Copistes et enlumineurs au Moyen Âge

CHRONIQUES MÉDIÉVALES

Folquet de Marseille – La Croisade des Albigeois

COPISTES ET ENLUMINEURS AU MOYEN ÂGE

Un copiste

 

COPISTES ET ENLUMINEURS

Pendant des siècles (bien avant l’invention de l’imprimerie, puis de la photographie et d’autres moyens de reproduction), dans les monastères et les abbayes, les moines se sont évertués à copier à la main et enluminer les textes sacrés et anciens.

Que ce soit à l’aide d’un pinceau ou d’une plume, l’enlumineur crée des ornements pour des manuscrits, religieux ou profanes.

Il dessine, et met en couleur des lettrines et des illustrations à l’aide de pigments naturels, d’encres et de feuille d’or ou d’argent.

Au Moyen âge, les « copistes » et « enlumineurs » ont passé de nombreuses heures à copier des pages décorées d’une exceptionnelle beauté. Le verbe « enluminer » vient du latin « illuminare », qui signifie « éclairer, illuminer », et, au sens figuré, « mettre en lumière ».

Un copiste reproduisait des documents écrits ou des œuvres d’arts. Dans les monastères, au Moyen Âge, les moines copistes copiaient des livres à la main pour la population instruite, c‘est à dire une faible minorité. Le copiste pouvait aussi orner son texte d’enluminure. Il travaillait dans un atelier, le « scriptorium », sous le commandement d’un « armarius » (bibliothécaire d’un monastère médiéval).

Lire : l’abbaye de Sylvanès

Ce métier est né de la nécessité à dupliquer des copies de documents administratifs et de textes destinés à l’enseignement, indispensables pour la sauvegarde et la transmission du savoir. Ce métier sera supplanté au XVème siècle par l’imprimerie.

Enluminure Folquet de Marseille – La Croisade des Albigeois

L’ÉCRITURE SOUS CHARLEMAGNE

C’est sous le règne de Charlemagne que, dans tout l’Occident Chrétien, l’écriture prend son essor. Le Grand Carolingien, malgré sa grande culture, ne savait pas écrire ! Il se contentait de signer ses décisions par un monogramme.

Signature et monogramme de Charlemagne

C’est au XIème siècle que se développe, dans les abbayes et les monastères récemment construits, la pratique intensive de l’écriture. Les moines copistes s’affairent à une tâche colossale : la sauvegarde des textes sacrés et religieux. Mais ils reproduisent aussi ceux des auteurs classiques, latins et grecs, dont les ouvrages sont en voie de disparition.

Ces moines s’installent dans le « scriptorium », qui est le plus souvent l’unique pièce chauffée de l’abbaye à proximité de la bibliothèque. Ils recopient sans arrêt, à longueur de journée, les précieux textes sacrés sur des parchemins.

LA NAISSANCE DE LA BELLE ÉCRITURE : LA CALLIGRAPHIE

Le parchemin, rapporté de Pergame, en Asie Mineure (actuelle Turquie), où il est employé comme support depuis le IIème siècle avant notre ère, va être un vecteur essentiel au développement du manuscrit.

Lettre A enluminée

UNE PRÉPARATION MINUTIEUSE…

Enluminure sur parchemin – Perceval aide un lion et un lionceau contre un serpent.

Tout d’abord, avant de commencer son précieux ouvrage, le moine copiste doit soigneusement préparer son support. Il lisse chaque « feuille » à l’aide d’un couteau ou d’une pierre ponce, pour supprimer toutes irrégularités. Il doit obtenir une surface polie, sommairement granulée, pouvant être capable de pomper l’encre de la plume d’oie sans qu’elle « bave et tâche le manuscrit ».

Chroniques de Hainault de Jacques de Guyse. Date d’édition XVe siècle-Manuscrit en français enluminé sur parchemin et papier.

Une fois ce travail terminé, chacune des « feuilles » obtenues peut être cousue à la main et reliée à d’autres pour réaliser un « codex » (l’ancêtre de nos livres).

Codex

A l’intérieur des abbayes et des monastères, une lente organisation va se mettre en place. Hormis la prière, qui est incontournable, rien ne vient ralentir le moine copiste de son ouvrage. La communauté est directement tributaire du travail des moines et en tire un gros profit. Il faut dire que les manuscrits sont achetés très chers par la noblesse et le clergé.

Le travail est partagé : les novices sont chargés de tracer l’esquisse des traits sur le parchemin, ou utilisés pour réaliser des travaux qui ne demandent pas de précision, ou peu méticuleux.

Les plus aptes sont destinés à eux seuls à la réalisation à l’encre, et au travail de copie. Malgré tout, il arrive qu’on fasse venir dans les « scriptorium » des artistes, qui sont maîtres dans l’art de la couleur et des enluminures.

Un copiste

On peut penser que les moines, eux, ne font preuve d’aucune créativité, puisque leur travail consiste à reproduire par la copie. Bien au contraire : ils vont se montrer très inventifs sur la forme. C’est avec eux que voit le jour la « calligraphie ».

Progressivement, une lettre va s’imposer : « la minuscule caroline », qui doit son nom à Charlemagne. La « minuscule caroline » présente des formes rondes et régulières, qui la rendent plus facile à lire et à écrire que la minuscule mérovingienne. Exceptionnellement harmonieuse, elle permet de réaliser des phrases bien alignées et de hauteurs identiques.

La « minuscule caroline » est une écriture apparue au VIIIème siècle, vers 780, sous l’impulsion de Charlemagne, dans l’école palatine dirigée par Alcuin.

Alcuin

Alcuin : poète, savant et théologien anglais qui écrivait en langue latine médiévale. L’un des principaux amis et conseillers de Charlemagne, il dirigea la plus grande école de l’Empire carolingien, l’école palatine à Aix-la-Chapelle.

Mais les copistes vont exprimer tout leur « savoir-faire », et mettre en valeur leurs magnifiques parchemins en y introduisant des enluminures aux couleurs vives et chatoyantes. Rehaussées par de riches dessins, ces enluminures affichent des personnages, mais aussi des fleurs et des paysages. Une véritable technique du manuscrit doté d’un incontestable talent voit ainsi le jour dans les « scriptorium » des monastères.

Le scriptorium : c’est la salle de travail des moines copistes, destinée à la lecture, l’écriture, et l’enluminure.

Le mot « scriptorium » (au pluriel, des scriptoria ou des scriptoriums) est un mot latin dérivé du verbe « scribere » qui signifie « écrire ».

Atelier de copistes

Avant l’introduction de l’imprimerie en Occident, ce nom désignait l’atelier dans lequel les moines copistes réalisaient des livres copiés manuellement.

Le XIIème siècle voit se développer le principe de séparation de la société civile et de la société religieuse (laïcité) ; notamment avec la découverte venue de Chine, celle du papier.  Jusqu’alors, seuls les moines copistes cloîtrés dans les abbayes avaient pour tâche de préserver les textes sacrés en les copiant.

Un copiste

Dorénavant, de nombreux ateliers privés, où travaillent une multitude de copistes laïcs, s’établissent dans les cités. A leur tour, ils « fabriquent des livres » ; il faut dire qu’une certaine bourgeoisie aisée est friande de savoir et de connaissances.

On voit alors fleurir toute une panoplie d’ouvrages sur le marché. Des traités d’astronomie ou de mathématiques, des manuels de cuisine ou d’éducation, et même des romans, sont « publiés » en dehors des abbayes ; mais toujours de manière manuscrite.

Lettre P enluminée

GUTENBERG INVENTE UN PROCÉDÉ RÉVOLUTIONNAIRE

Un atelier d’imprimerie au Moyen Âge

Il faudra attendre le milieu du XVème siècle pour voir l’apparition d’un nouveau procédé qui va bouleverser l’ordre établi. Cette invention innovante est réalisée à Mayence, en Allemagne, par un certain Johann Gensfleish, dit « Gutenberg ».

L’invention de la première presse à imprimer date de 1434. C’est un Allemand, Johannes Gutenberg, qui sera le premier, après bien des épreuves, à parvenir à imprimer un livre : la Bible, dite « Bible de Gutenberg », qui parait en 1454.

Johannes Gutenberg

C’est en 1450, dans son atelier de Mayence, qu’il met au point un système d’impression innovant. Le procédé se présente sous la forme d’une presse actionnée à la force des bras, permettant de reproduire, sur papier, une forme de caractères métalliques préalablement encrés.

Presse à imprimer XVème siècle

En 1451, Gutenberg édite la « grammaire latine de Donatus ». C’est le premier livre européen imprimé avec des caractères mobiles.

En 1453, il édite la première édition latine de la Bible, celle dite de la « Bible à quarante-deux lignes » (premier livre imprimé en Europe à l’aide de caractères mobiles).

En 1457, la première bible, baptisée « bible de Mayence », est éditée.

En voulant perfectionner sa presse à vis, Gutenberg met au point des caractères mobiles en fonte, et va améliorer ainsi son utilisation. Chaque page est élaborée, caractères par caractères mobiles en fonte, puis encrée et imprimée des deux côtés.

Dès lors, les moines copistes sont devenus obsolètes. Le rendement est tel qu’un atelier d’imprimerie peut effectuer, en une journée, le travail qu’ils auraient réalisé en une semaine.

Le procédé fait trembler les bibliothécaires. Mais c’est surtout le clergé et l’aristocratie qui en redoutent le plus les conséquences. Ils craignent de voir disparaître les manuscrits et leur suprématie sur tout ce qui est « écrit ». L’invention est qualifiée de « diabolique », et beaucoup pensent qu’elle ne survivra pas longtemps…

Pourtant, malgré toutes ces méfiances, cette technique d’impression va se répandre dans toute l’Europe ; en particulier grâce aux ouvriers allemands.

Lettre I enluminée

HISTORIQUE DE L’IMPRIMERIE EN FRANCE…

En 1457, un livre de psaumes imprimé à Mayence arrive à Paris. Le roi de France Charles VII, qui s’intéresse aux sciences et aux arts, est fortement intrigué par cette nouvelle technique.

Le 3 octobre 1458, il dépêche un de ses espions à Mayence, en Allemagne : le Champenois Nicolas Jenson. Celui-ci a pour mission de découvrir les secrets de cette nouvelle méthode d’écriture (la typographie) et de la ramener à Paris : « parvenir à l’intelligence du nouvel art et exécution d’icelui audict Royaume de France ».

Pourtant, malgré les insistances du monarque français, ce n’est pas Nicolas Jenson qui introduira l’imprimerie en France, mais trois ouvriers d’origine allemande. Ces derniers installeront un premier atelier d’imprimerie à la Sorbonne en 1470.

Lire :

Charles VII, « le petit roi de Bourges »

Naissance de l’imprimerie française au Moyen Âge

En 1470, Jean Heynlin (dit « de Lapide »), alors prieur de la prestigieuse faculté, fait appel à trois spécialistes, des ouvriers typographes : Ulrich Gering, Martin Crantz et Michel Friburger, venus respectivement de Constance, Stein et Colmar. Lapide envisage de mettre à la disposition des étudiants et des enseignants de nombreux ouvrages qui remplaceront les écrits plus ou moins défectueux des copistes.

Au musée Théophraste Renaudot, à Loudun, on peut voir une rare presse d’imprimeur du XVI° siècle …

En 1470, en France, grâce à Jean Heynlin et Guillaume Fichet (tous deux maîtres de théologie à la Sorbonne), le premier livre est imprimé à Paris, au collège de la Sorbonne. Il s’agit des lettres du rhétoriqueur italien Gasparino Barzzizi (ou Garsparin de Bergame), rédigées en latin. Il est composé en caractères romains et contient des enluminures manuscrites.

Un « orthographia » du même auteur est imprimé dans les presses de la Sorbonne. Puis, en 1471, un « Salluste » (historien latin très apprécié au Moyen Âge), puis « Les Harangues », du cardinal Bessarion, et « La Rhétorique », du bibliothécaire et professeur Guillaume Fichet.

En 1472, Fichet part pour l’Italie. Les trois ouvriers imprimeurs continuent de travailler pour le prieur Jean Heynlin. Mais en 1473, ce dernier est remplacé par Jean Royer. Tous trois abandonnent alors les ateliers de la Sorbonne et s’établissent rue Saint Jacques, à l’enseigne du « Soleil d’Or ».

En 1476, c’est à cette adresse que sera imprimée la première bible latine française.

C’est à Lyon, en 1476, que sera imprimé le premier livre en langue française, « La Légende dorée », de Jacques de Voragine (dominicain et archevêque de Gênes).

En 1476, à l’enseigne de « L’image de Saint Christophe », Pasquier Bonhomme édite le premier livre imprimé en langue française, « Les Chroniques de France », du religieux de Saint Denis.

Imprimerie au XVème siècle.

Dès octobre 1477, seul Ulrich Gering demeure dans les locaux. Il fait graver de nouveaux caractères romains et, en 1483, abandonne la rue Saint Jacques pour la rue de la Sorbonne.

En 1494, il s’associe avec Berthold Renbolt et, en 1494, il édite un magnifique Missel romain.

A Paris, deux anciens ouvriers de l’imprimerie de la Sorbonne, Pierre César et Jean Stoll, fondent un second atelier. Rapidement, rue Saint Jacques, le « Soufflet Vert » exerce une rude concurrence au « Soleil d’Or ».

Louis XI apporte un fort soutien à ce nouvel art « d’écrire artificiellement », ce qui va lui permettre de se développer rapidement.

Lettre N enluminée

LA CHUTE DE GUTENBERG

Johannes Gutenberg

En 1434, un certain Johann Gensfleish, dit « Gutenberg » invente la première presse.

Puis il réalise une encre permettant d’imprimer un texte recto verso sur un support en papier. Persuadé que l’impression avec des caractères mobiles en bois n’est pas parfaite, il se met en quête d’améliorer son procédé.

Pour arriver à ses fins, il se voit dans l’obligation d’emprunter des fonds auprès du banquier et orfèvre Johann Fust. Mais lorsque celui-ci réclame son argent, Gutenberg ne peut pas le rembourser. En novembre 1455, pour se payer, il fait saisir son matériel.

C’est pour cette raison qu’en 1457, le premier livre affichant une marque d’imprimeur est signé du nom de Fust, et non celui de Gutenberg qui, lui, mourra ruiné, le 3 février 1468.

Sources :

Photos publiques Facebook

Les rois de France des Éditions Atlas (Les Carolingiens).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Copiste

https://fr.wikipedia.org/wiki/Minuscule_caroline

 

Donnez votre avis sur l'article

commentaire(s)

Ecrit par le .

Vous aimerez aussi...

1 réponse

  1. Nicole Mégard dit :

    « L’invention de l’imprimerie » magnifique, très intéressant, comme toutes les autres publications. MERCI!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

CommentLuv badge