Mars 1188, la France se soulève contre la « La dîme saladine »

MOYEN ÂGE

MARS 1188, LA FRANCE SE SOULÈVE CONTRE LA

« DÎME SALADINE »

La dîme saladine, premier impôt créé en France pour financer les croisades.

En 1095, Urbain II lance l’appel à la croisade pour la délivrance de la Terre Sainte. Les expéditions militaires (Croisades) vont se succéder jusqu’en 1291 (prise de Saint Jean d’Acre par les Mamelouks).

Siège d’Acre

La dîme saladine, un impôt, et déjà un mal bien français !

En 1188, Henri II d’Angleterre et le roi de France Philippe Auguste créent un impôt pour financer la Troisième croisade contre le chef musulman Saladin. Cette contribution prend le nom de « Dîme saladine ». C’est le premier impôt véritable apparu en Europe. Il concerne les biens meubles et les revenus. Tous ceux qui ne prennent pas la croix et qui ne paient pas l’impôt sont punis par l’excommunication.

Elle est établie en 1188 par le Concile de Paris ; la collecte des fonds sera arrêtée en 1189. Le clergé rachètera sa part en versant 5 000 marcs d’argent.

En France, un sujet de révoltes !

Armes du royaume de France

Philippe Auguste

C’est une fort désagréable nouvelle que le peuple du royaume de France découvre en ce mois de mars 1188. Philippe Auguste, afin de financer la Troisième Croisade, vient de lever un nouvel impôt, la « dîme saladine » ; une taxe écrasante pour les petites gens. Cette mesure fiscale instaurée par le monarque français va entraîner une série de protestations et de révoltes.

Les plus virulentes seront conduites par le clergé. L’opposition de l’Eglise est instantanée et sans compromis. « La Croisade de Dieu » ne doit pas faire préjudice aux plus pauvres et aux plus démunis…

L’affrontement avec l’église est catégorique. La Croisade de Dieu ne se fera pas au dépends des plus miséreux et des plus fragiles parmi les sujets du roi.

« Le seigneur lui-même ne le supporterait pas », proclament les prélats.

Étienne, abbé de Sainte-Geneviève, intime et proche conseiller du roi Philippe II, Auguste, est le premier à manifester sa colère. Il le fait d’une manière si intense qu’il déstabilise la belle assurance du monarque.
Nonobstant, le roi doit trouver l’argent nécessaire pour conduire cette grande et coûteuse expédition que représente la Croisade en Terre Sainte. D’autant plus que le temps presse ; il devient urgent de se mettre en route : Jérusalem vient de retomber aux mains des infidèles.

« LA CROISADE DES ROIS »
(1189-1192)

Après la victoire de Saladin à Attin (4 juillet 1187), c’est au tour de Jérusalem de tomber sous les coups des forces ayyoubides. Le siège durera du 20 septembre au 2 octobre 1187, et verra le sultan

Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion

d’Égypte et de Syrie entrer en vainqueur dans la ville sainte. La chute de la cité entraînera l’appel à la 3ème Croisade. Elle prendra le nom de « Croisade des rois », parce qu’elle sera conduite par les souverains les plus illustres d’Europe occidentale : l’empereur Frédéric Barberousse, le roi de France Philippe Auguste, et le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion.

 

Les trois armées rassemblées sont très puissantes et nombreuses. Mais dès le début, un incident majeur va compromettre l’expédition : le 10 juin 1190, en route pour rejoindre la croisade,

Empereur Frédéric 1er de Hohenstaufen, dit Barberousse

l’Empereur Frédéric 1er de Hohenstaufen, dit Barberousse, se noie dans le fleuve Saleph (Göksu en Asie Mineure), pour l’avoir traversé avec son armure. Les deux autres monarques restent seuls pour poursuivre leur campagne militaire. Dans la foulée, ils reprennent la ville de Saint-Jean d’Acre. Puis les opérations vont évoluer de manière déterminante. Philippe Auguste abandonne la croisade et retourne en France. Son but : reconquérir les possessions françaises du roi d’Angleterre. Isolé, Richard Cœur de Lion va se distinguer sur les champs de batailles, mais il n’est plus assez puissant pour rivaliser avec Saladin et le battre. Le 2 septembre 1192, une trêve de trois ans est signée entre les deux vaillants adversaires, Richard 1er Cœur de Lion et Saladin. Elle prévoit l’arasement des défenses du port d’Ascalon entre Jaffa et Gaza. La côte entre Saint-Jean-d’Acre et Jaffa restera sous contrôle des Croisés. Les ports du Levant ainsi que l’île de Chypre demeureront des possessions franques, Saladin se réservant la Palestine et Jérusalem. Les Chrétiens seront autorisés à venir se recueillir au Saint-Sépulcre de la ville Sainte.

Même si Saladin, le nouveau maître de Jérusalem, a épargné des vies chrétiennes sans trop de violence, il est impératif pour l’Occident chrétien de reconquérir la ville sainte. Jérusalem doit à tout prix retourner au sein de l’église catholique romaine.

Les souverains les plus illustres d’Occident (lire l’encadré ci-dessus) prennent la tête de la Troisième Croisade (1189-1192).

Saladin

Au-préalable, les monarques français et anglais se sont concertés pour établir un nouvel impôt destiné à financer l’expédition : « la Dîme saladine ». Cette taxe porte le nom du chef ayyoubide Saladin. C’est un lourd fardeau pour le contribuable, mais c’est le prix à payer pour chasser irrémédiablement Saladin et ses hordes d’infidèles de la cité la plus vénérable et vénérée, Jérusalem…

Carte de la Troisième Croisade.1189-1192

UN IMPÔT RUINEUX ET DEMESURE !

Créer un impôt spécial pour financer une croisade n’est pas inédit. Déjà en 1146, lors de la préparation de la Deuxième Croisade (1147-1149), Louis VII avait été le premier à prendre une telle initiative pour accomplir son projet. Mais la « Dîme saladine », établie par l’ordonnance de Paris en 1188, s’apparente plus à une punition destinée à la ruine qu’à une taxe !

Henry II

Philippe Auguste et Henri II escomptent collecter un cent vingtième des biens meubles et un centième des revenus annuels du peuple.

Sur une durée de trois ans, entre 1185 et 1188, les sommes prélevées vont grimper jusqu’à

Philippe II Auguste

un dixième des biens et revenus des populations. Tous les vassaux du roi qui ne prennent pas la croix, aussi bien laïcs qu’ecclésiastiques, devront aussi s’acquitter de 10% de leurs richesses. Il en est de même pour les plus déshérités et leurs maigres revenus.

Le tollé qui s’ensuit dans la population est général ! on frôle la révolte et l’émeute.
Abasourdis, les notables mettent en garde les autorités sur les dangers encourus par une telle mesure, et qui font peser la ruine sur le peuple. Le pays pourrait bien en ressortir exsangue. Cette contribution assassine va rester dans les mémoires comme « la pire contrainte aussi odieuse qu’inédite », prophétisent-ils. Et ils ont raison…

Armes du royaume de France

FACE A LA CONTESTATION,
PHILIPPE AUGUSTE FAIT MARCHE ARRIÈRE.

Philippe Auguste voit d’un mauvais œil les diatribes, d’une opposition généralisée, portées contre lui, et menées par le clergé. Pourtant, ce dernier se réhabilitera plus tard, en y apportant une contribution d’un montant de cinq mille marcs d’argent.
Mais le monarque français attend patiemment et laisse faire ses détracteurs. Et pendant ce temps, sous la conduite du comte de Nevers, la dîme sur les biens meubles (terres propriétés et maisons) commence à être collectée. Dans les milieux populaires, l’atmosphère est plus que tendue, voire insurrectionnelle… Il faut dire aussi que les évêques peuvent excommunier tous ceux qui, ne prenant pas la croix, contestent et déclinent le paiement de l’impôt.
Philippe Auguste s’évertue à mettre l’accent sur le caractère unique de la taxe, et fait le serment solennel que dans l’avenir, elle ne fera pas office de jurisprudence ; la « dîme saladine » n’est pas du tout acceptée…
Finalement en 1189, au cours de l’été, après une année de contestations et de désapprobations enflammées, le roi craque et fait marche arrière. Il dépêche par lettre officielle, adressée aux commandants des provinces, son intention de renoncer à la perception de l’impôt « abject ». La taxe sur les biens meubles est annulée, mais celle sur les revenus est maintenue. En outre, l’ordonnance royale, théoriquement, stipule que les sommes déjà collectées doivent être remboursées. Or, on n’est pas certain que cet argent ait été véritablement rendu, car aucun document ne l’atteste. Il est toutefois certain qu’à partir de cette époque, la dîme « infâme » ne sera collectée que dans sa version dégrevée.
D’aucuns ont prétendu que Philippe Auguste, en abandonnant la partie, a entraîné l’affaiblissement de la monarchie capétienne.

LA « DÎME SALADINE » OUTRE-MANCHE.

Armes du royaume d’Angleterre

En Angleterre, une taxe royale.

De l’autre côté de la Manche, le modèle anglais est plus intransigeant. Henri II, puis son fils Richard Cœur de Lion en 1189, ne reculeront pas : la « dîme saladine » est instaurée envers et contre tout. Cet impôt deviendra même une

Richard Coeur de Lion

pièce essentielle du système fiscal anglais. D’ailleurs, plus tard en 1194, les sommes récoltées seront utilisées pour financer le prix de la rançon pour la liberté de Richard, alors retenu prisonnier en Autriche par Léopold V de Babenberg. A son tour, en 1207, son frère Jean sans Terre transformera cet impôt en une « taxe royale ».

 

 

Lire : répertoire des Croisades.
Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%AEme_saladine
Les rois de France des Éditions Atlas.

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1 réponse

  1. superbe article sur la dîme Saladine ! Une belle inspiration.
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