Charlemagne réforme la justice
LES CAROLINGIENS
LA REFORME DE LA JUSTICE SOUS CHARLEMAGNE
Au sein du royaume franc, la justice fonctionne mal ; elle est même quasi inexistante. A l’image du grand roi Charles, qui se veut « juste et bon Chrétien », elle doit être réformée. Dès 780, il entreprend de la perfectionner afin de la rendre plus juste, plus rapide, et plus raisonnable. Le roi des Francs demeure malgré tout le juge suprême ; il lui revient à lui seul de décider. Soucieux de la nécessité de réussir une telle entreprise, son pragmatisme l’amène de plus en plus à déléguer ses pouvoirs de justice à des Comtes. Aux IXème et Xème siècles, alors que l’empire carolingien s’affaiblit, les Comtes transmettent leur fonction à leurs descendants, et vont s’adjuger ainsi l’exercice de la justice.
Dès son accession au trône, Charlemagne se lance dans une série de campagnes et de conquêtes qui vont considérablement étendre les limites de son royaume. Un si vaste territoire devient alors de plus en plus compliqué et difficile à administrer.
LE TEMPS DES CONQUÊTES PASSÉ, IL FAUT ADMINISTRER…
Dès qu’un territoire est conquis, il prend le nom de « marche ». Une fois intégré à l’Empire carolingien, il doit être organisé suivant des directives précises, établies par le souverain lui-même.
Au haut Moyen Âge, une marche est un fief créé dans une zone frontalière, soit après conquête, soit par détachement d’un autre territoire, et auquel le souverain attribue une fonction particulière de défense contre les territoires voisins. Les marches désignent à l’origine de nombreux territoires frontaliers de l’Empire carolingien (espaces limitrophes, périphériques ou frontaliers qui, jadis, tenaient lieu d’espaces tampons entre deux souverainetés). Par extension, le terme a également désigné une province frontalière, militarisée ou non. La marche est l’ancêtre du marquisat ou du margraviat.
Le commandement des « marches » est confié à des officiers qui ont des prérogatives civiles et militaires ; ils prennent les titres de Ducs ou de Marquis. Le royaume compte plusieurs marches, comme celles de Saxe, de Bavière, et de Bretagne… Chacune de ces régions (un état dans l’état) va connaître des périodes mouvementées où les officiers (Comtes) qui les commandent vont tenter de renforcer de plus en plus leur autorité.
LE COMTE, DÉTENTEUR DE LA JUSTICE
Appelé le mal public en ancien français, le « mallus », ou « mallum », vient de la latinisation d’un mot franc, « mapl » (tribunal, assemblée évoquant le « mallberg », « la colline au discours ») où, autour d’un tertre funéraire, les anciens reproduisaient la coutume. – Au haut Moyen Âge, le « mallus » était le tribunal présidé par les Comtes, ou en son absence par un vicaire (suppléant, remplaçant) au sud, ou un centenier au nord. Ce tribunal ne juge que les affaires de moindre importance (les plus importantes sont jugées au tribunal du palais). – Dans l’Empire carolingien, les centeniers étaient les adjoints du Comte qui devaient rendre la justice dans les comtés. Ils s’occupaient des affaires les moins importantes. – Le Viguier était, dans le sud de la France, un officier royal d’administration et de justice. Sa juridiction était une « vicairie » ou « viguerie » ; il était subordonné au comte.
Au cours du règne de Charlemagne, la justice est présidée par le Comte, plus rarement par un substitut (un Vicomte, s’il en existe un, doté des mêmes privilèges), encore moins souvent (lorsque des nécessités absolues ne figurent pas à l’ordre du jour) par un « centenier ».
La séance se réunit théoriquement au chef-lieu de chaque « viguerie », et l’assemblée (ou « plaid ») ne peut se tenir que de façon irrégulière.
En effet, le Comte est bien souvent parti loin lors d’expéditions militaires, parfois pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois. D’autant qu’il est de plus en plus réticent à accomplir une fonction qu’il juge lourde et inutile, puisque le Comte, le Vicomte, ou le centenier se font assister aussi par des spécialistes du droit usuel : les « rachimbourgs » (hommes libres qui, chez les Francs, faisaient partie du jury d’un tribunal comtal) qui se font aider eux-mêmes la plupart du temps par des notables du pays appelés les « bons hommes ».
– En octobre, un plaid réunissait sous forme limitée les principaux conseillers, qui discutaient de l’ensemble des questions pour l’année à venir (les délibérations avaient lieu à huis clos, et les décisions étaient tenues secrètes). – En mai se tenait un plaid général, « placitum generale ». L’empereur réunissait les « proceres » et les « praesules », c’est-à-dire ses vassaux, les comtes et les principaux évêques du royaume. C’était une réunion très ouverte, où les discussions avaient lieu d’après un ordre du jour fixé par le souverain, qui reprenait la liste arrêtée par le « placitum » d’octobre. Les décisions prises par les « placita » ne liaient pas l’empereur, mais celles prises par les Grands dans les « placita » avaient au contraire envers eux une force contraignante. Le « placitum » aboutissait à l’enregistrement des capitulaires qui lui étaient présentés, permettant de vérifier qu’ils étaient conformes au droit. Après Charlemagne, les « placita » ne sont plus de simples auxiliaires du pouvoir : les Grands ont une influence de plus en plus importante dans l’élaboration des capitulaires ; dès lors, ils viennent aux « placita generalia » pour défendre leurs intérêts personnels.
JUSTICE « HAUTE » ET JUSTICE « BASSE »
De toute évidence, le fait de réunir ces assemblées s’avère difficile et long. De plus, les juges non rétribués mettent peu de « cœur à l’ouvrage », ce qui confère à la justice du royaume un caractère incertain.
C’est ce qui va décider Charlemagne à réformer, à partir de 780, cette institution de fond en comble.
– Tout d’abord, l’assise juridique aura désormais pour tâche principale de gérer les gros dossiers (affaires de crimes ou délits afférent à la propriété) ; elle ne se réunira que trois fois par an. Cette nouvelle organisation permet d’exiger la présence du Comte et celle des hommes libres.
– En second lieu, en ce qui concerne les délits de droit commun, plus habituels (les petites altercations entre particuliers, tous ceux qui n’entraînent pas de sentence capitale ni d’emprisonnement, et ne touchent pas à la propriété foncière), le roi créera une autre juridiction. Celle-ci sera bimensuelle et présidée occasionnellement par le Comte.
Charlemagne confère à ses « missi dominici » (sous les Carolingiens, inspecteurs royaux qui visitaient les provinces) de choisir dans chaque comté sept, ou plus souvent douze juges permanents, les « scabini », ou échevins. Ceux-ci sont nommés à vie. Avec leur connaissance de la pratique de la loi (même si à la base ils ne sont pas experts), ces nouveaux magistrats arbitrent les querelles d’héritage et règlementent les amendes pour vols et larcin.
C’est ainsi que la distinction entre « haute » et « basse » justice verra le jour.
LE SOUVERAIN, SEUL JUGE
Malgré tout, et suivant la tradition, le roi demeure le seul juge ; et chacun de ses sujets a la possibilité de faire appel à son arbitrage.
Si le verdict du tribunal est désavoué, les « missi dominici » peuvent être sollicités et casser le jugement du Comte ou de la Cour. Ces représentants du roi siègent une à deux fois par an, puis, à partir de 811, quatre fois, en quatre endroits différents. Ils gèrent les problèmes que les administrés veulent rapporter au souverain. Le roi examine lui-même les demandes qui lui sont soumises au quotidien, notamment les cas graves. Entre autres, certaines affaires (jugement direct ou en appel) ne peuvent être jugées que par le roi lui-même.
Tous ceux (veuves, orphelins, agents du roi en déplacement à la Cour disposant d’un privilège) qui bénéficient du « mainbour » (autorité protectrice exercée par les rois francs sur leurs sujets), feront largement appel à cette justice directe de leur souverain.
Bien entendu, toute cette mécanique judiciaire avance avec une extrême lenteur. On note qu’en 811, les actions soumises depuis le début du règne (en 768) ne sont toujours pas réglées, et demeurent en attente. Les affaires des Grands (Comtes et évêques) ralentissent le système. Il va de soi que le petit peuple n’a aucune chance de voir ses problèmes examinés.
Le roi des Francs décide donc la création d’une autre réforme qui devra donner à la justice plus de crédibilité. Ces mesures sont écrites dans le capitulaire « De justicia faciendis » de 811.
Le souverain est de plus en plus entouré au tribunal du palais par des religieux, évêques ou abbés, par des Comtes habitant à la Cour, et par des vassaux expérimentés en droit. Ainsi, le rôle du Comte du palais devient primordial.
Après 811, le roi choisira ses affaires, et ne présidera plus que les jugements concernant les Comtes ou les Évêques.
UNE DÉCENTRALISATION DIFFICILE
En 802, le roi des Francs ordonne la traduction de la « loi salique », qu’il est en train de faire rectifier une nouvelle fois en langue « tudesque (c’est-à-dire en haut allemand). Il affirme à cette occasion que les juges ne doivent pas se prononcer de façon arbitraire, mais appliquer la loi telle qu’elle est rédigée dans les textes. Pour Charlemagne, ces directives se veulent les garantes d’une certaine équité, et d’unité ; la justice doit être la même pour tous les hommes d’un même pays.
SARCOPHAGES CAROLINGIENS
– Lire : La Chapelle Notre-Dame de la Gayole
En 1964, à Cornillon-Confoux (Bouches du Rhône), en creusant un nouvel accès au cimetière, neuf sarcophages d’une nécropole paléochrétienne (Vème, VIIème siècle) furent mis au jour, ainsi que dix-huit autres en 1971.
Lire : Cornillon-Confoux
Sources :
Les rois de France des Éditions Atlas (Les Carolingiens).
Photos publiques Facebook
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charlemagne
https://fr.vikidia.org/wiki/Arm%C3%A9e_carolingienne
https://www.histoire-pour-tous.fr/histoire-de-france/4530-charlemagne-et-son-administration.html