Charlemagne annexe la Bavière

LES CAROLINGIENS

Effigie Charlemagne et autour l’inscription KAROLVS IMP AVG (Karolus imperator augustus).

CHARLEMAGNE ANNEXE LA BAVIÈRE

Lecture d’un capitulaire de Charlemagne à l’empereur entouré de ses vassaux, comtes et missi dominici.

 

Armoiries imaginaires attribuées à Charlemagne.

En 757, à l’assemblée de Compiègne, le duc Tassilon III de Bavière prête serment d’allégeance à son oncle Pépin le Bref. Mais il se montre comme un vassal désobéissant et rebelle. En 753, par exemple, en pleine guerre d’Aquitaine, il ne respecte pas son serment et n’hésite pas à lâcher le roi des Francs.

Tassilon est né en 741. Il est proche de Charlemagne ; d’abord car tous deux ont presque le même âge (il est son aîné de quelques mois), et aussi par les liens du sang qui les unissent (il est son cousin germain, sa mère Hiltrude étant la sœur de Pépin le Bref ).

Depuis son accession au pouvoir, Tassilon essaie par tous les moyens illicites de se détacher de la suzeraineté franque. Liutberge, son épouse et fille de Didier (roi des Lombards), ne cesse de le pousser à la dissidence et à la désobéissance. Tassilon III refuse donc de se soumettre à l’autorité de Charlemagne. Ses manigances, ses manœuvres, ses atermoiements et ses revirements, vont décider une bonne fois pour toutes le roi des Francs à le punir.

En 787, malgré la demande du roi Pépin le Bref, Tassilon refuse de se rendre à Worms et de prêter serment d’allégeance à Charlemagne, son puissant cousin. C’est un refus de trop pour ce dernier qui, par dépit, finira par envahir la Bavière.


TASSILON DE BAVIÈRE, UN DUC REBELLE…

Charlemagne

En 781, Charlemagne  demande au duc de Bavière de renouveler le serment autrefois prêté à Pépin le Bref. Tassilon accepte l’invitation du roi Charles à une condition : qu’on lui remette des otages « qui lui permettraient de ne point craindre pour sa sécurité ».

Bon gré mal gré, il finit par se reconnaître vassal de son puissant cousin, et lui jure fidélité. Mais son comportement à l’égard du roi ne va pas changer, et il va persister à diriger la Bavière à sa façon, en toute indépendance.

Fâché, le roi des Francs intervient en le menaçant une première fois. Alors, en 787, Tassilon essaie de faire intervenir le pape en sa faveur. Le Saint Père n’est-il pas un fidèle soutien du duché de la catholique Bavière, où l’église est fermement attachée à son prince par les liens d’une affection réciproque ?

Si le pape promet au duc de Bavière d’intervenir en sa faveur, il exprime le vœu pieux que « la paix et la concorde » renaissent entre les deux cousins. Charlemagne, devenu méfiant par les volte-face de Tassilon, insiste pour que les messagers bavarois ratifient immédiatement un accord avec le Saint Père. Les émissaires refusent…

Le pape Hadrien Ier se fâche : « Si le duc opposait aux paroles du souverain pontife un cœur endurci, Charles et son armée seraient absous de tout péché et déclarés innocents des incendies, homicides et méfaits de diverses natures qu’ils pourraient accomplir au détriment de Tassilon et de ses complices ». Voilà le duc de Bavière prévenu…

Au cours de l’assemblée réunie à Worms (ville d’Allemagne, située dans le Land de Rhénanie-Palatinat, sur la rive gauche du Rhin et le sud-ouest du pays), Charlemagne requiert la présence de son cousin ; mais celui-ci refuse la convocation.

Le roi des Francs rassemble alors une puissante armée : trois corps se dirigent par Le Lech (rivière d’Autriche et d’Allemagne et un affluent sur la rive droite du Danube), le Danube et le Tyrol.

Reconstitution d’un cavalier carolingien

L’armée bavaroise, dépourvue de cavalerie, est bien moins puissante que celle des Francs. Encerclée de toutes parts, elle ne peut résister longtemps aux forces envoyées par son puissant cousin.

TASSILON III DE BAVIÈRE

NAISSANCE ET FAMILLE

Tassilon III de Bavière (troisième du nom) naît vers 741, et meurt après 794.

Il fut duc de Bavière (ou plus exactement des Bavarois) de 748 à 788. C’est le dernier héritier de la dynastie bavaroise des Agilolfinges et une personnalité politique de premier plan à l’époque de Charlemagne.

Il est le fils d’Odillon de Bavière (?-748) et de la fille naturelle de Charles Martel, Hiltrude (née vers 715-morte en 754). Il est donc le neveu de Pépin le Bref et cousin de Charlemagne. Ce lien de parenté avec les Carolingiens permettra à sa mère d’être régente du duché de Bavière à partir de 748.

En 757, au concile de Compiègne, Tassilon jure fidélité au roi des Francs, devenant ainsi le vassal de Pépin le Bref. Néanmoins, il mènera par la suite une politique d’indépendance vis-à-vis du royaume franc.

MARIAGE

Tassilon épouse Liutberge, la fille de Didier, le roi des Lombards (756 – 774). Celui-ci domine alors l’Italie à l’ouest du duché de Bavière.

SA VIE

S’appuyant, pour régner, sur la richesse des monastères, Tassilon favorise les missions de conversion des Slaves de Carinthie qui se sont établis entre la Drave et la Save.

Lorsque les Slovènes sont menacés par les Avars, Tassilon s’affirme comme leur protecteur, et fonde l’abbaye bénédictine de Münchsmünster.

Cependant, lorsque Charlemagne met fin au règne de son beau-père, Didier (roi des Lombards), afin de défendre la papauté de Rome, Tassilon n’intervient pas pour prêter assistance aux Lombards. Le duc est désormais isolé : l’annexion du royaume des Lombards, puis du Frioul par Charles achève en effet l’encerclement de la Bavière, qui est désormais privée de tout appui en Italie.

Le moment est opportun pour Charlemagne, qui demande alors à Tassilon de confirmer sa fidélité en prêtant à nouveau serment en 781. Le duc accepte de se rendre à l’assemblée de Worms à une condition (afin de garantir sa sécurité) : que le roi des Francs lui livre des otages.

En 787, Tassilon tente de gagner le soutien du pape Hadrien, mais la préférence de l’Église va en priorité aux Francs. Charlemagne lève alors trois armées pour soumettre le duc rebelle, Tassilon. Celui-ci, contraint et forcé, renouvèle son serment au Lechfeld, près d’Augsbourg, le 3 octobre 787.

De retour dans sa capitale, à Ratisbonne, Tassilon reprend ses intrigues. Il est probablement influencé par Liutberge, son épouse, qui n’a pas oublié les désagréments faits à sa famille par le roi des Francs.

Tassilon entreprend notamment des négociations avec les Avars, ennemis des Francs, ce qui, pour Charlemagne, est le complot de trop. Tassilon est contraint d’avouer tous ses crimes ; il est condamné à mort en 788. Toutefois, en raison de son lien de parenté, Charles l’épargne. Il l’enferme à l’abbaye Saint-Pierre de Jumièges et lui impose, ainsi qu’à son fils Théodon, de devenir moine. Liutberge et leur autre fils Thibert sont placés dans d’autres monastères.

Charlemagne réprime alors les Bavarois rebelles et met à la tête de l’armée un préfet (latin præfectus) en la personne de son beau-frère, Gérold. La distinction de duc de Bavière est supprimée, et remplacée par la charge de plusieurs comtes.

En 794, le sort de Tassilon et des Bavarois est définitivement réglé : Tassilon est emmené au concile de Francfort (794), où Charlemagne lui fait abandonner publiquement tout pouvoir. La Bavière, comme la Carinthie, sont annexées au royaume des Francs, et désormais rangées directement sous l’autorité royale.


LA TRAHISON DE TASSILON

Charlemagne

Le 3 octobre suivant, Tassilon « mit ses mains dans ses mains, se reconnut son vassal et lui rendit le duché que le roi Pépin lui avait confié ».

Les Annales de Saint Nazaire et celles de Wolfenbüttel racontent que « lors de cette cérémonie, le Bavarois remet au roi des Francs un bâton à la tête sculptée en forme d’homme. Peut-être s’agit-il de son sceptre ? ».

Cet hommage est attesté par différents serments solennels et par la remise de treize otages, parmi lesquels se trouve Théodon, le propre fils de Tassilon.

Une fois l’outrage réparé, Charlemagne  se dirige à Ingelheim (ville allemande située sur la rive gauche du Rhin) pour y passer l’hiver.

Dès son retour à Ratisbonne, sa capitale, Tassilon se met immédiatement à ourdir de nouvelles intrigues, notamment en se rapprochant des Avars (ennemis des Francs).

Victoire de Charlemagne sur les Avars

Mais, le refus du pape de lui venir en aide l’a privé du soutien d’une bonne partie de son entourage (dont le clergé et ses sujets). Les partisans bavarois, fidèles à Charlemagne, interviennent en avertissant le roi des intentions malhonnêtes de Tassilon. Ce dernier est aussitôt convoqué par le roi Charles à Ingelheim, « devant une assemblée des Francs et des autres nations placées sous sa domination » pour y être jugé.

Tassilon, isolé, abandonné par les siens, avoue tous ses méfaits et même plus encore …

En 788, la « diète » (assemblée politique en Allemagne, Suède, Pologne, Suisse, et Hongrie) le condamne à mort à l’unanimité pour trahison.

Cependant, bon prince, le roi Charles le gracie. Puis il le fait enfermer à Saint-Goar (ville sur la rive gauche du Rhin moyen dans le Land de Rhénanie-Palatinat, en Allemagne), ensuite au monastère de Jumièges, puis à l’abbaye de Lorsh, afin qu’il fasse pénitence de ses pêchés et qu’il sauve son âme…

La famille du félon (femme et enfants) est aussi condamnée à une « pieuse » incarcération.

En 794, le roi des Francs enjoint Tassilon de venir au concile de Francfort afin qu’il renonce officiellement à tout pouvoir. Devenu moine et résolument vaincu, le Bavarois se soumet.

Les annales rapportent que « Dieu, puissant guerrier, acheva de faire passer sans guerre ni débat le royaume de Bavière dans la main du grand roi Charles ».

 

EXPANSION DE L’EMPIRE FRANC SOUS CHARLEMAGNE

LA BAVIÈRE INTÈGRE LE ROYAUME FRANC

Une fois son cousin Tassilon vaincu, Charlemagne s’installe dans la capitale, à Ratisbonne, le temps d’organiser l’occupation du Duché annexé. Il exile les quelques chefs qui lui sont encore rebelles, supprime la dignité de Duc, et nomme des Comtes du gouvernement à la direction de l’ancien Duché.

Il confie à son beau-frère Gérold la charge de l’administration militaire. La Bavière, nouvelle venue, intègre le royaume franc. Elle rejoint les autres régions de l’immense Empire carolingien de Germanie : la Thuringe, la Hesse, l’Alémanie, et les pays rhénans.

Cette annexion donne au puissant monarque la maîtrise de la vallée du Danube et des défilés des Alpes du sud.

D’autre part, Ratisbonne, que Tassilon avait transformé en un haut lieu de culture et de civilisation, devient (avec son abbaye Saint-Emmeran) l’une des capitales carolingiennes et un illustre centre religieux.   

Basilique Saint-Emmeran de Ratisbonne

En 798, Arn, l’évêque de Salzbourg, est nommé archevêque. Il a toute autorité sur les évêques de Freising, Passau, Ratisbonne, et Säben.

Les abbayes bavaroises, jadis les plus fidèles au Duc de Bavière, sont cédées à des évêques francs (Mondsee à Hildebold de Cologne, et Chiemsee à Angilram de Metz).

Hildebold de Cologne

Après 24 ans d’indépendance, la Bavière est définitivement annexée à l’Empire carolingien.


LE CLIN D’ŒIL !

MOUSTACHU MAIS PAS BARBU !

Buste de Charlemagne

De nombreuses représentations à travers les siècles décrivent Charlemagne pourvu d’une grosse barbe. France Gall nous chante également : « Il aurait dû caresser longtemps sa barbe fleurie ». Pourtant, on ne trouve aucun dessin contemporain du roi des Francs le représentant ainsi.

En fait, il devait être probablement imberbe, ou juste moustachu. En effet, chez les Francs, la mode était au visage glabre, dépourvu de pilosité sur les joues. C’est pourquoi la légende de Charlemagne et sa barbe florissante vient sans doute plus tard, avec les textes médiévaux. Au Moyen-Âge, la barbe représentait alors virilité et sagesse.

Jamais une telle anecdote franque ne fut plus citée que celle de la barbe fleurie du grand roi Carolus Magnus. Et dans les manuels scolaires de la Troisième République, qu’ils soient catholiques ou bien laïcs, l’image sera largement commentée et abondamment illustrée.


SARCOPHAGES CAROLINGIENS

 

Tombe anthropomorphe : qui a la forme d’un corps humain ou qui a l’apparence humaine. Et où l’on distingue, creusé dans la pierre, l’emplacement de la tête du défunt.

– Lire : La Chapelle Notre-Dame de la Gayole

L’usage du sarcophage s’est sensiblement développé en Septimanie, dès le Vème siècle, à l’époque mérovingienne, au profit des classes aisées de la société. Ce rite perdurera jusqu’à la fin du règne des Carolingiens. Sa forme initialement trapézoïdale se transformera lentement, vers 750-800, en forme rectangulaire.

En 1964, à Cornillon-Confoux (Bouches du Rhône), en creusant un nouvel accès au cimetière, neuf sarcophages d’une nécropole paléochrétienne (Vème, VIIème siècle) furent mis au jour, ainsi que dix-huit autres en 1971.

Lire : Cornillon-Confoux

L’art paléochrétien, ou art et architecture primitifs chrétiens, est un art développé par les Chrétiens ou sous l’égide chrétienne entre l’an 200 et l’an 500. Il couvre une période s’étalant du règne de Justinien (482-565) en Orient, jusqu’aux invasions barbares au 6ème siècle en Occident, et à la conquête arabe (Omeyades) en Syrie, en Egypte et en Afrique du Nord. Avant l’an 200, il demeure très peu de vestiges artistiques qui puissent être qualifiés avec certitude de chrétiens. Ils sont pour la plupart apocryphes. Après l’an 500, l’art paléochrétien s’ouvre sur l’art byzantin et celui du haut Moyen Âge.
 

Sources :

Les rois de France des Éditions Atlas (Les Carolingiens).

Photos publiques Facebook

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charlemagne

https://fr.vikidia.org/wiki/Arm%C3%A9e_carolingienne

https://libresavoir.org/index.php?title=Tassilon_III

 

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