Les Témoins du Passé – L’abbaye de Noirlac

LES TÉMOINS DU PASSÉ

L’ABBAYE DE NOIRLAC

Blason de la ville de Bruère-Allichamps

 

Blason du département du Cher

STYLE : roman et gothique cistercien.

CULTE : chrétien.

TYPE : abbaye.

ABBAYE MÈRE : abbaye de Clairvaux.

LIGNÉE DE : abbaye de Clairvaux.

ABBAYE FILLE : aucune.

FONDATION : 1136.

DÉBUT DE CONSTRUCTION : milieu du XIIème siècle.

FIN DE CONSTRUCTION : XIVème siècle, rénovation au XVIIIème siècle.

PÉRIODES DE CONSTRUCTION : XIIème siècle ; XIIIème siècle ; XIVème siècle ;1ère moitié XVIIIème siècle.

PROTECTION : classement sur la liste des Monuments Historiques en 1862.

PROPRIÉTAIRE : le département du Cher.

Blason du département du Cher

SITUATION

L’abbaye cistercienne de Noirlac est située sur la commune de Bruère-Allichamps, dans le département du Cher, en région Centre-Val de Loire.

Centre-Val de Loire

L’ORDRE CISTERCIEN :

Vers le 12ème siècle, l’ordre monastique clunisien est à son apogée, et se manifeste ostensiblement par sa puissance, sa gloire, et sa richesse. Un moine du nom de Robert de Molesme décide alors de revenir à la règle stricte de Saint Benoît, écrite en 534. Celle-là même qui prône l’humilité, l’obéissance, la pauvreté et le juste équilibre entre le travail et la prière. En 1098, ce dernier fonde le monastère de Cîteaux, près de Dijon, qui donnera son nom au nouvel ordre (Cistercien). A partir de 1109, Étienne Harding codifie la règle cistercienne.

PRÉSENTATION

De toutes les abbayes cisterciennes implantées sur le diocèse de Bourges, seule l’abbaye de Noirlac a traversé sans encombre les époques troubles de l’Histoire pour nous parvenir, jusqu’à aujourd’hui, en parfait état de conservation. Elle est considérée comme l’un des plus beaux ensembles monastiques de France. Elle a été acquise en 1909 par le département du Cher. Depuis 1950, elle a fait l’objet d’une restauration complète dans le respect de la vocation originelle des bâtiments. Son architecture dépouillée est conforme à la doctrine fondée sur l’ascétisme des moines cisterciens fondateurs.

L’ascèse ou ascétisme (nom féminin) est une contrainte consentie du corps et de l’esprit ayant pour but d’atteindre une perfection. L’ascèse est généralement rattachée à diverses religions, mais sa pratique n’est pas limitée à celles-ci.

À l’origine du terme « ascèse », le mot grec askêsis, signifiant « exercice » ou « entraînement », s’appliquait à de nombreuses activités, notamment à l’athlétisme. Sa définition était alors exclusivement physique.

Au 5ème siècle apparaît, à travers le latin, le mot asceta ou asceteria, signifiant « moine-religieuse », « monastère-couvent ». C’est ainsi que naît le mot moderne d’ascèse.

Parmi les disciplines de l’ascèse, quelques-unes s’appuient sur la privation pour atteindre une maîtrise spirituelle (comme la mortification et l’abstinence sexuelle). En outre, certaines règles de vie alimentaires se rajoutent à la pratique, comme le jeûne et l’absence de consommation de drogue et d’alcool.

L’abbaye a traversé des périodes mouvementées et s’est transformée suivant les nécessités de l’époque. Elle est devenue successivement monastère, manufacture, hôpital de campagne (cantonnement à Noirlac, en 1918, du corps expéditionnaire américain), lieu d’accueil pour réfugiés (en 1936, l’abbaye abrite des réfugiés républicains espagnols), et en 1939, elle reçoit les vieillards de l’hospice de Saint-Amand-Montrond… Autant d’usages qui prouvent sa capacité d’adaptation aux besoins de son temps.

Par la volonté du Conseil départemental du Cher (suivi par l’État et la Région Val-de-Loire), l’abbaye de Noirlac demeure un lieu de vie ouvert sur son époque. La force du monument, la cohérence de son architecture sauvegardée associée à la beauté de son environnement, sont au service d’un projet fondé sur l’innovation et le développement territorial.

Le silence, un silence au service de l’écoute, occupait une place majeure dans la vie cistercienne. A l’heure où les tentations de la vie moderne occupent une place prépondérante dans notre espace et dispersent notre attention, il constitue un enjeu sociétal de premier ordre.  C’est pour cette raison que l’écoute, et plus largement le « fait sonore », sont au premier plan du projet culturel et artistique du Centre culturel de rencontre.

Noirlac est un lieu d’hospitalité, de partage et d’attention ; un lieu hors du temps…et pleinement de son temps ! 

L’abbaye de Noirlac est actuellement un centre culturel de rencontres, membre du réseau européen des centres de rencontre. Elle est membre de la Charte des Abbayes et Sites Cisterciens d’Europe.

Blason de la ville de Bruère-Allichamps

 HISTORIQUE

1136 : installation de la première communauté cistercienne venue de l’abbaye de Clairvaux (Aube) au lieu-dit « la Maison-Dieu ».

1150 : donation d’Ebbe de Charenton (1110-1164) au profit des moines. La construction d’une abbaye peut enfin être envisagée.

A la demande de Pierre de La Châtre, alors archevêque de Bourges et primat d’Aquitaine, la donation d’Ebbes V de Charenton est confirmée en 1159 par Agnès, femme d’Ebbes.

L’abbaye de Bussières, qu’ils avaient fondée pour les moniales, est rattachée à l’abbaye de Noirlac.

En 1189, Ebbes VI de Charenton, fils du fondateur, confirme les donations de son père. Il fera d’autres donations à la demande de l’archevêque de Bourges, Henri de Sully.

Entre 1150 et 1160 sont achevés la construction du chœur, du transept et des deux dernières travées de l’église.

Entre 1170 et 1190 : construction du mur de l’église longeant le cloître, de la salle capitulaire, de la salle des moines et du dortoir des moines, au premier étage à l’est du cloître. Enfin, construction du bâtiment des convers, à l’ouest du cloître.

1189 : la donation est confirmée par un acte notarié. L’abbaye prospère. Elle perçoit dîmes, rentes et revenus seigneuriaux.

Dîme : ancien impôt versé à l’Église qui était prélevé sur les récoltes (de fraction variable, parfois le dixième).

1290 : l’abbaye prend le nom de Noirlac (à cause de l’étang qui la bordait).

GUERRE DE CENT ANS

Guerre de Cent Ans : conflit qui opposa la France et l’Angleterre de 1337 à 1453 (entrecoupé de nombreuses trêves).

1423 : pour la protéger des bandes armées qui dévastent la région, l’abbaye est fortifiée. On construit un donjon entouré de douves dans le prolongement du cellier.

Pendant la guerre de Cent Ans, le Berry et le monastère sont fréquemment mis à sac. Ainsi, de 1358 à 1360, les soldats commandés par le capitaine anglais Robert Knolles (1325-1407) occupent le monastère. D’autres troubles sont dus aux Grandes compagnies, puis aux Écorcheurs et à la Praguerie.

La Praguerie (de février à juillet 1440) est un soulèvement armé des princes de France contre les réformes militaires du roi Charles VII ; le dauphin, le futur Louis XI, faisait partie des révoltés. Cette insurrection est d’une grande importance dans l’histoire du règne de Charles VII, car elle survient juste au moment où celui-ci établit enfin son autorité. Elle marque une nette transition entre une France médiévale et une France moderne.

Les historiens lui ont donné le nom de Praguerie, en référence aux guerres civiles de la bohême Hussite, à Prague, avec lesquelles la révolte des princes français affiche de nombreuses similitudes.

Lire : Mercenaires, routiers et écorcheurs au Moyen Âge.

Fin du XVème siècle : la communauté de Noirlac traverse une crise morale profonde. On signale un moine apostat (qui a renié ses vœux) ainsi qu’un meurtrier.

LA COMMENDE

La commende : c’est l’usufruit d’un monastère, d’une église ou d’un évêché, accordé par le pape à un ecclésiastique ou à un laïc.

1530 : Noirlac est placé sous le régime de la commende. Son abbé sera désormais nommé par le roi hors de la communauté (et non plus par le chapitre).

DES ABBÉS COMMENDATAIRES

Le concordat de Bologne est signé à Rome le 18 août 1516, lors du Vème concile du Latran, entre le pape Léon X et le chancelier Antoine Duprat, qui représentait le roi de France François Ier. Il régit les relations entre l’Église catholique romaine et le roi de France jusqu’en 1790. Il donne au roi de France dans son royaume un pouvoir sur l’Église, privilège dont ne disposait aucun autre souverain catholique jusqu’alors.

LA FRONDE

La Fronde (1648-1653) est une période de troubles graves qui frappent le royaume de France alors en pleine guerre avec l’Espagne (1635-1659), pendant la minorité du roi Louis XIV. Cette période de révoltes marque une brutale réaction face à la montée de l’autorité monarchique en France, commencée sous Henri IV et Louis XIII, renforcée par la fermeté de Richelieu, et qui connaîtra son apogée sous le règne de Louis XIV.

1651-1652 : les bâtiments sont gravement endommagés dans les combats opposant troupes royales et partisans du Prince de Condé (propriétaire de la forteresse de Saint-Amand-Montrond qui sera assiégée pendant onze mois).

1712 : des travaux de reconstruction sont entrepris. L’aile des moines est profondément remaniée.

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

La Révolution française désigne une période de bouleversements sociaux et politiques de grande importance en France, dans ses colonies et en Europe à la fin du XVIIIème siècle. Sa durée s’étend entre l’ouverture des États généraux, le 5 mai 1789, et au plus tard du coup d’État de Napoléon Bonaparte le 9 novembre 1799 (18 brumaire de l’an VIII).

1791 : les biens de la noblesse et du clergé sont confisqués comme biens nationaux et revendus à des particuliers. L’abbaye est cédée au titre des Biens Nationaux à Aimable Desjobert, pour la somme de 150 000 livres.

1822 : l’abbaye est transformée en manufacture de porcelaine, qui sera rattachée à partir de 1854 au groupe (Pillivuyt), porcelainier de Foëcy. Les bâtiments conventuels se transforment en ateliers, logements, fours et entrepôts.

1837 : Prosper Mérimée visite l’abbaye.

1860 : l’abbaye est classée sur la liste des Monuments Historiques.

1894 : première remise en état. L’abbé Pailler, qui se rend propriétaire des lieux, élimine les installations industrielles avec l’intention d’y construire un orphelinat ; son projet n’aboutira pas.

1909 : acquisition de l’abbaye par le département du Cher.

DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE A NOS JOURS

1918 : campement à Noirlac du corps expéditionnaire américain.

1939 : Noirlac abrite des réfugiés espagnols. (Guerre d’Espagne : du 17 juillet 1936 au 1er avril 1939).

1940 : Noirlac abrite les vieillards de l’hospice de Saint-Amand-Montrond.

1950 : la restauration du site est entreprise par les architectes des Monuments Historiques Michel Ranjar et Pierre Lebouteux.

1977 : création des vitraux contemporains de l’église et du réfectoire par Jean-Pierre Raynaud.

1980 : fin des travaux de restauration.

2008 : labélisation nationale de l’abbaye en Centre culturel de rencontre.

Blason de la ville de Bruère-Allichamps

LE PLAN

La construction de l’abbaye de Noirlac est fidèle au plan type des abbayes cisterciennes. Les bâtiments sont répartis autour du cloître (2) qui en est le cœur.

– A l’Ouest, le quartier des convers. C’étaient des laïcs convertis qui prononçaient des vœux sans être tonsurés. Ils trouvaient au sein de la communauté le gite, le couvert et la sécurité en échange de leur travail, sur les terres agricoles du monastère, à l’extérieur de l’enceinte.

– Au rez-de-chaussée, mitoyen avec le cellier (1), leur réfectoire et leur cuisine aujourd’hui disparus, et à l’étage, leur dortoir (8).

– A l’Est, l’aile dédiée aux moines, dont l’existence était consacrée à la prière et au travail intellectuel, à l’intérieur de l’enceinte.

– Au rez-de-chaussée, la salle capitulaire (4).    

– A l’étage, leur dortoir (7).

– Au Nord, l’église abbatiale, centre de la vie spirituelle (3).

– Au Sud, les bâtiments dédiés aux activités corporelles avec la salle des moines (5), leur réfectoire (6), les cuisines, les latrines aujourd’hui disparues.

1 – Le cellier.

2 – Le cloître.

3 – L’église abbatiale.

4 – La salle capitulaire.

5 – La salle des moines.

6 – Le réfectoire.

7 – Le dortoir des moines (à l’étage).

8 – Le dortoir des convers.

Blason de la ville de Bruère-Allichamps

L’ABBAYE DE NOIRLAC

LES EXTÉRIEURS

FAÇADES OUEST

FAÇADES EST

La façade orientale de l’abbaye est de nos jours très différente de ce qu’elle était au Moyen Âge. Les petites ouvertures plein cintre ont laissé la place au XVIIème siècle à des portes et des grandes fenêtres. La partie orientale de l’édifice affiche aujourd’hui une façade classique, similaire à celle d’un château.

ALLÉE DES TILLEULS & JARDINS

Dans le jardin potager, celui des simples, l’on trouvait des plantes médicinales, aromatiques, tinctoriales (plante dont certaines parties peuvent servir à préparer des colorants et des teintures) et le verger-cimetière. Ce dernier fut aménagé au XVIIIème siècle en jardin à la Française.

Les splendides tilleuls bicentenaires classés auraient été plantés par le premier propriétaire des lieux après la Révolution. Aimable Desjobert utilisa l’abbaye durant une quinzaine d’années comme résidence secondaire.

Depuis fin de l’année 2018, l’ensemble du parc historique de l’abbaye fait l’objet d’un réaménagement sérieux réalisé par le célèbre paysagiste  Gilles Clément.

LES INTÉRIEURS

LE CELLIER

Dans cette vaste salle, les Convers entreposaient et veillaient à la conservation des denrées telles que les céréales, les légumes secs, les fruits, le poisson et le vin provenant des vignes du coteau Nord et de la grange viticole de Venesmes (située à 20 km à l’Ouest). Du XIIIème au XVIIIème siècle, l’abbaye possédait un peu plus de 3000 ha de terre arable (forêt, pâturages, cultures).

Les frères convers : ils représentaient ceux qui étaient chargés des travaux manuels. Les convers n’étaient pas admis au chapitre et n’intervenaient pas lors des décisions importantes. D’où l’expression « n’avoir pas droit au chapitre ».

La salle est immense. On remarque que les murs du cellier sont épais, et que les lieux sont faiblement éclairés. Les ouvertures sont fermées de claustras en bois pour l’aération (elles étaient doublées à l’origine de toiles huilées). Le sol était en terre battue, nécessité vitale face au Cher, la rivière proche sujette à d’importantes crues.

Les frères convers exploitaient les terres, administraient les granges, les moulins et bâtiments utilitaires. Nonobstant, dès la fin du XIIIème siècle leur recrutement s’avèrera difficile. Les moines vont alors se tourner vers une main-d’œuvre salariée, et par la suite les terres seront cultivées en fermage.

Fermage : autorisation temporaire rédigée sous forme de bail à un fermier pour cultiver une terre, en contrepartie d’un loyer à verser au propriétaire du terrain.

Les murs du cellier datent probablement de la seconde tranche de travaux (1170-1190) ; l’imposant voûtement serait plus tardif (1ère partie du XIIIème siècle).

LE CLOÎTRE

On y accède directement par une porte dans le cellier.

Saint Bernard, le grand maître spirituel cistercien, apparentait l’abbaye à « une prison aux portes ouvertes ». Le cloître était le cœur de cette citadelle strictement réservée aux religieux. A l’intérieur même de la clôture monastique, les moines de cœur et les convers se mélangeaient peu ou pas du tout.

La Clôture : périmètre d’un monastère interdit aux laïcs où les religieux cohabitent renfermés, vivant en conformité suivant la règle de Saint Benoît.

Les règles cisterciennes ordonnent une stricte séparation entre les deux communautés composées des moines et des convers. Dans l’architecture cistercienne, l’orientation des bâtiments permet le respect de cette séparation. Les principaux bâtiments s’organisent autour du cloître à quatre galeries, qui est un espace de circulation réservé aux moines et qui permet d’accéder à l’ensemble des bâtisses qui leur sont destinées.

Les moines de chœur :  issus de familles seigneuriales, ils partagent leur temps entre les huit offices (lectio divina) et le travail manuel.

Ces derniers pouvaient rejoindre le fond de l’église sans traverser le cloître à l’aide d’une ruelle murée, côté cellier. Cette ruelle n’existe plus aujourd’hui : elle a été démolie au XIIIème siècle.

Les galeries, lieux de passage obligés, étaient des couloirs de communication entre les différentes parties du monastère.

La galerie Nord est appelée « galerie de la collatio ». Ici, les moines se réunissaient tous les soirs avant l’office de Complies pour une lecture.

Lire : les jours fériés au Moyen Âge.

Le « lectio divina », lecture individuelle, se faisait mezza vocce et non silencieusement, car on pensait alors que la parole de Dieu, pour parvenir à l’âme, devait passer par l’oreille : on murmurait donc sa lecture.

Le jardin du cloître était aussi et surtout un jardin symbolique. Il était lieu de silence, de méditation et de lecture ; cet endroit de verdure était censé représenter le Jardin d’Eden.

Dans la galerie Est du cloître côté église, vous remarquerez dans le mur un arceau de pierre. Il désigne l’emplacement d’un enfeu du XIIème siècle. Il devait certainement abriter la sépulture de l’abbé Robert, fondateur de l’abbaye, mort vers 1163.

Le cloître fut construit en plusieurs étapes. Le premier édifice fut agrandi au XIIIème siècle.

Les galeries Ouest (contre le cellier) et Nord (contre l’église) sont constituées d’arcades dominées d’oculi et affichant des chapiteaux du XIIIème siècle à feuilles de vignes, de chêne…

La galerie Est, de style gothique rayonnant, présente des quadruples arcades et des tympans évidés de roses (1ère partie du XIVème siècle). On distingue des têtes d’hommes et de femmes sur les chapiteaux, face à la salle capitulaire.

La galerie Sud date du début du XIVème siècle. Très retouchée au XIXème siècle, elle demeure une énigme. Cette partie du cloître devait être vraisemblablement couverte jusqu’au XVIIIème siècle. L’absence de contreforts laisse supposer que cette aile n’était peut-être pas en pierre.

Une incertitude subsiste quant à la présence d’un lavabo face au réfectoire, son emplacement habituel.

L’ÉGLISE ABBATIALE

Le chœur est peu profond, avec un seul autel, un chevet plat, et deux chapelles latérales de chaque côté ouvrant sur le transept.

Trois campagnes de travaux successives furent réalisées entre 1150 et la première moitié du XIIIème siècle pour ériger l’église. Son plan est en croix latine. Le chœur à chevet plat à l’Est et le transept proéminent sont fidèles au modèle de Clairvaux. Dans la majestueuse nef à huit travées, les colonnettes étaient raccourcies pour accueillir et adosser les stalles de bois contre  les piliers.

Abbatiale : Une abbatiale, ou église abbatiale, est une église spécialement construite pour une abbaye.

L’église est construite suivant les besoins de la liturgie cistercienne. Elle possède le dépouillement classique de l’art cistercien en accord avec l’ascèse et les préceptes de la règle de Saint Benoit.  Cette voie spirituelle implique la non propriété et le détachement des biens temporels.

La nef accueille successivement les moines, les infirmes et malades, et les convers. Les bas-côtés sont réservés aux hôtes et aux serviteurs.

Rien ne devait déranger les moines dans leurs prières ; huit offices régentaient leur journée, presque tous étaient chantées :

Matines : première partie de l’office divin qui se dit au point du jour, voire au milieu de la nuit.

Laudes : seconde des heures canoniales, qui suit Matines, composée de psaumes et de cantiques à la louange de Dieu.

Primes : première heure de l’office du jour qui doit être dite au lever du jour, vers six heures du matin.

Tierces : heure canoniale qui se récite vers neuf heures (troisième heure du jour, entre prime et sexte).

Sextes (midi) : heure canoniale qui se récite vers midi (sixième heure du jour, entre tierce et none).

Nones : une des sept heures canoniales, qui se récite à la neuvième heure du jour, après sexte.

Vêpres : partie de l’office divin se situant entre nones et complies, et se célébrant dans l’après-midi ou autrefois le soir.

Complies : heure canoniale portant l’office divin à son achèvement, et venant après les vêpres.

Les abbatiales cisterciennes étaient surtout construites pour le chant grégorien ; c’est pour cette raison qu’elles possèdent souvent une acoustique hors du commun.  

Dimensions de l’église et des salles principales de l’abbaye :

Longueur de l’église   59 m
Longueur du transept 28 m
Largeur du transept    7,95 m
Largeur de la nef 7,95 m
Largeur de la nef avec les collatéraux 17,50 m
Largeur du sanctuaire 7,10 m
Chapitre 12,70 x 8,50 m
Réfectoire 24,25 x 11,35m
Salle des moines 16,95 x 8,30 m

« Par ce silence et cette simplicité, nous nous transformons, avançant de clarté en clarté »

Dit Gilbert de Hoyland, abbé de Swineshead (1110-1172).

LA NEF

En traversant la nef en direction du sanctuaire, on franchit successivement le chœur des convers et le chœur des moines. La séparation est visible au sol par le dallage transversal qui matérialise cette différence. Une porte dans la dernière travée sud est réservée aux moines, alors que celle de la première travée sud est destinée aux convers.

LES COLLATÉRAUX

LES CHAPELLES LATÉRALES

LE TRANSEPT

Au bout du bras nord du transept se trouve la « porte des morts », qui donnait accès directement au cimetière, derrière le chevet de l’église abbatiale.

Une porte dans le mur sud du bras sud mène à la sacristie, une autre en hauteur permet l’accès direct au dortoir des moines.

LA VOÛTE

LES VITRAUX & ROSACES

Les vitraux sont contemporains, et restent fidèles à l’esprit des grisailles dans leur graphisme et leur teintes discrètes. Ils ont été dessinés par l’artiste plasticien Jean-Pierre Raynaud et réalisés par Jean Mauret, maître verrier.

LA SALLE CAPITULAIRE OU SALLE DU CHAPITRE

C’est la salle où se réunit chaque jour la communauté religieuse du monastère. Autour de son abbé, chacun écoute un chapitre de la règle de Saint-Benoît ; celle-ci en compte soixante-treize. C’est le seul endroit où il est autorisé de parler. C’est dans ce lieu que les moines prennent des décisions concernant la communauté. C’est ici aussi que se font les prises d’habits, les professions monacales et l’élection du Père Abbé. Les religieux prennent place sur des gradins, le Père Abbé au centre de la pièce. Les lieux sont propices à l’écoute, car l’acoustique y est excellente grâce aux nervures de pierre de la voûte d’arête. On peut ainsi y parler sans effort…

NB : dans cette pièce, seuls les moines qui avaient « voix au chapitre » pouvaient y pénétrer ; c’est-à-dire les moines de chœur. Ils sont une cinquantaine à la fin du XIIème siècle. Ils ne seront plus que cinq en 1756.

Différence importante avec d’autres ordres, toutes les abbayes cisterciennes sont autonomes et de plein exercice. Elles conservent cependant entre elles des relations quasi familiales qui se traduisent par la tutelle des « abbayes mères » (Clairvaux) sur leurs « filles » (Noirlac par exemple). En sus, chaque année à la fin de l’été, tous les abbés se rejoignent à Cîteaux, en Bourgogne, pour le chapitre général de l’Ordre. Durant la période de l’absence de l’abbé, c’est le prieur qui le remplace.

La salle capitulaire (fin du XIIème siècle) communique avec la galerie du cloître par un accès bordé de deux arcades géminées sur bahut.

A l’intérieur, deux piles à facettes multiples et chapiteaux à « feuilles d’eau » soutiennent les voûtes sur croisées d’ogives. Le passage est grand ouvert entre la salle du chapitre et la galerie du cloître : l’ouverture n’était pas fermée et les baies latérales n’étaient pas vitrées.

Les colonnes des deux piliers de soutien sont l’un octogonal, l’autre sculpté de cannelures. Les chapiteaux sont sculptés de feuilles, couronnés de tailloirs. Les baies du mur est ont été refaites au XVIIIème siècle lors des grands travaux de l’abbé d’Aurillac.

Des fouilles ont permis la découverte de sépultures. Les dépouilles ne sont pas identifiées, mais le livre Gallia Christiana indique que la plupart des abbés, jusqu’au XVème siècle, ont été inhumés ici. Ebbes de Charenton y aurait été enterré aussi, ainsi que plusieurs membres de sa famille.

La Gallia Christiana est un ensemble encyclopédique en seize gros volumes rédigés en latin sur l’histoire de l’Ancienne France chrétienne, qui a connu plusieurs éditions et rééditions du XVIIème au XIXème siècle. Il s’agit d’un guide historique détaillé de la totalité des diocèses et des monastères français, avec listes biographiques des archevêques, évêques, abbés et abbesses.

 

LE PARLOIR

      

Il se situe en général entre le cloître et le jardin extérieur. C’est le seul endroit où les moines pouvaient parler, et où ils se répartissaient les tâches journalières avant de se rendre aux travaux des champs…

 LA SALLE DES MOINES

Elle se situe dans la partie Est du cloître ; d’ailleurs toute cette zone était exclusivement réservée aux moines. Elle abritait à l’origine la vie matérielle de la communauté.

Elle a été profondément remaniée au XVIIIème siècle et très restaurée au XXème siècle, mais elle a conservé ses voûtes d’arêtes. La salle des moines date de la fin du XIIème siècle. Ses grandes fenêtres sont du XVIIIème siècle.

Cette aile du bâtiment est composée de deux niveaux :

– Au rez-de-chaussée se trouve la sacristie, la salle capitulaire (Salle du chapitre), une allée accédant au jardin, l’escalier des moines, le parloir, et une salle avec une cheminée (certainement le chauffoir).

Le chauffoir : c’est la seule pièce chauffée du monastère excepté la cuisine. Cette salle, où les moines se rendaient pour travailler, servait de « scriptorium », lieu où s’effectuaient la copie de manuscrits et les travaux de couture. L’hiver, on y déposait les encriers afin que l’encre ne gèle pas.

Sur le manteau de la cheminée sont sculptées deux crosses d’abbé adossées.

– L’étage était réservé au dortoir des moines et à la chambre de l’abbé. Cette dernière se trouvait au-dessus de la travée détruite de la sacristie, et était encore mentionnée dans l’État général de tous les meubles et ustensiles dressé en 1751. Depuis, des chambres ont été aménagées.

Au Moyen Âge, la Salle des Moines était utilisée pour les tâches ménagères ou domestiques et pouvait servir de scriptorium.

Le scriptorium : c’est la salle de travail des moines copistes, destinée à la lecture, l’écriture, et l’enluminure.

Les moines avaient des spécialités : traceur de lignes, copiste, correcteur, enlumineur et relieur… Les couleurs étaient obtenues à partir de pigments naturels : insectes, végétaux, minéraux. Certains très coûteux arrivaient d’Orient, d’autres étaient collectés dans les jardins de l’abbaye.

Il fallait environ un an à douze personnes pour recopier une bible. Au cours de sa vie, un homme pouvait recopier une quarantaine d’ouvrages. Le parchemin, support d’écriture, était réalisé dans des peaux de moutons, chèvres, agneaux, veaux mort-nés (vélin) élevés sur le bocage environnant.

Noirlac n’était vraisemblablement pas un grand centre de production de manuscrits.

LE RÉFECTOIRE

Il date du début du XIIIème siècle. Ses dimensions sont remarquables : 24,25m x 11,35m et 9 m de hauteur. Elles témoignent que les repas étaient au-delà des nourritures terrestres, un moment de nourriture spirituelle et d’élévation de l’âme.  Ils étaient pris dans le silence et sans vis-à-vis, accompagnés d’une lecture d’ouvrages saints. C’était une simple collation, frugale les jours de jeûne, ou « prandium », déjeuners plus consistants. Le repas était surtout composé de pain et de légumes. La viande était bannie parce qu’elle était sensée attiser les passions, mais autorisée pour les malades et les jours de saignées. Par contre le poisson, tout comme le vin et les fruits, était un aliment nécessaire.  Les moines cisterciens se sont toujours nourris en quantité suffisante.

Après s’être lavé les mains et le visage, les moines attendaient que l’abbé eût pris place, puis s’asseyaient après avoir récité le Bénédicité.

Remarquons le long des murs, les bancs en pierre sur lesquels prenaient place les moines (des lambris recouvraient ces sièges et les murs à mi-hauteur pour protéger du froid et de l’humidité).

La chaire du lecteur creusée dans le mur a été dégagée. A l’Ouest, une grande cuisine fut rasée vers 1725, ainsi que le réfectoire des convers.

Ce vaste réfectoire est abondamment éclairé au Sud par quatre lancettes surmontées de deux roses. Les vitraux, qui sont l’œuvre de Jean-Pierre Raynaud (comme ceux de l’abbatiale), génèrent une lumière exceptionnelle.

Transformé au XVIIIème siècle, et séparé à mi-hauteur par un plancher, le réfectoire possédait à cette époque un bel escalier donnant accès aux appartements des hôtes aménagés à l’étage.

Les travaux de restauration ont rétabli la salle dans son aspect originel, et l’escalier a été déplacé. Il se trouve aujourd’hui dans le hall XVIIIème.

LE DORTOIR DES MOINES

   

A l’origine, cet immense dortoir communautaire était cetainement attenant à une infirmerie et à des latrines, de nos jours disparues. Les moines Cisterciens dormaient tout habillés sur un « bat-flanc » (lit de planches recouvert d’une paillasse) dans une salle commune, jusqu’à ce que le pape Alexandre VI, autour des années 1500, autorise les moines à dormir dans des cellules.

A partir du XVIIème siècle, cette salle a été cloisonnée afin d’y créer des cellules qui se sont transformées, dès 1712, en confortables chambres à alcôves.

La présence des niches et petites baies du XIIème siècle atteste de l’osrganisation primitive de ce dortoir communautaire.

Les aménagement faits par l’abbé d’Aurillac au XVIIIe siècle décrivent, en 1756, un « dortoir neuf dans lequel il y a sept chambres toutes fort propres et bien meublées ».

Le couloir donne accès à six chambres. Au milieu du couloir, un passage dessert deux chambres et permet l’accès au petit balcon qui ouvre sur les jardins. Les chambres sont ornées de boiseries et dotées d’une cheminée. Une alcôve aménagée entre deux petits cabinets contenait le lit.

LE DORTOIR DES CONVERS

   

Il se situe à l’étage, au-dessus du cellier où l’on stockait des réserves (on a retrouvé des petits silos et une cuve). Il eut au cours des siècles de multiples usages : grenier au XIVème siècle, annexe de donjon au XVème siècle (on peut apercevoir la présence de trous de couleuvrine dans le mur Ouest), et logis des abbés commendataires au XVIème siècle (en 1703, il leur sera attribué l’hôtel Saint-Vic à Saint Amand Morond). Ce bâtiment est le seul de l’aile des convers qui soit intact (la cuisine et le réfectoire ont disparu).

La magnifique charpente en chêne a été restaurée en grande partie en 1952. Une première charpente pourrait dater des années 1240-1250 ; cependant à ce jour aucune analyse dendrochronologique (méthode permettant la datation des anneaux de croissance des troncs d’arbres) n’a été effectuée. Construite en berceau plein cintre, elle permet de répartir le poids sur le mur, ce qui donne à cet espace une grande légéreté. Sous la charpente actuelle, on devait à l’origine clouer un bardage en guise d’isolant.

Sources :

Cet article repose en grande partie sur les détails et les explications du fascicule, fourni avec le droit d’entrée, à l’intention du public.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_de_Noirlac

https://www.abbayedenoirlac.fr/labbaye/son-histoire/

Blason de la ville de Bruère-Allichamps

 

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