La Croisade des Albigeois – Raymond-Roger de Foix
La Croisade des Albigeois
(1208-1244)
Raymond-Roger de Foix
(1152/1155-1223)
GRANDES FIGURES DE LA CROISADE DES ALBIGEOIS
Albigeois : nom donné au 12ème siècle aux cathares du Languedoc
PROLOGUE
LE CATHARISME, UNE MENACE POUR L’ÉGLISE ET POUR LE ROI
Vers le milieu du 12ème siècle, alors que l’Europe est dominée par une profonde et ardente foi catholique, le Midi toulousain est gagné par une hérésie toute aussi enflammée, le Catharisme. Cette nouvelle religion, qui apparaît vers le 12ème siècle dans les Balkans, s’appuie essentiellement sur une dualité. Ses disciples, « les Parfaits », croient en deux principes divins opposés : d’une part un monde spirituel avec un Dieu bon, celui de l’Évangile, et de l’autre un monde matériel et corrompu avec un prince du mal et des ténèbres, Dieu de l’Ancien Testament. Les valeurs morales et l’austérité de ses adeptes contrastent avec l’opulence et le relâchement des représentants de l’Église catholique. Les cathares rejettent les sacrements, les indulgences, le purgatoire et le culte des saints. Ils ne glorifient point le sacrifice de la croix, et ne reconnaissent pas le pape comme le successeur légal des apôtres. Refusant le concept de propriété et condamnant le serment, ils sont considérés comme subversifs par la société féodale et par la royauté. Les fondations du christianisme vont chanceler, au point de décider le pape Innocent III à déclarer les « Bons Hommes » et les « Bonnes Dames » hérétiques.
Comté de Toulouse
En France, lorsque les croyances cathares apparaissent, la chrétienté est partagée au sein de l’Église et une grande divergence d’idées demeure entre les Français du Nord et les gens du Midi. Alors que ceux du Nord admettent la foi catholique romaine, dans les régions du Sud l’on a adopté l’« arianisme »depuis les premières heures du christianisme. Cette disparité va opposer le Languedoc à l’autorité de Rome, et faire de lui un foyer où les hérésies et les schismes vont se développer sans contrainte.
L’ÉTINCELLE
C’est vers le début du 13ème siècle, en 1204, que le pape Innocent III demande au roi Philippe Auguste (Philippe II) de mener une croisade contre les hérétiques cathares du Languedoc. Pour mener à bien la lutte contre cette nouvelle religion qui fait vaciller les dogmes de l’église catholique, le pape nomme dans cette région les légats apostoliques, Pierre de Castelnau et Arnaud Amaury. Le sud de la France va alors s’embraser dans une guerre fratricide, qui opposera ses habitants et ses seigneurs aux forces de l’Église Catholique qui ont pris la Croix. Plus connue sous le nom de Croisade des Albigeois, cette guerre dévastera le midi et durera plus de 30 ans. La région sera dévastée, pillée et ruinée. Les années de destructions et de combats vont plonger le pays dans la famine et l’appauvrissement. Avec autant de morts et de désolation, peut-on parler de génocide ? Même de nos jours, il est difficile de faire ressortir un véritable coupable de cette triste page de notre histoire.
PREMIER APPEL A LA CROISADE
L’expédition porte officiellement le nom d’«Affaire de la Paix et de la Foi» (en latin, negotiumpacis et fidei).
Innocent III promet les mêmes indulgences que pour un pèlerinage à Jérusalem. Philippe II refuse la proposition ; il est trop occupé dans son combat avec les Plantagenêts et ne prend pas part à la croisade contre l’hérésie cathare. Il préfère se tenir en retrait, ne voulant pas écorner son image en guerroyant contre des gens qui sont ses sujets. Il n’est pas d’accord avec le pape qui s’apprête à s’investir dans une affaire intérieure au pays, et il le lui fait savoir. Mais il accorde néanmoins sa bénédiction à ses vassaux et ne s’oppose pas à ce que l’abbé Guy des Vaux-de-Cernay recrute parmi les barons du nord.
Le légat pontifical Pierre de Castelnau essaie alors de se tourner vers Raymond VI de Toulouse, afin que celui-ci prenne la tête d’une force armée destinée à soumettre l’hérésie cathare. Mais le comte de Toulouse, descendant du notoire Raymond IV de Saint-Gilles, chef de la Première Croisade en terre sainte, réfute l’offre du pape, arguant qu’il ne veut pas combattre ses propres sujets. Jugé trop complaisant envers les ennemis de l’Église, il sera excommunié. Fait inédit dans l’Histoire, pour la première fois une croisade est dirigée contre des disciples du Christ. Cet événement ne semble pas troubler les contemporains de cette époque ; il est vrai que l’hérésie cathare ne peut être tolérée.
Le choix d’Innocent III va se porter sur Simon de Montfort, un petit seigneur d’Île-de-France. Ce dernier va mettre le Languedoc à feu et à sang.
LES CROISES SUR LES ROUTES DU LANGUEDOC
CHRONOLOGIE
PRELUDE
– 5 février 1205 : Folquet de Marseille (1155-1231) devient évêque de Toulouse.
– 1206 : Dominique de Guzman, futur « Saint Dominique », (né en 1170 à Caleruega, non loin de Silos en Castille, et mort à Bologne le 6 août 1221). Il s’établit à Notre-Dame de Prouilhe, à Fangeaux, dont il deviendra le curé en 1214. Il ouvrira un refuge destiné à recevoir les femmes cathares après leur conversion.
1207
– Printemps 1207 : lors d’une rencontre avec des Cathares, Dominique parvient à les convertir.
– 29 mai 1207 : accusé d’être complaisant à l’égard des Cathares, Raymond VI de Toulouse est excommunié par Pierre de Castelnau, légat du pape Innocent III ; ce dernier jette l’interdit sur ses terres.
– mai 1207 : Innocent III confirme par lettre la sentence d’excommunication de Raymond VI de Toulouse.
LA CROISADE DES BARONS DU NORD
1208
– janvier : Raymond VI requiert vainement le pardon de l’Église.
– 14 janvier : alors qu’il traverse le Rhône près de Saint-Gilles à Trinquetailles, le légat Pierre de Castelnau est assassiné par un homme à la solde du comte de Toulouse. Cet événement est considéré comme le déclencheur de la Croisade des Albigeois.
– 10 mars : Pierre de Castelnau est canonisé. (Bulle d’Innocent III contre les assassins de Pierre de Castelnau). Toutes les tentatives du pape pour ramener les hérétiques au sein de l’Église catholique ont échoué. A la cour de France comme à Rome, on est décidé à mettre un terme aux ambitions d’indépendance du Languedoc.
RUINE ET DÉVASTATION DU MIDI
1209
– 22 juillet : prise de Béziers, la population est massacrée. On dénombrera entre 20 000 et 30 000 morts.
– 1er août : début du siège de Carcassonne. Tentative de médiation, sans succès, de Pierre d’Aragon entre Raimond-Roger Trencavel et les croisés d’Arnaud Amaury.
– 15 août : capitulation de Carcassonne privée d’eau. Raimond-Roger Trencavel est fait prisonnier et enfermé dans une de ses propres basses-fosses.
– fin août : à l’instigation d’Arnaud Amaury, Simon de Montfort prend la tête de la croisade. Il devient le nouveau vicomte de Carcassonne, Béziers, Albi et Razès.
– En automne : la « quarantaine » (service militaire obligatoire de 40 jours) s’achève pour un grand nombre de croisés, et les rangs de l’armée du Christ se disséminent. La résistance occitane en profite pour se réorganiser. Les « faydits » désertent leurs bastions, devenus vulnérables, pour gagner les forteresses de montagne difficiles à investir.
SIMON DE MONTFORT, LE LION
– Septembre : reddition de Fanjeaux.
– Septembre : les habitants de Castres font allégeance à Simon de Montfort.
– Prise de Pamiers au Comte de Foix, Raimond-Roger de Foix.
1211
CONCILE DE MONTPELLIER
En 1211, le concile se réunit à Montpellier pour statuer sur le cas du Comte de Toulouse. Bien que Raymond VI se soit rallié à la croisade, les faveurs du synode ne penchent toujours pas de son côté. L’assemblée, réunie pour la circonstance, maintient donc sa sentence d’excommunication envers lui. Cette décision est assortie d’une charte qui devra être respectée point par point par le Comte de Toulouse et ses descendants. Cette pénitence est qualifiée de « Charte Infâme » par les Toulousains.
– avril : bataille de Montgey.
Victoire des troupes du Comté de Foix, placées sous les ordres de Raymond-Roger de Foix, face aux forces de l’armée croisée.
– 3 mai : prise de la forteresse de Lavaur par Simon IV de Montfort. 400 cathares périssent sur le bûcher.
Bûcher cathare
La guerre devient impitoyable ; bûchers et massacres se multiplient. Avec la prise de Lavaur on atteint un sommet dans la cruauté. Les 80 défenseurs de la ville sont pendus, la dame de Lavaur (Guiraude de Lavaur, dite aussi Guiraude de Laurac), figure emblématique de la résistance des Albigeois, bonne catholique, est livrée aux soudards, puis jetée, poignets liés, dans un puits. Les 400 « Parfaits » qui ont refusé de renier leur foi sont brûlés sur un bûcher ; il sera le plus important de la croisade. On les enjoindra vainement à se convertir, et, comme à Minerve, ils iront à la mort en chantant.
– 5 juin : Raymond II Trencavel abandonne tous ses droits sur Carcassonne et Béziers à Simon IV de Montfort.
– 15 juin : l’armée des croisés bat celle du comte de Toulouse devant la ville de Toulouse. Simon IV de Montfort commence le siège de la ville.
– 29 juin : Simon IV de Montfort quitte le siège de Toulouse et, en représailles, part ravager le comté de Foix.
– Septembre : premier siège de Castelnaudary.
Victoire des Croisés de Simon IV de Montfort face aux troupes assiégées de Raymond VI de Toulouse.
1212
– Guy des Vaux de Cernay devient évêque de Carcassonne.
– Arrivée dans le Languedoc de Pierre des Vaux de Cernay (chroniqueur de la Croisade des Albigeois). Il a participé à la 4ème croisade (1202-1204) ; il est le neveu de Guy des Vaux de Cernay.
– Avril : Simon IV de Montfort reçoit des nouveaux renforts et se lance à la conquête de l’Albigeois et du Quercy.
– Les armées croisées sont victorieuses à Montcuq, Moissac, Castelsarrasin et Agen.
– Printemps : Chute de Puylaurens. Les croisés dominent la Gascogne et le Béarn.
– Retour d’Arnaud Amaury comme archevêque de Narbonne.
– A Pamiers, Montfort décrète l’abrogation des coutumes du pays d’oc au profit de celles du nord de la France.
– Eté : Simon IV de Montfort conquiert l’Agenais.
– 25 juillet : Montfort s’empare de Penne-en-Agenais. Après un siège de 50 jours, la ville capitule.
– Décembre à Pamiers : Simon IV de Montfort fait rédiger une charte, « les statuts de Pamiers ». C’est une abrogation des coutumes civiles et religieuses des régions annexées dans le Midi au profit de celles du nord de la France.
1213
– 12 septembre : bataille de Muret (Haute Garonne).
Victoire des troupes croisées de Simon IV de Montfort, sur celles de Pierre II d’Aragon le catholique, du Comte de Toulouse Raymond VI, de Raymond Roger Comte de Foix, et de Bernard IV de Comminges. Le roi d’Aragon, Pierre II, perdra la vie lors du combat.
En sortant victorieux de la bataille de Muret, Simon IV de Montfort annonce les débuts de la domination française sur l’Occitanie, et la fin des prétentions territoriales de la couronne d’Aragon au nord.
1214
– La région de Foix est à nouveau saccagée. Raymond Roger, Comte de Foix, se soumet à l’Église. Son château est investi et concédé en gage au légat du pape qui le donnera, par la suite, à Simon de Montfort.
– Avril : le pape ordonne l’arrêt des combats. Nouvelle cessation des hostilités à la demande d’Innocent III. En novembre, le futur Concile de Latran décidera du sort du Languedoc.
– juin : Simon de Montfort s’empare de Marmande, Casseneuil, et rétablit son autorité sur l’Agenais.
1215
– 8 janvier : le Concile de Montpellier attribue provisoirement les biens de Raymond VI de Toulouse à Simon IV de Montfort.
– Dominique de Guzman, futur « Saint Dominique », chargé par le pape d’extirper définitivement l’hérésie cathare, fonde l’Ordre des dominicains.
– Toulouse accueille le premier contingent de frères prêcheurs, fondé par le futur saint Dominique.
– 11 novembre : ouverture du 4ème Concile de Latran.
– Appel du pape à la 5ème croisade vers l’Égypte (1217-1221).
– 30 novembre : clôture du 4ème Concile de Latran.
– 15 décembre : à l’issue du Concile de Latran, le pape Innocent III lègue définitivement le comté de Toulouse, le duché de Narbonne, les vicomtés de Carcassonne et de Béziers à Simon IV de Montfort. Le marquisat de Provence est donné à Raymond VII de Toulouse, le fils de Raymond VI de Toulouse.
LE CONCILE DE LATRAN
1216
16 juillet : mort du pape Innocent III.
1217
– Eté : raids de Simon IV de Montfort dans l’Ariège.
-Juillet : l’armée de Simon IV de Montfort part guerroyer dans la vallée du Rhône contre le comte de Valentinois, Aymar II de Poitiers. Le chef des croisés se bat du côté de Viviers, Montélimar puis assiège Crest.
– septembre : siège de Toulouse.
Profitant de l’éloignement de l’armée du Nord, les Toulousains se révoltent et demandent de l’aide à Raymond VI. Le Comte, bientôt rejoint par son fils Raymond VII, parvient à s’infiltrer dans la ville, où il organise sa résistance. Rappelé en catastrophe, Simon IV de Montfort rejoint son frère Guy de Montfort qui vient de débuter le siège de la ville.
1218
– 25 juin : percuté par un projectile lancé par une pierrière actionnée par des femmes, Simon IV de Montfort décède aux pieds des remparts de Toulouse.
– 26 juin : Amaury de Montfort succède à son père à la tête des armées du Nord.
– 25 juillet : levée du siège de Toulouse ; Amaury de Montfort se replie sur Carcassonne.
1221
– prise de Montréal par Raymond-le-Jeune.
– prise de Minerve par Raymond-Roger de Foix.
– 6 août : mort de Dominique de Guzman (Saint Dominique).
VERS LE RATTACHEMENT DU LANGUEDOC A LA COURONNE ?
1222
– 2 août : mort de Raymond VI de Toulouse ; son fils Raymond VII lui succède. Ce dernier va continuer de guerroyer contre les armées croisées d’Amaury de Montfort afin de récupérer son héritage. Il demandera au roi de France Philippe II, Auguste, de lui en accorder la légitimité.
– Roger-Bernard de Foix continue la lutte et reprend Fangeaux, Limoux et Pieusse.
1223
– 27 mars : mort de Raymond-Roger, Comte de Foix, allié du Comte de Toulouse.
– 3 avril : Roger-Bernard II, Comte de Foix, lui succède.
Raymond Roger de Foix
(1152/1155-1223)
NAISSANCE ET FAMILLE
Raymond Roger de Foix naît vers 1152 et meurt le 27 mars 1223 à Mirepoix. Il est le fils de Roger-Bernard 1er de Foix (1120-1188) et de Cécile Trencavel (1130-1188). Sa sœur, Esclarmonde de Foix, sera une grande figure du catharisme.
DYNASTIE
Maison de Foix.
TITRES
Il est le 6ème Comte de Foix.
MARIAGE ET DESCENDANCE
Raymond Roger de Foix épouse vers 1189 Philippa de Moncade (1170-1222). De cette union naîtront :
– Roger-Bernard II de Foix, Comte de Foix (1195-1241).
Il épousera en mai 1241 Ermessinde de Castelbon. En 1270, elle et son père (Arnaud 1er de Castelbon-Cerdagne) seront jugés coupables d’hérésie à titre posthume par l’Inquisition aragonaise. Ils seront tous deux exhumés et brûlés.
– Esther de Foix (1195- ?)
– Cécile de Foix (1200- ?)
SON ACTION
Prince catholique, Raimond Roger, Comte de Foix, n’en demeurera pas moins complaisant envers la poussée de l’hérésie cathare sur ses terres. C’est d’ailleurs avec son consentement que le château de Montségur sera restauré en 1204. De plus, il a des attaches familiales proches des hérétiques : sa sœur Esclarmonde de Foix est une Cathare. Son épouse, Philippa de Moncade (1170-1222), est responsable depuis 1206 de la maison de Dun dans les Pyrénées. Cet établissement, réservé à l’éducation des jeunes filles, est en effet un repaire pour les « parfaites », et sert de retraite aux ministres du culte et de l’enseignement cathare.
En 1191, Raymond Roger de Foix suit Philippe II en terre sainte et participe à la 3ème Croisade (1189-1191). Il se distingue lors de la prise de Saint-Jean d’Acre.
Par sa complaisance envers les Cathares, Raymond Roger de Foix sera vite suspecté d’hérésie. Mais il sera lavé de tout soupçon. En 1207 il assistera au Colloque de Pamiers, le dernier débat contradictoire entre Cathares et Catholiques.
Dès la prise de Carcassonne par Simon de Montfort, le 15 août 1209, il prend faits et causes contre les seigneurs du Nord et se rallie aux Comtes de Toulouse. Il s’opposera ainsi à l’invasion du Languedoc par les croisés pendant toute la Croisade contre les Albigeois.
Après la perte de Pamiers face aux troupes de Simon de Montfort, il s’empare de Preixan.
En avril 1211, il est victorieux à la bataille de Montgey.
En 1221, il reprend Minerve.
En 1212, son château résiste à quatre sièges, et la région de Foix est à nouveau saccagée. Raymond Roger, Comte de Foix, finit par se soumettre à l’Église. Son château est investi et concédé en gage au légat du pape, qui le donnera par la suite à Simon de Montfort.
Raymond Roger de Foix ne reprendra possession de son château qu’en 1218.