Le Directoire

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Le Directoire.

Du 26 octobre 1795 (4 brumaire an IV) au 9 novembre 1799 (18 brumaire an VIII)

«On ne va chercher une épaulette sur un champ de bataille quand on peut l’avoir dans une antichambre. » Napoléon Bonaparte.


  • Le 27 juillet 1794 (9 Thermidor an II), les partisans modérés de la Convention (Thermidoriens) renversent Robespierre, mettant ainsi un terme à la Terreur mise en place par l’incorruptible. Cet événement marque aussi la fin de la Révolution.
  • Le 26 octobre 1795 (4 Brumaire an IV) marque la fin de la Convention nationale, qui s’efface au profit du nouveau régime : le Directoire.
    L’amnistie générale est décrétée, les poursuites judiciaires se rapportant à la Révolution sont abolies. Un nouveau régime se met en place. Il représente une forme de gouvernement issu de la Révolution française, et gouvernera la France jusqu’au 9 novembre 1799 (18 Brumaire an VIII).

Les institutions, et les prévisions.

Le 22 août 1795 (5 Fructidor de l’an III), la Convention vote la Constitution de l’an III. Celle-ci aura la charge de mettre en place le futur régime. On retrouvera dans ses fondements le désir impétueux de vouloir conserver le nouvel état social issu des principes de 1789. Son but sera d’éviter toute appropriation du pouvoir central, afin de ne plus voir apparaître le danger d’une dictature personnelle, semblable à celle de Robespierre. Le nouveau régime se devra de défendre les privilèges acquis, les biens (le plus souvent immenses), et les vies des révolutionnaires fortunés.


La nouvelle Constitution et son organisation.

Pour accomplir cette tâche, ladite Constitution procède à une draconienne dissociation des instances, et les fractionne à souhait entre plusieurs corps ou individus. Ses députés votent donc, le 22 août 1795 (5 Fructidor de l’an III), la séparation des élites en deux corps bien distincts, et mettent en place un pouvoir législatif bicaméral.


Le pouvoir législatif.

Il est confié à un Corps législatif constitué de deux assemblées : le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens (ainsi nommé parce que ses membres doivent avoir plus de 40 ans) ; chacune est composée de 250 membres, élus au suffrage censitaire. Ce qui, de fait, donne le pouvoir politique essentiellement aux classes nanties.

Salle_des_cinq_cents

Salle des cinq cents

Les Cinq-Cents ont seuls l’initiative de faire des propositions de lois, que les Anciens ne peuvent qu’approuver sans amendement ou rejeter. Les Anciens votent sur ces propositions pour promulguer les lois. Afin d’éviter le retour à la dictature (comme celle par le passé de la Convention montagnarde), les deux corps sont destinés à se neutraliser réciproquement ; pour ce faire, ils seront renouvelables par tiers tous les ans.

Conseil_des_Anciens

Conseil des anciens


Le pouvoir exécutif.

Il est constitué d’un Directoire composé de cinq membres (les Directeurs), dont la limite d’âge doit être supérieure ou égale à 40 ans. Il est renouvelable par cinquième : tous les ans un Directeur est remplacé par un tirage au sort. Ses représentants sont choisis par les Anciens sur une liste de dix candidats proposés par les Cinq-Cents, et n’ont aucun pouvoir sur les assemblées. Chaque membre exclu ne peut être réélu avant cinq ans ; ce qui interdit toute prédominance d’une personnalité en particulier. Le pouvoir exécutif ainsi formé délibère à la majorité, nomme et révoque les ministres de son gouvernement, met en application les lois ; il détient, en outre, le glaive de la force militaire.


Un système d’élection peu démocratique.

Seuls les hommes de plus de 21 ans qui paient un impôt peuvent voter. Ils élisent un électeur pour 200 citoyens. Ces électeurs, nantis pour la plupart, doivent être âgés de 25 ans minimum. Il leur appartient de définir les représentants des assemblées, ainsi que les juges des tribunaux civils. Ils doivent également désigner le Président du Tribunal criminel, la composition du Tribunal de Cassation, et enfin les membres des administrations départementales.


Les Thermidoriens au pouvoir !

Les vainqueurs de Robespierre des 9 et 10 Thermidor an II (27 et 28 juillet 1794), sont maintenant les nouveaux venus sur la scène politique du pays. On retrouve dans leurs rangs à la fois des anciens terroristes tels que Tallien, Barras, ou Fréron, et des modérés de la Plaine, comme Sieyès, Boissy d’Anglas, et Cambacérès.

Ces Thermidoriens vont gouverner la France pendant les quatre années de la durée du Directoire, jusqu’au coup d’Etat du 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799). Soucieux de préserver leurs acquis et de voir le retour en force des royalistes, ils décident par décret additionnel que les 2/3 des députés seront systématiquement désignés par des anciens conventionnels. Voilà un dispositif très peu démocratique, qui leur assure un pouvoir sans partage, sans se soucier des émergeants issus des bouleversements révolutionnaires. Ces arrangements vont attirer au futur régime la désapprobation et l’opposition à la fois des royalistes et des Jacobins.


 

Le premier Directoire (octobre 1795-septembre 1797)

1. A l’intérieur.

Il est formé par les cinq Directeurs : Barras, Rewbell, Carnot, Letourneur, et La Réveillère-Lépeaux. Tous sont des anciens Conventionnels, comme le stipule le traité des 2/3 voté par les Thermidoriens (loi d’août 1765), et comme la majorité des représentants des deux conseils.

A l’intérieur, leur tâche s’avère colossale. Il règne sur tout le pays une misère effrayante ; les inégalités sont démesurées, les assignats sans valeur, l’administration est à la dérive. Tous ces malheurs engendrent un accroissement de la criminalité. Les troubles de la société civile sont légion et découlent directement des faiblesses de la Constitution, dirigée par l’extrême corruption de ses représentants. Le Directoire trouvera, malgré tout, les ressources pour diverses réformes.

  • Réforme de la société. Le Directoire établira le suffrage universel et l’égalité du citoyen devant la loi. Il ordonnera la liberté de la presse, de croyance et de pensée, supprimera les corporations, abolira l’esclavage dans les colonies, et accommodera le droit au divorce.
  • Réforme du gouvernement. Il supprimera les droits féodaux, et ordonnera la séparation des pouvoirs de l’Eglise et de l’Etat.
  • Réforme de l’éducation. Il transformera l’école publique et les Ecoles Normales supérieures, et ira même jusqu’à réaliser un nouveau système d’unités de mesure.

L’homme fort du Directoire s’appelle Paul François Jean Nicolas Barras (1795-1799). Il symbolise le régime à lui tout seul, d’autant qu’il n’a jamais tiré au sort la boule noire qui l’aurait exclu de l’exécutif ; il y trônera jusqu’au coup d’Etat du 18 Brumaire. Ancien noble, et doté d’une avidité manifeste, il a été aussi un Conventionnel et un régicide. Il évoluera avec aisance dans un milieu politique gangréné par la corruption.

C’est le temps des Merveilleuses et des Incroyables, aux tenues vestimentaires excentriques où se côtoient, dans une classe de parvenus, le luxe et le goût des plaisirs. La haute société parisienne est faite de politiciens véreux, détestés et diffamés, de banquiers qui s’enrichissent trop rapidement, et d’intrigants.

Cette élite, nouvellement issue de la Révolution, ne se soucie guère de la condition misérable du peuple qui meurt de faim. L’industrie et le commerce sont inexistants, l’inflation des assignats met sur la paille un grand nombre de rentiers de l’Etat, alors que les fonctionnaires et les soldats ne sont plus payés. Partout règne le désordre, et le brigandage se répand dans tous les départements.

La bonne marche du Directoire est d’autant plus entravée que ses dirigeants ont des idées et des caractères très différents, et développent de l’antipathie les uns envers les autres. Ils choisissent d’intervenir, non pas unis et en force, mais en fonction de leurs propres prérogatives, de leurs compétences personnelles, et de leur région natale. C’est au prix de houleuses négociations qu’ils parviennent à nommer les ministres.

L’opposition des royalistes et des Jacobins sera quasi permanente durant toute la durée du Directoire. Le 10 mai 1796, une première conspiration (Conjuration des Egaux), se forme pour renverser le régime, avec à sa tête François Noël Babeuf. Elle est jugulée, ses adeptes sont arrêtés. Condamné à mort par la Haute Cour de Vendôme, Babeuf est guillotiné. Le tour de Darthé viendra un an plus tard, le 27 mai 1797.

Aux élections législatives de mars et avril 1797 (germinal an V), les royalistes sont majoritaires et donc favorables au retour de la monarchie. Par le coup d’Etat du 18 fructidor an V (4 septembre 1797), le Triumvir (Barras, Rewbell, et La Réveillère-Lépeaux), soutenu par l’armée, étouffe l’insurrection monarchique (177 députés à tendance royaliste sont exclus). Ils écartent du même coup deux de leurs collègues (Barthélemy et Lazare Carnot), le Président du Conseil des Anciens (André-Daniel Laffon de Ladebat), ainsi qu’un grand nombre de membres des deux Conseils, soupçonnés d’appartenances royalistes.


2. A l’extérieur.

La victorieuse campagne d’Italie de Napoléon Bonaparte permet au Directoire de sortir vainqueur de la première coalition, et de séparer l’Autriche de son alliance avec l’Angleterre en lui imposant le traité de Campoformio, le 17 octobre 1797 (26 vendémiaire An VI). Avec à la clef, la création d’Etats alliés ou républiques sœurs.

  • Le 17 juin a lieu à Gênes la proclamation de la République Ligurienne.
  • Le 9 juillet a lieu à Milan la proclamation de la République Cisalpine.

 

Le second Directoire (septembre 1797-novembre 1799).

1. A l’extérieur.

Ces succès ne sont pas sans effets directs ; ils ont pour conséquence de coaliser contre la France un grand nombre d’ennemis intérieurs et extérieurs. A cela vient s’ajouter l’étonnante Campagne d’Egypte, débutée au printemps 1798, qui a éloigné de la patrie des forces armées considérables ainsi que d’excellents généraux. Cette expédition, qui avait pour but de couper les routes commerciales maritimes aux Anglais, va générer deux nouvelles puissances à combattre : la Sublime Porte (l’empire turc) et l’empire du nouveau tsar Paul Ier. Ce qui, sous l’égide de la Grande Bretagne, au début 1798, aboutit à une deuxième coalition. Celle-ci réunit l’Empire ottoman, ceux d’Autriche et de Russie, les royaumes de Bavière, des Deux-Siciles, du Portugal, de Suède, et les États Pontificaux.


2. A l’intérieur.

La situation politique et militaire est favorable aux Jacobins qui deviennent, à l’issue du vote, majoritaires au Conseil des Cinq Cents. Le conflit s’engage lorsque Sieyès, qui vient d’être nouvellement élu au Directoire, prend ses fonctions le 21 prairial (9 juin). Il veut se débarrasser de ses collègues les plus conservateurs et modifier la Constitution avec l’aide, au besoin, des généraux jacobins. Il dirige contre eux le Coup d’Etat du 30 Prairial an VI (18 juin 1799), aussi nommé « Revanche des Conseils ». Accusés de fomenter un coup d’Etat, Treilhard, La Révellière-Lépaux et Merlin de Douai sont forcés à la démission et remplacés par Roger Ducos et Jean-François Moulin. Ces derniers ont, au préalable, pris soin de s’assurer le soutien des députés jacobins, menés par Lucien Bonaparte, et des directorialistes. De plus, Sieyès obtient l’accord de l’armée et en particulier du général Joubert. Celui-ci représente, à ses yeux, l’épée qu’il peut sortir de son fourreau, capable de l’aider à renverser le régime. Sieyès est rallié par Barras, qui acquiesce pour ne pas se voir disparaître.

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Emmanuel Joseph Sieyès

Le nouveau Directoire prend un visage avec des positions révisionnistes.


Du Directoire au Consulat.

Afin d’éliminer les Jacobins, réviser la Constitution et créer un exécutif puissant, Sieyès, Barras et Ducos appellent Bonaparte à l’aide. Ensemble, ils renversent le Directoire par le Coup d’Etat des 18 et 19 brumaire an VIII (9-10 novembre 1799), et établissent le Consulat.

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5 réponses

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