La bataille de New Market
LA GUERRE DE SÉCESSION
(1861-1865)
LA BATAILLE DE NEW MARKET
15 mai 1864
Bataille de New Market
SOMMAIRE
La bataille de New Market a lieu le 15 mai 1864 en Virginie, lors des campagnes de la vallée de la Shenandoah. Une petite armée confédérée de 4 100 hommes, commandée par le général John C. Breckinridge, bat l’armée fédérale (6300 hommes) du général Franz Sigel, et l’oblige à quitter la vallée de la Shenandoah. L’attaque confédérée met en scène 261 cadets de l’Institut Militaire de Virginie (VMI).
Cette bataille va entrer de plain-pied dans la mémoire collective des Américains. C’est la première fois, dans l’Histoire américaine, que le Corps des élèves d’une école militaire est utilisé sur un champs de bataille comme unité organisée. En effet, au cours de la bataille, le général confédéré John C. Breckinridge ordonne aux cadets du « Virginia Military Institute » (VMI), dont certains sont des enfants soldats de moins de 15 ans, de se rallier à lui pour donner l’assaut des positions nordistes.
Pendant l’attaque, les cadets du VMI (dont 10 mourront au combat) chargent contre la batterie du capitaine Alfred von Kleiser. Au cours de leur assaut désespéré, les jeunes hommes se retrouvent dans un champ recouvert de boue épaisse. De nombreux cadets y perdent leurs chaussures. Cette partie du champ de bataille s’appellera plus tard « le Champ des chaussures perdues » (« Field of Lost Shoes »).
VMI Corps of Cadets à la bataille de New Market, le 15 mai 1864
Une brigade de cavalerie de l’Union, dirigée par le colonel John Marlowe, y exécute un raid derrière les lignes confédérées, pour détruire un chemin de fer, et un dépôt de ravitaillement. Plusieurs batailles s’ensuivent, dont une charge avec les jeunes cadets d’une école militaire locale (événement basé sur la véritable bataille de New Market).
FORCES EN PRÉSENCE
Les cadets du VMI en action à la bataille de New Market le 15 mai 1864
En mai 1864, dans le contexte d’une importante offensive de l’Union (ayant pour objectif la soumission de la Confédération), le général Ulysses S. Grant ordonne au général de l’Union Franz Sigel de remonter la vallée de la Shenandoah, et de couper les voies de chemin de fer utilisées par l’armée de Virginie du Nord de Robert E. Lee. Au même moment, pour contrer cette force, le général sudiste John Cabell Breckenridge rassemble une petite armée de fortune composée de deux brigades d’infanterie, d’une brigade de cavalerie, et d’un bataillon de cadets du Virginia Military Institute.
Les cadets du Virginia Military Institute.
POUR LE NORD
Les forces nordistes du général Franz Peter Sigel (1824-1902) s’élèvent à 6275 hommes.
Franz Sigel
POUR LE SUD
Les forces sudistes du général John Cabell Breckinridge (1821-1875) s’élèvent à 4087 hommes.
John Cabell Breckinridge
Si les Fédéraux l’attaquent en nombre, il n’a pas de forces suffisantes pour s’y opposer. Il doit donc choisir son assaillant et se concentrer uniquement sur lui. Pour aggraver les choses, Lee l’a informé que s’il est menacé, il doit grappiller des hommes sur place. (Lee ne peut se défaite d’aucuns renforts, car ils sont vitaux en Virginie occidentale). La seule assistance disponible pour Breckinridge, c’est les cadets de l’Institut militaire de Virginie (VMI). Ce dernier représente une force presque négligeable de moins de 300 jeunes inexpérimentés. Breckinridge dispose en outre d’une brigade de cavalerie dans la vallée de Shenandoah, placée sous le commandement du brigadier général John Daniel Imboden.
CONTEXTE
New Market battlefield
POUR LE NORD
Le contrôle de la vallée de Shenandoah (surnommée « le Grenier à blé de la Confédération ») est un point stratégique importante et vital sur le plan agricole. C’est un élément primordial des plans de Grant.
Alors qu’il se bat à l’Est contre l’armée de Virginie du Nord du général Robert E. Lee, Grant ordonne au général de division Franz Sigel de sécuriser la vallée de la Shenandoah ; c’est ce qui va déclencher les Campagnes de la vallée de 1864.
Le 29 avril 1864, Sigel quitte Martinsburg, remonte la vallée et avance sur Staunton, en Virginie-Occidentale.
Il a pour mission de rejoindre une autre colonne de l’Union (commandée par George Crook), et doit détruire le « Virginia & Tennessee Railroad » ainsi que d’autres industries confédérées dans la région.
La petite armée de Sigel se compose d’environ 9 000 hommes. Elle comprend une division d’infanterie (commandée par le brigadier-général Jeremiah C. Sullivan), une division de cavalerie (commandée par le major-général Julius Stahel), et une brigade d’artillerie (28 canons). Tout au long de la campagne, les nombreux prélèvements d’unités la réduiront à environ 6 300 soldats au moment de la bataille.
POUR LE SUD
Le major-général John C. Breckinridge, lui, ne possède pas une véritable armée. Mais sa cavalerie est performante (car elle ralentit l’avance fédérale par des escarmouches et « coups de main ») et elle lui apporte toutes les précieuses informations des mouvements de Sigel.
Breckinridge est averti que l’armée de Sigel est entrée dans la vallée ; il rassemble aussitôt toutes ses maigres forces pour repousser l’ennemi.
Son armée se compose de deux brigades d’infanterie, commandées par le brigadier-général John C. Echols et par le général Gabriel C. Wharton. Il possède aussi une brigade de cavalerie commandée par le général John D. Imboden, et d’autres commandements indépendants. A savoir le corps de cadets du VMI, soit un bataillon d’infanterie de 247 cadets (commandé par le lieutenant-colonel Scott Shipp) et une section d’artillerie à deux canons.
Breckinridge rassemble son infanterie à Staunton, pendant qu’Imboden ralentit l’avancée de Sigel vers le sud, le long de la vallée.
DÉROULEMENT DE LA BATAILLE
15 mai 1864, New Market, Virginie
Sigel atteint finalement New Market à seulement cinquante miles de Staunton. Il prend position essentiellement sur Manor’s Hill, au nord de la ville.
Pendant ce temps, les Confédérés, menés par John Cabell Breckinridge, se dirigent vers la ville ; ils y arriveront tard dans la soirée du 14 mai. Aux dernières heures de la journée, les deux belligérants échangent quelques tirs de canons.
Lorsque le duel d’artillerie recommence le 15, l’armée de Sigel se présente incomplète sur le terrain. Les forces confédérées, elles, ont pris position le long de « Shirley’s Hill », au sud des positions nordistes.
Bataille de New Market
Au milieu de la matinée, les deux belligérants entrent en contact au sud de New Market. Le gros des forces de l’Union se trouve à l’ouest de la ville, près de l’intersection nord de la rivière Shenandoah. Il est commandé par le colonel Augustus Moor, et se compose de sa brigade d’infanterie et d’une partie de la brigade de cavalerie de John E. Wynkoop.
Des régiments supplémentaires de l’Union vont affluer tout au long de la matinée. Ils vont se déployer entre l’embranchement Nord de la rivière Shenandoah et la routé à péage de la vallée « Valley Turnpike ». La position fédérale principale est centrée sur le « Manor’s Hill ».
Breckinridge déploie la brigade de Gabriel C. Wharton sur la gauche de ses positions (à l’ouest de la « Valley Turnpike »), et la brigade de John C. Echols sur la droite.
Echols étant malade ce matin-là, le commandement de sa brigade échoit au colonel George S. Patton Sr.
George Smith Patton Sr
Les cadets du bataillon de la VMI sont en réserve, tandis que la cavalerie d’Imboden se trouve à l’est de la « Valley Turnpike ».
Afin d’attirer les troupes nordistes, Breckinridge attaque avec sa cavalerie les positions de la brigade du colonel Augustus Moor ; mais celui-ci de réplique pas.
Vers les 11 heures, le général John Cabell Breckinridge décide alors de lancer, avec son infanterie, un assaut général sur Moor. Pendant ce temps, la brigade du général John D Imboden traverse le « Smith’s Creek » à l’est de New Market, chevauche au nord, et franchit de nouveau le ruisseau derrière les lignes de l’Union.
C’est alors que le général de cavalerie de l’Union, Julius Stahel, arrive à New Market avec des troupes supplémentaires. Il est suivi peu de temps après par Sigel, le général de l’Union.
The Bushong Farm
Vers midi, Breckinridge lance ses fantassins à l’assaut. Progressivement, il repousse la brigade d’infanterie de Moor vers le nord, hors du Manor’s Hill et vers le reste de l’armée de Sigel. Celle-ci s’est déployée sur une colline, au nord de la ferme de « Jacob Bushong », connue sous le nom de « Bushong’s Hill ».
Bushong Farm
Une fois New Market dépassée, les Confédérés ralentissent pour reformer leurs rangs, déplacer les troupes le long de la ligne, et repositionner leurs unités d’artillerie.
Bataille de New Market
A 14 heures10, le général John C. Breckinridge poursuit son attaque tandis que la ligne confédérée se forme près de la ferme de Bushong. Les tirs de canons et de fusils de l’Union désemparent les soldats confédérés au centre. L’aile droite du « 51st Virginia Infantry » et du « 30th Virginia Infantry Battalion » est forcée de reculer dans la confusion alors que, pendant ce temps, le reste de l’assaut confédérée stoppe.
Bataille de New Market
Breckinridge, à contrecœur, ordonne au bataillon de cadets de la VMI de venir soutenir l’assaut en perte de vitesse. Alors que le bataillon de cadets progresse vers le verger de Bushong, leur commandant, le lieutenant-colonel Scott Shipp, est blessé et remplacé par le capitaine Henry A. Wise.
C’est alors que le général Franz Peter Sigel enclenche deux contre-attaques. Sur la gauche de la ligne de l’Union, Stahel lance une charge de cavalerie, mais il est mis en déroute par un feu intense de l’artillerie confédérée. Les trois autres régiments d’infanterie attaquent sur la droite de l’Union, et sont aussi mis en déroute.
Battle of New Market
L’attaque de l’Union est refoulée. Peu de temps après 15 heures, le général John C. Breckinridge poursuit sa progression, soutenue par son infanterie. En traversant un champ près du verger Bushong, de nombreux cadets de la VMI s’enlisent dans le sol détrempé par la pluie, et perdent leurs chaussures dans la boue.
Champ de bataille de New Market
Cet endroit restera célèbre et sera nommé « Field of Lost Shoes » (le champ des chaussures perdues).
Face à cette avancée inéluctable des lignes confédérées, les batteries de Sigel sont forcées d’amorcer une retraite. Cinq canons sont pris par les Sudistes, dont l’un par le bataillon de cadets de la VMI. La poursuite confédérée est ralentie par deux régiments d’infanterie et par la batterie B du « 5th U.S. Artillery », qui viennent tout juste d’arriver sur le champ de bataille.
Breckinridge cesse alors l’assaut et attend l’arrivée des trains de ravitaillement : ses troupes ont besoin de se réapprovisionner. Pendant ce temps, Imboden, le général confédéré de cavalerie, arrive avec sa brigade.
De son côté, le brigadier-général de l’Union Jeremiah C. Sullivan arrive au même moment avec les « 28th et 116th Ohio Infantry ».
Général John C. Breckinridge affronte Franz Sigel pendant un orage à la bataille de New Market.
Sigel réussit à mettre sur pied un combat d’arrière-garde sur « Rude’s Hill ». Il place l’infanterie du brigadier-général Jeremiah C. Sullivan à l’est de la route à péage, quelques cavaliers du major-général Julius Stahel à l’ouest de la route, et dispose son artillerie derrière la ligne. Mais ses hommes sont épuisés et manquent de munitions. Sigel décide alors de se replier sur la rivière Shenandoah, à Mount Jackson.
Dans sa fuite, l’armée de l’Union réussit à franchir la rivière et à brûler le pont qui l’enjambe avant que les Confédérés ne puissent la rattraper.
CONSEQUENCES
Bataille de New Market
La victoire confédérée a permis d’assurer les récoltes de la région pour l’armée de Virginie du Nord de Robert E. Lee. Elle a permis en outre de sécuriser les lignes de communication de celui-ci vers la Virginie Occidentale.
Les journaux de Virginie et les soldats sudistes ont comparé Breckinridge à Thomas J. « Stonewall » Jackson.
Après la défaite de Sigel, Lee suggère à Breckinridge de poursuivre l’armée de l’Union en retraite, et d’envahir le Maryland.
Mais les rivières en crue dans le nord de la vallée de Shenandoah, et le difficile approvisionnement de ses troupes sur un territoire impraticable en raison des pluies, empêchent Breckinridge de réaliser sa mission.
Plus tard, les forces de Breckinridge seront transférées dans l’est de la Virginie, où elles viendront renforcer l’armée de Lee en prévision de la bataille de Cold Harbor.
PERTES
Mémorial de la bataille de New Market
POUR LE NORD
Sur un effectif total de 6275 hommes, les pertes de la bataille pour l’armée de l’Union sont de 841 victimes : 96 tués, 520 blessés, et 225 prisonniers ou disparus.
POUR LE SUD
Sur un effectif total de 4087 hommes, les pertes de la bataille pour les Confédérés s’élèvent à 520 victimes : 43 tués, 474 blessés, et 3 prisonniers ou disparus.
47 cadets de la VMI seront blessés dans la bataille (autour de 23 %), 10 seront tués ou blessés mortellement.
CHAMP DE BATAILLE DE NEW MARKET
LISTE DES CADETS DE LA VMI TUES EN ACTION A NEW MARKET
IMV
1 – Cadet Caporal Samuel Francis Atwill.
Classe de 1866 (étudiant en deuxième année), Compagnie A d’Atwillton, Virginie. Décédé le 20 juillet au domicile du Dr Stribling, à Staunton. Promu cadet troisième sergent, compagnie C le 27 juin 1864, mais n’a jamais servi. Inhumé au VMI.
2 – Cadet Premier Sergent William Henry Cabell.
Classe de 1865, Compagnie D, de Richmond, Virginie. Tué au combat et Inhumé au cimetière Hollywood, Richmond.
3 – Charles Gay Crockett.
Classe de 1867, Compagnie privée de cadets D, Comté de Wythe, Virginie. Tué en action. Ré inhumé au VMI en 1960.
4 – Alva Curtis Hartsfield.
Classe de 1866 (étudiant en deuxième année), Compagnie privée de cadets D, Comté de Wake, Caroline du Nord. Décédé le 26 juin dans un hôpital de Pétersbourg. Enterré dans une tombe anonyme au cimetière de l’église de Blandford, à Petersburg.
5 – Luther Cary Haynes.
Classe de 1867 (première année), Compagnie privée de cadets B, Comté d’Essex, Virginie. Décédé le 15 juin à l’ancien hôpital « Powhatan Hotel ». Enterré dans sa maison familiale « Sunny Side ».
6 – Thomas Garland Jefferson.
Classe de 1867 (première année), Compagnie privée de cadets B, Comté d’Amelia, Virginie. Décédé trois jours après la bataille dans une maison privée voisine. Inhumé au VMI.
7 – Henry Jenner Jones.
Classe de 1867 (première année), Compagnie privée de cadets D, Comté de King William, Virginie. Tué en action. Inhumé au VMI.
8 – William Hugh McDowell.
Classe de 1867 (première année), Compagnie privée de cadets B, de Ford de Beattie, Caroline du Nord. Tué au combat. Inhumé au VMI.
9 – Jaqueline Beverly Stanard.
Classe de 1867 (première année), Compagnie privée de cadets B, Orange, Virginie. Tué en action. Enterré à Orange, Virginie.
10 – Joseph Christopher Wheelwright.
Classe de 1867 (première année), Compagnie privée de cadets C, Comté de Westmoreland, Virginie. Décédé le 2 juin au domicile d’un médecin à Harrisonburg. Inhumé au VMI.
IN MEMORY
John James Audubon Powell et Van Franklin Garrett Tous deux sont de la promotion 1867 et appartiennent à la Compagnie B, du « Virginia Military Institute » (VMI). Ils participeront à la bataille de New Market le 15 mai 1864. Audubon Powell Après la guerre, John James Audubon Powell deviendra avocat-législateur. Il décèdera le 24 octobre 1930 à Wytheville, en Virginie. Van Franklin Garrett. Entré dans le VMI le 22 avril 1863, Franklin Garrett démissionne le 25 janvier 1865, pour s’enrôler dans les rangs confédérés. Le 2 juillet 1869, il est diplômé honoraire de sa promotion. Le 15 mai 1864, Franklin Garrett sert comme Soldat dans la Compagnie B du VMI « Corps of Cadets » lors de la bataille de New Market, dans les tranchées de Richmond. Blessé, il est hospitalisé à Richmond en décembre 1864. Après la guerre, Garrett aura une brillante carrière. Il sera diplômé de l’Université de Virginie (doctorat du « Medical College of New York »), médecin et professeur de chimie au « William & Mary College » à Williamsburg, Virginie. Il décèdera le 19 novembre 1932 à Williamsburg, en Virginie. Il est enterré dans le cimetière de la paroisse de Bruton, Williamsburg, en Virginie.
Eliza Clindinst & Thomas Garland Jefferson Le 15 mai 1864, Eliza a 26 ans lorsque, la bataille de New Market faisant rage dans son jardin, elle se précipite vers le champ de bataille pour aider les blessés agonisants. Après la bataille, Eliza, avec d’autres femmes de la région, aide à transporter les blessés dans les hôpitaux de campagne qui sont dispersés dans toute le pays, et emmène le cadet VMI (« Virginia Military Institute ») Thomas Garland Jefferson chez Eliza. Elle se souvient : « Il avait environ seize ans, avait les yeux bleus et les cheveux dorés. Je ne l’oublierai jamais, lui et son doux visage de garçon. Il a reçu une balle dans la poitrine, qui lui a arraché une partie de son dos. Ses souffrances étaient intenses, mais il ne se plaignait jamais. » Le cadet Jefferson décèdera dans les jours qui suivront. Eliza mourra en 1931, à l’âge de 92 ans. Images d’Eliza Clindinst et Thomas Garland Jefferson, VMI.
Sources :
La « Guerre de Sécession », de Ken Burns.
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