Les Tours sarrasines de Venasque

LES TÉMOINS DU PASSÉ

ANTIQUITÉ

LES TOURS DITES « SARRASINES »

DE VENASQUE  

TYPE : remparts, enceinte romaine.

NOM : tours dites « Sarrasines ».

STYLE : Gallo-romain et médiéval.

ÉPOQUE : à la fin du IIIème siècle, les romains érigent une muraille sur l’emplacement d’un mur primitif. La muraille sera renforcée à la fin du IVème siècle, et lors de la période mérovingienne lorsque l’évêché sera transféré à Venasque.

PÉRIODES DE CONSTRUCTION : Ier, IIIème et XIIème siècles.

PROTECTION : classement sur la liste des Monuments Historiques par arrêté du 15 mars 1892.

ÉTAT DE CONSERVATION : vestiges.

HAUTEUR : 18 mètres (pour la plus haute des trois).

PROPRIÉTAIRE : la commune.

COMMUNE : Venasque.

Blason de la ville de Venasque

DÉPARTEMENT : le Vaucluse.

Blason du département du Vaucluse

RÉGION : Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Blason de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur

VENASQUE

Venasque

LOCALISATION :

Venasque est une commune française située dans le département de Vaucluse, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le village se situe à environ 11 km au sud-est de Carpentras par le CD 4, puis le CD 28 et à une trentaine de km d’Avignon.

PRÉSENTATION

Le village de Venasque se dresse sur un éperon rocheux aux flancs abrupts, au débouché des gorges de la Nesque. Le territoire de la commune est composé de terres cultivables vers la plaine de Carpentras, et de zones de garrigue sur les hauteurs des monts de Vaucluse. La commune occupe donc une position facile à défendre. Par le passé, cette situation privilégiée a conduit très rapidement à une occupation humaine.

L’origine du nom « Venasque » serait issue du celto-ligure, « Vindasca » (VIème siècle) ou « Vendasca » (Xème siècle). Le préfixe « vind », d’origine celte, se traduit par blanc et le suffixe ligure, « asca », par rocher ; donc : rocher blanc (et par extension « qui s’aperçoit de loin »).

Ville de Venasque

Venasque a donné son nom au Comtat Venaissin. Cette appellation proviendrait de « Comitatus Vendascensis », Comité de Venasque (qui représentait un groupement des habitants des villages du pays de Venasque contre d’éventuelles attaques extérieures). Par la suite le nom va se transformer, passant de Comité à Comté, puis à Comtat.

Le Traité de Meaux, ou traité de Paris (12 avril 1229), met fin à la Croisade contre les Albigeois, et rattache définitivement les pays occitans à la couronne de France. Par cet accord, toutes les terres situées à l’ouest du Rhône et contrôlées par les armées du Roy deviennent partie intégrante du domaine des Capétiens. Le territoire du Marquisat de Provence, situé à l’est du Rhône, est quant à lui légué à l’autorité pontificale de Rome. (Jusqu’à la Révolution française, il portera le nom de Comtat-Venaissin).

Sur les régions rattachées au trône de France, Louis IX fondera un port artificiel connu sous le nom d’Aigues-Mortes, duquel il s’embarquera pour la 7ème croisade le 25 août 1248. Le Comte de Toulouse Raymond VII conserve quelques fiefs jusqu’à sa mort. En outre, il consent à donner en mariage sa fille unique Jeanne à l’un des frères du roi Alphonse de Poitiers. Il prend conscience alors que par cette décision, il accepte la fin de sa dynastie et de la souveraineté de son Comté.

Lire : la Croisade des Albigeois

Le village de Venasque possède trois monuments classés Monuments Historiques :

L’ÉDIFICE QUADRILOBE, DIT « LE BAPTISTÈRE » (classé en 1840)

Le baptistère est un édifice exceptionnel par ses jeux d’arcatures et ses chapiteaux. Construit au VIème siècle probablement sur les ruines d’un temple romain, il sera remanié aux XIème, XIIème et XIIIème siècles, et restauré au XIXème siècle.

Malgré de nombreuses études historiques et archéologiques, ce monument n’a pas encore livré tous ses secrets.

Admirable par son architecture et la finesse de ses sculptures, les mystères qui l’entourent lui confèrent une atmosphère propre à la contemplation. Connu des « Antiquaires » et des historiens des XVIIIème et XIXème siècles, le monument passera, selon les auteurs, du statut de « temple païen » à celui « d’église des premiers temps du christianisme », pour finir sous la plume de Prosper Mérimée, en visite à Venasque en 1834, comme étant « peut-être un baptistère ».

Six ans plus tard, lors de l’établissement de la première liste des Monuments Historiques en France, le « temple » venasquais y est classé, ce qui montre qu’en ce temps-là, l’ensemble était déjà jugé d’un intérêt majeur.

Lire : le baptistère de Venasque

LES TOURS SARRASINES (classées en 1892)

Naturellement protégée de par sa position sur un éperon rocheux, la cité de Venasque ne pouvait être attaquée que dans sa partie sud-est. Pour y remédier, à la fin du IIIème siècle, les Romains érigèrent une muraille sur l’emplacement d’un mur primitif.

Par arrêté du 15 mars 1892, l’enceinte est classée au titre des Monuments Historiques. Plus tard, sous la direction de ces mêmes services, la porte subira à tort une restauration à la façon d’une entrée de château.

L’ÉGLISE PAROISSIALE NOTRE-DAME (classée en 1906)

Une source historique nous éclaire sur la datation de l’église : en 1528, l’abbé de Montmajour fit un don à l’évêque de Carpentras pour qu’il reconstruise l’église de Venasque. Le terme de reconstruction induit donc l’existence d’un édifice antérieur. Cet édifice primitif a dû être bâti au VIème siècle, peut-être sous l’épiscopat de Saint Siffrein, car nous savons que ce dernier fit bâtir à Venasque une église dédiée à Sainte Marie. Une crypte est enfouie sous l’autel de l’église (qui daterait de la fin du IVème siècle), témoignant ainsi de l’existence d’une communauté chrétienne établie tôt.

L’église du XIIIème siècle fut ensuite remaniée aux XVIIème et XVIIIème siècles.

LA LÉGENDE

Saint-Siffrein (appelé aussi Siffret, du village de Saint-Siffret dans le Gard) est un célèbre moine de l’abbaye de Lérins. Devenu évêque de Carpentras en 542, il fait construire l’église Notre Dame et une église dédiée à Saint Jean-Baptiste.

Dans ses mains, il tient un objet étonnant : la représentation d’un mors de cheval romain du IVème siècle, « Le Saint Mors », que l’on retrouve dans son iconographie.

Statue de Saint-Siffrein en bois doré du XVlème siècle.

Il n’a pas pu en disposer de son vivant, car il vivait au Vlème siècle, et le mors (bien que datant de la même époque) se trouvait à Constantinople. Mais à partir du Xlllème siècle, le saint est toujours représenté avec cet objet. (Vous pouvez notamment le voir dans l’église sur le Primitif de l’École d’Avignon, « La Crucifixion », datant de 1498).

Saint Siffrein Saint Siffrein Selon la légende, la mère de l’empereur Constantin, Sainte Hélène, demanda qu’on lui forge deux clous de la crucifixion, pour réaliser un mors pour le cheval de son fils. Elle pensait que la sainte relique le protégerait au cours des batailles.

LES TOURS SARRASINES

En Europe, durant le Moyen Âge, le mot « Sarrasins » ou « Sarrazins » était employé pour dénommer les peuples de confession musulmane. On les appelait aussi « Mahométans », « Arabes », « Ismaélites », ou bien « Agarènes ». Quant au terme « Maures », il faisait allusion aux Berbères de l’Afrique du Nord après la conquête des Omeyades. Les mots « Islam » et « Musulmans » n’existaient pas encore en Occident médiéval. En français, le mot « Musulman » est cité pour la première fois en 1551 ; « Islam » en 1697. Avant ces dates on utilisait, pour définir la religion des peuples musulmans, l’expression « loi de Mahomet », ou « loi des Sarrasins ».

Ces fortifications furent construites à l’époque médiévale pour se protéger des invasions sarrasines (omeyyades) venues des collines du sud-est. Constituées de trois tours massives, dont la plus haute mesure 18 mètres, elles furent édifiées par les Romains.

Omeyyades ou Umayyades : dynastie arabe de califes positionnée sur Damas de 661 à 750, puis sur Cordoue (756-1030). Les Omeyyades gouvernent le monde musulman de 661 à 750. Ils tiennent leur nom de leur ancêtre ʾUmayyah ibn ʿAbd Šams, grand-oncle du prophète Mahomet. A son apogée leur empire s’étend de l’Inde et de l’Asie centrale à l’Atlantique ; leur tentative de conquête de l’Europe occidentale s’achève avec leur défaite à Poitiers en 732, face à Charles Martel.

Ces Tours, dites « Sarrasines », nous indiquent que Venasque était défendu sur trois côtés par des parois abruptes (la ville était dressée sur un pic rocheux aux flancs escarpés). Sur le côté sud-est, qui ne présentait pas de protection naturelle, il était vital d’ériger une défense (muraille) pour pallier au déficit du terrain. Cette ligne défensive établie au sud de la cité, barre l’éperon rocheux sur sa partie la plus exposée.

Durant l’Antiquité tardive, l’enceinte avait déjà été fortifiée par la construction d’un mur cyclopéen (gros blocs non taillés et simplement posés les uns sur les autres). Cette muraille subira plusieurs démolitions et remaniements au cours des siècles, telles ces ouvertures réaménagées en portes pour faciliter l’accès au village.

Ces portes furent restaurées au début du XXème siècle (en 1925) par les Monuments Historiques. Cette colossale muraille a été utilisée comme carrière de pierres. Elle a servi à bâtir, entre autres, l’école communale, et peut-être certaines maisons du village.

ANTIQUITÉ TARDIVE (284 après. J.-C. – 700 après. J.-C.)

Vers le milieu du IVème siècle, les habitants abandonnent le sommet du rocher pour s’installer sur sa partie basse. Des fouilles ont révélé les vestiges d’une seconde enceinte prenant appui sur la muraille « protohistorique ».

Protohistorique : période de l’histoire intermédiaire entre la préhistoire et l’histoire, qui commence à l’âge des métaux et se termine avec l’apparition de l’écriture (3èmeau 1ermillénaire avant Jésus-Christ)

Sources : d’après Perraud, 1963, et Graw, 1981.

Une plinthe moulurée située au niveau du sol actuel est encore visible, témoin de ce rempart de l’Antiquité tardive, le seul connu à ce jour en Vaucluse.

Dans un souci d’apparence, la muraille et les tours flanquaient une ouverture grandiose. On peut donc en déduire qu’à cette époque, le rempart n’avait pas une fonction défensive, mais uniquement un rôle symbolique ou ostentatoire.

Le rocher de Venasque devait probablement jouer, à cette époque, le rôle d’« Acropole » religieuse de la région.

LA VENASQUE MEDIEVIALE ENCORE VISIBLE AUJOURD’HUI

Au XIIème siècle, on remonte les remparts toujours sur le même tracé d’origine. Avec la menace des invasions qui se précisent, les habitants retournent sur les hauteurs se réfugier à l’abri des murailles ; et les remparts retrouvent leur fonction défensive.

On s’aperçoit que les murs sont composés de pierres de différentes tailles et grossièrement taillés, formant des assises plus ou moins droites.

Tout est édifié selon la méthode classique de l’architecture militaire médiévale. Les tours sont retranchées, un chemin de ronde surplombe intérieurement le sommet des remparts. Les tours sont munies d’archères : ces meurtrières pour le tir à l’arc sont placées à hauteur d’homme et à un point d’action de la défense.

FOUILLES

En avril 1995, le GÂCR (Service départemental d’Archéologie du Vaucluse) a réalisé des sondages sur la place publique au pied des tours.

Lors de ce sondage, on a découvert un grand nombre de fragments de « tegulae » (dans l’Antiquité, tuile plate qui servait à couvrir les toits) estampillées, et portant la marque de l’évêque Lycerius (vers 650). Ceci laisse penser que ce dernier, comme ses prédécesseurs puis ses successeurs, a pris une part importante à l’édification ou au renforcement de ces fortifications.

Ces fragments de tegulae peintes en rouge ont été trouvés pratiquement à la surface du sol actuel. Ils sont assez singuliers : ils possèdent des estampilles imprimées dans l’argile. Les cartouches, tous identiques, débutent par une lettre monogrammatique : sans doute un chrisme (symbole chrétien datant du christianisme primitif). La présence d’un symbole chrétien est très rare, et peut signifier que ces tuiles ont été fabriquées vers les IVème et Vème siècles, probablement commandées par un évêque pour couvrir une bâtisse sur son domaine.

En 2013, le GÂCR effectua de nouveau une recherche sur l’emplacement dit de la « Maison des Tours ». Un tronçon d’enceinte datant de l’Antiquité tardive est à nouveau mis à jour. Il est constitué de blocs de pierres de remploi, dont un comporte une moulure similaire à celle que l’on trouve à la base des Tours. « Hâtivement agencés », ces blocs se situent sur un axe nord-est/sud-ouest et ne sont pas alignés sur les courtines encore visibles. Le mobilier mis à jour a permis de dater cette section de mur des Vème et VIème siècles.

SIX TOMBES EXHUMÉES

On a mis à jour six tombes rassemblées contre la tour orientale. Ces sépultures sont très importantes car elles datent le rempart d’une manière explicite (elles s’appuient ou se superposent à sa base). On a déterré un coffre rectangulaire fait de tuiles contenant un corps d’adulte, et une autre dépouille d’adulte a été inhumée, elle, en pleine terre. On a découvert une autre tombe en demi-bâtière appuyée contre le rempart contenant un enfant.

Une tombe en bâtière est un type courant de tombes de l’Antiquité tardive, faite de grandes tuiles plates (tegulae) formant un pignon au-dessus du corps.

TROIS AMPHORES

Deux jarres africaines et un récipient de Méditerranée orientale ont été remployés pour un usage funéraire. Ils étaient destinés à recueillir des enfants morts en bas-âge. La position variable des tombes, leur architecture et la catégorisation des amphores, sont caractéristiques de la fin du IVème et du début du Vème siècles. Il était d’usage, selon la loi antique, d’ensevelir les défunts « hors les murs » de la ville et proche de ses entrées.

PANORAMA

Depuis l’esplanade des remparts, la place devant ces massives tours à soubassement gallo-romain offre une vue à couper le souffle sur le Mont Ventoux et la plaine du Comtat Venaissin.

Je tiens à remercier tout particulièrement la responsable de l’accueil du baptistère de Venasque, Madame Corinne Tuboeuf, Adjoint du patrimoine, pour m’avoir fourni les précieuses informations qui m’ont permis de finaliser cet article.

Sources :

Mes photos

Photos publique Facebook

https://monumentum.fr/enceinte-romaine-pa00082206.html

http://www.venasque.fr/je-decouvre/patrimoine/monuments-historiques.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Venasque

https://www.communes.com/monuments-venasque

https://fr.wikipedia.org/wiki/Enceinte_romaine_de_Venasque

 

 

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