La croisade des Albigeois – Simon de Montfort
La Croisade
des Albigeois
(1208-1244)
Simon IV de Montfort
(1160 –1218)
GRANDES FIGURES DE LA CROISADE CONTRE LES ALBIGEOIS
Albigeois : nom donné au 12ème siècle aux cathares du Languedoc
PROLOGUE
LE CATHARISME, UNE MENACE POUR L’ÉGLISE ET POUR LE ROI
Vers le milieu du 12ème siècle, alors que l’Europe est dominée par une profonde et ardente foi catholique, le Midi toulousain est gagné par une hérésie toute aussi enflammée, le Catharisme. Cette nouvelle religion, qui apparaît vers le 12ème siècle dans les Balkans, s’appuie essentiellement sur une dualité. Ses disciples, « les Parfaits », croient en deux principes divins opposés : d’une part un monde spirituel avec un Dieu bon, celui de l’Évangile, et de l’autre un monde matériel et corrompu avec un prince du mal et des ténèbres, Dieu de l’Ancien Testament. Les valeurs morales et l’austérité de ses adeptes contrastent avec l’opulence et le relâchement des représentants de l’Église catholique. Les cathares rejettent les sacrements, les indulgences, le purgatoire et le culte des saints. Ils ne glorifient point le sacrifice de la croix, et ne reconnaissent pas le pape comme le successeur légal des apôtres. Refusant le concept de propriété et condamnant le serment, ils sont considérés comme subversifs par la société féodale et par la royauté. Les fondations du christianisme vont chanceler, au point de décider le pape Innocent III à déclarer les « Bons Hommes » et les « Bonnes Dames », hérétiques.
En France, lorsque les croyances cathares apparaissent, la chrétienté est partagée au sein de l’Église et une grande divergence d’idées demeure entre les Français du Nord et les gens du Midi. Alors que ceux du Nord admettent la foi catholique romaine, dans les régions du Sud l’on a adopté l’« arianisme » depuis les premières heures du christianisme. Cette disparité va opposer le Languedoc à l’autorité de Rome, et faire de lui un foyer où les hérésies et les schismes vont se développer sans contrainte.
L’ÉTINCELLE
C’est vers le début du 13ème siècle, en 1204, que le pape Innocent III demande au roi Philippe Auguste (Philippe II) de mener une croisade contre les hérétiques cathares du Languedoc. Pour mener à bien la lutte contre cette nouvelle religion qui fait vaciller les dogmes de l’église catholique, le pape nomme dans cette région les légats apostoliques, Pierre de Castelnau et Arnaud Amaury. Le sud de la France va alors s’embraser dans une guerre fratricide, qui opposera ses habitants et ses seigneurs aux forces de l’Église Catholique qui ont pris la Croix. Plus connue sous le nom de Croisade des Albigeois, cette guerre dévastera le midi et durera plus de 30 ans. La région sera dévastée, pillée et ruinée. Les années de destructions et de combats vont plonger le pays dans la famine et l’appauvrissement. Avec autant de morts et de désolation, peut-on parler de génocide ? Même de nos jours, il est difficile de faire ressortir un véritable coupable de cette triste page de notre histoire.
Le 14 janvier 1208, alors qu’il traverse le Rhône près de Saint-Gilles à Trinquetailles, le légat Pierre de Castelnau est assassiné par un homme à la solde du comte de Toulouse. Cet événement est considéré comme le déclencheur de la Croisade des Albigeois.
Le 10 mars, Pierre de Castelnau est canonisé. (Bulle d’Innocent III contre les assassins de Pierre de Castelnau). Toutes les tentatives du pape pour ramener les hérétiques au sein de l’Église catholique ont échoué. A la cour de France comme à Rome, on est décidé à mettre un terme aux ambitions d’indépendance du Languedoc.
PREMIER APPEL A LA CROISADE
L’expédition porte officiellement le nom d’«Affaire de la Paix et de la Foi» (en latin, negotium pacis et fidei).
Innocent III promet les mêmes indulgences que pour un pèlerinage à Jérusalem. Philippe II refuse la proposition ; il est trop occupé dans son combat avec les Plantagenêt et ne prend pas part à la croisade contre l’hérésie cathare. Il préfère se tenir en retrait, ne voulant pas écorner son image en guerroyant contre des gens qui sont ses sujets. Il n’est pas d’accord avec le pape qui s’apprête à s’investir dans une affaire intérieure au pays, et il le lui fait savoir. Mais il accorde néanmoins sa bénédiction à ses vassaux et ne s’oppose pas à ce que l’abbé Guy des Vaux-de-Cernay recrute parmi les barons du nord.
Le légat pontifical Pierre de Castelnau essaie alors de se tourner vers Raymond VI de Toulouse, afin que celui-ci prenne la tête d’une force armée destinée à soumettre l’hérésie cathare. Mais le comte de Toulouse, descendant du notoire Raymond IV de Saint-Gilles, chef de la Première Croisade en terre sainte, réfute l’offre du pape, arguant qu’il ne veut pas combattre ses propres sujets. Jugé trop complaisant envers les ennemis de l’Église, il sera excommunié. Fait inédit dans l’Histoire, pour la première fois une croisade est dirigée contre des disciples du Christ. Cet événement ne semble pas troubler les contemporains de cette époque ; il est vrai que l’hérésie cathare ne peut être tolérée.
LES CROISES SUR LES ROUTES DU LANGUEDOC
SIMON IV de MONTFORT
(1160-1218)
ORIGINES ET FAMILLES
Principal acteur de la Croisade contre les Albigeois, il est seigneur de Montfort-l’Amaury de 1188 à1218, comte de Leicester en 1204, vicomte d’Albi, de Béziers et de Carcassonne de 1213 à 1218, et enfin comte de Toulouse de 1215 à 1218.
Depuis le 10ème siècle, la famille de Simon de Montfort possède tout l’ouest du Hurepoix (ancien pays de France situé au sud de Paris dans l’actuel département de l’Essonne). En Île-de-France, il est un des principaux vassaux du roi Philippe Auguste. A son titre de Baron de Montfort vient se rajouter, par sa mère, celui de comte de Leicester. Il est le fils de Simon IV de Montfort, gruyer royal (officier public) de la forêt d’Yvelines. Sa mère, Amicia de Beaumont, issue du baronnage anglo-normand, est sœur et cohéritière de Robert de Leicester.
CARRIÈRE MILITAIRE
En 1204, Simon de Montfort prend part à la 4ème croisade prêchée par Foulques de Neuilly. Il va se montrer en désaccord avec les exigences des Vénitiens quant au transport par bateaux en terre sainte, le prix demandé étant trop élevé (un grand nombre de seigneurs se sont rendus en Palestine par d’autres moyens, moins onéreux). Il désapprouve, et refuse le marché proposé par le doge de Venise Enrico Dandolo en échange de la somme manquante, et rentre en France.
VAINCRE L’HÉRÉSIE CATHARE
En 1208, l’appel du pape Innocent III le projette avec enthousiasme sur les routes du Languedoc, où il va se montrer un guerrier aussi impitoyable qu’efficace dans la lutte pour éradiquer l’hérésie cathare.
CHRONOLOGIE
5 février 1205 : Folquet de Marseille (1155-1231) devient évêque de Toulouse.
1206 : Dominique de Guzman, futur « Saint Dominique », (1170 à Caleruega, non loin de Silos en Castille, Rome le 6 août 1221) s’établit à Notre-Dame de Prouilhe, à Fangeaux, dont il devient le curé en 1214. Il ouvrira un refuge destiné à recevoir les femmes cathares après leur conversion.
1207
– Printemps 1207 : lors d’une rencontre avec des Cathares, Dominique parvient à les convertir.
– 29 mai 1207 : accusé d’être complaisant à l’égard des Cathares, Raymond VI de Toulouse est excommunié par Pierre de Castelnau, légat du pape Innocent III, et l’interdit est jeté sur ses terres.
– mai 1207 : Innocent III confirme par lettre la sentence d’excommunication de Raymond VI de Toulouse.
LA CROISADE DES BARONS DU NORD
1208
– janvier : Raymond VI requiert vainement le pardon de l’Église.
– Le 14 janvier 1208, le légat Pierre de Castelnau est assassiné par un homme à la solde du comte de Toulouse.
– Le 10 mars, Pierre de Castelnau est canonisé. (Bulle d’Innocent III contre les assassins de Pierre de Castelnau). Toutes les tentatives du pape pour ramener les hérétiques au sein de l’Église catholique ont échoué. A la cour de France comme à Rome, on est décidé à mettre un terme aux ambitions d’indépendance du Languedoc.
Le choix d’Innocent III va se porter sur Simon de Montfort, un petit seigneur d’Île-de-France. Ce dernier va mettre le Languedoc à feu et à sang…
RUINE ET DÉVASTATION DU MIDI
1209
– 22 juin : afin de protéger ses terres de la convoitise des barons du Nord, Raymond VI se joint à l’armée croisée, et ne peut donc pas être attaqué.
– 22 juillet : prise de Béziers ; la population est massacrée. On dénombrera entre 20 000 et 30 000 morts.
– Après le massacre de Béziers et la prise de Carcassonne, par son zèle et son courage, Simon de Montfort est élu chef de la Croisade contre les Albigeois.
– fin août : à l’instigation d’Arnaud Amaury, Simon de Montfort prend la tête de la croisade. Il devient le nouveau vicomte de Carcassonne, Béziers, Albi et Razès.
– En automne : la « quarantaine » (service militaire obligatoire de 40 jours), s’achève pour un grand nombre de croisés et les rangs de l’armée du Christ se disséminent. La résistance occitane en profite pour se réorganiser. Les « faydits » désertent leurs bastions, devenus vulnérables, pour gagner les forteresses de montagne difficiles à investir.
SIMON IV DE MONTFORT LE LION
– Septembre : reddition de Fanjeaux.
– Septembre : les habitants de Castres font allégeance à Simon de Montfort.
– Prise de Pamiers au comte de Foix, Raimond-Roger de Foix.
– Les habitants d’Albi font allégeance à Simon de Montfort.
– Prise de Preixan et de Montréal.
– Fin octobre : rencontre entre Pierre d’Aragon et Simon de Montfort.
– 10 novembre : Raymond-Roger Trencavel meurt au fond de son cachot, probablement de soif et de dysenterie (Simon de Montfort sera accusé plus tard de l’avoir fait empoisonner).
– Fin novembre-début décembre : Prise de Puisserguier par Giraud de Perpieux. Les 50 hommes de la garnison de Simon de Montfort sont massacrés, et les deux chevaliers sont mutilés.
1210
LA RÉSISTANCE S’ORGANISE
– Mars : l’épouse de Simon de Montfort, Alix de Montmorency, arrive dans le Languedoc avec des renforts.
– 15 juillet : début du siège de la ville de Minerve (Héraut, France).
– 22 juillet : prise de Minerve. 140 cathares périssent sur le bûcher.
– 1er août : début du siège de la place forte de Termes (Aude France).
– Septembre : nouvelle excommunication de Raymond VI.
– Octobre : chute du château de Puivert.
– 23 novembre : prise de la place forte de Termes.
1211
LE CONCILE DE MONTPELLIER
En 1211, le concile se réunit à Montpellier pour statuer sur le cas du comte de Toulouse. Bien que Raymond VI se soit rallié à la croisade, les faveurs du synode ne penchent toujours pas de son côté. L’assemblée, réunie pour la circonstance, maintient donc sa sentence d’excommunication envers lui. Cette décision est assortie d’une charte qui devra être respectée point par point par le comte de Toulouse et ses descendants.
– Pierre II d’Aragon tente de négocier la paix entre Raymond VI de Toulouse, le légat Arnaud Amaury, et Simon IV de Montfort.
– avril : bataille de Montgey.
Victoire des troupes du Comté de Foix, placées sous les ordres de Raymond-Roger de Foix, face aux forces de l’armée croisée.
– 3 mai : prise de la forteresse de Lavaur par Simon IV de Montfort. 400 cathares périssent sur le bûcher.
La guerre devient impitoyable, bûchers et massacres se multiplient. Avec la prise de Lavaur on atteint un sommet dans la cruauté. Les 80 défenseurs de la ville sont pendus, la dame de Lavaur (Guiraude de Lavaur, dite aussi Guiraude de Laurac), figure emblématique de la résistance des Albigeois, bonne catholique, est livrée aux soudards, puis jetée, poignets liés, dans un puits. Les 400 « Parfaits » qui ont refusé de renier leur foi sont brûlés sur un bûcher ; il sera le plus important de la croisade. On les enjoindra vainement à se convertir, et, comme à Minerve, ils iront à la mort en chantant.
– 5 juin : Raymond II Trencavel abandonne tous ses droits sur Carcassonne et Bézier à Simon IV de Montfort.
– 15 juin : l’armée des croisés bat celle du comte de Toulouse devant la ville de Toulouse. Simon IV de Montfort commence le siège de la ville.
– 29 juin : Simon IV de Montfort quitte le siège de Toulouse et en représailles, part ravager le comté de Foix.
– Septembre : premier siège de Castelnaudary.
Victoire des Croisés de Simon IV de Montfort face aux troupes assiégées de Raymond VI de Toulouse.
1212
– Arrivée dans le Languedoc de Pierre des Vaux de Cernay (chroniqueur de la Croisade des Albigeois). Il a participé à la 4ème croisade (1202-1204) ; il est le neveu de Guy des Vaux de Cernay.
– Avril : Simon IV de Montfort reçoit des nouveaux renforts et se lance à la conquête de l’Albigeois et du Quercy.
– Les armées croisées sont victorieuses à Montcuq, Moissac, Castelsarrasin et Agen.
– Printemps : Chute de Puylaurens ; les croisés dominent la Gascogne et le Béarn.
– Retour d’Arnaud Amaury comme archevêque de Narbonne.
– A Pamiers, Montfort décrète l’abrogation des coutumes du pays d’oc au profit de celles du nord de la France.
– Eté : Simon IV de Montfort conquiert l’Agenais.
– 25 juillet : Montfort s’empare de Penne-en-Agenais. Après un siège de 50 jours, la ville capitule.
– Décembre à Pamiers : Simon IV de Montfort fait rédiger une charte, « les statuts de Pamiers ». C’est une abrogation des coutumes civiles et religieuses des régions annexées dans le Midi au profit de celles du nord de la France.
1213
– Janvier : le pape Innocent III suspend les hostilités ; une trêve est instaurée à l’initiative de Pierre II d’Aragon.
– 21 janvier : Pierre II d’Aragon se déclare protecteur de son beau-frère, le comte de Toulouse.
– mai : fin de la trêve. Le fils de Philippe Auguste, Louis, futur Louis VIII, prend la croix ; la croisade reprend.
– 12 septembre 1213 : bataille de Muret (Haute Garonne).
Victoire des troupes croisées de Simon IV de Montfort, sur celles de Pierre II d’Aragon le catholique, du comte de Toulouse Raymond VI, de Raymond Roger comte de Foix, et de Bernard IV de Comminges. Le roi d’Aragon, Pierre II, perdra la vie lors du combat.
En sortant victorieux de la bataille de Muret, Simon IV de Montfort annonce les débuts de la domination française sur l’Occitanie, et la fin des prétentions territoriales de la couronne d’Aragon au nord.
Simon IV de Montfort, enivré par le succès, entreprend alors de spolier entièrement Raymond VI de ses terres.
1214
– La région de Foix est à nouveau saccagée. Raymond Roger, comte de Foix, se soumet à l’Église ; son château est investi et concédé en gage au légat du pape qui le donnera, par la suite, à Simon de Montfort.
– Avril : le pape ordonne l’arrêt des combats. Nouvelle cessation des hostilités à la demande d’Innocent III. En novembre, le futur Concile de Latran décidera du sort du Languedoc.
– juin : Simon de Montfort s’empare de Marmande et de Casseneuil, et rétablit son autorité sur l’Agenais.
1215
LE CONCILE DE LATRAN
– 8 janvier : le concile de Montpellier attribue provisoirement les biens de Raymond VI de Toulouse à Simon IV de Montfort.
– 11 novembre : ouverture du 4ème Concile de Latran.
– Appel du pape à la 5ème croisade vers l’Égypte (1217-1221).
– 30 novembre : clôture du 4ème Concile de Latran.
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– 15 décembre : à l’issue du Concile de Latran, le pape Innocent III lègue définitivement le comté de Toulouse, le duché de Narbonne, les vicomtés de Carcassonne et de Béziers à Simon IV de Montfort. Le marquisat de Provence est donné à Raymond VII de Toulouse, le fils de Raymond VI de Toulouse.
SOULÈVEMENT DU LANGUEDOC
1217
– Été : Simon IV de Montfort effectue des raids dans l’Ariège.
-Juillet : l’armée de Simon IV de Montfort part guerroyer dans la vallée du Rhône contre le comte de Valentinois, Aymar II de Poitiers. Le chef des croisés se bat du côté de Viviers, de Montélimar, puis assiège Crest.
– septembre : siège de Toulouse (du 22 septembre 1217 au 25 juillet 1218).
Profitant de l’éloignement de l’armée du Nord, les Toulousains se révoltent, et demandent de l’aide à Raymond VI. Le comte, bientôt rejoint par son fils Raymond VII, parvient à s’infiltrer dans la ville, où il organise sa résistance. Rappelé en catastrophe, Simon IV de Montfort rejoint son frère Guy de Montfort qui vient de débuter le siège de la ville.
1218
– 25 juin : percuté par un projectile lancé par une pierrière actionnée par des femmes, Simon IV de Montfort décède aux pieds des remparts de Toulouse.
– 26 juin : Amaury de Montfort succède à son père à la tête des armées du Nord.
– 25 juillet : levée du siège de Toulouse ; Amaury de Montfort se replie sur Carcassonne.
LE PRINCE LOUIS ENTRE EN LICE
A la demande du pape Honorius III, le futur Louis VIII, fils du roi Philippe Auguste, donne son aval pour continuer la croisade.
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