Pierre l’Ermite et la Croisade Populaire

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LES CROISADES

(1095 – 1291)

 

PIERRE  L’ERMITE

ET  LA

CROISADE POPULAIRE

 

Croisé

Croisé

Un long chemin vers la terre du Christ

 

Lire :

 Des origines à l’appel du pape Urbain II 

La Première Croisade

INTRODUCTION

Prêchées et bénies par les papes successifs, dirigées par les souverains des royaumes et des Empires de la vieille Europe, ces expéditions se devaient d’être les ambassadrices de tout ce que l’esprit de la chevalerie médiévale portait de bon en lui. Nonobstant, les Croisades furent, mise à part la 1ère, un échec militaire, mais sur le plan culturel et économique, l’Occident chrétien en ressortira enrichi. En effet, au sortir de cette aventure, l’Europe en sera bénéficiaire ; elle était en retard sur le mode de vie d’un Orient qui commence alors à décliner. On retiendra sur le plan géopolitique, la création des Etats latins d’Orient : les Comtés d’Edesse et de Tripoli, la Principauté d’Antioche, et le Royaume de Jérusalem. De pair, cette période engendrera le développement et la prospérité des républiques italiennes comme Amalfi, Gênes, Pise et Venise, qui tireront des profits considérables de cette aventure.

Combats-entre- Chrétiens-et Musulmans

Combats entre Chrétiens et Musulmans

 

L’APPEL DU PAPE, URBAIN II, AU CONCILE DE CLERMONT

« Dieu le veut ! »

 

1095

– 27 novembre : Concile de Clermont. Il se tient près de Notre-Dame du Port, au pied des remparts.

En ce jour de novembre 1095, la capitale de l’Auvergne grelote sous la neige. Malgré les morsures du froid, une foule considérable s’est réunie à Clermont pour l’arrivée du pape . Urbain II Lorsque celui-ci s’adresse à la foule perché sur une simple estrade en bois, la foule se tait et observe un grand silence. Tous les fidèles connaissent les bruits qui ont traversé toute l’Europe Occidentale concernant les événements en Terre Sainte ; et ils sont désastreux pour la chrétienté.

C’est au Concile de Clermont (aujourd’hui Clermont-Ferrand), que le pape Urbain II apprend à tout l’Occident réuni une nouvelle terrifiante : les routes de la Terre Sainte ont été coupées par des hordes Seldjoukides d’ascendance turcophone. Lors du synode, il fait savoir que l’empereur byzantin Alexis 1er Comnène a fait mander de l’aide auprès du Saint Siège, et que les Turcs marchent sur Constantinople, alors capitale de l’Empire latin d’Orient. Il faut rétablir le passage des Chrétiens à Jérusalem, que les Turcs, bientôt évincés par les Fatimides, leur ont fermé, et répondre ainsi à l’appel de l’Empereur d’Orient.

Concile-de-Clermont

Concile de Clermont

Lors du Concile, Urbain II, assisté de l’évêque Adhémar de Monteil, lance un appel aux chevaliers d’Europe occidentale, et prêche la Première Croisade afin de libérer les routes de la Terre Sainte. Il leur demande d’aller aider les Chrétiens d’Orient et de rétablir le Saint Sépulcre de Jérusalem. Ceux qui font le vœu de répondre à la requête du pape doivent coudre une croix d’étoffe sur leur tunique (d’où le nom de Croisé). Urbain II promet le salut aux pèlerins, lesquels seront absous de leurs péchés. Cet appel est considéré comme le facteur déclenchant de la Première Croisade.

Urbain_II

Urbain II

Urbain II s’adresse à la foule en français : « Ô peuple des Francs ! Peuple aimé et élu de Dieu ! De Jérusalem et de Constantinople s’est répandue la grave nouvelle qu’une race maudite, totalement étrangère à Dieu, a envahi les terres chrétiennes, les dépeuplant par le fer et le feu. Les envahisseurs ont fait des prisonniers : ils en prennent une partie comme esclaves sur leurs terres, les autres sont mis à mort après de cruelles tortures. Ils ont détruits les autels après les avoir profanés. Cessez de vous haïr ! Mettez fin à vos querelles Prenez le chemin du Saint Sépulcre, arrachez cette terre à une race maligne, soumettez-là ! Jérusalem est une terre fertile, un paradis de délices. Cette cité royale, au centre de la terre, vous implore de venir à son aide. Partez promptement, et vous obtiendrez le pardon de vos fautes ! Souvenez-vous aussi que vous recevrez pour cela des honneurs et la gloire éternelle au royaume des cieux. » Des troubles et des chuchotements de plus en plus forts se firent entendre parmi la l’affluence. L’irritation atteignit son paroxysme lorsqu’un un cri surmonta la clameur ambiante « Dieu le Veut ! ». Ces paroles furent prononcées par un moine prédicateur présent ce jour-là, Pierre d’Amiens, dit Pierre l’Ermite. La foule reprit le cri comme un seul homme. Cette exhortation sera prononcée, par la suite, sur tous les champs de bataille en Terre-Sainte. La Première Croisade pouvait commencer…

1096

– Printemps-été : une première vague de Croisés issue du peuple se met en route pour la Terre Sainte. Elle est conduite par Pierre l’Ermite et Gauthier Sans Avoir. Elle prendra le nom de « Croisade populaire » ou « Croisade des Gueux ».

Pierre-l'Ermite-en-prière-devant-le-Saint-Sépulcre

Pierre l’Ermite en prière devant le Saint Sépulcre

« La Croisade des Gueux »

Croisade_populaire

Urbain II avait projeté au mois d’Août le départ des fidèles vers la Terre-Sainte. Mais des dizaines de milliers de chrétiens de toutes conditions, femmes suivant leurs époux, enfants, vieillards, s’étaient mis immédiatement en route avant la date fixée par le pape. Au cri évocateur de « Dieu le veut ! Dieu le veut ! », ils étaient sûrs de leur foi inébranlable et de leur force. Leurs prières, d’après eux, suffiraient à faire tomber les remparts de Jérusalem. Partis de France en mars, sans protection militaire, ils étaient plus de 12 000 avec, à leur tête, un fanatique illuminé, Pierre l’Ermite, et un noble, Gauthier Sans Avoir.

Pierre-l'Ermite- harranguant les foules

Pierre l’Ermite- haranguant les Croisés

21 octobre : à Civitot (camp militaire près de Nicée), les pèlerins de la « Croisade Populaire » de Pierre l’Ermite sont massacrés par Kilij Arslan, le sultan seldjoukide de Roum (sultanat de Roum en Anatolie de 1077 à 1307)). Gauthier de Poissy et son neveu Gauthier Sans-Avoir seront tués lors du combat.

Pierre d’Amiens, dit Pierre l’Ermite

(1050 ?-1115)

ORIGINES

Ses origines familiales sont confuses ; il est né probablement vers Amiens, comme le prétendent certains chroniqueurs, entre l’an 1050 et l’an 1053. D’où le surnom de Pierre d’Amiens. Les historiens n’ont pu se prononcer avec certitude ni sur son patronyme, ni sur sa naissance, ni sur sa jeunesse. D’aucuns attestent qu’il est issu d’une famille noble et que, destiné au métier des armes, il s’y consacre dès son adolescence. Nonobstant, sa destinée de  chevalier sera brève. En 1076, il entre dans les ordres et se fait moine : la mort de sa femme l’a profondément affligé. Il part sur les routes de Picardie et de Belgique durant de nombreuses années, errant de monastère en monastère. Après un court séjour à Cluny, il décide de faire un pèlerinage à Jérusalem.

Cluny

Abbaye de Cluny

PIERRE L’ORATEUR

Quelquefois nommé Pierre le Petit, Pierre d’Achères ou Pierre d’Amiens, ce moine solitaire et prédicateur aura une influence colossale sur les foules de croyants gagnées par la ferveur religieuse.

Parti à dos de mulet, les pieds nus, habillé d’une simple chasuble, brandissant un crucifix, Pierre errera de ville en ville, de province en province, prêchant sur les routes et sur les places publiques. Cet apôtre charismatique, doté d’un talent de tribun hors du commun et quelque peu fanatique, prétend avoir reçu du Tout-Puissant la mission de délivrer le tombeau du Christ, aux mains des infidèles.

C’est en 1093, bien avant l’appel du pape, qu’il aurait été investi de ce message divin, alors qu’il effectuait un pèlerinage en Terre Sainte. Il sera, sans aucun doute, l’un des principaux inspirateurs de la 1ère Croisade, et en deviendra le chef spirituel.

Il est plus approprié de dire que Pierre a ressenti une immense indignation quant au sort misérable réservé aux pèlerins chrétiens en Palestine. Il se met à espérer de voir la ville sainte reprise aux infidèles musulmans. Désormais, sa mission sera de convaincre le pape Urbain II de prêcher la croisade.

Dans son élan il sera suivi par un chevalier, Gauthier-sans-Avoir (Langres ? – Civitot 1096). C’est un personnage sans fortune, magnanime, dévoué et doté d’une bonne expérience guerrière. Il sera aussi accompagné par Foucher de Chartres (Chartres vers 1055/1060 – États Latins d’Orient vers 1127), futur chroniqueur sur les Croisades.

LA CROISADE POPULAIRE 

croisade-populaire

croisade-populaire

Parcourant les routes de France, Pierre d’Amiens, dit Pierre l’Ermite, grâce à son éloquence et ses discours enflammés, entraînera dans son sillage des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants vers la Palestine. Une expédition périlleuse et suicidaire qui voit ses rangs, chaque jour, grossir par des vagues populaires de misérables et de loqueteux ayant pour but de libérer les lieux saints. Cette aventure tragique se soldera par la mort de la plupart d’entre eux avant même d’avoir aperçu les murs de Jérusalem.

Croisé

Croisé

Dès l’appel du pape et la proclamation de la Croisade, Pierre se met en route et commence à prêcher. Il démarre du centre de la France, du Berry, parcourt la Champagne et longe la vallée de la Meuse, pour enfin arriver, en avril 1096, à Cologne qu’il quittera le mois suivant.

Presque en même temps, deux autres colonnes de pèlerins quittent l’Allemagne. Totalement démunis en armes et en ravitaillement, ils longent le Danube pour rejoindre Constantinople, puis la Palestine. Méconnaissant les contrées traversées, et sans repères géographiques, ils ignorent presque tous où se trouve leur destination. Pillant et dévastant tout sur son passage pour se nourrir, la « Croisade des Gueux » se transformera vite en désastre.

DES CROISES, BANDITS DE GRANDS CHEMINS. La horde de Croisés de Pierre l’Ermite, qui s’est formée spontanément, n’est pas unique en Europe. En Allemagne, trois autres vagues de pèlerins se constituent de la même manière. Elles ont pour chefs Volkmar, Gottschalk et le chevalier-brigand Emich de Leisingen. Elles vont se transformer en pillards, et dévasteront tout sur leur chemin. Les juifs, principalement, seront pris pour cible et subiront de nombreuses persécutions et atrocités. Rendus responsables de la mort du Christ, ils seront systématiquement massacrés. Malgré les protestations de l’Église, ces pogroms auront pour objectif de dépouiller les gens de leurs biens. Lors de la traversée de la Hongrie, ces bandes d’assassins seront à leur tour, pour la plupart, exterminées pour leurs exactions.

La foule des pèlerins enthousiastes traverse l’Europe jusqu’à Nicomédie (Izmit, en Turquie). Impuissant à maintenir la discipline parmi la horde de croisés impatients, Pierre part mander de l’aide à Constantinople, au Basileus Alexis Ier. Nonobstant, ils seront nombreux à atteindre la capitale de l’Empire latin d’Orient, où l’Empereur Alexis 1er leur fait traverser le Bosphore. N’écoutant que leur foi, alors que l’Empereur leur avait recommandé d’attendre l’arrivée de la « Croisade des Barons », ils poursuivront leur route jusqu’à Nicée, place forte tenue par les Seldjoukides. Là, ils seront anéantis par les archers turcs le 21 octobre ; à peine 3000 survivront. Quelques navires de la flotte byzantine récupéreront les malheureux rescapés.

En mai 1097, les seigneurs de l’Europe occidentale arrivent enfin à Constantinople. La Croisade des Barons est au complet et peut s’avancer en Asie MineurePierre l’Ermite est de l’expédition et les accompagne vers le sud-est à travers l’Anatolie.

LE MIRACLE D’ANTIOCHE

1098

– 3 juin : dans le Nord, les Croisés s’emparent d’Antioche. La ville sera prise grâce aux renforts du prince Bohémond de Tarente, chef des Croisés normands de Sicile.

Prise d'Antioche

Prise d’Antioche

 

– 28 juin : échec cuisant du sultan chef de guerre Kerboga pour reprendre Antioche. Son armée est mise en déroute, et doit battre en retraite. Rentré à Mossoul, il sera discrédité et accablé par ses pairs.

Lors du siège de la ville, les Croisés, cernés, dépourvus de vivres et d’armes pour contenir les assauts des Turcs, sont démoralisés et leur situation très critique. Survient alors un fait imprévu : un prêtre du nom de Pierre Barthélémy prétend, grâce à une vision et à la révélation de Saint André, avoir découvert la « Sainte Lance ». Cette nouvelle inattendue redonne du courage à l’armée chrétienne qui, dans un dernier sursaut, attaque l’armée du chef turc Kerboga et la disperse.

– 28 juin : sous le gouvernement de Bohémond de Tarente devenu Bohémond 1er, Antioche devient « Principauté franque » en dépit de la forte contestation de Raymond IV de Toulouse.

bohemond-de-tanrente-prince-d-antioche

Bohémond de Tanrente prince d’Antioche

JÉRUSALEM EST ENFIN ATTEINTE

1099

– Janvier : Depuis le nord de la Syrie, les Francs avancent sur Jérusalem. Conduits par Raymond de Saint-Gilles, ils sont rejoints  par Godefroy de Bouillon.

– Juin : début du siège de Jérusalem.

15 juillet : après un terrible assaut, au cours duquel les deux tiers des assaillants sont tués, la ville est prise par les Croisés ; elle sera purifiée dans le sang. A l’issue de la bataille, Godefroy de Bouillon prend le titre d’« avoué (défenseur) du Saint Sépulcre ».

Prise -de- Jérusalem- par les- Croisés

Prise de Jérusalem par les Croisés

ISSUE

Fondation des États latins d’Orient.

Lorsque Pierre arrive devant les remparts de la ville sainte, les troupes chrétiennes sont épuisées et découragées par la mort d’un grand nombre de leurs compagnons. Tous découvrent une ville puissamment fortifiée. L’arrivée de renforts en hommes, vivres et en matériels transportés par mer par une flotte génoise, redonnera du moral aux soldats et le courage d’attaquer. La ville est libérée par les Croisés au terme d’un massacre à grande échelle où se mélange le sang des soldats turcs, des femmes et des enfants.

Siège- de- Jérusalem

Siège de Jérusalem

Au printemps 1099, peu de temps avant le sac de Jérusalem (15 juillet), Pierre sera nommé aumônier de l’armée croisée. Il prononcera un sermon sur le mont des Oliviers ; le mois suivant, il sera à la tête des processions.

En 1100, Pierre l’Ermite, considérant que sa mission est accomplie, quitte Jérusalem. Il part pour l’Europe où il devient prieur au monastère augustinien de Neufmoustier, à Huy (Belgique), abbaye qu’il avait fondée. Il y meurt en 1115.

 

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2 réponses

  1. bruisdmode dit :

    Bonjour Jean-Marie,

    Je viens de lire votre article sur Pierre l’Ermite et la croisade populaire et je tenais à vous féliciter pour la qualité de votre travail. Votre analyse historique est très intéressante et apporte un éclairage nouveau sur ce personnage et cette période de l’histoire.

    Je suis particulièrement touché par votre approche narrative qui permet au lecteur de s’immerger dans l’époque et de mieux comprendre les enjeux de cette croisade.

    Je suis curieux de savoir si vous avez d’autres articles sur l’histoire médiévale à proposer. Encore bravo pour votre travail et j’attends avec impatience votre réponse.

    Bien cordialement.

    • Jean Marie Borghino dit :

      Bonjour,
      Merci monsieur pour vos éloges concernant l’article sur Pierre l’Ermite. J’ai effectivement écrit de nombreux articles sur le Moyen Âge (Croisades, Croisade des Albigeois, Guerre de Cent Ans etc…) je vous communique le lien qui vous permettra d’accéder directement sur mon site http://jeanmarieborghino.fr/. La rubrique « Catégories » se trouve à droite sur la page d’accueil.
      Merci de m’avoir lu.
      Vous pouvez aussi accéder directement à mon site en tapant dans la boîte de recherche Google: « au service de l’Histoire ».
      Jean Marie BORGHINO

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