Des remparts pour Paris

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CHRONIQUES MÉDIÉVALES

DES REMPARTS POUR PARIS

 

 

 

Dès son accession au trône de France en 1179, Philippe Auguste éprouve la nécessité de  protéger sa capitale derrière de hauts remparts. Les premières garnisons de son puissant voisin Plantagenêt ne se situent alors qu’à une centaine de kilomètres de Paris. Le Capétien se rend compte que son royaume est directement menacé par les possessions continentales anglaises toutes proches, d’Henri II et de ses  fils.  C’est dans ce contexte que le roi de France décide de faire construire des remparts autour de sa capitale. En 1189, alors que ce dernier est sur le point de partir pour la Troisième Croisade, il ordonne d’ériger une muraille de pierre ; cette enceinte fortifiée protègera Paris des ennemis de la France pendant son absence.

A l’origine, il s’agit d’un simple rempart flanqué de tours, qui doit ceinturer les rues de la grande cité.

– lire : l’insalubrité des rues de Paris au Moyen Âge

– lire : des pavés pour les rues de Paris

TRENTE ANS DE TRAVAUX

La construction se fait en deux phases : la rive droite d’abord, de 1190 à 1209, puis la rive gauche, de 1200 à 1215. Cette dernière, moins peuplée et moins exposée à une éventuelle agression de l’ennemi, ne sera pas prioritaire. Cet ordonnancement est le fruit d’un choix stratégique. Le duché de Normandie appartenant alors aux Plantagenêt, l’on craint une possible attaque anglaise venant du nord-ouest. Afin de prévenir une invasion remontant la Seine, et dans le but de renforcer les défenses de la capitale, Philippe Auguste décide de faire ériger la forteresse du château du Louvre. 

UN OUVRAGE TITANESQUE

RIVE DROITE

Un petit matin de 1190, une grande activité voit le jour dans Paris. Depuis plusieurs semaines, l’on a transporté et entassé dans les rues de lourdes pierres calcaires. Celles-ci ont été  prélevées dans les carrières de la Bièvre ou les collines du sud de la cité. Déjà, sur la rive droite de la Seine, centre administratif et commercial de la capitale, les ouvriers sont à la tâche. L’on creuse un sillon d’un mètre de profondeur à coup de pioches ; cette tranchée doit recevoir les fondations de la muraille. Le tracé s’étend sur une surface de 253 hectares. Il enveloppe un grand nombre de terres cultivables et de pâturages qui permettaient aux habitants de pouvoir tenir en cas de siège. Ce chantier titanesque, délimité par des tours et des portes, protégé à l’ouest par la forteresse du Louvre, sera dressé en dix huit ans.

RIVE GAUCHE

C’est en 1209 que débutent les travaux de fortification de la rive gauche. Les ingénieurs ayant acquis une expérience déterminante sur la rive droite, les ouvriers construiront les remparts en seulement onze ans. En 1220, la totalité de l’enceinte est terminée.

QUELQUES CHIFFRES

L’ouvrage est colossal : il fait 5400 mètres de circonférence, il est pourvu de 75 tours et de 10 portes fortifiées. Les deux chantiers ont été érigés en quelques années d’écart, et ont des caractéristiques architecturales presque identiques.

LE MUR

Les remparts de la rive droite font 2800 mètres et ceux de la rive gauche 2600 mètres. La courtine (architecture militaire médiévale qui relie deux tours) est haute d’environ 9 mètres, pour une épaisseur de 3 mètres à la base, et de 2,3 mètres au sommet. Le mur est composé de deux parois, que l’on a empierrées au centre avec du mortier pour les consolider. 

Courtine

Courtine

On note l’absence de mâchicoulis, mais des créneaux et un chemin de ronde d’environ deux mètres de largeur sont édifiés. On y montait par des échelles que l’on appuyait sur le mur, ou par les escaliers des portes.

 

Machicoulis

Mâchicoulis

LES TOURS

Tous les 60 mètres environ : 40 sur la rive droite et 31 plus massives sur la rive gauche. Ces ouvrages, semi-cylindriques, ont un diamètre de 6 mètres environ pour une hauteur d’une quinzaine de mètres. On note aussi la présence de 4 puissantes tours, plus hautes que les autres. Ces véritables donjons de trois étages voûtés renforcent l’ouvrage là ou il semble le plus fragile. Ils atteignent les 25 mètres de hauteur pour 10 mètres de diamètre, et sont situés à l’extrémité des remparts, à l’intersection de l’enceinte avec la Seine, ce qui permet de contrôler la navigation fluviale. De puissantes chaînes sont tendues de part et d’autre entre ces tours, afin de stopper tout accès par le fleuve en cas de nécessité.  

A L’OUEST :

– La Tour du Coin, rive droite, près du Louvre (quai François Mitterrand).

– La Tour de Nesle, rive Gauche (quai de Conti).

À L’EST :

– La Tour Barbeau, rive droite (quai des Célestins).

Tour Barbeau

Tour Barbeau

– La Tournelle, rive gauche (quai de la Tournelle).

Tour Barbeau et la Tournelle

Tour Barbeau et la Tournelle

LES PORTES

Lors de la construction de l’enceinte, 11 portes principales sont édifiées. Par la suite, afin de contenir l’accroissement de la ville, quatre autres portes seront érigées ainsi que de nombreuses poternes. Ces portes sont défendues par deux tours massives à deux étages, hautes de 25 mètres, d’un diamètre de 8 mètres et dont les bases sont pentues. De dimensions imposantes, ces constructions peuvent recevoir des garnisons, servir de dépôts, et abriter des machines de guerre.

Les poternes, simples ouvertures dans la muraille, peuvent être murées en cas de nécessité absolue (menaces de guerre, siège, etc…). On note cependant que certaines seront munies d’un système de défense.

LE COÛT

L’on évalue à 120 livres le coût de chacune de ces portes. Le roi achète le terrain où est érigée l’enceinte sur son argent personnel. Quant à la construction de cette dernière, elle est à la charge de la ville de Paris.

PORTES DE LA RIVE GAUCHE : (plans de Paris de Truschet et Hoyau 1550).

– La porte Saint-Germain.

Porte Saint Germain

Porte Saint Germain

– La porte Gibard ou porte d’Enfer, ou porte Saint-Michel.

Porte Saint-Michel

Porte Saint-Michel

– La porte Saint-Jacques.

Porte Saint-Jacques

Porte Saint-Jacques

– La porte Bordet ou porte Bordelle ou (Bordelles).

Porte Bordelle

Porte Bordelle

– La porte Saint-Victor.

Porte St-Victor

Porte St-Victor

– La porte Saint-Bernard.

Au cours du 13ème siècle, la démographie de la cité ne cessant de croître,  trois autres poternes seront bâties sur la rive gauche, d’Ouest en Est :

– La poterne de Nesles.

– La poterne Dauphine.

– La poterne Saint-Bernard.

PORTES DE LA RIVE DROITE : (plans de Paris de Braun et Hogenberg)

– La porte du Louvre.

– La porte Saint-Honoré.

Porte St Honoré sous Philippe Auguste

Porte St Honoré

– La porte Montmartre.

Porte Montmartre

Porte Montmartre

– La porte Saint-Denis ou porte aux Peintres.

– La porte Saint-Martin.

– La porte Saint-Antoine.

Porte St-Antoine

Porte St-Antoine

En outre, entre la porte Saint-Antoine et la Seine, deux poternes seront construites : les poternes Saint-Paul et celle des Barrés.

Avec l’accroissement de la population et du trafic, d’autres ouvertures seront rajoutées d’Ouest en Est de la rive droite.

AU-DELÀ DES REMPARTS, LES NOUVEAUX QUARTIERS !

L’édification de l’enceinte de Philippe Auguste va, avec le temps, orienter l’extension et le développement de Paris. L’agrandissement du réseau urbain va voir apparaître un traçage de rues et de ruelles secondaires dans les champs situés dans la ceinture des remparts. De nouvelles tranches d’habitations voient le jour, et progressent depuis le centre pour aller s’adosser contre la muraille fortifiée.

Si bien qu’en 1190, Paris compte cinq nouveaux quartiers : la Cité, Saint-Jacques, la Verrerie, la Grève, et le quartier de la rive gauche.

Vers le milieu du 13ème siècle l’on voit émerger Saint-Germain-l’Auxerrois, et Sainte-Opportune rive droite, Saint-André des Arts et Maubert, rive gauche.

Au-delà de la muraille, des faubourgs naissent. Ce sera avec l’avènement de la Guerre de Cent ans, un siècle plus tard, que Charles V se verra contraint d’édifier une nouvelle ceinture de remparts, plus large et plus puissante. L’ouvrage de Philippe Auguste, colossal en son temps, est devenu obsolète…

Paris enceinte de Philippe Auguste

Paris enceinte de Philippe Auguste

PROMENADE SUR LES REMPARTS…

Au Moyen Âge, il était habituel de voir de nombreuses bâtisses prendre appui contre les remparts. Au fil des siècles, des portions de fortifications ont été mises à jour, soit par la démolition des habitations, soit avec le traçage et le percement de nouvelles voies de circulation. Aujourd’hui, plusieurs vestiges de la muraille de Philippe Auguste perdurent dans Paris. La partie la plus significative se trouve le long du terrain de sport de la rue des Jardins Saint-Paul, dans le Marais (image ci-dessus). Elle mesure 120 mètres de long et est bordée de demi-tours. Hormis les créneaux, elle conserve la presque totalité de sa hauteur d’origine. Vers la rive gauche, une section de rempart sert de mur à un magasin situé au n°4, passage du Commerce Saint-André. Enfin, rue Clovis, on peut apercevoir un morceau de mur pointer de la façade des immeubles. Il est conservé sur toute sa hauteur mais tranché net, il révèle la composition intérieure du rempart.

UN ROI SATISFAIT

 

Paris 15e siècle Île de la Cité

Paris 15e siècle Île de la Cité

En 1216, Philippe Auguste quitte Paris pour s’en aller guerroyer contre les Anglais. L’ost royal s’engage sous l’imposante et protectrice Tour du Coin qui surplombe la Seine, puis s’engage le long de la forteresse du Louvre. Le monarque jette un dernier coup d’œil sur sa capitale, dont les toits et les clochers se dévoilent sur l’horizon. Son regard contemple le fruit de 25 ans de travaux incessants et pénibles. Les tours de défenses pointent magistralement leurs massives structures vers le ciel. Vers le sud, quelques coups de maillet se font encore entendre au loin. Bientôt la rive gauche et l’université seront pour toujours protégées par la muraille. Cet ouvrage prestigieux et vital sera d’ici peu achevé. Paris, dorénavant siège de la royauté, sera enfin digne de son roi.

 

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