Le cratère de Petersburg
LA GUERRE DE SÉCESSION
(1861-1865)
LE CRATÈRE DE PETERSBURG
LE SIÈGE DE PETERSBURG
(Du 15 juin 1864 au 25 mars 1865)
CONTEXTE
Au lendemain des batailles de la Wilderness, de Spotsylvania et de Cold Harbor, Grant, malgré les terribles pertes qu’il vient de subir, met le siège devant la ville de Petersburg, en Virginie.
Le siège durera neuf mois. L’armée de l’Union, placée sous les ordres du général Ulysses S Grant, tentera par de multiples assauts meurtriers de s’emparer de la ville. Les troupes nordistes creuseront un réseau de tranchées d’une longueur de 30 miles (environ 50 km) à l’est et au sud de la ville.
LA BATAILLE DU CRATÈRE
30 Juillet 1864
Les forces sudistes de Robert E. Lee résistent depuis deux mois au siège qu’Ulysse S. Grant a imposé à Petersburg. Lentement mais sûrement, Grant a étendu son réseau de tranchées autour de la ville. Lee a lui aussi été contraint de déployer ses forces sur un front plus large, mais son armée fond à vue d’œil. Les effectifs faméliques de l’armée confédérée sont désormais déployés sur une ligne de front de 85 km de long. Face aux 125 000 hommes de Grant, Lee ne peut plus en aligner que 35 000. Les armées belligérantes se fortifient derrière de profondes lignes de tranchées s’étendant sur 32 kilomètres, depuis la capitale sudiste, Richmond, jusqu’à Petersburg elle-même.
Général John Gordon « La Guerre de Sécession », de Ken Burns.
Le 15 juin 1864, le général Lee repousse une tentative de l’armée de l’Union pour prendre d’assaut Petersburg.
Après cette tentative manquée, c’est l’impasse ; les deux armées sont immobilisées. Le siège se prolonge et les soldats de l’Union, eux aussi, ont le moral au plus bas. En moins de six mois, de Wilderness à Spotsylvania et de Cold Harbor à Petersburg, Grant a quasiment décimé son armée en lançant des assauts aussi stériles que meurtriers.
« Tout le monde ici pense qu’on a perdu. Les gars sont en guenilles et doivent se contenter de la demi-ration. Certains disent qu’on va devoir aller en Géorgie ; mais les gars n’iront pas ». « La Guerre de Sécession », de Ken Burns.
Grant décide de sortir à tout prix de cet immobilisme, mais ne tient pas à subir un nouveau massacre en attaquant frontalement des positions fortifiées ennemies. Pour arriver à ses fins, il cherche alors une autre solution, moins coûteuse en vies humaines.
Celle-ci lui est proposée par le lieutenant-colonel Henry Pleasants, un ingénieur des mines. Il s’agit de creuser un tunnel jusqu’aux positions ennemies, d’y placer une importante charge d’explosifs, et de tout faire sauter sous les pieds des Confédérés. Les défenses ennemies, pense-t-on, seront réduites en cendre lors de la mise à feu. Une large brèche sera alors ouverte, ce qui permettra aux forces de l’Union de s’y engouffrer et de s’emparer de Petersburg. Si l’Union réussit à rassembler assez de troupes pour les lancer dans le trou béant causé par l’explosion, les Sudistes ne seront pas en mesure de les stopper, et Petersburg tombera.
L’opération est confiée au général Ambrose Burnside (mal remis de sa lourde défaite essuyée en 1862 à Fredericksburg). Malgré cette réputation de perdant (et récemment sa piètre performance à la bataille de Spotsylvania Court House), il accepte l’opération que lui propose le lieutenant-colonel Henry Pleasants.
« La mine que fait creuser le général Burnside suscite de nombreux commentaires et beaucoup de moqueries. C’est une initiative qu’il mène à titre personnel, et qui n’a rien à voir avec le siège de la ville ». « La Guerre de Sécession », de Ken Burns
PRÉPARATION
Durant tout le mois de juillet, un régiment de mineurs de Pennsylvanie est affecté au forage d’un tunnel de 160 mètres de long. La galerie, qui passe sous les lignes confédérées, sera remplie de quatre tonnes de poudre à canon.
A la surface, non loin du tunnel, se trouve le général William Mahone (commandant des forces sudiste), un vétéran qui a participé à presque toutes les grandes batailles
livrées par l’armée de Virginie du Nord.
Les travaux d’excavation débutent en juin 1864. Mais les généraux Ulysse Grant et George Gordon Meade doutent de la réussite réelle du projet. Ce chantier, ils le considèrent comme « un simple moyen d’occuper les hommes », et ne sont pas vraiment persuadés de sa valeur tactique réelle.
Ils se désintéressent vite des travaux, et Pleasants se retrouve rapidement privé de moyens. Le bois, nécessaire à la consolidation de la galerie, manque cruellement. Ses hommes doivent eux-mêmes s’en procurer pour soutenir la structure de la galerie.
Malgré tout, les travaux se poursuivent régulièrement. La terre est enlevée manuellement et emballée dans des wagonnets improvisés. Les poutres nécessaires à l’étayage proviennent d’une scierie abandonnée, et sont même récupérées sur un pont voisin. Des galeries de ventilation sont aussi construites par endroits le long du tunnel.
Le 17 juillet, les travaux du puits principal arrivent sous les lignes sudistes.
La rumeur de l’installation d’une mine yankee sous leurs pieds gagne bientôt les rangs confédérés. Lee a vent des travaux en cours, mais ne veut pas les prendre au sérieux. Pendant deux semaines, il refuse d’y croire et d’agir en conséquence, avant de commencer des essais de contre-minage.
Les tentatives de repérages de la mine sont lentes et non coordonnées ; les Confédérés sont incapables de localiser le tunnel.
Le général sudiste Pegram (dont les pièces d’artillerie cadrent le lieu prévu pour l’explosion) prend toutefois la sage précaution de reculer sa ligne de défense et de s’établir sur de nouvelles tranchées, en arrière de ses positions.
Le puits mesure 156 m (511 pieds) de long. L’entrée est large de 1 mètre (3 pieds) et haute de 1,40 mètre (4,5 pieds).
A son extrémité, les sapeurs ont construit une galerie perpendiculaire de 23 m (75 pieds).
Les fédéraux placent quatre tonnes de poudre à canon (320 barils) à environ six mètres (20 pieds) sous les positions sudistes.
Le 28 juillet, les charges sont armées.
DÉROULEMENT DE LA BATAILLE DU « CRATÈRE »
D’après le plan, il est prévu de faire exploser la mine entre 3 h 30 et 3 h 45 le matin du 30 juillet. Le lieutenant-colonel Henry Pleasants met donc le feu à la mèche en temps voulu, mais aucune explosion ne se produit.
Comme pour le reste des fournitures, qui ont servi à la construction de la sape, on leur a donné des mèches de mauvaise qualité. Les hommes sont forcés de faire des épissures (assemblage bout à bout des extrémités d’un cordage, en entrelaçant les torons de façon à obtenir une structure continue). Mais l’aube est imminente, et le temps presse dangereusement pour les soldats de l’Union, qui se trouvent immobilisés et exposés aux tirs de l’ennemi.
Deux volontaires du 48ème régiment de Pennsylvanie (le lieutenant Jacob Douty et le sergent Harry Reese) s’engouffrent et rampent dans le tunnel. Après avoir réparé l’épissure défectueuse, à 4 h 44 la mine de Burnside est enfin mise à feu.
Le souffle de l’explosion soulève une montagne de terre qui retombe en pluie dans un mélange de gravats, de pierres, de chair humaine et d’armes. Le cratère (encore visible aujourd’hui) ainsi produit mesure 52 m (170 pieds) de long, 30 à 37 m (100 à 120 pieds) de large, et au moins 9 m (30 pieds) de profondeur.
Entre 250 et 350 défenseurs confédérés sont tués instantanément.
L’intervention la veille du général George Meade est la cause de la mauvaise coordination de l’attaque. Burnside a prévu de mener l’assaut avec une division de soldats noirs, placée sous le commandement du général Ferrero. Les flancs de ses unités seront protégés par deux divisions de soldats blancs.
Meade est peu confiant envers ce plan ; selon lui, il ne peut qu’échouer. Il craint surtout qu’un sacrifice inutile de soldats noirs ait de graves répercussions politiques dans le Nord.
Il ordonne donc à Burnside de ne pas faire participer les soldats noirs à l’assaut, qu’il redoute meurtrier.
UN CHANGEMENT TACTIQUE INOPPORTUN…
Pour attaquer les positions ennemies solidement retranchées (ce qui sera connu comme la « bataille du cratère » du général Ambrose Burnside), il était initialement prévu d’utiliser des hommes de couleur. Mais craignant qu’en cas d’échec, ils soient tous deux critiqués pour avoir envoyé à la mort des soldats noirs, Meade et Grant les remplacèrent par des unités blanches. Ces régiments, inexpérimentés pour ce style de combat (contrairement aux troupes de couleur), devront se ruer immédiatement à l’assaut après l’explosion de la mine. Cette décision sera lourde de conséquences : elle se soldera par un fiasco mémorable, avec 3 798 hommes tués, blessés, capturés ou disparus.
Mais James Hewett Ledlie (1832-1882), l’officier qui les commande, ne donne aucune instruction à ses troupes et part s’enivrer à l’arrière des lignes (il sera d’ailleurs destitué après la bataille).
L’explosion tue sur le coup 278 soldats sudistes des 18ème et 22ème régiments de Caroline du Sud. Sur le moment, les troupes confédérées, abasourdies, ne répliquent pas. Pendant au moins 15 minutes, aucun tir de fusil ou d’artillerie sur l’ennemi ne se fait entendre.
De son côté, la division inexpérimentée de Ledlie n’est pas non plus préparée pour subir le choc de la déflagration. Les rapports indiquent que les hommes ont attendu 10
minutes avant de sortir de leurs propres retranchements pour donner l’assaut. On a prévu des passerelles, censées leur permettre d’enjamber facilement leurs propres tranchées. Ils peuvent ainsi, non sans mal, accéder sur le « no man’s land » et faire de l’avant. Ils errent jusque sur le lieu de l’explosion, et plutôt que de contourner le cratère qui s’est formé, ils se précipitent à l’intérieur comme des « moutons de Panurge ». Ce que n’auraient pas fait les troupes entraînées de soldats noirs…
Ils se ruent dans le cratère, perdant un temps précieux et réalisant trop tard que le trou est beaucoup trop profond et exposé. Ils sont piégés… Rapidement en surnombre, ils s’entassent les uns sur les autres, ne pouvant faire marche arrière.
Pendant ce temps, une fois la stupeur passée, les Confédérés se rassemblent pour une contre-attaque, sous le commandement du brigadier général William Mahone.
En une heure environ, ils encerclent le cratère et commencent à tirer avec des fusils et de l’artillerie sur les malheureux soldats de l’Union, pris dans la souricière. Mahone décrira plus tard ce moment comme un « tir aux pigeons ».
L’assaut est un échec. Burnside, au lieu de donner l’ordre de repli, lance les soldats de Ferrero dans la mêlée. Eux-aussi font la même erreur, et plongent tête baissée dans l’entonnoir.
L’affrontement durera quatre longues heures, pendant lesquelles les malheureux fantassins nordistes seront soumis aux tirs de flanc ennemis. Quelques-uns (du IXème Corps) parviendront à s’extirper du cratère et se diriger vers l’arrière. Mais ils seront repoussés et anéantis par les soldats de Mahone, ainsi que par ceux du major-général Bushrod Johnson (appuyés par l’artillerie).
PERTES
POUR LE NORD
Sur un effectif de 8500 hommes, L’armée du Potomac déplorera la perte de 3798 victimes : 504 tués au combat, 1881 blessés, et 1413 prisonniers ou disparus.
POUR LE SUD
Sur un effectif d’environ 6100 hommes, l’armée de Virginie du Nord déplorera la perte de 1491 victimes : 361 tués, 727 blessés, et 403 prisonniers ou disparus.
CONSEQUENCES
A l’issue de la bataille, Burnside sera relevé de son commandement. George Gordon Meade, le véritable responsable du massacre, ne sera pas destitué. Le lieutenant-colonel Henry Pleasants, qui avait proposé le plan mais qui ne participa pas à la bataille, sera félicité et nommé général de brigade en mars 1865. Grant déclarera : « Ce fut la plus triste affaire à laquelle j’ai assisté dans cette guerre ».
Bien que la bataille soit une victoire tactique des Confédérés, la situation stratégique à l’Est restera inchangée. Les deux camps s’immobiliseront et se fortifieront davantage dans de dédaléens réseaux de tranchées. Petersburg et Richmond demeureront assiégées.
La bataille du Cratère fut le dernier véritable succès sudiste de la guerre. Mais ce fut surtout un succès tactique et sans lendemain.
Sources :
La « Guerre de Sécession », de Ken Burns.
Photos publiques Facebook
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_du_Crat%C3%A8re
1 réponse
[…] guerre. Elles subiront de lourdes pertes au cours de multiples affrontements, notamment lors de la bataille du Cratère et des combats de Chaffin’s […]