La Guerre de Sécession – La bataille de Bull Run ou bataille de Manassas

   Drapeau des Etats-Unis de 1860 à 1863                                                                                    Drapeau-Confédéré

 

LA GUERRE DE SÉCESSION

(1861-1865)

secession

BATAILLE DE BULL RUN

OU

BATAILLE DE MANASSAS

(21 JUILLET 1861)

 

Première bataille de Bull Run ou bataille de Manassas

Première bataille de Bull Run ou bataille de Manassas

 

SOMMAIRE

Les 12 et 13 avril 1861, le bombardement de Fort Sumter par les États confédérés, dans la baie de Charleston, en Caroline du Sud, marque le début de la Guerre Civile (1861-1865). La garnison fédérale du fort, sous les ordres du commandant Anderson, refuse de quitter ses positions qui se trouvent en territoire sudiste. Cette bataille, qui ne fera aucune victime dans les deux camps, est le « casus belli » qui déclenche le pire conflit de l’Histoire des États-Unis. La guerre qui commence va opposer pendant quatre ans les États du Nord aux États confédérés du Sud. Elle se terminera à Appomattox, le 9 avril 1865 avec la victoire du Nord, après avoir fait 625 000 morts.

 

 

PRÉSENTATION

La 1ère  bataille de Bull Run, appelée aussi par les sudistes 1ère bataille de Manassas, fut le premier affrontement d’importance de la Guerre Civile américaine (1861-1865). Il se déroula dans le Comté de Fairfax et celui de William, en Virginie. Il opposa l’armée de l’Union placée sous les ordres d’Irvin McDowell (1818-1885), aux forces confédérées commandées par les généraux  Pierre Gustave Toutant de Beauregard (1818-1893) et Joseph Eggleston Johnston (1807-1891).

LA VIRGINIE

« Old Dominion, Mother of Presidents »

Drapeau-de-la-Virginie

 

 

 

10ème État Capitale : Richmond

Date d’Entrée dans l’Union : 25 juin 1788.

– La Virginie est une des treize colonies fondatrices des États-Unis. Elle donnera quatre des cinq premiers présidents : Washington, Madison, Monroe et Jefferson.

– C’est en 1584 que le navigateur anglais Walter Raleigh conçoit de coloniser l’Amérique du Nord et fonde la Virginie.

– En 1607, un groupe de colons anglais, envoyé par le roi d’Angleterre James 1er, fonde la 1ère colonie anglaise permanente, Jamestown.

– C’est en 1660 que l’esclavage, déjà pratiqué, est officialisé.

-En 1784, la Virginie cède aux États-Unis les territoires au nord de l’Ohio, pour le développement vers l’ouest selon le système des townships.

– Le 17 avril 1861, la Virginie, État esclavagiste, fait sécession et rallie la Confédération des États du Sud. La plupart des grandes batailles du théâtre oriental de la Guerre de Sécession se dérouleront sur son sol : Bull Run, Chancellorsville, Fredericksburg…

Sa capitale, Richmond, tombe aux mains des Nordistes le 2 avril 1865, peu de temps avant la reddition du général Robert E. Lee à Appomattox, avant d’être en grande partie incendiée et ravagée.

 

FORCES EN PRÉSENCE

Pour le Nord

 Drapeau des Etats-Unis de 1860 à 1863

Environ 35 000 hommes, soit 4 divisions.

Commandant

Irvin McDowell (1818-1885).

Irvin McDowell

Irvin McDowell

Pour le Sud

Drapeau- confédéré- de -mars -à -mai- 1861

Environ 34 000 hommes, soit 11 brigades.

Commandants

Général Pierre Gustave Toutant de Beauregard (1818-1893).

– Joseph Eggleston Johnston (1807-1891).

 

LES DEUX CAMPS FOURBISSENT LEURS ARMES

 

ÉQUIPEMENTS

Chaque État doit pourvoir l’équipement de ses régiments en armes et en vêtements (uniformes). La grande majorité des usines d’armements se situant dans le Nord, l’armée de l’Union ne manquera jamais de fusils et de canons. Il n’en est pas de même pour le Sud, où les industries sont rares et connaissent d’énormes difficultés à assurer la demande. Il est à noter que dès le début de la guerre, certaines unités ne pourront être levées faute d’armement adéquat. Nombreux seront les soldats confédérés qui se serviront de leur fusils de chasse, puis, plus tard, utiliseront ceux pris à l’ennemi.

                                                                

Le problème est identique pour les uniformes. Même si les régiments de Zouaves nordistes sont vêtus de gris, dans d’autres formations les uniformes sont inexistants, et nombreux sont ceux qui combattent dans les deux camps en tenues civiles. Cette masse disparate de soldats non identifiés sera la cause de graves méprises chez les deux belligérants. En outre, il est à noter que les deux drapeaux, celui des Fédéraux et celui des Confédérés, sont presque identiques, à s’y méprendre… Autant de situations qui vont amener de sérieux cafouillages au sein des unités sur le champ de bataille.

                                                                                                               

 

ÉVÉNEMENTS ANTÉRIEURS

AVRIL

– Le 12 avril : le bombardement de Fort Sumter dans la baie de Charleston, en Caroline du Sud, marque le début de la Guerre. La garnison du fort, sous les ordres du commandant Anderson, refuse de quitter ses positions qui se trouvent en territoire confédéré. Cet acte marque le début de la Guerre civile.

Bombardement de Fort Sumter

Bombardement de Fort Sumter

– Le 15 avril, Lincoln fait appel à 75 000 volontaires pour réprimer l’insurrection. Ce qui entraîne aussitôt la sécession de quatre autres États.

Avant l’Appel du 15 avril

Caroline du Sud 20 décembre 1860
Mississippi 9 janvier 1861
Floride 10 janvier 1861
Alabama 11 janvier 1861
Géorgie 19 janvier 1861
Louisiane 26 janvier 1861
Texas 1er février 1861
   
 

Après l’appel du 15 avril
Virginie 17 avril 1861
Arkansas 6 mai 1861
Tennessee 7 mai 1861
Caroline du Nord 20 mai 1861

– Le 19 : Abraham Lincoln publie une proclamation concernant le blocus des ports sudistes et interdit tout commerce avec eux (mise en place du plan Anaconda).

Blocus plan Anaconda

Blocus plan Anaconda

– Le 19, de graves émeutes se produisent à Baltimore dans le Maryland. Ce soulèvement, aussi connu comme celui de Pratt Street, ou massacre de Pratt Street, oppose des partisans des États Confédérés à des forces de l’United States Army. Douze civils et quatre hommes de troupe seront tués au cours de cette émeute.

Émeute de Baltimore

Émeute de Baltimore

– Le 20 avril Lee donne sa démission, et devient le 23, commandant des forces armées de l’Etat de Virginie.

– Le 24 avril 1861, après la chute de Fort Sumter, le général Ulysses S.Grant fait une première tentative pour réintégrer l’armée. A la tête d’une troupe de volontaires, il arrive à Springfield, dans l’Illinois. Refusé dans un premier temps, il y parvient finalement grâce à l’appui d’un député, Elihu B. Washburne, et du Gouverneur Richard Yates. En effet, ce dernier pense qu’un militaire issu de West Point peut avoir son utilité dans le conflit qui se prépare.

Le Fort Sumter avant le 12 avril

Le Fort Sumter avant le 12 avril

– Le 27 : Abraham Lincoln suspend l’ordonnance de l’habeas corpus.

L’ordonnance, ou mandat d’habeas corpus, exprime une liberté fondamentale, celle de ne pas être arrêté et écroué sans jugement. En qualité de quoi, chaque individu a le droit de connaître les raisons de son incarcération et le motif de son accusation.

– Le 29 : le Maryland  se déclare contre la guerre, mais vote une motion en faveur des États Confédérés, et décide de rester au sein des États-Unis comme état neutre.

MAI

– Les 18 et 19 : blocus de la baie de Chesapeake. La bataille de Sewell’s Point qui suit, entre les canonnières nordistes et l’artillerie sudiste, est indécise.

– Le 20 : la Caroline du Nord fait sécession.

– Le 28 : le Kentucky décide de rester dans l’Union et proclame sa neutralité.

– Du 29 mai au 1er juin : blocus de la baie de Chesapeake. La bataille de l’Aquia qui suit, entre les canonnières nordistes et les batteries confédérées, reste indécise.

Bataille d'Aquia Creek

Bataille d’Aquia Creek

JUIN

– Le 3 : bataille de Philippi.

Premier affrontement organisé de la Guerre, entre les forces de l’Union (3000 hommes) et les troupes confédérées (800 soldats environ). Cette bataille, de faible importance, voit la victoire des nordistes commandés par le brigadier général Thomas Armstrong Morris (1811-1904), face aux forces sudistes en infériorité numérique dirigées par le colonel George A. Porterfield.

– Le 10 : blocus de la baie de Chesapeake, ou bataille de Big Bethel, à Hampton, dans le Comté de York, en Virginie  (victoire sudiste).

– Le 17 : bataille de Boonville.

Victoire de l’armée de l’Union commandée par le capitaine Nathaniel Lyon (1818-1861), face aux forces confédérées du major général John Sappington Marmaduke (1833-1887).

– Le 17, Ulysses S. Grant est nommé colonel au 21ème  Division d’Infanterie de l’Illinois.

JUILLET

– Le 2 : bataille de Hoke’s Run, dans le Comté de Berkeley, en Virginie-Occidentale (victoire nordiste).

-Le 5 : bataille de Carthage, dans le Comté de Jasper, au Missouri (victoire sudiste).

Bataille de Carthage

Bataille de Carthage

– Le 11 : bataille de Rich Mountain, dans le Comté de Randolph, en Virginie-Occidentale (victoire nordiste).

-Le 13 : bataille de Corrick’s Ford, sur la rivière Cheat, en Virginie-Occidentale (victoire nordiste).

– Le 18 : bataille de Blackburn’s Ford, dans les Comtés de Prince William et de Fairfax, en Virginie, durant la campagne de Manassas (victoire sudiste).

– Le 21 juillet : première bataille de Bull Run, appelée aussi bataille de Manassas, dans les Comtés de Prince William et de Fairfax, en Virginie.

Première bataille de Bull Run ou bataille de Manassas

Première bataille de Bull Run ou bataille de Manassas

Victoire de l’armée confédérée commandée par les généraux Pierre-Gustave Toutant de Beauregard (1818-1893) et Joseph Eggleston Johnston (1807-1891), face aux forces de l’Union placées sous les ordres du général Irvin McDowell (1818-1880).

 

CONTEXTE

Au début de l’été 1861, une armée sudiste menace Washington. Les chefs de l’armée du Nord hésitent à engager le combat. Mais, sous la pression de l’opinion publique, ils sont contraints de prendre l’initiative : les forces fédérales marchent sur Richmond, capitale provisoire de la Confédération. Les sudistes, avec à leur tête le général Pierre Gustave Toutant de Beauregard, s’apprêtent à les affronter.

Première bataille de Bull Run

Première bataille de Bull Run

Témoignage du Général Pierre-Gustave Toutant de Beauregard :

« Je fus appelé à Richmond, siège du Gouvernement confédéré, et reçus l’ordre de prendre le commandement de l’armée confédérée, basée sur la ligne du chemin de fer d’Alexandrie. Je pris mon commandement le 2 juin 1861, dès mon arrivée à Manassas Junction.

Bien que cette position fût stratégiquement de grande importance, le terrain nous était défavorable. Son intérêt, du point de vue militaire, tenait surtout à la proximité de la capitale fédérale (Washington, à 40 kilomètres) et au fait qu’on pouvait facilement observer la principale armée ennemie, que le général McDowell était en train de rassembler en vue d’une avance sur Richmond. Sur nos arrières se trouvait une ligne de chemin de fer pour le transport des renforts, alors qu’une autre (celle du Manassas Gap) nous mettait en communication rapide avec la riche vallée de la Shenandoah. Par contre, le ruisseau de Bull Run offrait peu de valeur défensive, car il possédait de nombreux gués…

Je me rendais parfaitement compte que le seul avantage des Confédérés était de tenir les lignes de communications vers l’intérieur. Les Fédéraux, eux, possédaient tous les avantages matériels : supériorité numérique, armes et équipements nettement meilleurs, infanterie régulière peu nombreuse mais bien entraînée, ainsi qu’une artillerie de campagne de premier ordre. »

Extrait de « Il y a toujours un reporter ». (« La guerre de Sécession », de Victor Austin, paru aux éditions René Julliard.)

 

SITUATION

En juin 1861, la Confédération du Sud n’a que trois mois d’existence ; cependant elle dispose de sa capitale (Richmond en Virginie), et d’un président, Jefferson Davis. Sa position financière est stable et acceptable. Si son gouvernement est prêt à fonctionner, le Département d’Etat, lui, s’active déjà puisqu’il a dépêché ses représentants en Europe pour exprimer les causes de la sécession et s’attirer la sympathie des puissances étrangères. La première grande bataille entre les armées de l’Union et celles de la Confédération, toutes deux non préparées, se déroule en ce mois de juillet 1861 au sud-ouest de Washington ; un affrontement qui encore de nos jours a deux appellations différentes : Bull Run pour les gens du Nord, et Manassas pour ceux du Sud. Ce jour là, l’armée nordiste est si convaincue de sa victoire, qu’un grand nombre de civils a fait le déplacement de Washington pour pique-niquer et assister en direct à la bataille.

Témoignage de William Howard Russel, correspondant du Times de Londres :

« Sur la colline, devant moi, se pressait une foule de civils, à cheval ou en voiture, parmi lesquels

William Howard Russell

William Howard Russell

quelques représentantes du beau sexe. Des traînards des régiments de réserve, dont quelques officiers, circulaient parmi eux pour leur expliquer, soi-disant, les mouvements des troupes dans la plaine, mouvements dont, au demeurant, ils ignoraient tout. L’excitation des spectateurs était à son comble. Près de moi, une dame munie de lorgnettes de théâtre était transportée de joie chaque fois qu’une explosion plus forte que les autres accélérait les battements de son cœur : « ça par exemple, c’est formidable, n’est-ce pas ? Je crois que nous serons à Richmond demain à cette heure-ci ! » Ce genre d’exclamation se mêlait à d’autres plus grossières, échappées aux hommes politiques venus assister au triomphe de l’armée fédérale… »

 

Extrait de « Il y a toujours un reporter ». (« La guerre de Sécession », de Victor Austin, paru aux éditions René Julliard.)

LE DÉROULEMENT DE LA BATAILLE

Le 16 Juillet.

L’armée de l’Union, forte de 35 000 hommes, avec à sa tête le général Irvin McDowell, pénètre en Virginie. Elle a pour objectif de couper la voie ferrée à la hauteur de Manassas, pour ensuite marcher sur la capitale sudiste. Résolus à refouler l’envahisseur nordiste, 22 000 soldats confédérés partis de Richmond se portent à sa rencontre. Le général qui les commande, Pierre Gustave Toutant de Beauregard, a été averti de l’arrivée de l’armée Yankee et décide d’établir son QG à Manassas, dans la demeure de Wilmer McLean, un épicier virginien. (Ce dernier deviendra célèbre ; après la Guerre, il aurait dit : « La Guerre a commencé dans mon jardin et s’est terminée dans mon salon. ») Les Confédérés se déploient sur 13 kms le long de la rivière voisine, le Bull Run, puis attendent leur ennemi ; Washington n’est qu’à 40 kms. Beauregard, qui se rend compte de son infériorité numérique, envoie des messages au général Joseph Eggleston Johnston, qui commande l’armée sudiste de la vallée de la Shenandoah, pour lui apporter du soutien. Il a prévu de faire  effectuer à ce dernier un mouvement tournant afin de porter une attaque sur l’aile droite de McDowell. C’est une manœuvre audacieuse car, au même moment, 18 000 soldats nordistes, placés sous les ordres de Robert Patterson (1792-1881), font mouvement pour intercepter les forces confédérées de Johnston.

Le 21 juillet

Les forces nordistes avancent vers le Bull Run et vers les forces sudistes qui s’y sont établies. McDowell ordonne à ses troupes de le traverser. La bataille commence à 2 heures 30 du matin. Deux divisions nordistes s’élancent alors vers le nord-ouest et effectuent un mouvement circulaire, afin de surprendre la ligne de défense sudiste, face au sud. Pendant ce temps, un autre assaut des forces fédérales se jette, face à l’ouest, sur le flanc droit de la première ligne confédérée. Les Nordistes, en surnombre (10 fois plus nombreux), enfoncent l’aile gauche des Confédérés. Ces derniers, encerclés, sont contraints à céder du terrain, et leurs positions tombent les unes après les autres.

Beauregard s’aperçoit alors de la mauvaise tournure des événements, et envoie des renforts au nord comme à l’est pour contenir les forces fédérales. Deux brigades viennent au secours du flanc droit confédéré. Ces dernières parviennent à ralentir les forces nordistes dirigées par le général Ambrose E. Burnside. Celui-ci essaie de passer à gué le Bull Run et d’avancer vers la rivière Young Branch, en direction du nord et de la colline Henry House.

Dans le même temps, un dénommé W. T. Sherman traverse à gué le Bull Run et donne l’assaut sur le flanc droit des Sudistes. Cette charge soudaine, ajoutée à la pression exercée par Burnside, provoque une cassure de la ligne de défense confédérée. Vers 11 heures 30, c’est la déroute dans les rangs sudistes qui se replient vers Henry Hill.

Les spectateurs qui assistent à la bataille sont ravis du déroulement des opérations. Il n’est pas encore midi et tout se passe comme ils l’ont espéré. La victoire des forces de l’Union paraît acquise… Déjà, en marge du champ de bataille, des soldats commencent à ramasser des souvenirs…

Un fantassin nordiste raconte :

« Enfin nous arrivâmes au gué de Sudley. Nous nous y arrêtâmes, tandis que plusieurs régiments traversaient Bull Run. Pendant que nous attendions, nous pouvions apercevoir, loin sur notre gauche, au-dessus de la rivière, les obus qui éclataient en petits nuages ronds. Le bruit courait dans nos rangs que la poussière qui montait de la route devant nous était soulevée par l’armée rebelle avançant à notre rencontre. Nous allions nous battre : nous ne pouvions plus en douter maintenant.

Bientôt, à notre tour, nous traversâmes Bull Run où nous vîmes des morts et des blessés. Je faillis m’évanouir en les regardant. Les gars se mirent à crier : « Bravo, ils se sauvent. Les rebelles prennent la fuite ! » Avançant jusqu’à la crête, nous fîmes feu une fois et aperçûmes alors les rebelles qui couraient plus bas vers la route. Ensuite, je me rappelle seulement qu’on nous donna l’ordre d’avancer, ce que nous fîmes sous un feu peu nourri. Nous traversâmes la route, et ayant grimpé un peu, nous fîmes halte dans un repli de terrain le long du chemin venant du gué de Sudley. Les gars répétaient sans arrêt, très excités : « Nous les avons battus ! Nous pendrons Jeff Davis à la branche d’un pommier sauvage ! Ils se sauvent ! La guerre est terminée ! » Nous étions persuadés que l’ennemi avait pris la fuite. »

Extrait de « Il y a toujours un reporter ». (« La guerre de Sécession », de Victor Austin, paru aux éditions René Julliard.)

LA VICTOIRE CHOISIT SON CAMP

Mais sur une colline, au centre du dispositif des lignes sudistes, une brigade de soldats virginiens,

Stonewall Jackson

Stonewall Jackson

commandée par le général Thomas Jackson, résiste « bec et ongle ». Alors que c’est la débandade dans les autres secteurs de l’armée confédérée, Jackson tient bon. Certains officiers tentent de rameuter leurs troupes qui s’enfuient dans un grand désordre, cédant à la panique. Parmi eux, le général Bee aperçoit Jackson sur son cheval, impassible sous la mitraille, semblant défier la mort. Selon les témoignages, Bee aurait crié à ses hommes en pleine déroute : « Regardez Jackson qui tient comme un mur de pierre. Ralliez-vous aux Virginiens ». La légende de « Stonewall » Jackson était née.

MÉPRISE SUR LE CHAMP DE BATAILLE

La diversité de l’équipement et des uniformes des deux camps va provoquer de sérieuses confusions, lourdes de conséquences.  Le 33ème  régiment de Virginie, vêtu de bleu, disposé en ordre de bataille, s’avance vers les canons yankees et trompe la vigilance de ses servants. Les artilleurs nordistes, croyant apercevoir leurs propres troupes faire mouvement dans leur direction, baissent la garde et laissent ce régiment s’approcher au plus près. Mais lorsque la méprise est découverte, il est trop tard ; tous sont décimés ou capturés.

Le secrétaire de Lincoln raconte cette phase décisive de la bataille :

« Quand, vers deux heures et demie de l’après-midi, les batteries de Ricketts et Griffin reçurent l’ordre d’avancer vers le sommet de la colline Henry, une accalmie se produisit dans le combat. Mais à peine Ricketts avait-il pris position que ses canonniers et ses chevaux commencèrent à tomber sous les coups de fusil des tireurs d’élite rebelles qui s’étaient approchés et qui étaient bien cachés (…) Les troupes rebelles, comprenant alors dans quelle position intenable se trouvaient les batteries fédérales, furent tentées de sortir de leurs abris. Elles avancèrent avec précaution, mais fermement vers la batterie Ricketts (…) Griffin fut subitement déconcerté en apercevant un régiment qui s’avançait audacieusement à découvert, sur sa droite (…) Instinctivement, il donna l’ordre de charger les canons avec de la mitraille et de les pointer vers les assaillants. Mais tout à coup, à la pensée effroyable qu’il pouvait tirer sur un régiment fédéral, il hésita et discuta un instant avec un officier qui se tenait près de lui : « Ce sont des Confédérés ? » demanda-t-il fébrilement.

-Non, répliqua l’officier, je suis sûr que ce sont les troupes de soutien de votre batterie. »

Griffin, éperonnant alors son cheval, commanda à ses officiers de ne pas tirer. Cette erreur s’avéra fatale. Les Confédérés s’étaient approchés à une très courte distance et épaulaient juste au moment où Griffin donnait l’ordre de suspendre le tir. A cet instant précis, une salve de mitraille aurait anéanti l’ennemi, mais la situation était maintenant retournée. En un instant, la fusillade des Confédérés anéantit les batteries de Griffin et de Ricketts. Devant cette catastrophe subite, les troupes de soutien fédérales furent frappées de stupeur. Sous le feu de ces mêmes rebelles qui avançaient toujours, ils tirèrent une fois, puis tournèrent le dos et prirent la fuite. »

Extrait de « Il y a toujours un reporter ». (« La guerre de Sécession », de Victor Austin, paru aux éditions René Julliard.)

LA CHARGE DE JACKSON

A quatre heures de l’après-midi la bataille va alors basculer. Jackson, après avoir repoussé un premier assaut nordiste, ordonne à ses hommes de placer les baïonnettes aux canons. Puis il leur demande de charger et de se ruer sur l’ennemi en hurlant le plus fort possible.

Il leur dit : « ne tirez que lorsqu’ils seront à 50 yards ! Puis tirez et chargez à la baïonnette ! Quand vous chargerez criez comme des furies ! »

Pour la première fois, le « rebel Yell », l’effrayant cri de guerre sudiste, se fait entendre sur un

Jeb Stuart

Jeb Stuart

champ de bataille, et dans la foulée, les troupes de l’Union sont chassées de Henry Hill. Les cris poussés par les Confédérés ce jour-là seront repris ensuite sur des dizaines d’autres champs de bataille. De concert, Jeb Stuart et sa cavalerie assaillent les flancs du 11ème régiment des pompiers volontaires de New-York et des Fire Zouaves d’Elmer E. Ellsworth, qui portaient assistance aux artilleurs. La charge décime de nombreux servants et disperse l’infanterie. Ce jour-là, dans la mêlée, les canons changeront de mains à plusieurs reprises.

 

 

La charge des Confédérés, vue de la troupe :

« Il était presque une heure quand nous descendîmes du train à Manassas (…) D’après les salves rapides de l’artillerie et le crépitement incessant des fusils, nous comprîmes que le combat faisait rage. Les nuages de poussière que nous soulevions avertirent l’ennemi de notre approche : il pointa vers nous plusieurs canons. Un grand nombre de wagons d’intendance qui repartaient vers l’arrière à toute allure, et des centaines de fuyards démoralisés couraient vers nous en criant : « Tout est perdu ! Reculez ou ils vont vous tailler en pièces. L’armée est en pleine retraite. »

Mais l’ordre de notre courageux colonel Elzey fut toujours : « En avant ! N’écoutez pas les lâches et les poltrons. Chargez. »

Le sort de l’armée confédérée dépendait de cette charge. A son commandement, avec un seul hurlement sauvage et sous une véritable pluie de balles, nous chassâmes pêle-mêle l’ennemi de sa position bien établie vers le boqueteau, à l’arrière. Le colonel Elzey ordonna la poursuite, et lorsque nous nous trouvâmes à nouveau en rase campagne, nous aperçûmes devant nous, non pas une armée organisée, mais un troupeau de fuyards. Après le succès de notre charge sur son flanc droit, l’armée fédérale tout entière lâcha prise et courut à toutes jambes vers Washington.

Le président Davis et les généraux Johnston et Beauregard chevauchèrent vers le colonel Elzey, et le président, rayonnant de joie et d’enthousiasme, s’écria : « Général Elzey, vous êtes le Blücher du jour ! »

Extrait de « Il y a toujours un reporter ». (« La guerre de Sécession », de Victor Austin, paru aux éditions René Julliard.)

Les renforts confédérés arrivent, à cheval d’abord, puis par le train. Ce qui sera une première dans l’Histoire de la guerre.

L’armée yankee s’effondre. Et la retraite qui s’ensuit tourne à la véritable débâcle. Dans sa fuite, une meute de civils se jette désordonnée sur la route, à pied, en voiture, en calèches et en courant vers le salut, à l’arrière. Un véhicule, renversé par un tir d’artillerie, bloque l’accès sur un pont qui enjambe le ruisseau du Cub Run. L’attelage chaviré, et en partie détruit, engendre un passage en force des fuyards suivi d’un sauve-qui-peut général. Tout ce chaos gêne considérablement l’artillerie, qui tente désespérément de quitter au plus vite les lieux. Pris de panique, les soldats bleus jettent leurs armes et se ruent vers Centreville. Dans l’urgence, McDowel ordonne la formation d’une ligne de défense pour protéger Washington. Cette disposition ne pourra être effectuée en raison de la gigantesque panique qui règne dans l’armée de l’Union, engendrée par les fuyards qui se précipitent, en désordre, dans les faubourgs de la capitale. Dans cette confusion générale, des centaines de soldats nordistes seront fait prisonniers. Les généraux confédérés Beauregard et Johnston ne pourront pas saisir l’opportunité qui leur tend les bras de s’emparer de Washington. L’armée rebelle est autant désorganisée dans la victoire que celle de l’Union dans la défaite.

Il est presque 17 heures, et la bataille est terminée. Cet affrontement majeur voit le premier grand succès sudiste de la Guerre Civile entre les États.

William Howard Russel, correspondant du Times de Londres, est témoin de la débâcle :

« J’avais dû chevaucher environ quatre miles quand mon attention fut attirée par des hurlements qui s’élevaient à quelque distance de moi. Je vis alors, venant de la direction du champ de bataille, plusieurs fourgons d’intendance dont les conducteurs essayaient de forcer le passage devant des caissons de munitions allant en sens inverse, à la hauteur du pont. Ils soulevaient un nuage de poussière, et des hommes en uniforme qui, autant que j’en pouvais juger, les convoyaient, couraient à leur côté. Je crus tout d’abord que ces fourgons repartaient chercher des munitions, mais à chaque instant l’encombrement augmentait. Ceux qui se dirigeaient vers l’arrière se mirent à crier avec des gestes véhéments : « Retournez, retournez ! Nous sommes battus ! » Ils saisirent le mors des chevaux et lancèrent des jurons aux conducteurs. Un homme en tenue d’officier, essoufflé, un fourreau d’épée vide au côté, et qui sortait de la foule, se trouva coincé un instant entre mon cheval et un caisson :

« Que se passe-t-il ? Pourquoi tout ce tumulte ? lui dis-je.

– La vérité, c’est qu’on a reçu une bonne raclée », fit-il d’une voix altérée ; et il continua son chemin. »

Extrait de « Il y a toujours un reporter ». (« La guerre de Sécession », de Victor Austin, paru aux éditions René Julliard.)

CONSÉQUENCES

Aussi bien en Amérique qu’en Europe, l’on est surpris par cette victoire confédérée. De toute part, on croyait que « l’ogre nordiste » ne ferait qu’une bouchée du « petit poucet sudiste ». Mais les forces fédérales sont écrasées, laissant sur le champ de bataille quelques 3000 morts, blessés, prisonniers et disparus. Les Confédérés, quant à eux, déplorent la perte de 2000 des leurs. Le chiffre semble moins important, mais les ressources humaines du Sud ne sont pas illimitées comme celles de l’Union ; un fait qui, pour l’instant, n’empêche pas la Confédération de savourer les délices de sa victoire.

Cette défaite sera pour le Nord un véritable traumatisme. Elle va lui faire prendre conscience qu’il doit se doter d’une puissante industrie de guerre s’il veut sortir victorieux de ce combat fratricide. Le Nord va aussi réaliser, après ce conflit qu’on annonçait court, les efforts considérables qu’il lui faudra faire pour vaincre ces rebelles qu’on disait démunis de tout. Dans le Nord, le symptôme de la défaite va longtemps marquer les esprits.

« Mes chers concitoyens, votre petite armée, tournée en dérision pour son manque d’armes et de matériel de guerre, a affronté le puissante armée de l’ennemi et l’a mise en déroute sur le front, et l’a contrainte à battre en retraite sans gloire devant nos colonnes victorieuses. Nous leur avons donné une leçon, alors qu’ils tentaient d’envahir le sol sacré de la Virginie ». Jefferson Davis

 

A l’issue de cette bataille, les confédérés vont changer leur drapeau, trop semblable à leur goût à celui des troupes de l’Union, le « star and stripes », et vont adopter le « dixie flag ». De même, dans les deux camps, afin d’éviter toute méprise avec l’ennemi sur le théâtre des combats, toutes les tenues vestimentaires pouvant être confondues avec celle de l’ennemi vont être supprimées. Dorénavant, les Nordistes seront vêtus de bleu, et les Sudistes de gris…

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