Des pavés pour les rues de Paris

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CHRONIQUES MÉDIÉVALES

DES PAVES POUR LES RUES DE PARIS

 

Pavage des rues et caniveau central

Pavage des rues et caniveau central

 

PARIS A L’AUBE DU 1er MILLÉNAIRE

Paris sent mauvais : toutes les activités se situent au bord de la Seine. Le fleuve se transforme en un véritable dépotoir où l’on jette toutes sortes de déchets, excréments et carcasses d’animaux. Les rues sont boueuses et jonchées de détritus ; on y trouve des résidus de tanneries, de teintureries, de boucheries … Tous ces immondices finissent leur course dans la Seine. Les gens de la ville boivent une eau souillée nauséabonde et infecte ! Il faut se rappeler qu’à cette époque, se baigner dans une eau propre était considéré comme néfaste pour le corps !

Rue marchande au Moyen Âge

Rue marchande au Moyen Âge

12ème SIÈCLE

Monarque à l’odorat raffiné, Philippe Auguste est le premier à s’insurger contre toutes ces nuisances et à réagir contre l’insalubrité urbaine. En 1185, il est bien décidé à apporter des solutions au problème et prend des mesures concrètes. Il décide de faire paver toutes les artères de sa capitale avec de lourds carreaux en grès. Une opération coûteuse qui sera à la charge des bourgeois de Paris. Le montant des frais engagés est si important que, pendant longtemps, seules les voies principales de la capitale seront pavées. Il fait aussi creuser des canaux et des fosses au milieu des rues et ruelles encombrées. Les ordures ainsi amassées pourront être collectées par des charretiers (ancêtre de la collecte des ordures).

– lire : l’insalubrité des rues de Paris au Moyen Âge

Enceintes de Paris de Philippe Auguste et de Charles V

Enceintes de Paris de Philippe Auguste et de Charles V

Son grand-père Louis VI le Gros avait déjà, en son temps, interdit l’errance des porcs dans Paris. Cette décision visait surtout à prévenir les accidents nombreux et parfois mortels.

Lire : Louis VII

Le 13 octobre 1131, alors que le jeune Philippe de France se déplace à cheval dans Paris, un porc errant et paniqué se rue au pied de sa monture qui se cabre, le désarçonne et l’écrase de tout son poids. Le jeune héritier au trône meurt peu après des suites de ses blessures ; il n’a que quinze ans. (Suite à cet accident, les porcs vont être interdits de divagation dans les rues de Paris).

Philippe de France

Philippe de France désarçonné

UN CONSTAT AU GOÛT AMER !

Un gros orage sévit et déverse ses lourds nuages détrempés sur la capitale depuis le début de la matinée quand, soudainement, le grondement des tonnerres s’arrête, laissant la place à un ciel dégagé. Les rayons du soleil apparaissent timidement et finissent d’effacer les restes d’humidité sur les toits. C’est ce moment-là que choisit Philippe Auguste pour s’approcher des fenêtres de son palais de la Cité ; il veut profiter du spectacle des barques naviguant sur la Seine. Sur les bords du fleuve, les clameurs des bateliers font écho aux cris des flâneurs et des charretiers. Brusquement le roi est pris de dégoût et fait un bond en arrière, puis se penche à nouveau à la fenêtre pour observer la rue d’où monte une odeur pestilentielle. Le constat est sans appel ! Les voies ne sont plus que des chemins boueux où le ruissellement des rues et ruelles contigües transforme le tout en un vaste cloaque. Les hommes et les bêtes barbotent dans un univers visqueux, et les charriots s’embourbent. Contre les murs des maisons, l’orage a agglutiné une quantité d’ordures de toute provenance ; celles que les habitants ont l’habitude de balancer par les fenêtres.

La rue au Moyen-Âge

La rue au Moyen-Âge

UNE VOIRIE A REPENSER !

Que dire sur l’état de la voirie parisienne ? Sinon qu’il est de plus en plus déplorable, que le temps soit clément ou pluvieux. Il y a des lustres que les dalles posées à l’époque gallo-romaine ont disparu. De toute part le sol est recouvert par une dense et compacte couche de terre et de vase. Les ruelles tortueuses et obscures sont jonchées de détritus qui se mélangent aux eaux usées. Un encombrement gigantesque se profile au milieu des bâtisses édifiées en encorbellement.

De jour comme de nuit, il faut rajouter à cette insalubrité profonde l’insécurité répandue par les voleurs et coupe-jarrets, qui sévissent sans scrupules dans cette pénombre.

Cour des miracles

Cour des miracles

Lire : mercenaires, routiers, bandits au Moyen Âge.

Ces ruelles sombres et menaçantes sont de véritables bouillons de culture latents. Il peut s’y développer des épidémies aux conséquences catastrophiques, eu égard à la promiscuité des personnes et des habitations.

Le Parisien, pour se mouvoir dans un tel univers, doit produire un effort considérable. C’est un véritable parcours d’obstacles qui se profile devant lui ! Outre le fait d’éviter tout ce qui encombre le sol, il doit prendre garde à tout ce qui peut, à tout moment, être jeté par les fenêtres.

En 1372, il devient obligatoire de crier « Gare à l’eau » trois fois avant de jeter ses ordures par la fenêtre.

Il va de soi que les grandes artères, plus larges, sont mieux entretenues que les chemins et passages tortueux, moins denses et moins peuplés. Nonobstant, rien n’a été prévu pour y remédier ; aucun service de voirie n’a vu le jour jusqu’alors. Les Parisiens seraient-ils insensibles aux exhalations pestilentielles qui émanent de leur capitale ? Nul doute qu’ils en sont conscients : en témoignent les noms qu’ils donnent à certaines de leurs rues : rue Tirepet, rue Merdelle, rue de la fosse aux Chieurs… Cependant, une vraie prise de conscience est en train de naître en hauts lieux. Mais l’opération d’assainissement s’avère onéreuse, et jusqu’à présent aucun suzerain de s’est aventuré à financer un tel projet.

LE DÉCLIC !

« FAIRE PAVER TOUTES LES RUES AVEC DE FORTES ET DURES PIERRES »

En 1185, Philippe Auguste, « le bien nommé », fait mander en son palais le prévôt de Paris et une assemblée de représentants de la classe bourgeoise de la capitale. Le roi présente son projet aux membres et dignitaires présents. Il attire l’attention sur l’état d’insalubrité désastreux de la cité.

Et, nous rapportent les Anales de Saint-Denis, « en vertu de son autorité royale, il leur ordonna de faire paver toutes les rues et places fortes de la ville avec de fortes et dures pierres. »

Pour Philippe Auguste, Paris se doit d’avoir une position centrale et d’être le miroir de sa puissance et de son pouvoir ! N’est-elle pas le siège de la royauté ? Nul doute alors que les décisions prises pour améliorer l’hygiène des Parisiens sont établies surtout pour mettre en valeur son prestige.

LES DÉBUTS DES TRAVAUX

L’année 1186, marque le début des travaux. Seules les grandes artères de la ville sont concernées. Tout d’abord on pave la « croisée de Paris », se rapportant aux grands axes nord-sud et est-ouest, c’est-à-dire aux rues Saint-Martin et Saint-Jacques, Saint-Antoine et Saint-Honoré, qui font leur jonction vers le Châtelet. Tout le réseau de la voirie de la capitale va reposer sur ces voies principales. Vient ensuite le pavage de certaines rues secondaires, comme celles qui se dessinent à partir des nouvelles Halles. Le Pont au Change, ainsi que le Petit Pont, sont aussi restaurés et recouverts d’un parement de pierres.

LA SALUBRITÉ, UN DEVOIR CIVIQUE…

Après le règne de Philippe Auguste, les travaux de salubrité publique vont perdurer, et l’état des rues ira en s’améliorant. Dorénavant, l’entretien des chaussées de la capitale relèvera de l’intérêt général, et sera un souci permanent pour tous les monarques qui vont se succéder. La cité de Paris servira d’exemple aux autres grandes villes du Royaume de France.

« DE FORTES ET DURES PIERRES »

Un pénible labeur attend les ouvriers paveurs. Avant de couvrir les voies de la ville, il faut tout d’abord que les terrassiers assèchent et arasent les sols. Des travaux effectués au 18ème siècle ont mis à jour des pavés utilisés à l’époque de Philippe Auguste. Ils se présentent comme des dalles de grès de deux à trois pieds carré, ce qui fait environ 1 mètre 50 de côté, pour une épaisseur variant de 35 à 40 centimètres. Leur assise dépend de leur poids ; c’est ce qui explique qu’elles ne sont pas jointes entre elles par aucun mortier. Les ouvriers aménagent au centre de la rue une rigole destinée à récupérer les eaux de pluies, les eaux usées ainsi que les immondices. Ces rigoles ne s’avèreront pas efficaces pour autant, car elles seront souvent engorgées par les détritus qui s’y entassent. Le pavé, nommé aussi carreau, perdurera au travers des époques, et l’expression est encore employée de nos jours. On dit « battre le pavé », ou encore « rester sur le carreau ». Il faut noter aussi le « Carreau des Halles », qui se réfère au pavage du nouveau marché sis près du cimetière des Innocents.

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