L’abbaye de Mazan

LES TÉMOINS DU PASSÉ

L’ABBAYE DE MAZAN

L’abbaye de Mazan

 

Blason de l’Ardèche

ORDRE : Cistercien.

L’Ordre Cistercien

Vers le 12ème siècle, l’ordre monastique clunisien est à son apogée. Il se manifeste ostensiblement par sa puissance, sa gloire, et sa richesse. Un moine, du nom de Robert de Molesme, décide alors de revenir à la règle stricte de Saint Benoît, écrite en 534. Celle-là même qui prône l’humilité, l’obéissance, la pauvreté, et le juste équilibre entre le travail et la prière.

L’Ordre cistercien

Ordre cistercien En 1098, Robert de Molesme fonde le monastère de Cîteaux, près de Dijon, qui donnera son nom au nouvel ordre (Cistercien). A partir de 1109, Étienne Harding codifie la règle cistercienne.

CULTE : catholique romain.

STYLE DOMINANT : roman.

En histoire de l’art, l’art roman est la période qui s’étend, en Europe, du début du 10ème siècle à la seconde moitié du 12ème siècle. Elle se situe entre l’art préroman et l’art gothique.

TYPE : abbaye.

FONDATION : 1120.

DÉBUT DE CONSTRUCTION : 1124.

FIN DE CONSTRUCTION : 1193.

DISSOLUTION : 1790.

DIOCÈSE : Viviers.

ÉTAT DE CONSERVATION : ruines.

ABBAYE MÈRE : Bonnevaux.

ABBAYES FILLES : Sylvanès, Le Thoronet, Sénanque, Bonneval.

PROTECTION DU SITE : classé sur la liste des Monuments Historiques le 26 juin 1946.

PROPRIÉTAIRE : propriété de la commune.

COMMUNE : Mazan-l’Abbaye.

DÉPARTEMENT : Ardèche.

RÉGION : Auvergne-Rhône-Alpes.

L’abbaye de Mazan

LOCALISATION

L’abbaye de Mazan, aujourd’hui en ruine, est une ancienne abbaye cistercienne située dans le village éponyme de Mazan-l’Abbaye. Le site se trouve dans le département de l’Ardèche, à plus de 1 100 mètres d’altitude, à 63,3 km du Puy en Velay, 81,4 km de Montélimar, et à 110 km de Valence.

DE LA NEIGE ! BEAUCOUP DE NEIGE !

Se rendre à Mazan-l’Abbaye par la route, en plein mois de décembre, ne fut pas chose facile. La route sinueuse et verglacée concentrait toute notre attention à travers des paysages de toute beauté, et une végétation cristallisée par le givre. Toute cette blancheur augmentait notre tension lorsque nous arrivâmes, ma compagne et moi, à l’approche du tunnel du Roux (3 336 mètres de long). Chose bizarre que je n’avais jamais vue auparavant : des portes basculantes réglementaient le passage de l’entrée. Dès la sortie du tunnel, le spectacle qui s’offrait à notre regard devint sublime : désormais nous allions faire les derniers kilomètres sur une route enneigée ; tout était d’un blanc immaculé autour de nous.

A l’approche de l’abbaye (il ne restait que quelques centaines de mètres d’après notre GPS), le site se découvrit dans toute sa splendeur par la route surplombant le monastère.

Vu de dessus, le spectacle était magnifique, mais loin de révéler les dimensions impressionnantes de l’abbaye. Il fallut s’approcher au plus près et repérer où garer notre véhicule.

Ne connaissant pas les lieux, dans un silence total de cathédrale, au milieu de toute cette blancheur envahissante, trouver un espace où stationner devint hasardeux.

Puis il fallut descendre à pied, éviter les glissades inopportunes, et enfin pénétrer dans cet univers claustral qui paraissait endormi. Une fois arrivés sur place, on put alors contempler à leur juste mesure ces bâtiments cisterciens qui semblaient oubliés, nichés dans la montagne… Mais au bout de notre périple, tous nos efforts furent récompensés…

PRÉSENTATION

De nos jours, il ne subsiste plus grand chose de la majestueuse abbaye de Mazan. Fondée au XIIème siècle près de Saint-Cirgues-en-Montagne, elle fut florissante au Moyen Âge grâce à ses nombreux domaines et dépendances en Ardèche.

Au cours des XIIème et XIIIème siècles, les dons de terres de la part des grands seigneurs vivarois affluent et les possessions de l’abbaye prennent un essor considérable. Des « granges », c’est-à-dire des domaines agricoles, voient le jour dans le Vivarais méridional. Les terres y sont plus productives et le climat moins rude que sur la Montagne.

L’abbaye possédait la plus belle et la plus grande église du Vivarais (52 m de longueur et 24 m de largeurs). Son influence va essaimer et fonder les monastères de Silvanès, Le Thoronet, Bonneval et Sénanque.

Ces quatre abbayes existent toujours et sont visitables aujourd’hui. A Mazan, ce n’est pas le cas. Le site est en ruine et affiche un tas de pierres, témoin d’un passé à la fois riche et mouvementé. En effet, l’abbaye a traversé les siècles en subissant les affres de la Guerre de Cent Ans, avec son lot de pillages et de dévastations. Là-dessus sont venues se rajouter les famines, engendrées par les hivers rigoureux et les épidémies de peste.

Lorsqu’éclatent les troubles de la Révolution Française, il ne reste plus que six moines dans le monastère. Les bâtiments sont dans un état de décrépitude déplorable…

HISTORIQUE

Les origines exactes de la fondation de l’abbaye de Mazan sont imprécises (1119 ou 1123 ?), et sujettes à de nombreux débats entre historiens. Les sources sont rares et de plus probablement apocryphes.

L’ESSOR

Il semblerait que la fondation du monastère se soit effectuée en référence à deux textes lacunaires :

– selon le premier, datant sans doute de 1122, des moines cisterciens seraient venus de l’abbaye de Bonnevaux (située en Dauphiné, près de Vienne) pour s’établir à Mazan.

– le deuxième est une charte rédigée en 1123 par l’évêque de Viviers Léger (connu aussi sous le nom de Léodegaire). Lors de la consécration, il atteste qu’il a installé, à Mazan, un groupe d’anachorètes venu de son diocèse.

En juillet 1123, l’évêque de Viviers consacre l’église abbatiale de Mazan. La charte de fondation de l’abbaye date de la même année. Il est probable que cette église, érigée entre 1119 et 1123, n’est pas celle dont nous voyons les vestiges aujourd’hui. Cette dernière a certainement été construite entre 1140 et 1150, et les bâtiments monastiques entre les années 1136 et 1217.

En 1217, le pape Honorius III, dans sa bulle de privilèges, recense les possessions de l’abbaye et montre avec quelle rapidité elle les a faites fructifier. Le pontife prend l’abbaye sous sa protection, et la détache de la juridiction de l’évêque de Viviers.

En 1285, le sénéchal de Beaucaire, Garin d’Amplepuys, fonde avec Foulques, abbé de Mazan, la ville de Villeneuve-de-Berg.

Ce patrimoine important va s’avérer très convoité lors des périodes de troubles. C’est ce qui obligera les moines à construire des fortifications pour s’abriter des routiers désœuvrés de la Guerre de Cent Ans.

LA CHUTE

En 1469, l’abbaye de Mazan, comme l’immense majorité des abbayes européennes, est placée sous le régime de la commende. Cela signifie que l’abbé qui gére le monastère n’est plus un religieux, mais un laïc, une personne extérieure. La plupart seront des seigneurs placés par le roi, qui s’intéresseront plus aux revenus de l’abbaye qu’à sa foi religieuse et spirituelle.

La commende : c’est l’usufruit d’un monastère, d’une église ou d’un évêché, accordé par le pape à un ecclésiastique ou à un laïc.

Il va s’ensuivre un relâchement de la règle, une baisse de la ferveur religieuse, la spoliation des richesses et des revenus du monastère, ainsi qu’une rapide décrépitude des bâtiments.

En 1661, on ne compte plus qu’une douzaine de moines vivant dans l’abbaye.

En 1790, ils ne sont plus que six lorsque l’assemblée nationale constituante fera fermer définitivement le monastère. Durant cette période, l’abbaye de Mazan, comme beaucoup d’autres maisons religieuses, deviendra une carrière de pierres.

Le 13 février 1790, l’Assemblée nationale ordonna la suppression des ordres religieux, annonçant ainsi la fin officielle de l’ordre de Cîteaux. Elle avait auparavant décrété que « tous les biens ecclésiastiques devenaient des biens nationaux » et étaient à la disposition de la nation. Tous les bâtiments de l’abbaye furent donc vendus. Quant aux quelques religieux encore présents à Mazan, ils demandèrent à retourner dans leur famille.

LE DÉMANTELEMENT

Au cours du XIXème siècle commence alors le dépeçage de l’abbaye…

En 1843, l’on entreprend la construction d’une nouvelle église paroissiale pour remplacer l’abbatiale, considérée par la population trop vaste, trop humide, et délabrée.

Elle est érigée sur l’emplacement de la boulangerie des moines. Avec l’accord de l’évêque de Viviers, on dépouille l’abbatiale de ses pierres. Cette action créera un précédent : les habitants viendront par la suite en faire de même pour bâtir leurs propres maisons. Bien entendu, les lauzes de couverture des toitures feront partie des matériaux récupérés en priorité.

L’ACHARNEMENT

Mais la destruction du bâtiment ne s’arrête pas là, et l’acharnement sur le malheureux sanctuaire continue… Malgré toutes les déprédations subies, les voûtes des nefs et la coupole du transept seront encore en place au début du XXème siècle.

En 1905, afin de terminer l’œuvre de démolition, on utilisera la dynamite pour effondrer la voûte ; uniquement pour des raisons de sécurité, dira-t-on à l’époque… Ce sera la manière la plus simple pour en finir définitivement, plutôt que de la restaurer…

Entre 1967 et 1980, les vestiges de l’abbatiale et la galerie ouest du cloître, miraculeusement épargnés, seront déblayés et renforcés.

Depuis peu, une partie des bâtiments conventuels, qui avaient servi d’habitation, a été désensevelie.

VUE GÉNÉRALE DE L’ABBAYE

L’abbaye sous la neige

L’ÉGLISE ABBATIALE

Cette immense église était probablement la plus belle du Vivarais. Elle comportait quatre travées voûtées en berceau brisé. Les collatéraux de la nef étaient étroits et voûtés par un berceau rampant qui la contrebutait. Une abside et deux absidioles s’ouvraient respectivement sur la croisée et les bras du transept. L’abside centrale avait une assise circulaire à l’intérieur, et polygonale à l’extérieur. La croisée du transept était surmontée par une coupole de faible hauteur.

Comme l’explique Robert Saint-Jean : « Afin de résister au rude climat de montagne, tous les parements extérieurs des murs de l’abbaye étaient construits en granit local, tandis que les parements intérieurs, les piliers, les arcs et les voûtes étaient taillés avec précision dans un tuf volcanique rouge et sombre, plus léger et meilleur isolant. […] »

Robert Saint-Jean naît en 1933 à Joyeuse (Ardèche) et meurt en juin 1992 à Montpellier. C’est un historien et archéologue médiéviste français

L’abbatiale sous la neige

La façade occidentale affichait deux longues baies cintrées à fort ébrasement intérieur, et dotées d’un grand oculus. Deux petites portes basses débouchant sur les collatéraux servaient de portail d’entrée.

Aujourd’hui, il ne subsiste principalement que l’abside principale et ses trois ouvertures, l’absidiole sud, et une seule travée voûtée du bas-côté sud. On distingue encore partiellement les murs nord et sud, et la façade ouest, jusqu’à l’assise de l’oculus.

En 1967 et 1968, des fouilles ont mis à jour, sur une hauteur de plus d’un mètre, les fondements des larges piliers cruciformes de la nef. Ils avaient été ensevelis par des monticules de gravats et d’alluvions.

Respectant fidèlement le modèle cistercien, l’abbaye était sobre, et ne possédait pas (ou peu) de décorations. A l’entrée de l’abside et des deux absidioles, on apercevait des colonnes surmontées par des chapiteaux décorés de feuilles lisses, encore visibles aujourd’hui.  On remarque quelques culots sculptés qui ont été préservés à la base des arcs des collatéraux.

NOTRE DAME DE L’ASSOMPTION

LE CLOÎTRE

Après avoir été démantelé et démoli aux trois quarts, le cloître servit par la suite de cimetière communal. En 1972-1973, il fut incomplètement déblayé et renforcé par Robert Saint-Jean. Seule la galerie ouest et le pavillon du lavabo, dans l’angle sud-ouest, ont été conservés.

Le cloître sous la neige

Robert Saint-Jean décrit ainsi cette galerie occidentale : « Voûtée en berceau brisé, elle aligne sur 28 mètres sept arcades géminées qui reposent alternativement sur des piliers carrés et des colonnes jumelées toutes disparues, mais dont des éléments, fûts et chapiteaux, ont été retrouvés au cours des travaux. Construits en granit, ces piliers sont cantonnés de minces colonnettes engagées taillées dans la masse. […] Leurs petits chapiteaux, pris également dans la masse du pilier, sont ornés de motifs très simples, traités en faible relief : feuilles stylisées, palmettes, oiseaux affrontés, petit masque ». 

On remarque que cette galerie est composée en pierre volcanique. Tout au long de son soubassement, on distingue une fine corniche en grès. On a conservé, à l’angle sud-ouest de la galerie, la salle du lavabo. Il est surmonté d’une voûte en croisée d’ogives, qui vient reposer sur quatre culots. Il en existe encore deux en place ; ils affichent deux des quatre évangélistes : le taureau (Luc) et l’ange ou l’homme (Mathieu).

En 1972, des fouilles ont été réalisées par Robert Saint-Jean sur les vestiges de la galerie nord du cloître, entièrement démolie. Ses recherches ont mis à jour deux enfeus funéraires (probablement des tombeaux des abbés et des seigneurs locaux).

Enfeu : caveau ou niche aménagé dans l’épaisseur d’un mur, pour y placer un cercueil ou une urne funéraire.

LES CHAPITEAUX DU CLOÎTRE

BÂTIMENTS EN RUINE & VESTIGES

Vestiges sous la neige

LA TOUR CARRÉE

La tour carrée sous la neige

LES ANNEAUX D’OR DE FELICE VARINI…

Les anneaux d’or sous la neige

FELICE VARINI, L’HOMME QUI A DONNE LA PAROLE A LA PIERRE

Ce sont des cercles dorés à la feuille d’or qui, saisissant la lumière, s’étalent sur toute la surface d’un monument, ou seulement sur un tas de pierres en ruine. Le spectacle est éblouissant. L’abbaye se couvre de ces immenses cercles d’or qui enveloppent les bâtiments, enjambent même les toitures, en reliant les vestiges les uns aux autres.

Lorsqu’on les contemple en arrivant par la route, on surplombe le spectacle. On a l’impression que les anneaux de lumière traversent le paysage, rendant la vision féerique.

Sources :

Mes photos

Photos publique Facebook

Saint-Jean Robert, Vivarais-Gévaudan romans, éd. Zodiaque, 1991.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_de_Mazan

https://monumentum.fr/abbaye-pa00116728.html

https://www.ardeche-guide.com/lieux-de-visites/sites-monuments-historiques/abbaye-de-mazan-70129

https://www.hebdo-ardeche.fr/actualite-11517-la-legende-du-tresor-de-mazan

https://www.patrimoine-ardeche.com/visites/mazan.htm

https://www.arts-spectacles.com/Mazan-l-Abbaye-Ardeche-Mazan-l-abbaye-aux-cercles-d-or-oeuvre-de-Felice-Varini-dans-le-cadre-de-Partage-des-eaux-2017_a12964.html

 

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1 réponse

  1. Albert LAMAT dit :

    Bel article et très complet. L’importance et le poids de l’abbaye nous semble impossible dans la situation géographique et financière actuelle.

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