La bataille de Verdun

La bataille de Verdun

21 février à décembre 1916

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Immobilisme à l’Ouest.

Après la victoire des Alliés sur la Marne, (6-13 septembre 1914), les belligérants des deux camps, dès la fin de l’année 14, se sont fixés dans une guerre de position. Cette date marque la fin de la guerre dite de « mouvements », et le début de l’enfer des tranchées. Avec son lot d’horreurs et de corps à corps sanglants, le soldat doit surmonter des conditions de vie épouvantables. Les combattants évoluent dans la boue au milieu des rats, sur une terre gorgée de cadavres qui, faute de temps, n’ont pas été évacués ou enterrés. Vivants et morts se côtoient irrémédiablement et sont réunis sur un front qui s’étend de la Mer du Nord à la Suisse. Cet immobilisme entraîne l’Etat-major allemand à réagir. Il décide de percer les lignes de défenses françaises sur un point précis du front. Son chef, le généralissime Erich Von Falkenhayn, a choisi : il passera à Verdun.

Plus tard, dans ses Mémoires, le général allemand révèlera qu’il n’avait pas l’intention de faire une percée, mais, au contraire, il voulait fixer l’armée française et la saigner à blanc.  C’est par le feu de milliers de canons qu’il compte épuiser moralement et physiquement les forces françaises, avant de les détruire totalement. Il est appuyé par le Kronprinz, fils aîné de Guillaume II, qui soutient que Verdun est le symbole de la France, et représente son cœur. Ils savent tous les deux que la France défendra ce site sur la Meuse jusqu’à son dernier homme. Les fortifications historiques, édifiées sur cette zone de part et d’autre de la Meuse, en font un lieu stratégique et une question d’honneur national pour chaque Français. C’est justement ce que désire Erich Von Falkenhayn : que l’ennemi concentre le plus de troupes possibles face à ses canons, afin de mieux les anéantir.

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Le saillant de Verdun.

Sur la ligne de front, Verdun représente un saillant cerné de tous côtés. La Meuse, qui traverse le secteur, complique énormément sa défense. De plus, cette partie du front est dotée d’une double ceinture de forts, dont ceux de Douaumont et de Vaux, qui protège ainsi la ville et la préserve de toute intrusion ennemie. Mais l’invasion de la Belgique, dès les premières heures du conflit, va contraindre le Haut Commandement français à changer de tactique. La destruction des places fortes de Liège, Namur et Maubeuge par les obusiers allemands de gros calibres, a démontré toute l’inutilité des forts. Ce système de défense étant devenu obsolète, les places fortes vont être désarmées. Les canons de Verdun vont être retirés par décret du 5 août 1915, et repositionnés sur le front. Joffre a besoin de ces pièces d’artillerie pour l’offensive qu’il projette, avec les Britanniques, sur la Somme. Les garnisons, qui occupaient la ceinture de fortifications, vont être ramenées à quelques dizaines de combattants, voire parfois moins. Les lignes de défense sont, elles aussi, réduites à une tranchée au lieu de trois, bien souvent en très mauvais état et tombées en désuétude. Seul un train à voie étroite, le chemin de fer meusien, assure le ravitaillement du secteur entre Bar-le-Duc et Verdun ; mais il demeure inadapté au transport de matériel lourd. La ligne à voie normale, reliant Verdun à Nancy, avait été coupée par les Allemands en 1914 avec la prise de Saint-Mihiel. La seule voie d’accès réside en une petite route départementale que Maurice Barrès appellera la Voie Sacrée. Ce déficit en réseau de communication avec l’arrière fragilise d’autant plus la zone des combats.


Les préparatifs.

Les Allemands ont rassemblé face à Verdun environ 2 500 000 obus et 1225 pièces d’artillerie de tous calibres, dont :

  • 542 obusiers lourds de 210 mm tous les 150 m.
  • 13 obusiers Krupp de 420 mm.
  • 17 obusiers Skoda de 305 mm.
  • 2 pièces de marine de 380 mm.
  • 72 bataillons d’infanterie qui s’entassent dans les abris enterrés.

De tels préparatifs ne peuvent passer inaperçus et échapper à la vigilance des défenseurs de Verdun, en l’occurrence du Lieutenant Colonel Emile Driant, qui occupe le poste avancé du  Bois des Caures.


Episode du Bois des Caures.                

Emile_Driant-portrait-photoEn février 1916, le Bois des Caures se trouve sur la ligne de front, au nord de Verdun. Cette partie du dispositif est défendue par les 56ème et 59ème bataillons de chasseur à pied du Lieutenant Colonel Driant. Aux premières heures de la bataille, en ce 21 février 1916, le bois est détruit presque aussitôt par la préparation d’artillerie allemande. Les survivants des deux unités s’opposeront aux assauts de l’ennemi durant deux jours avant d’être anéantis ou capturés. Cette résistance, face à un adversaire en surnombre, permettra de freiner l’avancée allemande et d’amener des renforts pour consolider le dispositif des défenses françaises.

Face aux 56ème et 59ème bataillons de chasseurs à pied se déploie la 21ème division allemande, forte de 4 régiments à 12 bataillons. Elle dispose en plus du soutien de 40 batteries lourdes, sept batteries de campagne et 50 minenwerfer (mortier de tranchée), soit 230 pièces.

Au cours des combats, les deux formations du Lieutenant Colonel Driant perdent 90% de leurs effectifs, mais leur pugnacité aura retardé de manière décisive les objectifs allemands. Le front sera colmaté par de nouveaux renforts qui éviteront la percée sur Verdun.

Le 20 février 1916, à la veille du déclenchement de la bataille de Verdun, le lieutenant-colonel Driant adresse ce dernier courrier à sa femme :

« Je ne t’écris que quelques lignes hâtives, car je monte là-haut encourager tout mon monde, voir les derniers préparatifs ; l’ordre du général Bapst que je t’envoie, la visite de Joffre, hier, prouvent que l’heure est proche et au fond, j’éprouve une satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y a un mois ce qui arrive, par l’ordre du bataillon que je t’ai envoyé. À la grâce de Dieu ! Vois-tu, je ferai de mon mieux et je me sens très calme. J’ai toujours eu une telle chance que j’y crois encore pour cette fois.

Leur assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de plusieurs jours. Mais il est certain. Notre bois aura ses premières tranchées prises dès les premières minutes, car ils y emploieront flammes et gaz. Nous le savons, par un prisonnier de ce matin. Mes pauvres bataillons si épargnés jusqu’ici ! Enfin, eux aussi ont eu de la chance jusqu’à présent… Qui sait! Mais comme on se sent peu de choses à ces heures là. »

Lieutenant – Colonel Emile Driant

Il meurt au combat, l’arme à la main, le 22 février 1916. L’ennemi n’est pas passé.


Début de la bataille, (les premières heures).

Il est 7h15 du matin, ce 21 février 1916, lorsque l’artillerie allemande entre en action, et déverse une pluie d’obus de tous calibres sur les positions françaises. La stratégie de l’assaillant est simple : l’artillerie « prépare le terrain » en pilonnant copieusement les lignes françaises des heures durant. Les Allemands appellent ce déluge le Trommelfeuer ; c’esten réalité un feu roulant, tel un orage d’acier. L’assaut est donné en fin d’après-midi sur des positions ennemies que l’Etat-major allemand  présume exterminées, et où plus aucune âme n’aurait dû survivre à cet enfer.

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Une tranchée

Dans les lignes françaises, la surprise a été presque totale, le choc a été démentiel. Cependant la débâcle prévue par les Allemands n’a pas eu lieu. Les survivants ne se sont pas enfuis, ni rendus. Mais le rapport des forces est en défaveur des Français qui doivent, à un contre dix, s’opposer à la déferlante ennemie. Celui-ci utilise pour la première fois une arme effrayante, redoutée de tous les combattants, le lance-flammes. La défense ploie mais ne rompt pas ; elle commence à s’organiser. Les soldats du Kronprinz progressent par vagues d’assaut, tous les cent mètres, mais leurs alignements ne peuvent être maintenus : le terrain a été trop bouleversé et désorganise leur attaque. Les quelques survivants français encore valides se défendent et les prennent à revers. C’est une éventualité qui n’avait pas été prise en compte par les Allemands. Ceux-ci s’appuyaient sur leur doctrine militaire qui devait faire sensation ; « l’artillerie conquiert, l’infanterie occupe ». Mais rien ne se passera ainsi. Dès les premières heures de la bataille, une lutte à mort déferle dans les deux camps ; elle se poursuivra  durant de long mois encore, et causera des pertes inouïes de part et d’autre.


Philippe Pétain.

Le 25 février, Philippe Pétain prend le commandement du secteur de Verdun.

Fantassin de formation, Philippe Pétain est économe de la vie de ses hommes ; il ne cesse de répéter que « le feu tue. » Il est un tacticien émérite, et la précision de ses décisions a prévalu à sa nomination. Il va s’efforcer d’adoucir les épreuves supportées par ses soldats tout au long de la bataille, et de réduire les misères que la troupe subit au quotidien.

Il va tout d’abord réorganiser la défense. Celle-ci s’articule sur les deux rives de la Meuse, en quatre formations : Guillaumat, Balfourier et Duchêne sur la rive droite, Bazelaire sur la rive gauche. Les forts sont réarmés, et une artillerie renforcée assure la couverture des premières lignes. Afin de ménager les efforts de ses soldats, il instaure ce qu’il appelle « une noria ou le tourniquet.» Un balai ininterrompu s’active et se relaie sur le front. Presque toute l’armée française va venir se battre à Verdun. En juillet 1916, 70 des 95 divisions françaises auront participé à la bataille. Plus qu’une bataille, Verdun va devenir un symbole, celui de la résistance de la France face à l’envahisseur, du courage et de l’abnégation : « Verdun, j’y étais !»

Dans un 2ème temps, Pétain va réorganiser la logistique. L’unique issue de ravitaillement disponible est une voie ferrée sinueuse qui s’apparente plus à un tortillard qu’à un train digne de ce nom. Le tout est doublé d’une petite route départementale qui ne fait que sept mètres de large, et qui devient vite impraticable lors de fortes pluies. Cette voie d’accès va prendre le nom de « Voie Sacrée. » Jour et nuit, une multitude de véhicules en tous genres va l’emprunter, pour ravitailler le front de manière permanente jusqu’à la fin de la bataille. La circulation s’y fera pare-choc contre pare-choc, aucun arrêt ne sera toléré, et tout véhicule en panne sera poussé volontairement dans le fossé ; il est vital que le flot demeure ininterrompu.


Déroulements des combats sur les autres fronts en 1916.

  • Le 8 janvier, évacuation de la péninsule de Gallipoli. (Lire Journey to Gallipoli, nouvelle extraite du livre de Jean-Marie Borghino : Des Poppies et des larmes).
  • Mars-avril, défaite russe au lac Narocz.
  • Avril, insurrection de Dublin.
  • Le 31 Mai, bataille navale du Jutland.
  • Du 4 juin au 10 août, Offensive Broussilov sur le front de l’Est.
  • Le 10 juin, prise de la Mecque par les Britanniques.
  • Le 1er juillet, début de la bataille de la Somme et première attaque anglaise.
  • Le 14 juillet, bataille de la crête de Bazentin, début de la 2ème phase de la bataille de la Somme.
  • Le 17 août, entrée des troupes bulgares en Grèce.
  • Le 27 août, entrée en guerre de la Roumanie aux côtés de l’Entente.
  • Le 12 septembre, offensive franco-serbe dans les Balkans.
  • Du 15 au 22 septembre, bataille de Flers-Courcelette (Somme), avec la première apparition des chars britanniques.
  • Le 27 septembre, bataille de Tuiepval (Somme).
  • En octobre, fin de l’offensive Broussilov.
  • Le 19 novembre, fin de la bataille de la Somme.
  • Le 6 décembre, chute de Bucarest.
  • Le 17 décembre, assassinat de Raspoutine.

Des heures, des jours, des semaines et des mois de chaos.

Le saillant de Verdun se transforme en une véritable boucherie sans nom, où la sauvagerie l’emporte sur toute forme de compassion. Le fer, le feu et la boue forment la trinité diabolique du poilu et du feldgrau.

Le 7 mars, les Allemands attaquent et occupent la rive droite de la Meuse, à partir de Douaumont. Cette zone sera la partie la plus meurtrie du front. Les ouvrages du fort de Souville (aujourd’hui en ruines), de Thiaumont (totalement rayé de la carte) et de Froideterre, permettront aux Français de résister sur l’ultime position dominant la ville de Verdun. Le village de Fleury-devant-Douaumont sera pris et repris seize fois au cours de furieux combats d’une intensité jamais égalée. Ce village fait partie aujourd’hui des huit communes fantômes de France qui ont un maire, mais plus d’habitants. Il représente le point extrême de l’avancée devant Verdun.

Pétain n’aura de cesse de demander des renforts à Joffre. Celui-ci est engagé sur la Somme avec ses alliés britanniques ; il les lui refuse.  Ce qui fera dire à Pétain : « Le GQG me donne plus de mal que le boche.»


Déroulement des combats sur le front de Verdun en 1916.

  • Le 25 février, prise du fort de Douaumont par les Allemands.
  • Le 25 février, Philippe Pétain est nommé par Joffre, à la demande du général de Castelnau, au commandement du secteur de Verdun.
  • Le 28 février, échec de la 2ème attaque allemande sur Verdun.
  • Mars, franchissement de la Meuse par les Allemands.
  • Mars, bataille de Mort-Homme et de la Côte 304.

En même temps, 10 000 Français tombent pour garder la côte 304 ; les Allemands s’y accrochent furieusement.

  • monument-verdun-hommage-mortLe 7 Juin, prise du fort de Vaux par les Allemands. (Lire Le Fort de Vaux, nouvelle extraitedu livre de Jean-Marie Borghino : Du Sang sur les Bleuets). 
  • Le 4 septembre, explosion du tunnel de Tavannes.
  • Le 24 octobre 1916, reprise du fort de Douaumont par le régiment d’infanterie coloniale du Maroc (RICM), renforcé de tirailleurs sénégalais et somalis, du 4ème régiment mixte de zouaves et tirailleurs (4ème  RMZT) et du 321ème  régiment d’infanterie (321ème  RI).

Aux dires du général Pétain, le fort de Douaumont aura coûté 100 000 morts à la France et sera pris et repris sans combats.

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Fort de Douaumont

  • Le 2 novembre, reprise du Fort de Vaux par les Français.

Le sort de la bataille bascule.

Avec le déclenchement de la bataille de la Somme par les Alliés, le 1er juillet 1916, la situation du haut commandement allemand se complique. Les assauts sur Verdun s’essoufflent, les offensives italiennes ont fait reculer les Autrichiens et les Russes avancent sur le front oriental. Autant d’événements qui vont, du côté des Alliés, faire pencher le sort de la bataille engagée sur les rives de la Meuse depuis le 21 février 1916.

Le 11 juillet, Falkenhayn exécute l’attaque de la dernière chance. Elle sera bloquée par le fort de Souville, à trois kilomètres de la ville de Verdun. Les Allemands perdent alors définitivement l’initiative.

  • Pour les Français : 163 000 tués ou disparus, et 216 000 blessés.
  • Pour les Allemands : 143 000 tués ou disparus, et 196 000 blessés.

60 millions d’obus, au moins, ont été tirés, dont deux millions par les Allemands dès les premières heures du 21 février. Ce qui représente environ 6 obus par m2. Après les furieux combats livrés sur la Côte 304 (initialement nommée à cause de sa hauteur), celle-ci ne s’élevait plus qu’à 297 mètres d’altitude…

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2 réponses

  1. 5 juillet 2014

    […] décembre 1916, alors que la bataille de Verdun vient de prendre fin, le général Nivelle remplace Joffre à la tête des armées. Ce dernier, […]

  2. 10 juillet 2014

    […] la Somme est une des principales opérations militaires de la 1ère Guerre mondiale. Avec celle de Verdun, où les Français sont, depuis le 21 février de la même année, engagés dans une lutte à mort […]

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