Les Grands Maîtres de l’Ordre du Temple – Guillaume de Beaujeu
MOYEN ÂGE
LES GRANDS MAÎTRES
DE
L’ORDRE DU TEMPLE
Convoqué par le pape Honorius II à la demande d’Hugues de Payns (1er Grand Maître des Templiers), le synode reconnaît officiellement l’Ordre du Temple dont la règle, transcrite par Bernard de Clairvaux, est ratifiée par le Concile. L’Ordre est créé selon la règle du « chevalier du Christ » : simplicité, pauvreté, chasteté et prières. Cette règle s’appuie sur celle de Saint Benoit, avec quelques nuances empruntées à celle de Saint Augustin. Cette doctrine est suivie par les chanoines de l’Ordre du Saint Sépulcre, près desquels vivent les premiers Templiers. L’ordre a alors plusieurs appellations : la milice des Pauvres Chevaliers de Christ, les Chevaliers de la Sainte Cité, les Chevaliers du Temple de Salomon de Jérusalem, la Sainte Milice hiérosolymitaine du Temple de Salomon. Au fil du temps, le nom qui deviendra le plus usité sera celui de « Templiers ».
L’Ordre du Temple était un « Ordre religieux et militaire » issu de la chevalerie chrétienne du Moyen Âge. Il fut créé en 1129, lors du Concile de Troyes. A l’origine, ses membres constituaient
une milice nommée les « Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon ». L’ordre eut pour mission, au cours des 12ème et 13ème siècles, d’accompagner et de protéger les pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte, à Jérusalem, dans le contexte de la Guerre Sainte et des Croisades. Les soldats du Christ seront présents dans de nombreuses batailles lors des Croisades en Terre Sainte, ainsi que dans la péninsule ibérique lors de la « Reconquista ».
Pour accomplir et financer ses missions, l’Ordre va pouvoir, grâce à des dons fonciers, essaimer et construire à travers l’Europe tout un réseau de monastères (commanderies), puis s’étendre dans tout l’Occident chrétien. Cette montée en puissance va lui donner un rôle privilégié parmi les souverains de l’époque. Les Pauvres chevaliers du Christ vont devenir des partenaires financiers de premier choix auprès des monarques occidentaux. Ils effectueront même, avec certains rois, des transactions à caractère non lucratif, voire devenir les gardiens des trésors royaux.
Le 28 mai 1291, après la chute de Saint-Jean-d’Acre et le retrait définitif des armées croisées de
la Terre Sainte, l’Ordre va tomber en disgrâce. Devenus trop puissants aux yeux du roi de France, Philippe le Bel, les chevaliers du Temple seront condamnés en procès pour hérésie.
Le 14 septembre 1307, le roi dépêche des messagers à tous ses sénéchaux et baillis, leur ordonnant de saisir tous les biens mobiliers et immobiliers des chevaliers du Temple.
Le 13 octobre 1307, sur ordre du roi, l’on procède en France à l’arrestation de la totalité des Templiers, au cours d’une même journée.
Le 13 mars 1312, l’Ordre est dissout par le pape Clément V.
Le 18 mars 1314, le dernier Grand Maître des Templiers, Jacques de Molay, est brûlé sur un bûcher dressé sur l’île aux Juifs, à Paris.
LA HUITIÈME CROISADE
(1270)
profond dans tout l’Occident chrétien. Après la défaite de Mansourah, Louis IX, capturé et maintenu prisonnier, ne sera libéré que contre rançon. Cet échec sera ressenti par le Capétien comme une punition de Dieu, et il en sera grandement affligé. Au 13ème siècle, la ferveur religieuse n’est plus la même que pour la Première Croisade (1095-1099) ; elle s’est émoussée au fil du temps et des échecs. L’Europe ne se rassemble plus derrière sa foi et contre les infidèles comme au 12ème siècle. Alors que le tombeau du Christ est toujours aux mains des Mamelouks, en Occident les événements ont évolué. Refoulés hors de la Sicile, les Musulmans sont méthodiquement expulsés de la péninsule ibérique, Reconquista oblige (du milieu du 13ème siècle à 1492). Pourtant, en 1270, le sultan Baybar représente une menace réelle pour la survie des États latins d’Orient qui sont en danger. La situation devient urgente ; c’est ce qui persuade les papes Alexandre IV, Urbain IV et Clément IV à appeler l’Occident chrétien à une Huitième Croisade. Saint Louis veut alors tenter une nouvelle fois l’impossible… Dès 1267, il commence à réunir l’argent, les vivres et l’armement : tout ce qui est nécessaire et vital à l’expédition. En juillet 1270, il s’embarque d’Aigues-Mortes pour Tunis. Fourbu et harassé par la chaleur et le manque d’eau, le roi meurt à 56 ans sous les remparts de la ville, ravagé par la peste ou la dysenterie. Avec cet échec se terminent deux siècles de Croisades (1095-1291). Quel meilleur symbole pouvait-on exiger, pour mettre un terme à cette longue période et pour en incarner l’ultime figure, que Saint Louis, ce roi très chrétien …
LA NEUVIÈME CROISADE
1271 – 1272
Elle fut organisée d’une manière intelligente et ordonnée, mais son manque de moyens et de soldats anéantit tous les efforts consentis. Elle eut pour seuls points positifs d’amener une paix durable pour dix ans, et d’assurer presque vingt ans de pérennité dans la région de Saint-Jean-d’Acre. En 1291, les Mamelouks envahiront définitivement les territoires syriens qui appartenaient encore aux Chrétiens.
GUILLAUME DE BEAUJEU
Guillaume de Beaujeu est le fils de Guichard de Montpensier, seigneur de Montpensier (1216-1256), et de Catherine de Clermont, Dauphine de Clermont. Sa mère Catherine était, aux dires d’historiens, la fille de Guillaume VIII, Dauphin d’Auvergne. Il fut seigneur de Sevens, ou Sevans, avant de devenir Templier de 1271 à 1291, et Grand Maître des Templiers de 1273 à 1291. On cite Guillaume de Beaujeu comme étant originaire de Bourgogne, et possédant des liens familiaux avec Louis IX, roi de France, et son frère Charles 1er d’Anjou, roi de Sicile. Entré dans l’Ordre dès l’âge de 20 ans, Guillaume de Beaujeu débute sa carrière comme châtelain de Château Pèlerin. Il est successivement Commandeur du Temple dans le comté de Tripoli en 1271, et en 1272, au moment de son accession à la maîtrise, Commandeur des Pouilles. Le 13 mai 1273, il est nommé à la tête de l’Ordre du Temple. Dès sa nomination, Guillaume de Beaujeu démarre une visite dans les différentes commanderies d’Occident. En mai 1274, juste avant de se rendre en Terre Sainte, il est convoqué au Concile de Lyon, présidé par le pape Grégoire X. A cette occasion, le synode a pour mission d’unir les églises d’Occident et d’Orient, et de prédire une nouvelle Croisade. Le Saint Père désire les conseils des Maîtres du Temple et de l’Hôpital pour organiser une nouvelle Croisade. En Occident, la ferveur des seigneurs pour cette expédition s’est éteinte au fil du temps et des combats en Terre Sainte ; elle ne recueille pas l’unanimité des barons. En 1276 survient la mort de Grégoire X, ce qui met un terme définitif aux préparatifs de la croisade. Malgré les appels sans cesse renouvelés des Templiers, Il faudra attendre septembre 1275 pour que Guillaume de Beaujeu débarque à Acre. En 1279, il se brouille avec Hugues III de Chypre. Dans la foulée, ce dernier s’approprie toutes les dépendances templières sur l’île. Cette discorde durera près de 20 ans ; il faudra attendre le magistère du dernier Grand Maître, Jacques de Molay, pour que les tensions s’apaisent. En 1282, profitant de l’invasion mongole à l’est et au nord, Guillaume de Beaujeu reconduit la trêve de 10 ans signée en 1271 avec Baybars, et entretient des relations amicales avec Le Caire. Il a pour intention de gagner du temps avec les Musulmans. Chez les Francs, les avis sont partagés. Concernant les relations avec les Musulmans et les Mongols, les Chrétiens d’Arménie optent pour une alliance avec les forces tartares. Quant aux Chrétiens du sud, ils préfèrent rester neutres. En 1288, le sultan d’Égypte Kalâwun rompt la trêve et attaque Tripoli. Les bonnes relations que Guillaume de Beaujeu entretient à la cour du Caire lui permettent d’être averti de la manœuvre du successeur de Baybars. Prévenus, les dignitaires de la cité de Tripoli ignorent l’avertissement, pensant être protégés par la trêve. Ils s’imaginent que Guillaume de Beaujeu a pour intention de les faire fuir hors de la ville pour s’en emparer et en faire une place forte templière. Le 27 avril 1289, malgré les mises en garde, Tripoli tombe sous les coups des Musulmans. Une partie des habitants réussit à s’échapper par la mer, le reste de la population est massacré. Les femmes et les enfants sont réduits en esclavage, et la ville est saccagée, pillée et rasée. Fort de sa victoire, Kalâwun s’apprête à assiéger la ville de Saint-Jean-d’Acre. Au milieu de l’été, une importante flotte occidentale bondée de soldats francs arrive à Acre. Aussitôt débarquées, les forces lombardes croisées s’adonnent à des exactions et massacrent des commerçants musulmans. Kalâwun profite de la situation et exige qu’on lui livre les responsables des meurtres sous peine de représailles. Afin de gagner du temps, Guillaume de Beaujeu propose aux notables de la cité de vider les prisons de tous ses prisonniers condamnés à mort, et de les donner à Kalâwun. Mais les dignitaires de la ville rejettent la proposition de Guillaume de Beaujeu, pensant eux aussi être protégés par la trêve conclue en 1282. Face au refus des Francs, ce dernier rompt la trêve et, le 4 novembre, met son armée sur le pied de guerre. Mais le lendemain, Kalâwun tombe malade. Sur son lit de mort, il fait jurer à tous ses émirs et à son fils Khalil de continuer le combat ; il meurt quelques jours plus tard, en novembre 1290. Vers le mois d’avril 1291, Al-Ashraf Khalil arrive à la tête de son armée (environ 200 000 hommes) sous les murs de la ville d’Acre. Dès le 5 avril, les machines de guerres commencent le pilonnage des remparts. Les murailles septentrionales de la cité sont défendues par les Templiers de Guillaume de Beaujeu et les Hospitaliers de Jean de Villiers. Les fortifications du côté occidental sont occupées par le Maître de l’Ordre Teutonique, Konrad von Feutchwangen, et Amaury, le frère du roi de Chypre Henry II, qui commande la chevalerie syrienne et chypriote. Dans la nuit du 15 au 16 avril, Guillaume de Beaujeu, avec 300 chevaliers, tente une sortie. Son intention est de détruire un maximum de machines de guerre. Dans son assaut, il surprend un campement ennemi qui s’était positionné en face de ses lignes, massacre plusieurs centaines de Musulmans, mais doit faire retraite avant d’avoir pu mettre hors de d’état de nuire tous les mangonneaux et autres trébuchets dévastateurs. Le 16 mai, grâce au travail des sapeurs d’Al-Ashraf Khalil, tout un pan de la muraille s’écroule, ouvrant ainsi une importante brèche dans le mur. Aussitôt les Musulmans s’y introduisent. Mais sous l’action conjuguée des trois Ordres réunis, l’attaque des assaillants est repoussée, voire même rejetée hors des remparts de la ville. Le 18 mai, le sultan d’Égypte Al-Ashraf Khalil lance toutes ses forces dans un assaut final. Une masse compacte de plusieurs milliers de combattants musulmans s’engouffre dans la brèche, et se dirige vers les tours et des murailles encore intactes. Guillaume de Beaujeu, à la tête d’une dizaine de chevaliers, fait front à la terrible furia dévastatrice et meurtrière de l’ennemi. Le 25 mai, avec sa poignée de Templiers, Guillaume de Beaujeu parvient à contenir temporairement la charge musulmane qui déferle dans la cité. Mais en défendant la porte de Saint-Antoine, il reçoit une flèche sous l’aisselle. Blessé grièvement, Guillaume rejoint la commanderie située au sud de la ville, où il meurt des suites de ses blessures. La légende raconte qu’en se retirant de la zone des combats vers les lignes de défenses arrières, Guillaume de Beaujeu est interpellé par un Templier à qui il aurait dit : « je ne m’enfuis pas, je suis mort ». Saint-Jean-d’Acre ploie sous les coups et capitule finalement le 28 mai 1291… Peu de temps après, malgré l’héroïque défense des Templiers qui combattront jusqu’au dernier, le sultan d’Égypte Al-Ashraf Khalil, triomphant, entre dans la ville. La vaillance acharnée des chevaliers de l’Ordre permettra à un grand nombre d’habitants de la cité, ainsi qu’à plusieurs Templiers, de fuir Saint-Jean-d’Acre et d’aller se réfugier à Chypre. Notamment Thibaud Gaudin, commandeur d’Acre, qui se repliera par la mer sur Sidon encore occupée par les Chrétiens. Guillaume de Beaujeu meurt le 25 mai 1291 ; Thibaud Gaudin lui succède…