La peste noire, 1346
LA GUERRE DE CENT ANS
De 1337 à 1453
CHRONIQUES MÉDIÉVALES
LA PESTE NOIRE, 1348
SOMMAIRE
La Peste noire (ou mort noire, ou encore Grande peste) fait son apparition en France en 1347. Elle arrive d’Asie dans les cales des bateaux marchands. C’est la plus terrifiante de toutes, la peste pulmonaire (forme de peste qui est plus rare que la peste bubonique, mais nettement plus mortelle et extrêmement contagieuse). La durée de vie d’un individu infesté n’excède pas trois jours.
Venue de Chine, la Peste noire est une pandémie majeure qui décima la France et toute l’Europe pendant le Moyen Âge. Surnommée « la Grande peste », le fléau emportera dans sa macabre propagation un Français sur trois, et environ un tiers de la population européenne.
LA MORT DÉFERLE SUR UNE EUROPE TERRORISÉE…
La Peste noire se répand comme une « traînée de poudre », et ne s’installe pas durablement aux endroits touchés. Le taux de mortalité moyen (environ 30% de la population totale et 60% de la population infectée) est tel que les plus fragiles meurent rapidement ; le fléau ne dure généralement que six à neuf mois. Mais en Europe, la peste noire a duré plusieurs années (de 1347 à 1349). Les rats porteurs de puces transmettaient la maladie, et propageaient les contaminations d’une manière fulgurante. En décembre 1349, la peste a traversé presque toute l’Allemagne, le Danemark, l’Angleterre, le Pays de Galles, une bonne partie de l’Irlande et de l’Écosse. Elle continue ensuite sa progression vers l’est et vers le nord, dévastant la Scandinavie en 1350, puis l’Écosse, l’Islande et le Groenland, ne s’arrêtant qu’en 1351 aux vastes plaines inhabitées de Russie. Là où, faute d’individus à contaminer, la transmission ne pourra plus se faire.
DES FLÉAUX, DES MISÈRES ET DES MALADIES A PROFUSION…
La Peste noire débarque à Marseille en décembre 1347, avec la profusion des rats dans les cales des navires provenant des comptoirs de la Mer Noire, et accostant dans les ports méditerranéens. Ces indésirables passagers clandestins porteurs de mort, arrivent dans un monde alors tourmenté par les affres de la Guerre de Cent Ans. Un fléau de plus va s’abattre sur une population déjà bien mise à mal.
Depuis l’époque mérovingienne (il faut remonter six cent ans plus tôt, date de la dernière pandémie), l’Europe est presque passive tant elle subit des misères au quotidien. Elle ne se soucie plus de ce fléau ; il est loin, et elle l’a oublié. Pourtant, il est le pire de tous : c’est la peste pulmonaire, toujours mortelle, et terriblement contagieuse.
Comme je l’ai dit, la propagation va être fulgurante. La maladie affecte une population déjà affaiblie, éprouvée par la Guerre et les privations qui en découlent. A cela il faut rajouter trois années de récolte pitoyables, responsables d’une disette générale qui affame le peuple.
Comme d’habitude, les plus fragiles, les mal nourris, sont les premières morts. La pandémie est intelligente ; elle suit les chemins commerciaux pour se nourrir, à la recherche de ses proies. Rares sont les régions qui, comme le Béarn, sont épargnées.
En janvier 1348, la Peste se trouve à Montpellier. Puis, en remontant vers le Nord, elle suit la vallée de la Garonne, atteint Toulouse et la Gascogne, avant de gagner le Poitou et la Bretagne. Paris est contaminée en août. A l’automne, elle arrive en Picardie et la Champagne.
Partout où elle passe, elle répand la mort et la désolation. Au couvent des Dominicains, à Montpellier, sur cent quarante frères, seuls huit survivront. En Isère, certains bourgs et villages perdent plus de la moitié de leur population, tout comme à Castre et à Albi. On note aussi qu’à Périgueux et à Reims, c’est le quart des citadins qui meurt. Au total, le royaume de France perd 1/3 de sa population ; une véritable hécatombe !
DES SOLUTIONS ET DES REMÈDES INEFFICACES…
Jusqu’en 1351, les Européens vont subir ainsi la pire pandémie de leur histoire. En ces temps moyenâgeux, on lui attribue d’abord des causes religieuses, telles qu’une punition divine…
Mais rien n’y fait : ni les prières, ni les remèdes, ni les médecins ignorants qui sont désemparés face à l’ampleur de la catastrophe. La Peste n’épargne personne : riches ou pauvres, jeunes ou vieux, hommes ou femmes, tous ont « l’Épée de Damoclès » au-dessus de leur tête, prête à s’abattre. Tous cherchent tant bien que mal à se protéger de « la Grande Faucheuse ».
La première nécessité consiste à enterrer les cadavres qui jonchent les routes dans une odeur pestilentielle, car les fossoyeurs sont morts eux aussi. Et faute de bras, les dépouilles pourrissent et s’entassent dans des charniers le plus souvent à ciel ouvert.
Dans les villes et les villages, on loue les services des médecins à prix d’or !
On note qu’un certain Pierre Damousy, de Reims, vante le succès de sa pilule miracle. Mais la pandémie anéantit ses naïfs clients, ce qui met un arrêt à ses activités de bonimenteur.
Le roi de France, Philippe VI, croit malgré tout aux vertus de la médecine. Il ordonne à la Faculté de Paris de se pencher sur le problème et d’y apporter des solutions.
Mais celle-ci, impuissante, ne peut que donner des conseils ; mais ô combien précieux.
Il est recommandé au peuple de ne point se laisser aller aux amours passagères. De rester enfermé chez lui, afin d’éviter de respirer l’air pestilentiel dégagé par les corps en décomposition dans les lieux publics. N’affirme-t-on pas que respirer est dangereux ?
L’alimentation doit être surveillée au plus près. Une trop grande maigreur, tout comme l’obésité, est sensée faciliter la contagion. De plus, il est préconisé d’abandonner les fruits pour consommer des légumes cuits et assaisonnés de vinaigre, boire du vin et non de l’eau, qui est toujours suspecte. Mais toutes ces privations sont la plupart du temps inutiles. En toute dernière solution : fuir… Car « la peste ne poursuit pas le fugitif ».
Nonobstant, la grande masse de la population, faute de moyens, ne peut aller se réfugier dans les rares régions épargnées par le fléau. Alors ces gens se barricadent chez eux et refusent d’ouvrir leur porte. Ils refoulent étrangers et colporteurs ; et stoppent tout commerce avec l’extérieur…
Le doute s’installe parmi la population des villages et des bourgs ; la suspicion gagne les esprits.
Les malades contaminés sont laissés sur le bord des routes, abandonnés à leur sort, et les morts enterrés à la va-vite sans précautions, aussi loin que possible des habitations.
On note que seuls les ordres mendiants soignent les malades avec un extrême dévouement.
Pour cela, ils en paieront le prix fort. En 1348, les couvents cordeliers de Marseille et de Carcassonne n’auront pas un survivant.
QUI SONT LES COUPABLES ?
Cela ne fait nul doute pour le peuple, la colère de Dieu prendra fin une fois les coupables punis. On accuse alors les mendiants, et surtout les Juifs, d’avoir empoisonné les puits et les fontaines. La vindicte populaire va s’abattre et se transformer en une véritable boucherie.
En Alsace, avant même l’arrivée de la Peste noire, les juifs sont persécutés et envoyés au bûcher. En juillet 1348, le pape Clément VI excommunie les coupables de ces violences, mais rien n’y fait ; les massacres continuent.
En 1349, la pandémie s’éloigne du royaume de France, et poursuit sa morbide randonnée en direction des territoires nordiques. Mais l’Europe est exsangue et saignée à blanc. Il faudra près de trois siècles pour compenser les pertes humaines. Dans le royaume de France, le tissu social aura beaucoup de mal en se reconstruire.
LA DANSE MACABRE DE LA CHAISE-DIEU
A la Chaise-Dieu, la mort n’est pas représentée sous la forme d’un squelette, mais plutôt sous celle de transis n’ayant que la peau sur les os. Ces personnages, tout en dansant, paraissent irréels et semblent s’adonner à des farces burlesques. On compte 24 vivants, répartis sur 3 tableaux : il y a les puissants, les bourgeois, et le peuple.
Cette Danse Macabre présente quelques singularités qui en font une représentation unique ; on y découvre, par exemple, la présence de deux femmes.
Sur le premier panneau : le Pape, l’Empereur, le Légat, le Roi, le Cardinal, le Connétable, l’Abbé mitré, et le Chevalier.
Sur le second panneau : le Moine bénédictin, le Bourgeois, la Chanoinesse, le Marchand, la Moniale, le Sergent à verges, et le Chartreux.
Sur le troisième panneau : l’amoureux, le Médecin, le Clerc théologien, le Laboureur, le Cistercien, l’Enfant, et le novice.
Cette fresque transmet le message de l’Eglise aux Chrétiens, en sollicitant ses fidèles à la prière, à la repentance et à la pénitence. Nul n’est à l’abri. Chacun doit s’apprêter à mourir ; c’est la loi de Dieu, et lui seul décide et connaît l’heure. Aujourd’hui, on ne peut découvrir ce chef d’œuvre qu’en arrivant du chœur. Il décore les 3ème, 4ème et 5ème travées. La fresque se présente en trois panneaux séparés par deux piliers, ce qui lui confère l’aspect d’un triptyque.
Lire : Les Témoins du Passé – L’Abbatiale Saint-Robert de la Chaise-Dieu
Sources :
Photos publiques Facebook
Mes photos
Les rois de France des Éditions Atlas (Valois directs).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Cent_Ans
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_V_le_Sage
Merci pour cet article très intéressant sur la peste noire de 1346. Vous avez su mettre en avant les principales causes de cette épidémie dévastatrice et expliquer clairement son impact sur l’Europe de l’époque. J’aimerais en savoir plus sur les mesures sanitaires qui ont été prises pour lutter contre cette maladie et comment elles ont évolué au fil du temps. Serait-il possible d’en savoir plus dans un prochain article ? Merci encore pour votre travail de qualité.