Les Témoins du Passé – Le prieuré clunisien Saint Blaise de Rozier Côtes d’Aurec
LES TÉMOINS DU PASSÉ
LE PRIEURE CLUNISIEN SAINT BLAISE
DE
ROZIER-CÔTES-D’AUREC
Blason de La Loire
ÉDIFICE : ancien prieuré clunisien.
ÉPOQUE : Moyen Âge.
STYLE : roman.
CULTE : catholique romain.
DATE DE CONSTRUCTION : 11ème, 12ème et 15ème siècles.
PROTECTION :
Élément protégé : l’église par classement sur la liste des Monuments Historiques du 28 octobre 1924.
PROPRIÉTAIRE : propriété de la commune.
SITUATION : Rozier-Côtes-d’Aurec est une commune française située dans le département de la Loire, en région Auvergne-Rhône-Alpes. Ses habitants sont appelés les Roziérois et les Roziéroises.
ROZIER-CÔTES-d’AUREC
UN BOURG ENTRE
FOREZ ET VELAY
HISTORIQUE
Le village s’est développé autour d’un prieuré fondé par l’illustre abbaye de Cluny. Il entre dans un ensemble de fortifications visant à protéger le territoire du Forez, et fait partie des Sites Clunisiens essaimés en Europe par le célèbre monastère.
Rozier est probablement né au début du 12ème siècle, avec à l’origine l’installation d’un prieuré Clunisien. Le petit bourg entre dans une dynamique d’expansion et de ramification de la doctrine bénédictine sur le territoire.
Les seigneurs de Saint-Bonnet-le-Château ont probablement été impliqués par la fondation du prieuré, puisqu’ un texte de 1287 mentionne qu’ils y possédaient leur tombeau familial.
A la fin du 13ème siècle, le petit prieuré comprenait un prieur et deux moines. La construction de ce style d’édifice permettait à une abbaye d’administrer et de tirer profit des dépendances rurales qu’elle possédait, suite à des dons ou des acquisitions. En outre, elle s’impliquait directement sur la vie spirituelle des populations.
Au 15ème siècle, le petit hameau de Rozier ne compte que quelques habitations. Ce ne sera que très lentement et tardivement que le bourg va se développer.
A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, le village prend son essor, se transforme et obtient son aspect actuel.
UN PRIEURÉ FORTIFIÉ
LA GUERRE DE CENT ANS
ET
LES FORTIFICATIONS DE ROZIER DU XVème SIÈCLE
A la fin du 14ème et au début du 15ème siècle, les troubles causés par la Guerre de Cent Ans écrivent une page mouvementée de l’Histoire de Rozier. Durant les cycles de paix de cette guerre, des bandes armées, désœuvrées, en maraudes, vont arpenter les campagnes (lire : Mercenaires, routiers et écorcheurs au Moyen Âge). Le Forez n’échappera pas au pillage, ces bandits de grands chemins mettront à sac la région pour survivre.
Dans une telle période d’insécurité, Louis II de Bourbon (comte de Forez) donne son autorisation à Guillaume de Boisvair (alors prieur de Rozier), pour ériger des fortifications. Les travaux seront effectués entre 1409 et 1412. La population d’un certain nombre de hameaux de la paroisse de Rozier sera mise à contribution pour effectuer cette tâche. On cite la comtesse de Forez, qui donnera les pleins pouvoirs au prieur afin d’obliger les villageois à participer au renforcement du noyau urbain.
L’Armorial de Revel nous montre une vue du hameau de Rozier vers 1450. On y découvre l’organisation du village à la fin du Moyen Âge, présentée depuis le sud.
On discerne au premier abord l’énorme clocher quadrangulaire, situé au centre et cerné par de hauts remparts. L’enceinte est entourée d’eau, et le talus presque entièrement bâti en maçonnerie. Les fortifications comportent également une courtine crénelée, une échauguette à chaque angle, et deux tours rondes munies de meurtrières et bretèches.
On accédait à la forteresse par une tour-porte quadrangulaire, côté nord-ouest, surplombée d’une toiture pyramidale. On distingue aussi quelques maisons, ainsi qu’un grand corps de logis surmonté par une haute toiture ; probablement l’édifice prieural. A l’intérieur de l’enceinte fortifiée un hameau assez important s’est développé le long d’un chemin nord-sud.
LES GUERRES DE RELIGION
ET LA
DÉMOLITION DES REMPARTS
Au 16ème siècle, durant les Guerres de Religion, le prieuré est à nouveau au centre de troubles et connaît un moment l’occupation des armées catholiques.
Au début du 17ème siècle (1602, 1611 et 1629), le dernier prieur, Marc Antoine Gaiffier, exécute de nombreux travaux de restauration.
En 1630, à la mort de ce dernier, le prieuré est réuni à la Chartreuse de Lyon.
Les fortifications du bourg médiéval de Rozier, devenues obsolètes face à l’emploi de l’artillerie moderne, vont disparaître dans le temps.
Au 18ème siècle, les remparts sont en partie démolis.
En 1727, la tour-porte est détruite, et les douves sont comblées.
DE LA RÉVOLUTION A NOS JOURS
Lors de la Révolution, le prieuré est déclaré bien national et vendu.
En 1819, la communauté des sœurs Saint-Joseph s’établit dans une section des bâtiments, soigne les malades et donne un enseignement aux enfants.
A la fin du 19ème siècle, « la mare » (place de la Doue), vestiges des anciens fossés, est asséchée.
En 1950, le logis prieural est détruit, considéré comme trop délabré. Seuls demeurent encore quelques pans de mur et la base de l’échauguette de l’angle sud-ouest.
De nos jours, les traces du prieuré fortifié ont presque toutes disparu.
L’ÉGLISE PRIEURALE
Elle fut construite probablement dans la première moitié du 12ème siècle.
La chapelle nord fut consacrée en 1493, et construite sur les fonds personnels de Guillaume Soleymieux, marchand à Rozier. La chapelle sud sera terminée la même année. C’est peut-être à cette période que sera transformée la fenêtre de la façade.
Le 16ème siècle voit l’élévation du porche ; en 1606, la tourelle d’escalier du clocher est construite, et en 1607, la baie sud du transept est agrandie.
En 1846, les murs de l’église sont surélevés. Pour installer une charpente, on réutilisera les corniches anciennes (devis établi en 1846 par Trabuco, architecte à Saint-Etienne).
Vers les années 1930, l’église subit une restauration complète.
Les bâtiments du prieuré ont probablement été reconstruits au 15ème siècle, après l’élévation des remparts contre lesquels ils prennent appui. Sur le portail on distingue les armes du prieur Antoine de Chevalard.
UN HAUT LIEU DE L’ART
ROMAN EN FOREZ
On y entre par le portail ouest. Notre regard se porte immédiatement vers le tympan, sculpté sur le thème de l’Adoration des Mages. Cette représentation laisse augurer la richesse des décors à l’intérieur de l’église.
EXTÉRIEURS
FAÇADES & CONTREFORTS
LE PORTAIL D’ENTRÉE
La croix pattée
Une croix pattée est placée au sommet de la façade, là où le miroir du monde se situe le plus haut. Le Christ sur la croix domine toute la création qui converge vers lui, guidée par les sphères qui jalonnent le miroir du monde.
A chaque extrémité des branches de la croix, le soleil : considéré comme l’ordonnateur du cosmos, symbole du feu et de l’action, il règle le calendrier de Noël, cycle de l’incarnation.
La lune : signe de tout ce qui change et se transforme, symbole de l’eau, elle règle le calendrier de Pâques, cycle de rédemption. Au-dessus du Christ, la colombe, symbole de l’Esprit Saint.
LE TYMPAN DU PORTAIL
C’est dans la première moitié du 12ème siècle que l’église Saint-Blaise aurait été construite. Elle a été bâtie selon un plan en forme de croix latine. On y pénètre par un portail ouest, d’aspect sobre mais nanti d’un exceptionnel tympan, sculpté sur le thème de l’Adoration des rois Mages. Il est surplombé d’une petite statue à l’effigie de Saint Blaise ; l’ensemble est assez peu répandu en Forez.
L’Adoration des trois Mages
Le thème de l’Adoration des Rois Mages est rare pour une église du Forez. Faut-il y voir une influence espagnole ? (Personnages aux formes allongées, drapés dans les plis des vêtements, mains horizontales alignées).
Nonobstant cette interprétation nous interroge :
– Où sont donc les animaux de la crèche ? Le Christ représenté est habillé comme un adulte et présenté de face en position d’enseignant.
– Les trois rois Mages sont très groupés, comme si le sculpteur avait voulu montrer qu’il s’agissait d’un même personnage (corps, âme et esprit). Ne manque-t-il pas un pied dans le décompte ?
– A la place des coffrets contenant l’or, l’encens et la myrrhe, les rois Mages et le Christ tiennent des objets sphériques comme des perles.
– Qui reçoit et qui donne la perle précieuse ? Où est la troisième perle ?
Saint Blaise
Le personnage au-dessus du tympan est identifié comme étant Saint Blaise, auquel est dédiée l’église.
Il est présenté en position d’orant (personnage en prière levant les bras vers le ciel). Il tient dans la main gauche sa crosse tournée vers lui (signe de méditation, de recueillement). Sa main droite levée semble contenir une sphère.
LE CLOCHER CLUNISIEN
LE CHEVET POLYGONAL
A l’extérieur, le chevet à pan coupé polygonal est rare dans le Forez, mais reproduit un modèle fréquent que l’on retrouve dans les églises du Velay. Les deux chapelles de chaque côté de la nef ont été rajoutées au en 1493. L’élévation du chevet est très sobre : une abside à bord polygonal extérieur, circulaire à l’intérieur.
INTÉRIEUR
L’ÉGLISE PRIEURALE & LA NEF
Elle se compose d’une nef unique d’environ 29 m de long, comportant trois travées, voûtées en berceau plein cintre. La voûte en berceau est constituée en moyen appareil disposé en lits
longitudinaux, soutenus par deux arcs doubleaux reposant sur des demi-colonnes adossées à des pilastres. La voûte est étayée de l’intérieur par des arcades latérales soutenues par les pilastres.
LES ABSIDIOLES & LES CHAPELLES
L’ABSIDE,
La croisée du transept, sur plan carré, est surmontée d’une coupole sur trompe.
Elle continue par une petite travée de chœur, puis est parachevée au fond par une abside semi-circulaire, voûtée en cul-de-four. Les deux absidioles s’ouvrent sur le transept.
La croisée du transept, située devant l’autel, est surmontée d’une coupole. On trouve sur les bras du transept, de part et d’autre, des absidioles faisant office de chapelles. L’emploi d’arcs doubleaux reposant sur des demi-colonnes accentue à souhait les lignes courbes de l’ensemble. On distingue sur les murs porteurs des arcs formerets, servant de renfort à la voûte de la nef.
LES COLONNES ET LES CHAPITEAUX
La statue de Saint Éloi
Cette statue représente Saint Éloi. Elle a été sculptée sur bois et peinte. Elle est datée du 18ème siècle, d’auteur inconnu.
La présence de cette statue à Rozier peut s’expliquer par le fait que Saint Eloi est le patron des orfèvres et des serruriers. Or, cette dernière activité était très développée à Rozier dès le 15ème siècle.
La statue de Saint Blaise
Cette statue représente Saint Blaise. Elle a été sculptée sur bois et peinte. Elle est datée du milieu du 19ème siècle, d’auteur inconnu. Les dorures ont été restaurées.
Certains chercheurs établissent des correspondances entre le fait que l’église soit dédiée à Saint Blaise, et la présence de loups sculptés sur les chapiteaux (loup se disant « Bleitz » en breton).
Cette relation serait confortée par les sculptures de personnages sur les chapiteaux, rappelant des Dieux celtes ou gaulois ainsi que certains motifs géométriques d’inspiration celte.
Le Christ en Majesté
Placé à l’entrée du chœur, il indique le chemin à suivre pour que l’homme s’accomplisse sur terre.
A noter :
– Les deux colonnes torsadées qui supportent la voûte du ciel.
– L’alpha et l’oméga gravés de part et d’autre du Christ.
A remarquer :
Le détail de la sculpture de la tête du Christ : tête allongée, bouche réalisée par un simple trait de ciseau, nez étiré en longueur dont la base se termine par une large fossette, yeux en amande aux pupilles traduites par un trou.
Vierge de pitié
Une piéta du 15ème siècle est installée dans la chapelle Falconnet de Bouthéon. Elle fut apportée et placée dans la chapelle sud en 1493 par Falcon de Bouthéon, prieur du prieuré de Rozier. Ses armes apparaissent sur la vierge de pitié et à la croisée d’ogive.
LE DALLAGE & LES VESTIGES
LE MOBILIER
LES VITRAUX
Le vitrail représentant le Baptême du Christ est situé dans la première travée à gauche. Il a été réalisé en 1878 par Alexandre Mauvernay de Saint-Gamier, dans une technique inédite : l’artiste a peint directement sur le verre, au lieu d’assembler les fragments de différentes couleurs sur un support en plomb.