Les fils de Clovis – Thierry Ier

LES FILS DE CLOVIS

Clovis roi des Francs

THIERRY Ier

(485-534)

Thierry Ier

SOMMAIRE

Thierry (aussi appelé Théodoric) est né en 485. Il est le fruit du premier mariage de Clovis avec Evochilde, une princesse rhénane franque (origine probable et incertaine) issue de la famille royale des Francs de Cologne. Guerrier courageux, il contribue avec son père, en 507 et en 508, à soumettre l’Auvergne, le Gévaudan, le Rouergue, et le Quercy. Doté d’un certain talent politique et militaire, il devient le fils préféré de Clovis. Celui-ci le certifiera dans son statut d’aîné face à ses demi-frères Clodomir Ier, Childebert Ier et Clotaire Ier.

A la mort de son père en 511, Thierry deviendra roi de Reims ou d’Austrasie. C’est lui qui recevra la part la plus importante de l’héritage paternel (il héritera du Nord-Est et de l’Auvergne, avec Reims pour capitale).

RAPPEL

L’Austrasie : l’Est de la France actuelle, l’Est de la Belgique actuelle et les régions rhénanes.

La Neustrie : le Nord-Ouest de la France actuelle (sans la Bretagne).

Empire franc en 481

La Bourgogne : l’ancienne Burgondie, c’est-à-dire l’actuelle Bourgogne, le Nord de la vallée du Rhône et le Centre (Orléans).


ORIGINES & FAMILLE

Evochilde, la mère de Thierry, n’est pas citée par Grégoire de Tours qui, lorsqu’il parlait du couple de Clovis et de Clotilde, disait simplement : « Il se l’associa par le mariage alors qu’il avait déjà d’une concubine un fils nommé Thierry ».

Evochilde est en réalité une épouse appelée « de second rang », vue comme « gage de paix » (friedelehen). Les historiens romains chrétiens ignoraient les mœurs familiales polygamiques des sociétés germaniques, où le mariage officiel et public n’existait pas. C’est pourquoi cette union a souvent été interprétée comme un concubinage.

Cette parenté peut expliquer le fait qu’en 511, Thierry héritera des terres aquitaines qu’il a conquises, et du territoire oriental du Regnum Francorum (espace territorial recouvrant l’ancien royaume de Cologne).

Le Regnum Francorum, en français Royaume des Francs, désigne le territoire dirigé par les Francs du Vème au Xème siècle.

Selon Grégoire de Tours, Thierry prend pour épouse une princesse burgonde. C’est la fille du roi Sigismond (roi des Burgondes de 516 à 523, vénéré comme saint par l’Église catholique et l’Église orthodoxe), une certaine Suavegotha (ou Suavegothe).

Sigismond

D’après Grégoire de Tours, le mariage royal eut lieu à une date approximative, après l’année 507. De cette union naîtront un fils, Thibert (496-548), et une fille, Theodechildis (Théodechilde, « Theut-hild »).

Mais Thibert, fils aîné de Thierry, nous laisse présager l’existence d’une autre épouse (probablement de second rang) que Suavegotha.

 

Ce que l’on sait de la fille de Thierry.

Avant sa mort, Hermegiscle, roi des Warnes, demande à son fils Rudiger de prendre pour épouse Théodechilde, la fille de Thierry.

Mais Rudiger est déjà fiancé à une fille du roi des Angles. Cette dernière, ne voulant pas être laissée pour compte, se révolte et combat l’armée de Rudiger. Une fois victorieuse, elle répudie sa rivale Théodechilde.

Celle-ci devra repartir en Gaule où elle mourra vieille fille. Thierry se saisira alors de l’occasion pour conquérir les Warnes.

Répartition des peuples germaniques au Ier siècle ap. J.-C.

Warnes : Selon les historiens Bruno Dumézil et Stéphane Lebecq, les Warnes sont un petit peuple germanique indépendant parmi les Saxons, originaire de l’ancienne Thuringe, vivant dans le nord-ouest de l’Allemagne actuelle, dans l’Arrondissement du Mecklembourg-du-Nord-Ouest et du Schleswig-Holstein. Ils étaient voisins et ennemis des Angles avec lesquels ils sont souvent confondus.

LE ROI THIERRY Ier

Monnaie de bronze de Thierry Ier.

On ne connait pas très bien le caractère de Thierry. Sa personnalité nous est racontée, comme très souvent, par Grégoire de Tours. L’historien de « l’histoire des Francs » nous dépeint, à travers différentes péripéties, un guerrier brutal et cynique.

Grégoire de Tours

Clotaire 1er le Vieux

Lors d’une expédition contre les Thuringiens, Thierry a l’intention de se débarrasser de son frère Clotaire, qui se trouve être pourtant son allié. Il lui tend une embuscade en postant sur son passage des assassins voués à sa solde. Mais, contre toute attente, le stratagème échoue : les pieds de ses tueurs dépassent du rideau derrière lequel ils se sont maladroitement dissimulés.

 

Thierry Ier

Clotaire s’en aperçoit et entre dans une terrible colère. Thierry, qui feint de n’être pas au courant, ne parvient pas à le calmer et lui offre en cadeau un magnifique plat en argent.

Une fois Clotaire parti, Thierry dépêche son fils Thibert, en lui donnant l’ordre de récupérer le plat et de s’arranger pour se le faire offrir à son tour.

Thibert 1er

 

« Pour faire des tours de ce genre, Thierry était très malin », commente Grégoire de Tours.

 

 

THIERRY ET LE ROYAUME DE SON PÈRE EN HÉRITAGE

Selon la coutume germanique de la « tanistrie », à la mort de Clovis, roi des Francs, c’est son fils aîné, donc Thierry, qui doit hériter de sa succession et monter sur le trône. Logiquement, il doit recevoir le titre de « rex Francorum » (roi des Francs) pour la totalité des fiefs et domaines de son père.

Le partage du royaume entre les quatre fils de Clovis à sa mort

La « tanistrie » ou « tanistry » est une loi de succession traditionnelle qui fut pratiquée sous différentes formes par certains groupes celtes et pictes. Elle fut également une coutume de certains peuples germaniques et slaves au cours du Moyen Âge.

D’après cette coutume, le successeur d’un roi ou d’un chef de clan doit être issu de sa parenté, mais de préférence parmi des proches (frères, cousins, neveux) plutôt que parmi ses descendants directs. Il est en général choisi du vivant du chef précédent et est alors appelé « tanist ».

Partage du royaume franc

Mais étant né d’un mariage où sa mère est considérée de « second rang », il lui est impossible d’accéder à cette fonction, et par là même de régner à la place des fils de la reine Clotilde.

Sainte Clotilde

Néanmoins, les enfants nés de divers mariages sont tous légitimes en matière de succession : « on appelle fils de roi ceux qui ont été procréés par des rois sans tenir compte désormais de la famille des femmes ».

Lors du partage de 511, et en raison du droit de la mère ( das Mutterrecht), Thierry se taille « la part du lion ». En effet, la tradition octroie aux diverses reines pour leurs fils respectifs une partie égalitaire du royaume. Clovis ayant eu deux épouses, l’on a d’abord scindé le royaume en deux parties, que l’on a partagées entre les fils de chaque femme. C’est ainsi que Thierry sera considérablement favorisé en héritant du royaume de Reims.

Division de la Gaule en 511

Son « Teilreich » (division du Regnum Francorum) est composé de l’ancienne Belgique première (avec Trèves), d’une partie de la Belgique seconde (avec Reims et Châlons), et des deux Germanie (avec Cologne et Mayence). Au-delà se trouve un vaste territoire alaman qui a été conquis par les guerres de Clovis (bataille de Tolbiac en 496). Depuis la chute de Cologne, les francs l’administrent sous une forme de protectorat.

La bataille de Tolbiac

Lire : La bataille de Tolbiac.

En 297, sous le règne de Dioclétien (244-311/312), la Belgique fut divisée en trois provinces :

– la Belgique première, capitale Augusta Treverorum (Trèves),

– la Belgique seconde, capitale Durocortorum (Reims),

– la Séquanaise, capitale Vesontio (Besançon).

Plus au nord, l’ancienne cité de Tongres (ancienne ville de Belgique) semble former une sorte de zone tampon où la puissance des Francs bute contre celle des Thuringiens.

Thuringiens : peuple germanique qui s’établit dans les premiers siècles de notre ère dans le bassin de Thuringe et à la forêt de Thuringe, entre Elbe et Weser, et qui constituait une nation.

Puis viennent s’ajouter l’Auvergne et le pourtour oriental de l’Aquitaine (territoires vaincus par Thierry pour son père Clovis lors de la guerre contre les Wisigoths en 507 et 508), ainsi que les villes de Clermont, Le Puy, Cahors, Albi, Rodez, et sans doute Limoges.

Lire :

La bataille de Vouillé 1

La bataille de Vouillé 2

A la mort de son demi-frère Clodomir (495-524), Thierry hérite en sus des cités d’Auxerre et de Troyes, et de la moitié de celle de Sens.

Les conquêtes franques en Gaule

Ainsi, le royaume de Thierry est constitué de deux groupes, composés de cités très disparates : d’un côté un ensemble qui prendra le nom d’Austrasie, et qui trouve ses limites dans le sud du bassin parisien ; d’un autre côté, un ensemble « aquitain », qui s’étale amplement sur le Massif Central et atteint quasiment le Rhône.

THIERRY, L’HOMME DE GUERRE

En 515, les Danois pénètrent en Gaule, dévastent une partie du royaume de Thierry, et font de nombreux prisonniers. Une fois les cales de leurs navires remplies, ils mettent toutes voiles dehors pour retourner chez eux.

Bataille entre Francs et Danois en 515

Chlochilaïc, le roi des Danois, veut être le dernier à s’embarquer. Mais Thierry, ayant été averti que les Danois pillent et saccagent son royaume, envoie à leur encontre son fils Thibert, à la tête d’une puissante armée, pour les anéantir.

Thibert 1er

Le prince trouve les Danois dans les « Frises » (région historique du Nord-Ouest de l’Europe, sur le littoral de la mer du Nord) alors qu’ils se préparent à faire demi-tour.

A la suite d’une bataille navale, les soldats danois sont défaits et abandonnent tout leur butin aux Francs. Chlochilaïc est tué durant le combat qui s’ensuit.

Frise

Le royaume de Metz n’ayant presque pas de côtes maritimes, il est fort probable qu’il n’y ait pas eu de combat naval. Il doit s’agir certainement d’une formulation pour expliquer que les troupes de Thibert combattaient des marins. 

THIERRY Ier ET L’AUSTRASIE

Thierry se soucie de son royaume. Il établit probablement sa capitale à Reims, voisine de celles de ses frères. Il semblerait, d’après certains indices, que le roi avait une inclination pour Trèves. Néanmoins, il rejoindra Clovis (son père), lorsque celui-ci fera de Paris sa capitale.

Trèves a été, au cours du Vème siècle, ravagée et ruinée par les perpétuelles attaques franques. L’expatriation de la population romaine a soudainement contribué à sa dévastation et à son abandon.

Nizier

Le sentiment fait consensus chez les historiens : la situation de la ville s’y est atrocement dégradée vers la fin du Vème siècle (et c’est sous le règne de Clovis que le déclin de la région a entraîné un si faible degré de civilisation). Thierry réalise qu’il ne pourra parvenir à améliorer cette situation qu’en s’entourant de personnalités gallo-romaines. Il désigne ainsi Nizier à l’évêché de Trèves (Nicetius, Nicet ou Nizier est un évêque de Trèves de 526 à sa mort, en 566 ou 569).

Nizier est un homme déterminé, organisateur et bâtisseur, peu porté aux concessions. Il va redonner tout son prestige à sa cité.

THIERRY Ier ET LA GERMANIE

L’ambition politique de Thierry, c’est la Germanie. Les Alamans, battus par Clovis en 496 à la bataille de Tolbiac, sont peu mentionnés. S’ils donneront plus tard des guerriers à Thibert (le fils de Thierry) pour ses guerres italiennes, pour l’heure, nul ne songe à les intégrer dans le royaume des Francs.

Les Alamans (ou Alémans) représentaient une alliance de tribus germaniques essentiellement suèves, qui s’installèrent d’abord sur le cours moyen et inférieur de l’Elbe, puis le long du Main.

En 213, ils apparaissent pour la première fois dans les écrits romains.

En 260, ils conquirent les Champs Décumates, puis essaimèrent une zone couvrant une partie de l’Helvétie (la Suisse), la Décumanie (le pays de Bade), et une partie de la Séquanaise (l’Alsace). Ils participèrent à la germanisation de ces territoires, auparavant romanisés.

En 496, les Alamans furent vaincus par les Francs de Clovis. Ce dernier annexa leur territoire à son royaume.

Traité de Verdun 843

Après le traité de Verdun (août 843), ces territoires firent partie de la Francie orientale avant de composer le duché de Souabe, du Xème au XIIIème siècle.

Par contre, les Thuringiens sont établis sur un immense territoire qui se déploie au nord-est de celui des Alamans. Ce dernier représente un réel souci qui concentre toute l’attention du roi.

Selon Grégoire de Tours, le royaume serait partagé entre trois frères qu’il nomme Badericus, Herminefredus (Hermanfred), et Bertharius (Berthaire ou Berthier). Celui-ci est le fils de Bessinus auprès duquel se serait réfugié Childéric exilé, le père de Clovis.

Fac-similé de l’anneau sigillaire trouvé dans la tombe du roi Childéric à Tournai en 1653,

Hermanfred, ou Hermanfried (roi des Thuringes, fils de Basin), avait épousé une nièce de Théodoric, l’Amale.

Monnaie à l’effigie de Théodoric le Grand

Toujours selon Grégoire de Tours, Hermanfred assassine son frère Berthaire ;mais pour exterminer Badéricus, son deuxième frère, il sollicite l’aide de son voisin de l’Ouest, Thierry, en lui promettant la moitié de son royaume. Une fois la victoire acquise, Hermanfred ne tient pas sa promesse. En représailles, Thierry, avec l’appui de son frère Clotaire, attaque les Thuringiens de Hermanfred qui sont complètement battus.

En 531, Thierry annexe la Thuringe. C’est la fin du royaume thuringien. Thierry s’allie avec un chef Saxon nommé Hadugat et, après la victoire, les Saxons recevront une partie de la Thuringe.

THIERRY Ier ET L’AUVERGNE

En Auvergne, Thierry doit faire face à l’irrédentisme aquitain, et au souhait d’indépendance d’une partie de l’aristocratie gallo-romaine.

Irrédentisme : mouvement nationaliste de revendication territoriale.

La rumeur court que Thierry a été tué en Thuringe. Arcadus (sénateur clermontois et évêque de Bourges) sollicite Childeberg (le demi-frère de Thierry) de venir pour l’aider à s’emparer de l’Auvergne. Childeberg ne se fait pas prier, et débute alors une guerre sans résultats probants. Nonobstant, on annonce l’arrivée de Thierry avant que Clermont ne tombe. Childeberg, peu désireux de croiser le fer avec son demi-frère, abandonne l’Auvergne et se dirige vers l’Espagne.

A son retour, Childebert et Clotaire tentent d’entraîner Thierry dans une guerre contre les Burgondes. Mais ils essuient un refus. En effet, celui-ci est marié à une fille de Sigismond (roi des Burgondes de 516 à 523) avec lequel il est allié depuis sa jeunesse, et il veut rester loyal. Lorsque ses guerriers l’exhortent à suivre ses demi-frères en Bourgogne, Thierry constate que les Auvergnats de son armée lui sont déloyaux. Pour les garder sous son commandement, Thierry préfèrera leur promettre une grosse part du butin, à une condition : celle de lui rester fidèles et de le suivre.

Les Burgondes représentent un des peuples du groupe des Germains orientaux.

Au Ier siècle, ils migrent vers l’actuelle Poméranie aux bouches de l’Oder.

Au IIème siècle, ils s’établissent en Silésie, aux sources de la Vistule.

Vers la fin du IIIème siècle, ils font mouvement vers l’Elbe, puis vers le Main.

À la fin du IVème siècle, à la suite de la migration des Vandales et Alains en Gaule romaine, ils s’établissent aux abords du Rhin, en Germanie supérieure. Ils constituent ainsi un premier royaume en 413.

En 436, ils seront battus par les Huns en Germanie inférieure. A la fin des Migrations germaniques de la fin de l’Antiquité, les Burgondes s’établissent durablement dans le centre-est de la Gaule, comme peuple fédéré de l’Empire romain d’Occident. Au Vème siècle, lors de l’effondrement de ce dernier, les Burgondes y fondent un royaume couvrant initialement une grande partie des actuelles régions suivantes : Bourgogne, Franche-Comté, Savoie, Lyonnais, Dauphiné et Suisse romande.

Dès 534, le Royaume des Burgondes est absorbé dans l’Espace Mérovingien en tant que « Regnum Burgundi », futur Royaume de Bourgogne.

L‘Auvergne est livrée à un pillage brutal et dévastateur. Tout le pays est ravagé, les principales cités sont investies : Thiers, Vollore, Chastel-Marlhac et même Brioude, la ville de Saint Julien.

Thierry épargne Clermont et interdit de s’attaquer à qui que ce soit dans une zone de huit milles autour de la ville ; il en fera de même dans un rayon de sept miles autour de Brioude. Ces lieux ont dû servir d’abris aux populations pour se sauver de la tuerie et à la captivité. L’Auvergne n’avait jusque-là jamais eu à subir d’invasions barbares ; les Francs seront désormais considérés comme des ennemis.

Lire : la basilique Saint Julien de Brioude

LA MORT DU ROI

Thierry meurt à Metz en 534, à l’âge de 50 ans, dans la vingt-troisième année de son règne. Ses demi-frères, Childebert et Clotaire, voudront s’approprier son royaume. Pour le conserver, son fils Thibert devra les combler par des dons.

Sources :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Thierry_Ier

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9rovingiens

https://fr.wikipedia.org/wiki/Clovis_Ier

Les rois de France des Éditions Atlas (Les Mérovingiens).

Cartographie de « La France au fil de ses rois ».

 

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1 réponse

  1. Alain MAUVIARD dit :

    Bonjour,
    J’aimerais trouver une biographie de Thierry premier.
    Pouvez-vous m’indiquer où je peux trouver cela.
    Merci

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