L’abbaye Sainte-Marie de Lagrasse

LES TÉMOINS DU PASSÉ

L’ABBAYE SAINTE-MARIE

DE LAGRASSE

 

Blason de la ville de Lagrasse

TYPE : abbaye.

CULTE : catholique.

ORDRE : bénédictin.

FONDATION : 779.

RATTACHEMENT : depuis 2004, chanoines réguliers de la Mère de Dieu.

PROTECTION DU SITE :  Classé Monuments Historiques le 23/7/1923, le 3/6/1932, et le 12/11/1958.

PÉRIODES DE CONSTRUCTION : XIIème et XIIIème siècles.

AUTRES CAMPAGNES DE CONSTRUCTION : XVème et XVIIIème siècles.

PROPRIÉTAIRE : propriété du département de l’Aude.

Commune : Lagrasse.

Département : Aude.

Région : Occitanie.

LOCALISATION

LAGRASSE

Lagrasse est une commune française située dans le département de l’Aude, en région Occitanie. Ses habitants sont appelés les Lagrassiens et Lagrassiennes. La ville est traversée par la rivière l’Orbieu, un affluent de l’Aude.

Depuis plus de dix ans, le village est admis dans l’Association les plus beaux villages de France.

Quelques photos du vieux village de Lagrasse

L’ANCIENNE ABBAYE

SAINTE-MARIE D’ORBIEU

PRÉSENTATION

Dressée face au village de Lagrasse, séparée de lui par la rivière l’Orbieu, l’abbaye Sainte-Marie témoigne de plus de 1200 ans d’histoire et de prières.

L’ABBAYE EN BREF 

Monastère bénédictin à l’origine (du VIIIème au XVIIIème siècle), il sera vendu comme bien national à la Révolution et sera scindé en deux parties distinctes : « La grande et la petite partie ». Durant le XIXème siècle, le site sera quasiment abandonné et fortement délabré.

– Depuis le 23 juillet 1923, l’abbaye fait l’objet d’un classement au titre des Monuments Historiques

– Dès 1932, les premières périodes de restauration sont entreprises. Par deux fois l’on essaiera un rétablissement de la vie religieuse, mais sans succès.

– En 2004, la « grande partie » est cédée à la vie monastique lors du rachat par la communauté des chanoines réguliers de la Mère de Dieu, alors que la partie médiévale du monastère, la « petite partie », devient la propriété du département.

– Aujourd’hui, la « grande partie » représente le côté privé et religieux de l’abbaye. Alors que la « petite partie » désigne le côté public, celui qui se visite. 

HISTORIQUE

L’abbaye de Lagrasse a été probablement fondée au début du VIIIème siècle. Son existence est certifiée par une charte de privilège accordée par Charlemagne en 779 à l’abbé Nimfridus, premier abbé connu de Lagrasse. Ce document, daté du 19 janvier 779, est rédigé en écriture mérovingienne ; il est le plus ancien conservé aux Archives Départementale.

L’abbé Nimfrinus était un ami de Benoît d’Aniane. Il fut conseiller de Louis le Pieux (le fils de Charlemagne). L’œuvre de réforme de la règle bénédictine de Benoît d’Aniane fut fondamentale dans le développement de l’Ordre bénédictin en Europe. Elle donnera au monachisme un prodigieux essor au service de la puissance carolingienne.

MOYEN ÂGE

779

L’abbaye est fondée à une date inconnue avant l’avènement de Charlemagne. Elle sera protégée par l’Empereur et attestée par les Papes. En 1000 ans, 64 abbés se succèderont. Le premier est Nimfridus, qui deviendra Archevêque de Narbonne. Nimfridus était un ami de Saint Benoît d’Aniane, et aussi d’Alcuin (un poète, savant et théologien anglais qui écrivait en langue latine médiévale).

XIème 

L’abbaye est une des plus importantes du sud de la France. Son allégeance à Charlemagne jouera un grand rôle dans son rayonnement temporel et spirituel, du IXème siècle au XIème siècle.  Son influence s’étendra de l’Albigeois jusqu’à Saragosse.

XIIème et XIIIème

Au cours de la Croisade contre les Albigeois, les abbés de Lagrasse exerceront un rôle d’apaisement. Ce sera grâce à eux que les cités de Béziers et de Carcassonne retrouveront la paix avec le roi et l’Église (on cite Benoît d’Alignan, qui recevra la soumission de Carcassonne en 1226). Le roi Louis IX leur en sera reconnaissant.

Lire : La Croisade contre les Albigeois.

GUERRE DE CENT ANS

XIVème et XVème

À partir du XIIIème siècle et jusqu’au XVème siècle, l’abbaye connaît une période de déclin, à cause de son excès de richesses puis de la Guerre de Cent Ans.

C’est une période de réforme monastique. Dès 1296, une première réforme est introduite par l’abbé Auger de Gogenx, qui s’illustre par sa réforme spirituelle et architecturale.

L’église abbatiale actuelle est profondément remaniée et transformée. Des fortifications sont construites pour se protéger des pillards et des attaques venues de l’extérieur.

Lire : mercenaires, routiers et écorcheurs au Moyen Âge.

XVIème et XVIIIème

Au XVIème siècle, le premier abbé commendataire, Philippe de Lévis, évêque de Mirepoix, entreprend l’édification d’un grand clocher de 81 m de hauteur. Celui-ci restera inachevé à sa mort, en 1537. Seule la moitié de l’édifice reste visible aujourd’hui ; c’est encore le monument le plus imposant de l’abbaye.

La commende : c’est l’usufruit d’un monastère, d’une église ou d’un évêché, accordé par le pape à un ecclésiastique ou à un laïc.

XVIIème et XVIIIème

Au XVIIème siècle, la vie religieuse retrouve sa ferveur grâce à la venue, en 1663, des Bénédictins mauristes qui introduisent à Lagrasse la réforme de Saint-Maur.

La Congrégation de Saint-Maur, dont les membres étaient souvent dénommés les « Mauristes », était une confrérie de moines bénédictins français. Elle fut fondée en 1618 et était célèbre pour le haut niveau de son érudition. L’ordre et ses adeptes prirent leur nom de Saint-Maur (mort en 565), disciple de Saint-Benoît. Il est à l’origine de l’introduction en Gaule de la règle et de la vie bénédictine. En 1790, la congrégation sera supprimée par l’Assemblée Constituante.

En 1760, les moines terminent l’essentiel des bâtiments classiques. Le résultat obtenu est d’une qualité rare et étonnante ; elle allie à la fois l’architecture du roman, celles du gothique et du classique.

Au XVIIIème siècle, l’évêque de Carcassonne, Armand Bazin de Bezons, devient abbé de Lagrasse. Sous son abbatiat, les édifices monastiques sont rénovés, et enrichis d’une cour d’honneur, d’un bâtiment conventuel, et d’un cloître de style classique d’un beau grès ocre éclatant. Toutes ces améliorations permettent à Lagrasse d’être aujourd’hui une des rares abbayes de la région alliant harmonieusement des décors médiévaux et classiques.

DE LA RÉVOLUTION A NOS JOURS

1789

Toutes les possessions de l’Église sont déclarées biens nationaux et confisquées.

1792

Le 29 août 1792, malgré le soutien de la population et l’opposition des Lagrassiens, les derniers moines sont chassés ; l’abbaye est pillée et saccagée, puis vendue en deux parties séparées.

Ces deux lots seront achetés par la famille Berlioz pour la petite partie, et par les familles Sarrail puis Gout de Bize pour la grande partie.

Cette division subsiste encore de nos jours ; et c’est la raison pour laquelle les bâtiments ont deux entrées distinctes.  

XIXème et XXème

Deux communautés religieuses se succèdent dans les bâtiments : les Sœurs de Notre-Dame des Sept-Douleurs et de la Théophanie.

XXIème

Depuis 2004 et pour quelques années encore, des travaux d’agencement et de rénovation sont entrepris sur l’ensemble des bâtiments de l’abbaye, afin de sauvegarder ce site chargé d’histoire. L’aide de donateurs et bienfaiteurs est indispensable pour faire face aux travaux hélas coûteux, en raison du classement « Monuments Historiques ».

2014

En 2014, l’abbaye remporte le « grand trophée de la plus belle restauration », organisé par Propriétés de France, Le Figaro Magazine, la Fondation pour les monuments historiques et La Demeure historique (pour ce qui concerne la restauration du cloître).

L’ABBAYE

SAINTE-MARIE D’ORBIEU

UN INSTANT D’HISTOIRE 

Les ouvriers s’activent à leurs tâches. Le gothique est dans l’air du temps : partout on cherche l’air, la lumière, le raffinement. Quelques vieux chapiteaux romans sont déplacés ; ils seront réutilisés dans la cour du nouveau palais abbatial. Dans la chapelle privée de l’abbé, les murs et le sol s’enjolivent de jeux de couleurs aux reflets chatoyants. Les moines, qui sont nombreux et riches, aiment leur bien-être.

L’abbaye est florissante ; elle amène l’eau jusqu’à elle, cultive la terre, et fait vivre le village qui se développe à son tour. Les marchandises franchissent le pont, les artisans et les commerçants travaillent sans compter, la halle résonne de leurs échos fructueux. Dans l’abbaye, la voix des temps lointains est perceptible, animée, souvent inattendue…

LA COUR DU LOGIS ABBATIAL

En sortant de l’accueil on entre, non pas dans un cloître, mais dans la cour d’un palais. C’est celui de l’abbé ; ce sont ses appartements privés. L’abbé de Lagrasse est un seigneur puissant ; les moines qui l’entourent sont souvent des fils de familles nobles et riches, certains accompagnés de leurs serviteurs. Lagrasse, la plus puissante abbaye du Languedoc médiéval, est une grosse entreprise qui attire à elle les donations, favorise le développement du village, et gère ses biens, qui vont de la Catalogne à l’Albigeois. On y prie, mais on y vit aussi dans une véritable fourmilière.

Cette cour répartit un ensemble de bâtiments :

– Elle est reliée vers le nord-ouest à la basse-cour, puis à la porterie (entrée du monastère) par une porte appareillée de grands claveaux, dont l’un porte des inscriptions. La clef est à dents de scie. En bout de galerie, à l’est, un escalier en pierre mène à l’étage de l’aile nord du logis.

– Au sud, un escalier conduit à la galerie haute, qui donne accès à la chapelle Saint-Barthélémy ainsi qu’aux appartements. Toujours au sud, une porte ouvre sur le cellier et sur la boulangerie. Une fontaine en bord de cette galerie est alimentée par une dérivation du canal d’eau captée dans l’Orbieu.   

La galerie haute en bois est soutenue par dix colonnes en pierre, dont huit sont surmontées de chapiteaux, sculptés de motifs géométriques ou floraux. Deux chapiteaux, en réemploi, représentent des animaux fantastiques dans un décor de feuillage où apparaissent des têtes d’anges souffleurs. Ces deux derniers proviennent sans doute du cloître ou de l’église romane.

– Sur la façade nord, construite en bel appareil régulier, on remarque, au second étage, une fenêtre géminée romane. Sur la galerie haute s’ouvre une autre fenêtre géminée, celle-ci de style gothique.

Les galeries de cette cour servaient à distribuer les pièces du palais et à relier les espaces de service ou de réception, comme le vestibule au bout de la première galerie. C’est peut-être dans cette salle proche de l’écurie et à l’origine richement décorée, que l’abbé Auger accueillait les hôtes de marque.

Le blason de l’abbé Auger orne la porte et le décor du plafond… On en a compté 144 pour ce seul plafond ! Il est aussi très présent un peu partout dans l’abbaye, notamment dans sa chapelle, au premier étage.

De nombreux éléments de la cour du palais abbatial viennent d’un autre endroit de l’abbaye. Certains chapiteaux, sont d’époque romane, alors que le palais a vu le jour plus tard, à l’époque gothique. L’abbaye, avant d’être un patrimoine, était un lieu de vie : elle s’est transformée au fil des siècles pour répondre aux modes et besoins du temps. Les siècles s’y trouvent enchevêtrés car elle a tout gardé de sa très longue histoire.

LE CELLIER

Aujourd’hui, c’est une vaste salle unique. Au XVIIIème siècle, le cellier était divisé en trois Caves. Avant les restaurations dans les années 1970, le niveau du sol se trouvait à quelques trente centimètres plus bas, et des bassins de teinturerie occupaient une partie des lieux. 

Confort et opulence

Le cellier est le garde-manger de l’abbaye.  Et il est immense. On y entrepose la farine, le vin, les salaisons, l’huile… pour une population que l’on devine nombreuse : les moines, leurs serviteurs, les hôtes de passage à l’hôtellerie… Il faut, pour les nourrir, d’immenses provisions. Elles proviennent des nombreuses possessions que dirige l’abbaye. Sur les domaines environnants tournent les moulins à eau et à vent, où l’on y moud le grain et où l’on y produit de l’huile. De la rivière Orbieu au pied du monastère, les moines pêchent, et cultivent des potagers le long de la rive…

LA BOULANGERIE

Judicieusement accolée au cellier, cette boulangerie, ou cuisine, est destinée aux moines. A l’origine, elle possédait un four, dont on peut apercevoir encore les vestiges dans la cheminée et dans la cour, de l’autre côté du mur.

Dans la boulangerie, l’entrée du four s’ouvre dans une cheminée surmontée d’une hotte bombée sans manteau. Démolie au XXème siècle, l’ample voûte du four s’arrondissait dans la cour juste derrière. Un vestige de canalisation traverse la boulangerie, amenant l’eau courante dans cette partie du bâtiment. Elle a été coupée lors de l’ouverture de la porte conduisant vers le cellier.

La nourriture terrestre…

Le repas est prévu par la règle de Saint Benoît. Il y a normalement un repas principal qui se prend à la fin de la journée de travail ; il se compose de trois plats.

Le premier comprend des légumineuses, type fèves ou lentilles.

On passe ensuite aux protéines, avec des œufs, du poisson ou de la volaille. Et le bœuf ? La Règle en interdit la consommation, comme de tout quadrupède.

Enfin le dessert, les fruits, le miel…

En dehors de ce repas principal, deux ou trois collations ponctuent la journée.

Les archéologues ont découvert des canalisations à travers toute l’abbaye. Comme tous les monastères, elle était dotée de l’eau courante dès le Moyen Age. Pour cela, les moines ont creusé un petit canal (le « béal » en occitan). La prise d’eau se faisait à 2 km de l’abbaye, de façon à obtenir la pente suffisante pour son écoulement. Ouvrage d’utilité publique dès sa création, le « béal » est toujours utilisé de nos jours pour l’arrosage des jardins villageois en été.

LA CHAPELLE BASSE

En sortant de la boulangerie, on trouve la chapelle basse dans la cour, sur la droite. C’est dans cette salle qu’est diffusé un film qui raconte les treize siècles d’Histoire de l’abbaye.

La chapelle de l’abbé Auger

A la fin du XIIIème siècle, l’abbé Auger de Gogenx fait construire sa chapelle particulière au sein du logis abbatial. Il s’agit d’un édifice à deux niveaux, comprenant une chapelle basse et une chapelle haute, bâties sur le même plan : une entrée par un vestibule (s’ouvrant l’une dans la galerie basse, l’autre dans la galerie haute), une nef unique et un chœur à chevet plat. Il n’existe pas de communication directe entre les deux niveaux ; l’accès se fait par le grand escalier du dortoir ou par celui de l’aile nord du logis.

La chapelle basse

Elle est construite en murs épais d’environ 1,20 à 1,50 mètres, en un grand appareil de pierre. La chapelle est constituée de deux parties : un vestibule, et la chapelle proprement dite.

On accède au vestibule depuis la cour du logis par une large porte, dont l’arc brisé est orné du blason de l’abbé Auger. Sur son plafond à la française apparaissent des traces des peintures qui autrefois le recouvraient entièrement de motifs végétaux et de blasons.

Depuis le vestibule une porte donne dans la nef unique, voûtée en berceau. Deux soupiraux placés très haut éclairent la nef ; quelques vestiges de décor peint sont à peine visible dans leur ébrasement.

Dans le mur sud, deux portes accolées débouchent, l’une dans le cloître, l’autre dans une cour. Sur cette dernière apparaît le blason sculpté de l’abbé Auger. Le chœur, peu profond, est à chevet plat et comporte deux niches latérales.

En architecture, le mot appareil (opus en latin) désigne la façon dont les moellons, les pierres de taille ou les briques sont assemblés dans la maçonnerie. On trouve aussi : petit, moyen et grand appareils.

 

L’abbé Auger de Gogenx

De 1279 à 1309, il fut abbé de Sainte Marie-d’Orbieu à Lagrasse, qu’il marqua de son passage par les grands travaux qu’il fit exécuter. Son blason se trouve en divers endroits de l’édifice, signant ainsi son intervention : aux entrées de la chapelle du logis, à l’entrée de la grande salle d’apparat de l’aile nord du logis, dans l’église abbatiale, etc…et sans doute existe-t-il d’autres blasons recouverts par des aménagements postérieurs.

Dans le vestibule bas, une inscription dans la pierre, mutilée et réemployée comme canalisation, dit, selon une transcription du XVIIème siècle :

« L’an du seigneur 1280 le seigneur Auger de Gogenx, abbé de ce monastère, fit faire… (partie mutilée) … en la deuxième année de son gouvernement ».

Cette inscription suggère que les constructions commandées par l’abbé Auger dans le monastère s’achevèrent en 1280. Il s’agit de la chapelle, des travaux dans le logis et les bâtiments conventuels, des travaux dans l’église, et de la construction du dortoir et du cloître.

LA SACRISTIE

La sacristie a été surélevée au XVIIème siècle pour accueillir une hôtellerie et une infirmerie. Le dallage qui couvre encore aujourd’hui une bonne partie du sol est daté du XVIème siècle. Sous ce carrelage, les archéologues ont mis au jour une calade (pavement de galets) de l’époque d’Auger, et dessous, des trous de poteaux remontant à l’époque carolingienne. Tout ceci caché sous ce dallage, ce qui signifie que ce lieu a toujours été emprunté depuis sa création.

La sacristie a été accolée au bras du transept nord, dont les fenêtres s’ouvrent à l’intérieur. Sur ce mur on découvre des vestiges de peintures murales, un tracé imitant les pierres d’un appareil régulier, identique aux motifs que l’on retrouve sur les façades des églises romanes, comme à Caunes-Minervois par exemple.

Lire : l’abbaye Decaunes Minervois

Afin d’accueillir l’hôtellerie et l’infirmerie, les Mauristes agrandiront la sacristie, et lui ajouteront deux étages. Ses imposantes fenêtres s’ouvrent sur une cour. Aujourd’hui, la sacristie est un large édifice dont les étages se sont effondrés.

LE BRAS NORD DU TRANSEPT

Le second espace, est celui du bras nord du transept de l’église abbatiale. On y découvre les vestiges les plus anciens de l’abbaye : la tour préromane, et l’église des tous débuts de l’âge roman : le XIème siècle.

Le bras du transept auquel on accède après la sacristie, est sans nul doute la partie la plus surprenante de l’abbaye. Il se prolonge par l’église toute entière de l’autre côté de la paroi qui nous sépare de la communauté des chanoines. Les fouilles mises à jour nous font parcourir l’étendue des siècles, depuis la fondation de l’abbaye (VIIIème et IXème siècles).

LA TOUR PRÉROMANE

Elle est bien visible depuis l’extérieur du monument, enserrée entre le dortoir et le bras du transept. De section quadrangulaire, se murs épais sont bâtis de moellons liés au mortier, et vont en s’amenuisant à chaque étage. Elle comporte aujourd’hui un rez-de-chaussée, deux étages et une terrasse, mais on peut évaluer sa hauteur qui devait être supérieure à celle de l’église. Le premier étage a été percé pour servir de palier au grand escalier du dortoir.

On distingue encore deux ouvertures préromanes de forme outrepassée, retombant sur de hauts piédroits chapeautés de tailloirs : la porte du rez-de-chaussée débouchant dans le bras du transept, et au-dessus une grande baie, de nos jours aveugle. L’intrados de la porte du rez-de-chaussée a gardé des traces de peintures murales ; on peut y distinguer des personnages, une Croix de Malte, et des ornements d’architectures.

L’intrados est, soit la face intérieure d’une voûte ou d’un arc, soit la face intérieure d’un claveau.

Les fenêtres de cette période ne sont plus apparentes. Elles sont soit recouvertes par les enduits, soit détruites par les ouvertures modernes. La voûte du rez-de-chaussée est sans doute postérieure à la période préromane, ainsi que la porte s’ouvrant vers l’ouest, dans la sacristie. Cette tour peut dater du XIème siècle. Il est fort probable qu’il s’agisse d’une tour clocher, dont la porte du rez-de-chaussée devait s’ouvrir dans la nef de l’église préromane.

LE DORTOIR

Cette vaste salle a enduré de longues décennies à la « belle étoile », sous un toit effondré. Le dortoir affiche aujourd’hui un somptueux volume dont l’espace présente une sensation de confort et de sérénité. La vie de la communauté des moines dictée par la règle de Saint Benoît a connu en ce lieu de nombreuses entorses. Il y a eu, à l‘intérieur de l’abbaye, de véritables petites habitations indépendantes. Et dans ce dortoir, on a vu des cloisons de bois séparant des cellules particulières.

Placez-vous à l’entrée de cette immense salle, de manière à contempler ces magnifiques arcs. Ils ne sont pas alignés ! Cela est sans doute volontaire : les murs ne sont pas absolument parallèles. L’assise des arcs qui parachèvent les murs se termine par des consoles ; ce sont des éléments décoratifs destinés à être observés d’en bas, c’est-à-dire du cellier actuel ! Les archéologues en ont déduit que le cellier et le dortoir étaient à l’origine un immense et unique bâtiment.

Au XIIIème siècle, l’abbé Auger de Gogenx fait bâtir le dortoir sur l’aile est de la cour du logis.

D’une superficie de 495 m2, cette construction est colossale ; elle va de la tour nord du logis à la tour préromane (elle est plus grande que la salle des Synodes à Narbonne et la grande salle du Palais des rois de Majorque à Perpignan). Les murs sont montés en pierre de taille ; la toiture repose sur une charpente apparente qui prend appui sur des arcs diaphragmes, renforcés à l’extérieur par des contreforts. La salle comporte neuf travées dotées d’une fenêtre étroite à arc brisé. Au fond de cette immense pièce s’ouvre une porte qui donne accès à la salle des archives, dans la tour nord. 

On accédait à ce bâtiment par un petit escalier qui menait du rez-de-chaussée à l’étage. Il fut remplacé par un grand escalier droit, celui qu’on emprunte encore aujourd’hui. La porte et la trémie sont toujours visibles dans l’angle sud-ouest du dortoir.

UN DORTOIR FORTIFIE

Le XIVème siècle est une période d’insécurité. La Guerre de Cent Ans et les incursions des routiers et du Prince de Galles, « Édouard de Woodstock », dit le « Prince Noir » (1330-1376), font des ravages, et forcent l’abbaye à se fortifier. Ainsi sur les arcs surbaissés du dortoir, l’on construit des mâchicoulis entre les contreforts.

Lire : mercenaires routiers et écorcheurs au Moyen Âge.

Au XVIIème siècle, les Mauristes s’établissent. Ils construisent dans le dortoir deux rangées de cellules donnant sur un couloir central. Cet aménagement apparaît encore de nos jours, grâce aux traces laissées dans le dallage.

A l’époque moderne, les fenêtres médiévales sont en partie détruites et remplacées par des ouvertures rectangulaires. La dernière travée est fermée pour y installer une chambre. A l’extérieur, les fenêtres sont garnies d’un encadrement en terre cuite, et voient le rajout d’un balcon.    

Au XXème siècle, le dortoir est en ruine et dépourvu de toiture. Celle-ci est reconstruite légèrement plus basse qu’à l’origine, ce qui va notamment empiéter sur la rosace de la chapelle.

LE VESTIBULE ET LA CHAPELLE HAUTE

Cette chapelle haute se trouve à l’étage et débouche sur la galerie supérieure du palais abbatial. Ses murs sont moins épais qu’au rez-de-chaussée (60 cm). Elle se compose de deux parties : un vestibule et une chapelle.

LE VESTIBULE

Un petit bénitier a été installé à l’entrée, dans l’angle gauche du vestibule. Les murs sont recouverts de décors peints formant une série de rectangles rouges, noirs et jaunes ondoyants.

A hauteur d’homme, on distingue une frise constituée de blasons de l’abbé Auger. Une grande fenêtre étroite, surmontée d’une arche pointue sur son sommet, répand la lumière du jour à l’intérieur de la petite salle.

Du vestibule, une porte donne accès à la nef de la chapelle (qui est en restauration actuellement). Sur le tympan en arc brisé, on distingue en demi-bosse la crosse et les armes de l’abbé Auger, ainsi que l’inscription de la fondation en 1295 : ANNO DOMINI MCCXCVI…

Demi-bosse : sculpture en bas-relief très saillante, mais encore adossée.

Trois couleurs s’harmonisent par leurs éclats : l’ocre, le rouge et le noir. Si l’on s’approche on peut distinguer des motifs. Ces lignes représentent des vagues qui ondulent. Elles garnissent la petite pièce dans sa plus grande partie. On remarque aussi, des deux côtés de la porte qui permet l’accès à la chapelle, deux magnifiques têtes humaines…

LA CHAPELLE

Une peinture murale est visible depuis la fenêtre du dortoir ; elle représente le Jugement Dernier. On y distingue les thèmes traditionnels de l’enfer, de la pesée des âmes, et du paradis…

Sur le mur qui se trouve derrière l’autel, on peut voir une fresque de style oriental : l’arbre de vie ; une interprétation très nouvelle pour cette époque. Le dallage de la chapelle est constitué de carreaux multicolores. Le pavage aux motifs de formes géométriques est d’une exceptionnelle beauté.

EXPOSITION LAPIDAIRE DU « MAÎTRE DE CABESTANY »

Au même étage, juste après la chapelle, on découvre deux très belles salles. La première est celle du Maître de Cabestany. On y distingue exposés, les vestiges du portail roman de l’abbaye, d’un blanc immaculé. Parmi tous ces vestiges on remarque aussi un gisant sans tête, peut-être celui d’Auger… 

Le Maître de Cabestany

On sait peu de choses sur ce maître sculpteur anonyme de la seconde moitié XIIème siècle. D’où venait-il ? Etait-il un homme d’église ? Comment apporter une chronologie à son immense œuvre artistique ? Pourquoi est-il allé en Toscane et en Navarre ? Avait-il des élèves ou bien travaillait-il seul ?

Toutes ces questions restent encore sans réponse satisfaisante aujourd’hui. L’homme et son œuvre restent un mystère.

L’association de plusieurs de ses sculptures remarquables par leur style (on cite par exemple le tympan de Cabestany) lui a valu le nom de « Maître de Cabestany ». Ces dernières sont pour la plupart recensées dans les départements actuels de l’Aude et des Pyrénées-Orientales, et dans le nord de la Catalogne ; mais on a aussi reconnu la touche de l’artiste en Toscane et en Navarre. 

Lire: l’abbaye de Saint-Hilaire

LA SALLE D’APPARAT

Plus loin, la deuxième salle, c’est la salle d’apparat. Cette magnifique pièce de la Renaissance possède une somptueuse cheminée monumentale et un plafond à la française typique du XVIème siècle.

Cette belle salle de 95 m2, qui a été remaniée plusieurs fois, est située au cœur du logis médiéval de l’abbé Auger de Gogenx (1279-1309). Côté couloir on peut voir, sur l’arc de l’ancienne porte, le blason de l’abbé Auger. Il nous indique que la construction de cette salle du logis date du XIIIème siècle.

C’est le salon de réception de l’abbé qui y reçoit nobles et dignitaires, laïcs ou membres du clergé. Les armes de l’abbé Philippe de Lévis (élu évêque de Mirepoix en 1493) surmontent la porte d’entrée. C’est lui qui fera décorer ses appartements dans le plus pur style Renaissance.

L’ENCEINTE EXTÉRIEURE

Sources :

Mes photos

Photos publiques Facebook

Fascicule explicatif offert au public avec le droit d’entrée.

Panneaux explicatifs exposés tout au long du parcours de la visite, à l’attention du public.

https://monumentum.fr/ancienne-abbaye-sainte-marie-orbieu-pa00102711.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_Sainte-Marie_de_Lagrasse

https://www.lagrasse.org/decouvrir-labbaye/histoire-de-labbaye/

file:///C:/Users/MONPC~1/AppData/Local/Temp/lagrasse_6v_FR%20planches(23-05)-1.pdf

https://abbayedelagrasse.aude.fr/

 

 

 

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