Les Témoins du Passé – L’abbaye Saint-Fortuné de Charlieu
LES TÉMOINS DU PASSÉ
L’ABBAYE SAINT-FORTUNE
DE CHARLIEU
Charlieu
Loire
CULTE : catholique romain.
TYPE : abbaye.
STYLE DOMINANT : roman.
RATTACHEMENT : archidiocèse de Lyon.
PÉRIODES DE CONSTRUCTION : 11ème, 12ème, 15ème et 1ère moitié du 16ème siècle.
PROPRIÉTÉ : du département et de la commune.
PROTECTION : Classement sur la liste des Monuments historiques :
– Les fresques :1846.
– L’abbaye :1862.
– La Tour de la prison (Tour Philippe-Auguste) : 11 juin 1885.
– L’ancienne maison abbatiale, devenue aujourd’hui presbytère : 1889.
– Les anciennes fondations (vestiges) des églises primitives Saint-Fortunat : 14 mars 1928.
– La Tour « de la gendarmerie » (partie de l’ancienne abbaye) : 2 septembre 2004, modifié par arrêté du 18 octobre 2004.
SITUATION
L’abbaye Saint-Fortuné de Charlieu est une ancienne abbaye bénédictine située sur la commune de Charlieu, à l’extrême nord du département de la Loire (limitrophe de celui de Saône-et-Loire, au nord-est de Roanne). La commune se trouve à 82 km au nord de Saint-Étienne, à 67 km au nord-ouest de Lyon, et à 52 km à l’ouest-sud-ouest de Macon. Elle est à la limite entre le Roannais et le Brionnais.
CHARLIEU
INTRODUCTION
La première annotation du bourg de Charlieu remonte à 994. Il est placé au carrefour de deux routes importantes (de Paris à Lyon et de la Saône à la Loire), et se trouve à la limite du duché de Bourgogne. La localité fut fondée sous la protection de l’abbaye bénédictine, qui lui donnera son nom. La position stratégique de la cité décidera les rois de France, notamment Philippe Auguste, à la fortifier (1180) et à la prendre sous leur protection. Le bourg devient prospère, il est le centre d’un commerce florissant ; on y trouve de nombreux marchands et d’artisans tisserands. Au 13ème siècle, les bourgeois de Charlieu bâtissent une église paroissiale, consacrée à Saint Philibert.
Au 15ème siècle, Charlieu se trouve au centre du conflit qui oppose les Armagnacs (parti du roi) et les Bourguignons. Durant cette période, le trafic routier se détourne de la cité. La ville perd de son autonomie, l’affluence de son commerce diminue, et son essor s’essouffle.
En 1827, avec l’implantation des métiers à tisser la soie, le commerce redémarre.
Il reste aujourd’hui de ce riche passé quelques maisons en pierre du 13ème siècle. On y trouve aussi de typiques maisons à pans de bois à encorbellements et à colombages (14ème et 15ème siècles), ou de styles Renaissance et Classique ; ces joyaux d’architecture parsèment la ville et ravissent le promeneur que je suis.
L’ABBAYE SAINT-FORTUNE
DE CHARLIEU
HISTORIQUE
Avant 870, quelques cénobites s’établissent près de la rivière Sornin, dans un lieu appelé Carilocum.
En 872, l’abbaye est fondée par le comte Boson (le futur roi de Bourgogne cisjurane en 879) et Ratbert, évêque de Valence. Les moines rebaptisent le lieu Charlieu (Carus Locus). Le sanctuaire est alors placé sous le patronage de Saint Étienne et de Saint Fortunat, patron et fondateur de l’église de Valence.
Dans un premier temps autonome, l’abbaye est ensuite rattachée, vers 930-940, à l’Ordre de Saint Benoit (ou Ordre de Cluny).
Boson, gouverneur du Lyonnais et comte de Mâcon, fait don par testament de l’abbaye « Abbas Cariloci » à Cluny. En 932, la donation est confirmée par Hugues de Provence (comte d’Arles et de
Vienne).
Dès le 10ème siècle, l’église abbatiale reçoit les reliques de Saint Étienne et de Saint Fortuné. Vers 940, sous l’abbatiat d’Odon de Cluny, face à l’afflux important des pèlerins, le sanctuaire est agrandi pour permettre une meilleure circulation autour des reliques. Deux nefs voûtées de pierre et pourvue, d’un déambulatoire voient alors le jour.
Au cours du siècle suivant, l’église du 9ème siècle se dégrade et tombe en ruine ; on assiste alors à une baisse du nombre de moines durant cette période.
Au 11ème siècle, l’église est reconstruite.
En 1040, pendant la réforme de l’abbé Odilon, l’abbaye est réduite au rang de prieuré clunisien.
Au 11ème siècle, le monastère est reconstruit par Odilon.
En 1094, une 3ème église prieurale est consacrée par le pape Urbain II et par l’abbé Hugues.
Au 12ème siècle, un narthex est construit pour compléter l’église.
Vers 1180, Philippe Auguste fait fortifier la ville et le monastère, et dote la cité d’un châtelain royal.
Au 15ème siècle, le cloître et les bâtiments de l’abbaye sont reconstruits.
En 1638, le clocher de l’église est détruit par la foudre.
Au 17ème siècle, le monastère passe sous le régime de la commende ; le prieuré sera supprimé en 1787.
A la veille de la Révolution française, le prieuré ne compte plus que six moines. Comme de nombreux monastères, il est alors laïcisé et vendu comme bien national et la plus grande partie de l’église est détruite : aujourd’hui, seul subsiste encore l’avant nef ou narthex.
Après la Révolution, la plupart des bâtiments ont été vendus ou détruits.
En 1792, les archives sont brûlées.
L’année suivante, les tympans sont décapités.
En 1795 l’église est vendue, puis détruite en 1800. Les bâtiments du monastère sont vendus et convertis en logements.
En 1844, le réfectoire est à son tour détruit.
Seul le narthex de l’église, qui avait été épargné de la destruction, sera restauré en 1853 et en 1877-1878.
En 1862, l’abbaye est classée Monument Historique.
En 1908, la Société des Amis de Charlieu est fondée.
De 1926 à 1929 et de 1938 à 1952, des campagnes de fouilles sont entreprises sur l’emplacement de l’église.
En 1928, les fondations des églises abbatiales alors mises à jour sont classées.
En 1935, les murs de l’église sont restaurés ; les portails de la façade nord, eux, le seront en 1989/1990.
FAÇADES FORTIFIÉES
LE CLOÎTRE
Il est adossé à l’abbatiale, et date des années 1460/1470. Endommagé au cours du 19ème siècle, il perd alors la galerie nord et une partie de la galerie ouest ; il sera restauré en 1999/2000. Aujourd’hui, il a conservé trois galeries avec ses arcatures gothiques et un puits.
La face est du cloître a bien traversé les époques. Sur son flanc est, une colonnade romane borde la salle capitulaire (salle du chapitre). Elle date de l’époque des constructions d’Odilon, donc peut-être du 11ème siècle. Il doit s’agir sans doute d’un réemploi d’une des galeries du cloître roman. On distingue six arcades avec doubles colonnettes et des chapiteaux décorées de feuillages, de fleurs, d’aigles, d’animaux et de visages.
LA SALLE CAPITULAIRE OU SALLE DU CHAPITRE
La salle capitulaire est accessible par la colonnade romane et date de la fin du 15e siècle. Elle conserve un pilier central avec un lutrin taillé dans l’une de ses pierres, des voûtes d’ogives du début du 16e siècle et des culots sculptés.
La salle du chapitre est bordée par six arcatures romanes massives, probablement une section de galerie du cloître primitif. Il se peut aussi qu’elles soient le réemploi des colonnes du déambulatoire de l’église du 10ème siècle.
Les chapiteaux sont très décorés et sculptés de fleurs. On y remarque des aigles, des poissons, et bien d’autres symboles représentatifs de l’art roman.
LA CHAPELLE NOTRE-DAME-DE-L’ASSOMPTION
C’est la chapelle du prieur. On y accède par la salle capitulaire qui borde la chapelle à l’ouest. Elle fut reconstruite à la fin du 15ème siècle, sur les assises romanes de l’ancienne chapelle Saint-Martin qui existait avant la venue des Bénédictins, auxquels elle fut cédée en 875.
C’est un élément caractéristique des constructions clunisiennes. Elle avait une base rectangulaire avec le chœur décalé en retrait. On retrouve l’art roman dans l’édification des murs, des deux portails et des baies aveugles.
On a exposé à l’intérieur, contre une paroi, un échantillon de ce que devait être l’ancien dallage en terre cuite de la chapelle.
Ce sanctuaire gothique a été restauré en 1932. On peut y admirer des voûtes d’ogives sur culots et une abside à pans.
L’HÔTEL DU PRIEUR
Il se situe au sud de la cour du prieuré. A partir du 15ème siècle, le prieur ne vivait plus parmi la communauté de ses moines, mais dans un hôtel privé attenant à l’abbaye. Cet édifice, de type Renaissance, remplaçait l’infirmerie du monastère médiéval.
On y trouve encore les vestiges d’une tour rectangulaire du 10ème siècle, et une échauguette culmine sur la grande façade sud.
Les travaux de cette bâtisse débutèrent sous la férule d’Antoine Geoffroy, prieur commendataire de 1487 à 1498, puis seront continués par Jean de la Madeleine, prieur cité de 1509 à 1527. On découvre en plusieurs endroits ses armoiries familiales, surtout au-dessus d’une des portes de son logis. Le bâtiment a dû être terminé en 1514.
En 1993, le bâtiment est devenu propriété du conseil général. Il n’est pas encore ouvert à la visite.
LE PARLOIR
On y arrive depuis le côté est du cloître. Voûté au début du 16ème siècle, il est utilisé depuis 1971 comme musée lapidaire. On y retrouve des modillons, des chapiteaux romans de la prieurale du 10ème siècle, des reliefs, des linteaux et des sculptures, de style roman et gothique.
Parmi ces vieilles pierres se trouve le plus ancien vestige du monastère : un bas-relief du 10ème ou du début du 11ème siècle représentant Daniel dans la fosse aux lions.
Un autre bas-relief du début du 12ème siècle, provenant de la chaire du lecteur dans le réfectoire des moines, présente une Annonciation. Elle est datée de 1120. La sculpture est partagée en quatre arcatures dans lesquelles on distingue la Vierge, l’ange Gabriel, le songe de Saint-Joseph et le prophète Isaïe.
Dans une niche, on peut apercevoir deux chapiteaux gothiques, représentant deux personnages enlacés et un individu accroupi qui semble se boucher le nez.
On distingue également une sculpture en haut-relief de la Vierge à l’Enfant qui date du 12ème siècle.
LE CELLIER
En descendant quelques marches du parloir, on accède à une ancienne cave, le cellier. Dans cette grande pièce devenue un musée, sont réunies et exposées des statues offertes par des particuliers ou données par des paroisses. Ces sculptures datent du 15ème siècle au début du 19ème siècle.
L’ÉGLISE SAINT-FORTUNAT
Exceptées les fondations qui ont été mises à jour en 1950, le narthex et les piliers de la première travée, il ne reste pas grand-chose de la prieurale de Saint Fortunat. Au regard de ce qui subsiste aujourd’hui tout laisse à penser que le monument devait être d’une grande beauté, et par son architecture, et par ses décorations et ses sculptures. Elle fut consacrée en 1094. Le reste de l’église a été démoli en 1800.
LA PREMIÈRE TRAVÉE
C’est la seule qui demeure encore debout, avec les collatéraux voûtés d’arêtes.
LE NARTHEX
Le narthex, lui, est ouvert sur la nef et fermé sur l’extérieur par des portes et des fenêtres.
A Charlieu, le narthex, construit vers 1140, est bien conservé. Il aura une salle haute rajoutée à la nef vers la fin du 12ème siècle.
Le rez-de-chaussée est voûté en cintre brisé. Il abrite deux sarcophages. L’un d’eux, gallo-romain, date du 2ème siècle et porte cette inscription : « Au repos éternel de Maria Severolia… son mari et son fils ont fait élever ce tombeau et l’on dédié sous l’ascia (hache) ».
LE GRAND PORTAIL
LE TYMPAN
Il est couronné de l’Agneau Pascal. Le Christ en majesté est représenté dans une mandorle, comme dans un écrin. Il repose les pieds sur Jérusalem, et est entouré de deux anges et des symboles des évangélistes. Au centre du linteau, on trouve une sculpture de la Vierge entourée de deux anges et des 12 apôtres.
On distingue de chaque côté de l’archivolte la présence de deux musiciens. Ces derniers nous interpellent sur le fait que la musique va être omniprésente dans la construction et la symbolique de l’édifice.
LE PETIT PORTAIL
LE TYMPAN
Il représente les Noces de Cana, donc le premier miracle du Christ. On y distingue le Christ entre la Vierge et un disciple ; leurs têtes ont été détruites à la Révolution.
LA SALLE HAUTE
On y accède par un escalier à vis. L’étage du narthex est appelé salle des archives. Le dallage est d’origine.
La salle haute est voûtée d’arêtes sur doubleaux brisés. Cette vaste pièce s’ouvre côté est par une baie en plein cintre, donnant une vue d’ensemble sur les fouilles de l’église. On y trouve des baies et arcatures aux voussures décorées, des colonnettes et des chapiteaux ornés de feuillages.