L’armée franque sous le règne de Dagobert Ier

LES MÉROVINGIENS

Tiers de sou en or de Dagobert Ier

L’ARMÉE FRANQUE

SOUS LE

RÈGNE DE DAGOBERT 1ER

Char de guerre franc

Du Vème siècle au milieu du VIIIème siècle, la dynastie des Mérovingiens régna sur une très grande partie de la France et de la Belgique actuelles, ainsi que sur une partie de l’Allemagne, de la Suisse et des Pays-Bas.

Clotaire 1er roi des Francs

Cette famille descend des peuples Francs saliens qui se sont installés dès le Vème siècle dans les régions de Cambrai et de Tournai, en Belgique. L’Histoire de la dynastie est marquée par l’apparition d’une forte prédominance de la culture chrétienne au sein de l’aristocratie. Elle se caractérise aussi par l’implantation croissante de l’Église, et par une économie qui se développe suite à l’effondrement de l’Empire romain d’Occident.  

Tiers de sous d’or de Dagobert Ier

Le nom « Mérovingien » provient du roi Mérovée, ancêtre semi-mythique de Clovis (466-511).

Mérovée

Les Mérovingiens, sous l’Ancien Régime et au XIXème siècle, sont désignés par certains légistes et historiens français comme étant la « première race » des rois francs.

Lire :

Le « Bon roi Dagobert ».

Dagobert Ier, le dernier des grands mérovingiens.

Dagobert Ier, le protecteur de Saint-Denis.

Dagobert Ier fait de Paris sa capitale.

SOMMAIRE

Le règne de Dagobert Ier marque l’apogée de la lignée mérovingienne. Dagobert est le dernier grand roi de la dynastie. Par la suite, tous ses successeurs porteront le sobriquet de « rois fainéants ».

L’appellation de « rois fainéants » (littéralement rois qui ne font rien, « fait néant ») est octroyée aux rois francs mérovingiens qui, à partir de 639, succédèrent à Dagobert Ier.

Les manuels d’histoire de la Troisième République ont popularisé une image d’Épinal des rois mérovingiens allongés dans leurs chars à bœufs.

Cette appellation a été façonnée par Eginhard, biographe de Charlemagne, dans sa « Vita Karoli » (Vie de Charlemagne), écrite au IXème siècle.

Eginhard disait de ces Mérovingiens qu’ils « n’avaient plus de rois que le nom », n’ayant accompli aucune réforme d’importance au cours de leurs règnes (littéralement « ayant fait néant »).

L’armée mérovingienne a beaucoup évolué. Depuis le Vème siècle, l’organisation militaire franque s’est énormément transformée et perfectionnée. Sous Dagobert l’armée, ou l’« ost » porte dès lors l’embryon de la féodalité.

Au Moyen Âge, l’ost désignait l’armée en campagne et le service militaire que les vassaux devaient à leur suzerain.

UNE ARMÉE OCCASIONNELLE ?

Même si la structure militaire a fortement progressé, l’armée franque dispose de peu de moyens, et elle n’est pas permanente. L’entretien d’une troupe régulière est trop onéreux : le seigneur ne

Clotaire II et Dagobert Ier

peut subvenir à une telle dépense. Ce n’est donc qu’en cas de guerre que l’ost est levé, sur la demande du roi ou du seigneur.

Dagobert Ier qui a mis sa culotte à l’envers

L’on appelle alors tous les hommes valides, libres et Francs, qui sont en âge de porter les armes (à partir de 15 ans). Tous ces guerriers doivent s’équiper eux-mêmes à leurs frais et subvenir à leurs besoins, soit par leur fortune personnelle, soit sur place par le pillage.

Nonobstant, tous les hommes ne sont pas concernés ; il y a des exceptions. Sous le règne de Charlemagne (742/747 ou 748-814), un système de recrutement spécifique sera organisé, exemptant, par exemple, les plus pauvres des paysans qui ne peuvent s’équiper pour aller à la guerre faute d’argent.

Le suzerain dispose dans ses effectifs des « leudes », c’est-à-dire des compagnons de combat prêts à être utilisé immédiatement en cas de conflit.

Durant le haut Moyen Âge, et la période mérovingienne, un leude était un homme riche et puissant, membre de la haute aristocratie, lié au roi par un serment (le leudesanium).

Cette garde personnelle d’hommes fidèles et loyaux est différente des autres troupes mobilisées par le suzerain ou par les ducs (ou comtes). Le roi peut ainsi compter sur sa troupe privée (compagnons et hommes recrutés dans ses fiefs), et sur celles des Grands du « Regnum » qui ont le même fonctionnement.

Le Regnum Francorum (en français, Royaume des Francs) désigne le territoire dirigé par les Francs du Vème siècle au Xème siècle.

UN PEU D’HISTOIRE

Les choses ont bien évolué depuis l’époque où Clovis, lors de la conquête de la Gaule, était à la tête d’une troupe plus ou moins disciplinée. L’établissement définitif du peuple franc et la

Clovis roi des Francs

stabilité de ses souverains ont permis à l’armée de muter et de se transformer. Elle a gagné en valeur et en expérience.

Dagobert Ier

Si elle est empreinte de tradition germanique, elle a su aussi profiter du savoir et des expériences militaires romaines.

Sous le règne de Dagobert Ier comme sous celui de Clovis, la guerre demeure une fonction essentielle de la politique royale mérovingienne.

 

DES GUERRES A FOISON…

Les rois mérovingiens ont participé à de nombreux conflits :

Guerres d’expansion territoriale contre les Burgondes et les Thuringiens.

Thuringiens : peuple germanique qui s’établit dans les premiers siècles de notre ère dans le bassin de Thuringe et à la forêt de Thuringe, entre Elbe et Weser, et qui constituait une nation.

Empire franc en 481

 

Les Burgondes représentent un des peuples du groupe des Germains orientaux.

Au Ier siècle, ils migrent vers l’actuelle Poméranie aux bouches de l’Oder.

Au IIème siècle, ils s’établissent en Silésie, aux sources de la Vistule.

Vers la fin du IIIème siècle, ils font mouvement vers l’Elbe, puis vers le Main.

À la fin du IVème siècle, à la suite de la migration des Vandales et Alains en Gaule romaine, ils s’établissent aux abords du Rhin, en Germanie supérieure. Ils constituent ainsi un premier royaume en 413.

En 436, ils seront battus par les Huns en Germanie inférieure.

A la fin des migrations germaniques de la fin de l’Antiquité, les Burgondes s’établissent durablement dans le centre-est de la Gaule, comme peuple fédéré de l’Empire romain d’Occident. Au Vème siècle, lors de l’effondrement de ce dernier, les Burgondes y fondent un royaume couvrant initialement une grande partie des actuelles régions suivantes : Bourgogne, Franche-Comté, Savoie, Lyonnais, Dauphiné et Suisse romande.

Dès 534, le Royaume des Burgondes est absorbé dans l’Espace Mérovingien en tant que « Regnum Burgundi », futur Royaume de Bourgogne.

Le royaume Burgonde au Vème siècle

Guerres en Italie ostrogothique.

Royaume des Ostrogoths 493-553

Guerres civiles contre les Bretons.

En 638, Dagobert soumet les Bretons qui reconnaissent sa suprématie.

Guerres civiles contre les Saxons.

En 638, Dagobert soumet les Saxons qui reconnaissent son autorité. Il tentera sans succès de s’opposer à la poussée de la nouvelle puissance slave avec les Saxons, les Thuringiens, les Alamans et les Lombards.

Bataille entre les Francs, commandés par le roi Clotaire II, et les Saxons. Grandes Chroniques de France de Charles V.

Guerres en Espagne wisigothique.

En 637, Dagobert soumet militairement les Gascons qu’il poursuit au-delà des Pyrénées.

Royaume wisigoth sous Alaric II

Guerres civiles contre les Basques (Vascons) qui menacent la stabilité du royaume franc. Le roi quel qu’il soit est de tous les conflits…

UN RECRUTEMENT HETEROGENE…

 

L’ORGANISATION

A la base, seuls les hommes libres ayant la nationalité franque sont admis dans l’armée. Progressivement, les Romains (ceux qui ont requis le droit de combattre) et les peuples barbares des contrées conquises seront acceptés dans la troupe. Ce sont les prémices de ce que l’on commence à désigner l’« ost » ». Le roi recrute alors tous azimuts pour former son armée…

Les formations militaires regroupant des contingents de même souche culturelle commencent à disparaître. Un nouveau sentiment voit le jour, celui d’appartenir à un même clan, à un même royaume ; l’idée de nation franque émerge lentement…

La mobilisation générale est exceptionnelle. La coutume veut que le suzerain ait recours aux grandes assemblées de guerriers des « Champs de Mars ». Il s’adresse aux hommes vivant dans les territoires les plus proches des zones d’action (les « frontaliers » aux limites du royaume) et aux citoyens des villes qui se situent à proximité des combats.

Ce recrutement régional entraîne l’apparition de « provinces », qui sont dans une moindre mesure indéterminées, comme la Burgondie, l’Austrasie et la Neustrie.

RAPPEL

L’Austrasie : l’Est de la France actuelle, l’Est de la Belgique actuelle et les régions rhénanes. La Neustrie : le Nord-Ouest de la France actuelle (sans la Bretagne). La Bourgogne : l’ancienne Burgondie, c’est-à-dire l’actuelle Bourgogne, le Nord de la vallée du Rhône et le Centre (Orléans).

De toute évidence, dans cette armée composite rassemblée pour des durées variables, et qui est formée de troupes hétérogènes, le respect de la discipline est un facteur majeur. En pays ennemi, le soldat est libre de ses mouvements ; il peut agir à sa guise, piller et se livrer aux pires horreurs, nul ne le blâmera ! Par contre, si les hasards de la guerre le mènent à traverser une région de son royaume, plus rien n’est vrai !

La bataille de Vouillé, 507

Il est très compliqué de diriger une troupe en maraude, qui ne pense qu’au butin de ses pillages et à s’enrichir par tous les moyens, même celui de s’approprier les biens du peuple qu’il est supposé défendre.

ÉVOLUTION DE L’ARMEMENT

D’après l’historien byzantin Procope de Césarée (500-565), les cavaliers francs sont équipés d’une lance, et la majorité des guerriers à pied (piétaille) portent l’épée, le bouclier et la hache (cette dernière est devenue célèbre sous le nom de francisque).

Guerrier franc

Cette arme de combat rapproché pèse un peu plus d’un kilo. Elle est munie d’un manche en bois de 40 cm de long ; sur l’une des extrémités vient se fixer une pièce métallique tranchante, le tout formant une hache redoutable. Qui pouvait être lancée en tournoyant vers l’avant, sur une distance d’environ douze mètres.

Guerrier franc

Les guerriers à pied, eux, se protègent le corps et le visage derrière un bouclier (80 à 90 cm) réalisé en lattes de bois et surmonté de cuir.

Francisque franque

L’épée est une « spatha » (longue de 75 à 90 cm) à double tranchant. Le guerrier est aussi équipé de « semispatha » plus courte (40 cm) que la « spatha », plus connue sous le nom de « scramasaxe », une sorte de long couteau.

Les guerriers les plus riches sont à cheval.  Ils sont parfois protégés par une cotte de mailles, ou une saie (ou sayon) de cuir recouverte d’écailles métalliques. Le casque se présente comme une simple coupole de fer bardée de cuir.

Cavalier franc

TACTIQUE DE COMBAT

La tactique de combat est simple. D’après Agathias le Scolastique (530-594), le successeur de l’œuvre de Procope, les Francs affrontent généralement leurs ennemis nus jusqu’à la ceinture. Agathias cite une troupe de guerriers francs avec leurs boucliers protégeant leurs flancs, attaquant en formation delta (en coin ou en triangle), leurs angons dirigés vers l’ennemi. L’assaut de ces redoutables soldats est meurtrier et destructeur.

Guerriers francs

L’« angon » est une lance à tige de fer mince d’1 mètre 25 avec une tête de fer à crochets. Les plus longs pouvaient mesurer jusqu’à 2 mètres 15.

Guerrier franc

L’ARMÉE DE DAGOBERT & SA TACTIQUE

Se basant sur les méthodes utilisées par Clovis, les guerriers de Dagobert Ier ne livrent que rarement des batailles rangées. Les Francs se sont établis et sédentarisés de façon définitive. Ils se sont ainsi habitués à leur région, ce qui a eu pour but d’approfondie leurs connaissances sur la géographie locale, et sur la configuration des terrains.      

Lorsque les armées de Dagobert affrontent leurs ennemis sur des champs de bataille dont ils connaissent parfaitement la cartographie, ils adoptent une nouvelle tactique. Celle-ci consiste à encercler l’adversaire pour le prendre en étau, en scindant leurs propres forces.

Il en va de même pour assiéger une ville. Cette méthode a fortement progressé grâce à l’intervention des engins de guerre influencés par les machines de siège romaines.

A l’armée privée du roi vient se rajouter des recrues franques, mais aussi des hommes issus des autres peuples conquis. Ces formations hétéroclites forment l’armée mérovingienne de Dagobert Ier. Cette puissante troupe armée affiche une force de frappe exceptionnelle pour l’époque, mais manque cependant de protection. En ces temps reculés, posséder une armure et un cheval était réservé aux plus riches.  

La durée des campagnes militaires est brève. Pour se nourrir, les hommes ont recours au pillage. Pour se protéger des soldats désœuvrés en maraude, les populations usent de la méthode de la terre brûlée, une pratique qui sera de plus en plus utilisée.

Lire : Mercenaires, routiers et écorcheurs au Moyen Âge.

L’armement s’améliore et tend à se normaliser, preuve d’une organisation commune avec la création d’unités armées comme les régiments, et avec un équipement similaire pour tous. Afin d’aider les plus pauvres à acheter leurs propres armes, une intendance royale voit le jour. Il résulte de ces évolutions (et aussi de la christianisation d’une grande majorité des populations) des changements dans les usages et les coutumes. Par exemple, la pratique funéraire consistant à enterrer le défunt avec ses armes qui disparaît.

Les arcs, une arme très utilisée, se perfectionnent, et les épées (scramasaxes) se rallongent, pendant que la cavalerie connaît un certain essor. 

Scramasaxes

L’EMBRYON DE LA FEODALITE

L’entretien d’une armée coûte très cher ; c’est pour cette raison que le roi recrute une garde personnelle permanente, la « truste » choisie parmi l’aristocratie. Hormis le roi, certains seigneurs et dignitaires forts riches (évêques, duc et comtes) peuvent mobiliser et équiper une telle troupe de soldats à leurs frais.

Pour s’armer convenablement, le guerrier franc doit s’acquitter de 40 sous d’or, ce qui équivaut au prix de 20 vaches !  

Ceux qui ne peuvent s’équiper (les plus nombreux), faute de moyens, iront se placer sous la protection d’un riche seigneur auquel ils prêteront allégeance, et qu’ils s’engageront à servir fidèlement et avec loyauté. En échange, le riche dignitaire assurera leur entretien et leur subsistance.

Progressivement, ces services gratuits de terres exploitées en faire-valoir vont se substituer à la fourniture d’armes.

Ces relations humaines engendrent les débuts d’une certaine féodalité qui commencera à poindre sous les Carolingiens. 

Sources :

Les rois de France des Éditions Atlas (Les Mérovingiens).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Dagobert_Ier

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9rovingiens

https://fr.wikipedia.org/wiki/Clovis_Ier

http://rozsavolgyi.free.fr/cours/Premiere%20partie/Le%20Moyen%20Age%20partie%201/popups/Dagobert.htm

https://www.histoire-pour-tous.fr/histoire-de-france/5689-dagobert-ier-roi-des-francs-632-639.html

https://le-monde-du-captain-sparke.fr/merovingiens-armees-dhier/

 

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