci n’ont pas vraiment le choix, mais il est simple : le pardon après des aveux ou la mort. Méticuleusement et systématiquement torturés, la grande majorité des prisonniers avouent tout ce que leur demandent leurs bourreaux. La cruauté des tourmenteurs du roi est telle que trente-six frères du Temple meurent pendant l’interrogatoire. Peu importe, les aveux sont là et peu importe la manière avec laquelle ils sont recueillis. Le résultat obtenu va au-delà de toutes les espérances. Ainsi l’on apprend que ces soldats du Christ auraient renié Dieu, craché sur la Croix, donné des baisers impudiques et auraient eu des relations sexuelles contre nature. Le scandale est immense, et l’écœurement est partout dans la population. Le peuple de France les compare à des ivrognes, (on disait en ce temps-là « boire comme des Templiers » !), des alchimistes, des spéculateurs et des affameurs. Face à de telles révélations et à la vindicte du peuple qui monte, le pape Clément V n’a désormais plus le choix. Il ordonne la saisie de tous les biens du Temple, mais confie, malgré tout, une autre enquête à l’Inquisition. En décembre 1307, le pape dépêche des cardinaux à Paris pour interroger une nouvelle fois Jacques de Molay. Devant ceux-ci, le Grand Maître révoque ses aveux, leur affirmant que ses propos lui ont été extorqués. Il clame son innocence et leur donne un document, dans lequel il ordonne à tous les templiers qui ont avoué de se rétracter. En août 1308, le pape promulgue la bulle « Faciens Misericordianm ». Par cette bulle, Clément V se réserve le droit de juger les dignitaires de l’Ordre. Transféré à Chinon avec plusieurs membres de l’Ordre (comme Geoffrot de Charney, Hugues de Pairaud, et Geoffroy de Gonneville), Jacques de Molay est à nouveau interrogé par les agents du roi. Il faudra plus d’une année à la commission pontificale pour se mettre en place et débuter ses audiences. Jacques de Molay ne pourra y intervenir que deux fois, vers la fin 1309. Il y changera de stratégie de défense en gardant dorénavant le silence pour ne s’en remettre qu’au jugement du pape, se fiant au contenu de sa bulle « Faciens Misericordianm ». En 1310, plusieurs dizaines de Templiers désirent comparaître devant la commission pontificale : ils veulent défaire tous les actes accusations proférés contre l’Ordre. Mais le 10 mai 1310, leur mouvement protestataire est stoppé net par la condamnation au bûcher de 54 Templiers jugés relaps par Philippe de Marigny (demi-frère d’Enguerrand). En outre, les meneurs de cet élan de contestation disparaîtront des prisons du roi sans laisser de traces. Le 22 mars 1312, lors du Concile de Vienne, Clément V annonce officiellement l’abolition de l’Ordre du Temple. Un grand nombre d’enquêtes et de contre-enquêtes vont durer cinq années. Elles aboutiront le 3 avril 1312 par la bulle papale « Vox in excelcis », qui mettra enfin un terme à l’affaire des Templiers, avec l’interdiction de l’Ordre. Jacques de Molay, pendant ce temps, continue sa captivité en prison. Malgré ses suppliques, il n’obtient pas d’être reçu par le pape pour se défendre. Nonobstant, en décembre 1313, Clément V autorise l’envoi de trois cardinaux à Paris afin de statuer sur le sort des dignitaires emprisonnés. En mars 1314, leur sentence est sans appel : les membres de l’Ordre finiront leurs jours en prison. Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay se révoltent avec force contre ce verdict. Ils comprennent tous deux qu’ils ont été dupés depuis le début par le Saint Père qui faisait la sourde oreille. Déstabilisés, dans un moment de dépit extrême, ils révoquent tous deux les aveux qu’ils avaient faits jusqu’alors, et proclament l’Ordre innocent de toutes les accusations proférées contre lui. Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay sont reconnus immédiatement relaps, et la sentence est sans équivoque ; ils seront mis à mort. Le jour même, un bûcher est disposé sur l’île de la cité, sur la Seine, au pied de Notre Dame. Au soir du le 18 mars 1314, Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay périssent brûlés par les flammes du bûcher. L’Histoire a retenu qu’au moment d’être dévoré par les flammes, Jacques de Molay aurait crié à ses tortionnaires : « Pape Clément !… Chevalier Guillaume !… Roi Philippe !… Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste jugement ! Maudits ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! » (Les Rois Maudits de Maurice Druon – 1955-1977). LA CHUTE
L’ARRESTATION
LA TORTURE
Bonjour,
Permettez quelques mots à propos de Jacques de Molay et le procès des Templiers. Merci.
Le 14 octobre 1307, le roi ordonna l’arrestation des chevaliers du Temple pour les déférer au tribunal du grand inquisiteur de France. Le Grand-Maître, Jacques de Molay, vieux et brave gentilhomme de Franche-Comté, était venu sans défiance d’outre-mer avec ses amis et les trésors de son Ordre.
Frappé de stupeur, le pape Clément V hésite et veut attendre la convocation d’un Concile. Philippe se lasse des tergiversations du pape et envoie le 14 septembre, à tous les sénéchaux et baillis du royaume, l’avis de se tenir prêts en armes pour le 12 octobre suivant, avec des lettres closes qu’ils ne doivent ouvrir, sous peine de mort, que dans la nuit du 12 au 13 du même mois. Le 12 octobre, il invite même Jacques de Molay à tenir le poêle aux funérailles de sa belle-sœur et feint de lui témoigner quelque affection. Mais, le lendemain, le Temple est envahi par une troupe conduite par Nogaret, et le vénérable Jacques de Molay est arrêté avec cent-quarante chevaliers.
Paris s’émeut à la nouvelle de cette arrestation, mais la France est bientôt saisie de stupéfaction et d’horreur en apprenant les infamies dont le roi accuse les Templiers. Arrêtés et dégradés, ces chevaliers furent interrogés et répondirent avec une certaine fermeté. Mais on voulait les trouver coupables ; pour cela, on fit déposer contre eux un jeune homme dont la raison était chancelante et dont la faiblesse d’esprit se prêtait à toutes les dénonciations. La déposition qu’il fit contre les Templiers lui fut-elle dictée, ou devons-nous y voir un fond de vérité mal comprise par une mentalité inférieure ?
[…]
Dans une bulle du 6 mai 1312, le pape annonça au monde chrétien cette grande mesure. Philippe, devenu plus audacieux, fit brûler le Grand-Maître Jacques de Molay et le Maître de Normandie à la nuit tombante, dans une petite île de la Seine, le 11 mars 1314. Les historiens impartiaux se défient des accusations contenues dans le procès. Ils savent que Philippe le Bel convoitait les trésors des Templiers et que, en même temps qu’il était besogneux, il était trop politique pour laisser debout, à la porte de son palais, une puissance aussi formidable que celle de ces infortunés chevaliers.
Quoi qu’il en soit, le roi faux-monnayeur ne jouit pas longtemps du fruit de ses rapines et de ses sanguinaires exécutions, car il mourut le 29 novembre 1314, à l’âge de quarante-six ans.
Les biens des chevaliers du Temple furent donnés à un Ordre de Chevalerie moins dangereux pour le pouvoir, les chevaliers de Malte.
Suite : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/les-templiers.html
Cordialement.