La Croisade des Albigeois – Folquet de Marseille

 

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 La croisade des Albigeois

(1208-1244)

                 Folquet de Marseille

(1155-1231)

 

 

 

GRANDES FIGURES DE LA CROISADE DES ALBIGEOIS

Le Midi de la France en 1209, après la mort de Raymond V

Albigeois, nom donné au 12ème siècle aux cathares du Languedoc

 

LE CATHARISME, UNE MENACE POUR L’ÉGLISE ET POUR LE ROI

Vers le milieu du 12ème siècle, alors que l’Europe est dominée par une profonde et ardente foi catholique, le Midi toulousain est gagné par une hérésie toute aussi enflammée, le Catharisme. Cette nouvelle religion, qui apparaît vers le 12ème siècle dans les Balkans bulgares, s’appuie essentiellement sur une dualité. Ses disciples, « les Parfaits », croient en deux principes divins opposés : d’une part un monde spirituel avec un Dieu bon, celui de l’Évangile, et de l’autre un monde matériel et corrompu avec un prince du mal et des ténèbres, Dieu de l’Ancien Testament. Les valeurs morales et l’austérité de ses adeptes contrastent avec l’opulence et le relâchement des représentants de l’Église catholique. Les cathares rejettent les sacrements, les indulgences, le purgatoire et le culte des saints. Ils ne glorifient point le sacrifice de la croix, et ne reconnaissent pas le pape comme le successeur légal des apôtres. Refusant le concept de propriété et condamnant le serment, ils sont considérés comme subversifs par la société féodale et par la royauté. Les fondations du christianisme vont chanceler, au point de décider le pape Innocent III à déclarer les « Bons Hommes » et les « Bonnes Dames », hérétiques.

En France, lorsque les croyances cathares apparaissent, la chrétienté est partagée au sein de l’Église et une grande divergence d’idées demeure entre les Français du Nord et les gens du Midi. Alors que ceux du Nord admettent la foi catholique romaine, dans les régions du Sud l’on a adopté l’« arianisme » depuis les premières heures du christianisme. Cette disparité va opposer le Languedoc à l’autorité de Rome, et faire de lui un foyer où les hérésies et les schismes vont se développer sans contrainte.

C’est à Arius (256-336), théologien alexandrin, que l’on attribue au début du 4ème siècle le courant de pensée théologien, l’« arianisme ». Sa pensée assure que si Dieu est divin, son fils Jésus, lui, est avant tout un humain mais possède cependant une part de divinité. C’est en 325 que le concile de Nicée rassemblé par l’empereur Constantin rejeta l’« arianisme » jugé hérétique.

Arius

L’ÉTINCELLE

C’est vers le début du 13ème siècle, en 1204, que le pape Innocent III demande au roi Philippe Auguste (Philippe II) de mener une croisade contre les hérétiques cathares du Languedoc. Pour mener à bien la lutte contre cette nouvelle religion qui fait vaciller les dogmes de l’église catholique, le pape nomme dans cette région les légats apostoliques Pierre de Castelnau et Arnaud Amaury. Le sud de la France va alors s’embraser dans une guerre fratricide, qui opposera ses habitants et ses seigneurs aux forces de l’Eglise Catholique qui ont pris la Croix. Plus connue sous le nom de Croisade des Albigeois, cette guerre dévastera le midi et durera plus de 30 ans. La contrée sera ravagée, pillée et ruinée. Les années de destructions et de combats vont plonger le pays dans la famine et l’appauvrissement. Avec autant de morts et de désolation, peut-on parler de génocide ? Même de nos jours, il est difficile de faire ressortir un véritable coupable de cette triste page de notre histoire.

Philippe II, Auguste

Vers 1204, le diacre de Mirepoix demanda à son seigneur, Raymond de Pareille, de rebâtir le Château de Montségur. Il est probable qu’ayant eu connaissance des projets du pape les concernant, les Parfaits (nom attribué ironiquement par les inquisiteurs aux Cathares), voulaient disposer d’un abri sûr pour s’y réfugier en cas de persécutions. Ces derniers préféraient se faire appeler « les Bonnes Dames et les Bons Hommes ».

Château de Montségur

PREMIER APPEL A LA CROISADE

L’expédition porte officiellement le nom d’«Affaire de la Paix et de la Foi» (en latin, negotium pacis et fidei).

Innocent III promet les mêmes indulgences que pour un pèlerinage à Jérusalem. Philippe II refuse la proposition ; il est trop occupé dans son combat avec les Plantagenêt et ne prend pas part à la croisade contre l’hérésie cathare. Il préfère se tenir en retrait, ne voulant pas écorner son image en guerroyant contre des gens qui sont ses sujets. Il n’est pas d’accord avec le pape qui s’apprête à s’investir dans une affaire intérieure au pays, et il le lui fait savoir. Mais il accorde néanmoins sa bénédiction à ses vassaux et ne s’oppose pas à ce que l’abbé Guy des Vaux-de-Cernay recrute parmi les barons du nord.

Le légat pontifical Pierre de Castelnau essaie alors de se tourner vers Raymond VI de Toulouse, afin que celui-ci prenne la tête d’une force armée destinée à soumettre l’hérésie cathare. Mais le comte de Toulouse, descendant du notoire Raymond IV de Saint-Gilles, chef de la Première Croisade en terre sainte, réfute l’offre du pape, arguant qu’il ne veut pas combattre ses propres sujets. Jugé trop complaisant envers les ennemis de l’Église, il sera excommunié. Fait inédit dans l’Histoire, pour la première fois une croisade est dirigée contre des disciples du Christ. Cet événement ne semble pas troubler les contemporains de cette époque ; il est vrai que l’hérésie cathare ne peut pas être tolérée.

Raymond IV de Toulouse

Le choix d’Innocent III va se porter sur Simon de Montfort, un petit seigneur d’Île-de-France. Ce dernier va mettre le Languedoc à feu et à sang.

Simon de Montfort

EVENEMENTS ANTÉRIEURS

– Avril 1202 : départ de Venise de la 4ème croisade.

– 12 avril 1204 : prise de Constantinople.

– Avril 1204 : fondation de l’Empire latin d’Orient.

 

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Conquête de Constantinople 1204

Quelques dates :

1201 : Folquet de Marseille est nommé abbé de Thoronet (département du Var).

Cloitre du Thoronet

– 5 février 1205 : Folquet de Marseille devient évêque de Toulouse ; il le restera jusqu’à sa mort en 1231. Parmi les clercs et les nobles du Midi, il sera le seul soutien des légats pontificaux envoyés par Innocent III pour réprimer l’hérésie populaire.

Folquet de Marseille

Folquet de Marseille

1206 : Dominique de Guzman, futur « Saint Dominique » (né en 1170 à Caleruega, non loin de Silos en Castille, mort à Bologne le 6 août 1221) s’établit à Notre-Dame de Prouilhe, à Fangeaux, dont il deviendra le curé en 1214. Il ouvrira un refuge destiné à recevoir les femmes cathares après leur conversion.

Monastère de Prouilhe

1207

– Printemps : lors d’une rencontre avec des Cathares, Dominique parvient à les convertir.

– 29 mai : Accusé d’être complaisant à l’égard des Cathares, Raymond VI de Toulouse est excommunié par Pierre de Castelnau, légat du pape Innocent III ; ce dernier jette l’interdit sur ses terres.

Innocent III

– mai : Innocent III confirme par lettre la sentence d’excommunication de Raymond VI de Toulouse.

Août : Colloque de Pamiers. Folquet de Marseille est présent au dernier grand débat entre les Cathares et l’Église catholique romaine. Le château de Pamiers où a eu lieu la controverse n’existe plus aujourd’hui.

LA CROISADE DES BARONS DU NORD

1208

– janvier : Raymond VI requiert vainement le pardon de l’Eglise.

– 14 janvier : le légat pontifical Pierre de Castelnau est assassiné par un homme à la solde du comte de Toulouse.

– 10 mars : Pierre de Castelnau est canonisé. (Bulle d’Innocent III contre les assassins de Pierre de Castelnau). Toutes les tentatives du pape pour ramener les hérétiques au sein de l’Église catholique ont échoué. A la cour de France comme à Rome, on est décidé à mettre un terme aux ambitions d’indépendance du Languedoc.

Pierre de Castelnau

Déclaré martyr par Innocent IV, puis béatifié, Pierre de Castelnau est célébré le 15 janvier dans les diocèses de Carcassonne et de Nîmes.

LES CROISES SUR LES ROUTES DU LANGUEDOC

 

Trois grands suzerains féodaux règnent alors sur le Languedoc : Pierre II d’Aragon, qui est aussi comte de Barcelone, de Gévaudan, de Roussillon, et seigneur de Montpellier, Raymond VI, comte de Toulouse, et Raimond-Roger Trencavel, vicomte de Béziers, de Carcassonne et d’Albi. En 1202, la sœur du roi Pierre d’Aragon, Eléonore d’Aragon, épouse le Comte de Toulouse. Par ce mariage, les deux seigneurs deviennent beaux-frères.

Comté de Toulouse

Armes d’Aragon

1211

2 avril : détesté par Raymond VI, comte de Toulouse, et par de nombreux Toulousains, Folquet de Marseille abandonne Toulouse et demande peu après à tous les clercs d’en faire de même.

FOLQUET DE MARSEILLE

(ou Foulques de Toulouse)

(1155-1231)

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ORIGINES ET JEUNESSE

Cet ancien troubadour naît vers 1155-1160 (date imprécise) et décède le 25 décembre 1231. Folquet de Marseille va faire une carrière exceptionnelle. Fils d’un riche marchand génois (banquier ?) établi à Marseille, il poursuit le métier de son père, avant de devenir poète de cour jusqu’à la fin de sa carrière artistique. C’est un grand compositeur, poète et musicien médiéval de langue d’Oc, reconnu dans les cours de Barcelone, de Toulouse et de Provence. Ses œuvres poétiques le classent dans la 4ème génération connue des artistes de son époque (1175-1200).

Troubadour

Il compte parmi ses amis le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion (1157-1199), Alphonse VIII de Castille (1155-1214), Alphonse II d’Aragon dit aussi Alphonse Raymond de Provence (1152-1196) et  Raymond Geoffroi Barral  (vers 1150-1196).

Dans ces diverses cours il chante et charme de nombreuses grandes dames. Folquet de Marseille est marié et a deux fils. Son amour déçu pour Eudoxie de Montpellier le pousse à abandonner l’habit de ménestrel pour celui de moine avec le but avoué de se retirer du monde avec sa femme et ses enfants. Cela se faisait couramment à cette époque, notamment chez les troubadours. Sa dernière poésie date de 1195.

UN MOINE CISTERCIEN

Vers 1200, Folquet de Marseille quitte donc l’état laïc et entre en religion avec sa famille, en apportant les biens de son patrimoine au monastère cistercien du Thoronet (Provence), abbaye achevée en 1175-1190.

En 1201 il en est l’abbé.

En 1205, l’évêque de Toulouse Raimond de Rabasten est accusé de simonie (chez les Catholiques, commerce de biens spirituels, tout particulièrement les sacrements). Plus grave encore, de complicité et de complaisance avec  l’hérésie cathare. Il est révoqué par les légats du pape qui transmettent à l’abbé du Thoronet le titre d’évêque de Toulouse.

L’ÉVÊQUE DE TOULOUSE

En 1205 Folquet de Marseille est maintenant évêque de Toulouse. Commence alors pour lui une nouvelle carrière publique qui va le rendre tristement célèbre, et le nonce va s’employer à faire disparaître le poète. C’est le début d’une lutte acharnée dirigée contre les Cathares. Pour extirper cette hérésie, il trouve en la personne de Simon de Montfort un allié virulent et efficace. Folquet n’aura aucune pitié pour ses compatriotes. Il se montrera intransigeant et s’opposera très vite à Raymond VI, Comte de Toulouse. Pour terroriser ses adversaires, il fonde une sorte de milice, la « Confrérie blanche », un genre de troupe d’assaut pour pourchasser les hérétiques et les juifs. Son implication dans la Croisade lui vaudra une réputation de traître. Accusation que l’on retrouvera dans les paroles de la « canson de la crosada » composée par Guilhem de Tudèle et un anonyme. Folquet y est présenté d’une manière des plus obscures. Les hommes du pape peuvent compter sur un appui redoutable, celui du prélat Folquet de Marseille.

« Canson de la crosada » composée par Guilhem de Tudèle

Folquet de Marseille œuvre pour la fondation de l’ordre des Frères prêcheurs, et encourage le futur Saint Dominique (vers 1170-1221)  dans sa volonté de créer un ordre religieux pauvre.

Dominique de Guzman

Le 14 janvier 1208, le légat du pape Pierre de Castelnau est assassiné. Le pape Innocent III va se montrer un fervent combattant contre les hérétiques du Languedoc. Il soutiendra les actions des ordres mendiants tels que Dominicains et Franciscains, convaincu de leur efficacité en opposition à la violence des armées.

C’est au début du XIIIème siècle qu’apparut l’Ordre du Carmel, du nom d’une petite communauté d’ermites qui se réunissaient au mont Carmel, près de la frontière actuelle au bord de la mer, entre le Liban et Israël. Ils vivaient en suivant les préceptes de la Vierge Marie et du prophète Elie. Ils se vouaient à la prière, à la solitude et à la méditation de la Loi du Seigneur. Ils s’adonnaient aux travaux manuels et faisaient pénitence et acte de pauvreté. En ces temps mouvementés des Croisades, ils quittèrent leur refuge, redoutant l’insécurité pour les Chrétiens en Terres Saintes. Ils émigrèrent dans leurs contrées d’origine : Sicile, Angleterre, Midi de la France, Italie, puis se propagèrent en Europe. De tels bouleversements apportèrent une sensible modification de leur existence. Ils se regroupèrent, abandonnant leur condition d’ermites pour fonder des Ordres Mendiants, dont les Franciscains et les Dominicains. Ils se réunirent dans les cités, se consacrant à la vie apostolique et contemplative, en suivant les enseignements de la Vierge Marie et du prophète Elie.

Le 12 septembre 1213, Folquet de Marseille assiste à la bataille de Muret qui voit la mort du roi Pierre II d’Aragon, et la victoire des troupes commandées par Simon de Montfort.

Pierre II d’Aragon

Le 15 décembre 1215 : Folquet de Marseille participe au Concile de Latran qui réunit 800 prélats et 400 abbés. A l’issue du Concile, le pape Innocent III lègue définitivement le comté de Toulouse, le duché de Narbonne, les vicomtés de Carcassonne et de Béziers à Simon IV de Montfort. Le marquisat de Provence est donné à Raymond VII de Toulouse, le fils de Raymond VI de Toulouse.

Le 4ème Concile du Latran (du 11 au 30 novembre 1215). Sur l’initiative du pape Innocent III, le 4ème Concile du Latran est considéré comme le plus important concile du Moyen Âge. Durant trois semaines, il va statuer sur les principes fondamentaux de l’église catholique et restaurer les mœurs en Occident. Les dogmes (expressions de la foi proclamées solennellement par l’Eglise) seront abordés par le pape, ainsi que les sacrements, la réforme de l’Eglise, la conduite des prêtres et des fidèles, la croisade, le statut des juifs et des homosexuels.

 

Innocent III au Concile de Latran

En 1229, Folquet de Marseille installe officiellement l’Inquisition à Toulouse et y fonde l’Université dans laquelle il place des professeurs venus de Paris pour convertir les Toulousains.

Il meurt le 25 décembre 1231.

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