Le Sacre de Pépin le Bref
LES CAROLINGIENS
LE SACRE DE PÉPIN LE BREF
Le sacre de Pépin le Bref
Le terme carolingien est issu de « Carolus », qui est à la fois le nom latin de Charles Martel (Carolus Martellus), le précurseur de cette dynastie, et celui de son petit-fils Charlemagne (Carolus Magnus), reconnu comme le plus célèbre des rois de cette lignée. En accord avec l’Église catholique, Pépin le Bref et son successeur Charlemagne furent à l’origine de grandes réformes dans les domaines religieux, administratifs, législatifs et éducatifs.
LE SACRE DE 751
En 750, Pépin obtient le titre de roi des Francs, titre reconnu par le pape Zacharie ; cependant il n’en a pas la légitimité divine. La séparation politique avec la dynastie mérovingienne en demande une nouvelle, religieuse celle-là. Celle qui doit faire consacrer par l’Église la succession naturelle de père en fils. Cette continuité est assurée par le sacre royal, dont l’onction puise son symbole dans celle du baptême de Clovis Ier (premier roi franc mérovingien, vers 500). L’onction, qui représente le sceau d’une alliance particulière entre l’Église et le roi des Francs, est également une référence aux anciens rois hébreux dans une période alors favorable à l’Ancien Testament.
Lire : le baptême de Clovis
En novembre 751, à Soissons, après l’élection de Pépin par l’assemblée des Francs, les évêques des Gaules le sacrent au nom de l’Église catholique. Ils lui donnent une onction en marquant son front avec de l’huile, le « Saint chrême », pour lui transmettre le Saint-Esprit (comme cela se faisait déjà lors d’une cérémonie chez les rois wisigoths de Tolède, ou comme l’onction des rois d’Israël dans la Bible). Par cette onction (probablement administrée par l’archevêque Boniface de Mayence), le roi des Francs est désormais investi par Dieu d’une mission de protection de l’Église.
De plus, le droit divin lui confère une sacralité, dont la traduction politique est de « diriger les peuples que Dieu lui confie selon le dogme catholique, au nom de l’Église ». Mais cette légitimité a un coût politique : celui de protéger et d’aider l’Église et celui qui la dirige, le pape Zacharie. Depuis Rome, celui-ci a donné son approbation au changement de dynastie.
Après avoir reçu les acclamations du peuple, Pépin se fait hisser sur le pavois, comme le veut l’usage germanique. L’élévation sous le pavois est un rite, une coutume : celle de montrer un chef en le portant haut dans la foule, debout sur un bouclier, pour que tous l’acclament et le reconnaissent comme chef.
LE SACRE DE 754, UNE CÉRÉMONIE FAMILIALE…
En 753, le pape Étienne II s’est trouvé confronté aux idées expansionnistes des Lombards, qui ont dans Rome de nombreux alliés, et qui revendiquent l’annexion du duché de Rome. Après plusieurs vaines tentatives de négociations avec leur chef Aistolf, les pourparlers subissent un échec.
Étienne II sait qu’il ne peut compter sur le soutien de son protecteur naturel, l’Empereur byzantin Constantin V. Celui-ci s’insurge ; il n’est pas d’accord. Il ne reconnaît ni la domination du pape sur l’Église chrétienne, ni ses droits sur les anciens territoires de l’Empire en Italie. D’après lui, ces territoires sont la propriété de l’Empire d’Orient et Pépin le Bref n’a aucune légitimité pour les céder au pape.
Alors désappointé, le Saint Père se tourne vers les Francs et fait part à Pépin le Bref de son intention de le rencontrer en France pour examiner, avec lui, la situation en Italie.
Le 28 juillet 754, le Saint-Père Étienne II renouvelle le sacre de Pépin le Bref. Cet acte solennel, trois ans après avoir été investi par les évêques, associe les fils de Pépin le Bref au sacre. Charles, le futur Charlemagne, et Carloman partagent la gloire de leur père en recevant eux-aussi l’onction divine. Le roi devient l’élu de Dieu, et par là-même toute la famille est légitimée pour régner sur le peuple franc.
En renouvelant le sacre du roi des Francs trois ans après que celui-ci s’est fait proclamer et investir par les évêques, Pépin le Bref va sceller l’alliance de la papauté avec la lignée carolingienne.
ÉTIENNE II FRANCHIT LES ALPES…
En plein hiver, bravant le froid, la neige et les crues des rivières alpines, franchissant les fleuves tumultueux et les sommets les plus difficiles, l’homme de Dieu ne s’arrêtera face à aucun obstacle, aucun danger… Il deviendra le premier pape à passer les Alpes !
Pour sa part, Pépin le Bref abonde en bienséance et en considération envers le souverain pontife, son prestigieux visiteur. Il envoie à sa rencontre les plus hautes personnalités religieuses du royaume, tel l’abbé Fulrad de Saint-Denis.
En Champagne, près de Langres, le pape est accueilli par le prince Charles, le futur Charlemagne, qui va avoir bientôt douze ans.
Le 6 janvier 754, à Ponthion, près de Vitry-le-François, le roi des Francs se présente en personne et s’avance vers le Saint-Père, descend de cheval, s’agenouille, puis attrape le cheval par la bride pour le guider.
Il reproduit ainsi le geste d’allégeance de l’empereur Constantin le Grand à l’égard du pape Sylvestre Ier.
En ce jour de l’Epiphanie, l’arrivée à Ponthion s’effectue dans l’allégresse générale, au milieu des hymnes et des cantiques.
Un tableau assez singulier se déroule dans l’oratoire du palais : c’est maintenant au tour du Saint-Père de s’agenouiller devant le roi des Francs. Etienne II le supplie de venir à son secours contre ces Lombards qui le menacent. S’ensuivent plusieurs entretiens entre les deux protagonistes, et un premier accord est conclu.
Le lendemain, ils font route vers Saint-Denis, où le souverain pontife s’installera pour l’hiver. (Les moines de l’abbaye de Saint-Denis ont participé à l’éducation de Pépin le Bref, et le roi des Francs y est très attaché).
PÉPIN, CARLOMAN, CHARLES ET BERTHE…
Le 28 juillet 754, Étienne II bénit un nouvel autel de l’abbaye de Saint-Denis, dédié aux Saints Apôtres. Enfin, il renouvelle le sacre de Pépin le Bref, donnant en même temps l’onction à ses deux jeunes fils, Charles et Carloman.
Puis, après avoir également oint et sacré la reine Berthe au Grand Pied, le pape « confirma de sa bénédiction, par l’esprit aux sept langes de feu, les premiers d’entre les Francs et leur enjoignit à tous, par la menace de l’interdit et la peine de l’excommunication, de ne jamais prétendre à l’avenir élire un roi né autre que ceux-là mêmes que la divine piété a jugé bon d’exalter et qu’elle a décidé, par l’intercession des Saints Apôtres, de confirmer et consacrer par la main du très saint pontife, leur vicaire ».
C’est ainsi que la dynastie carolingienne succède à celle des Mérovingiens. Suite à cette cérémonie solennelle, les Carolingiens, et eux seuls, sont légitimés par Dieu pour régner sur les Francs.
Pendant deux siècles, ils conserveront cette distinction royale accordée par le Saint- Père, le chef de l’église romaine lui-même.
LES CAROLINGIENS, DÉFENSEURS DE ROME
Ce transfert d’attribution signifie que le pontife change de protecteur. Pour le pape, il s’agit d’une forme d’adoption spirituelle. Lorsqu’il sollicite Pépin le Bref pour venir à son secours contre les Lombards, le Saint-Père lui écrit ce message : « Vous êtes mes fils adoptifs, venez arracher des mains de mes ennemis ma cité de Rome » (..) Vous que j’aime tant (…) soyez assurés qu’entre tous les peuples celui des Francs m’est particulièrement cher. » Désormais, c’est sur Pépin le Bref et ses fils que le Saint-Père compte pour défendre Rome. Le roi des Francs y mènera effectivement deux expéditions victorieuses au cours des deux années suivantes. Par la suite, Charlemagne s’appliquera avec ardeur à honorer la distinction de « Patricius romanorum ».
Sources :
Les rois de France des Éditions Atlas (Les Carolingiens).
Photos publiques Facebook
https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9pin_le_Bref