Les Croisades – Le siège de Damas – 1148

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LES CROISADES

(1095 – 1291)

 

LE SIÈGE DE DAMAS

(Du 23 au 28 juillet 1148)

 

DEUXIÈME CROISADE

(1147-1149) 

 

« Dieu le veut ! »

 

 

 

Croisé

Croisé

 

Un long chemin vers la terre du Christ

Lire :

1 – Des origines à l’appel du pape Urbain II

2 – La Première Croisade

3 – La Deuxième Croisade

 

INTRODUCTION

Prêchées et bénies par les papes successifs, dirigées par les souverains des royaumes et des Empires de la vieille Europe, ces expéditions se devaient d’être les ambassadrices de tout ce que l’esprit de la chevalerie médiévale portait de bon en lui. Nonobstant, les Croisades furent, mise à part la 1ère, un échec militaire, mais sur le plan culturel et économique, l’Occident chrétien en ressortira enrichi. En effet, au sortir de cette aventure, l’Europe en sera bénéficiaire ; elle était en retard sur le mode de vie d’un Orient qui commence alors à décliner. On retiendra sur le plan géopolitique, la création des États latins d’Orient : les Comtés d’Edesse et de Tripoli, la Principauté d’Antioche, et le Royaume de Jérusalem. De pair, cette période engendrera le développement et la prospérité des républiques italiennes comme Amalfi, Gênes, Pise et Venise, qui tireront des profits considérables de cette aventure.

Combats entre Chrétiens et Musulmans

Combats entre Chrétiens et Musulmans

CONTEXTE

 

En 1144, les musulmans, avec à leur tête l’atabeg de Mossoul Imad ed-Din Zengi, s’emparent du comté d’Edesse, un des quatre Etats latins fondés par les Croisés en Orient. En Occident, c’est la tristesse et la désolation. Cet événement contraint le pape Eugène III à prédire une deuxième croisade.

 

CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS ANTÉRIEURS

A cette époque-là, Louis VII souhaite entreprendre un pèlerinage à Jérusalem pour s’acquitter de ses péchés temporels. Dans cette perspective, à la Noël 1145, il rassemble ses sujets à Bourges. Mais son idée suscite la réserve et la méfiance de ces derniers. Louis VII se voit forcé d’ajourner son voyage et de remettre à plus tard l’indulgence de ses fautes.

Louis VII

Louis VII

Le 31 mars 1146, à Vézelay, Saint Bernard prêche la Deuxième Croisade en présence du roi de France Louis VII et de la reine Aliénor d’Aquitaine. Prédication qu’il renouvellera le 27 décembre, devant la Diète à Spire,  sous la présidence de Conrad III de Hohenstaufen.

Saint-Bernard

Saint-Bernard

 

L’opération doit être dirigée par les deux monarques, le roi de France Louis VII et l’Empereur Conrad III de Hohenstaufen. Cependant, la mésentente entre les deux souverains, l’absence de coordination, le manque de préparation et les fautes militaires, vont conduire les armées chrétiennes vers un échec annoncé.

 

CHRONOLOGIE

 

1146

– 31 mars : à Vézelay, Saint Bernard prêche la Deuxième Croisade, en présence du roi de France Louis VII et de la reine Aliénor d’Aquitaine. C’est l’occasion qu’attendait le monarque pour s’investir dans cette mission divine qui lui donnera, il en est sûr, la rédemption de toutes ses infractions aux commandements de Dieu.

 

– 27 décembre : Diète de Spire.

Sous la présidence de Conrad III de Hohenstaufen, Saint Bernard prêche la Deuxième Croisade devant la Diète à Spire.

 

 

1147

Foucher d’Angoulême (prélat français et archevêque de Tyr) est nommé patriarche de Jérusalem.

– 12 mars : Louis VII quitte Paris pour Metz, première étape vers Jérusalem. La régence est confiée à Suger, abbé de Saint-Denis et principal conseiller du roi. Ce dernier sera assisté de l’archevêque de Reims et du sénéchal Raoul de Vermandois.

Départ pour la 2eme Croisade

Départ pour la 2eme Croisade

 

– Printemps : le pape Eugène III accorde à Alphonse 1er  Enriquez, roi du Portugal, de considérer son combat contre les Maures comme une Croisade.   

– 27 avril : le pape Eugène III préside le chapitre général du Temple à Paris.

Eugène III

Eugène III

– 28 mai : départ de Conrad III de Hohenstaufen pour la Deuxième Croisade.

– 12 juin : départ, pour la Deuxième Croisade, du roi de France Louis VII et de la reine Aliénor d’Aquitaine. De nombreux nobles en font de même et partent en Terre Sainte accompagnés de leurs dames et de leurs servantes. L’armée qui débarque en Orient est donc composée en majorité de femmes.

Aliénor d'Aquitaine

Aliénor d’Aquitaine

– 10 septembre : l’armée croisée, dirigée par Louis VII et Conrad III de Hohenstaufen, entre en Turquie. Les deux monarques arrivent à Constantinople avec pour but de reprendre Edesse.

Arrivée des Croises à Constantinople

Arrivée des Croises à Constantinople

– 4 octobre : arrivée de Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine à Constantinople. Le roi des Francs rencontre l’Empereur Manuel Comnène.

Manuel Comnène

Manuel Comnène

– 26 octobre : seconde bataille de Dorylée (Turquie).

La Croisade allemande de Conrad III de Hohenstaufen est décimée par les forces seldjoukides du sultan Masud Ier (Mesud Ier, 1116-1155).

Seconde bataille de Dorylée

Seconde bataille de Dorylée

Le 26 octobre 1147, à la seconde bataille de Dorylée (Turquie), la Croisade allemande de Conrad III de Hohenstaufen est décimée par les forces seldjoukides du sultan Masud Ier (Mesud Ier, 1116-1155), ce qui oblige l’Empereur germanique à rentrer en Allemagne. De son côté, Louis VII aura fort à faire avec la déloyauté et l’hypocrisie de l’Empire byzantin. Son manque d’expérience militaire l’emmène du 24 au 28 juillet 1148 sous les remparts de Damas. Le siège est un échec ; c’est une nouvelle défaite des Croisés. C’est sans gloire que les Chrétiens lèveront le camp et rentreront en Europe. La réputation et le moral des armées croisées sont tombés si bas que nul ne pense alors à reprendre le combat.

 

1148

– 20 janvier : avec l’aide des Templiers, le roi de France Louis VII arrive au port d’Antalya. Les bateaux, promis par les Byzantins pour les transporter jusqu’en Syrie, ne sont pas en nombre suffisant. Seuls les chevaliers prendront la mer.

Croix des Templiers

Croix des Templiers

– février : alors que les hommes restés à quai à Antalya sont massacrés par les Turcs, Louis VII débarque en Syrie. Renonçant à s’emparer d’Edesse, il choisit de se diriger vers Jérusalem pour y accomplir son vœu.

LE DRAME DE LA JALOUSIE 

Durant cette période, on prête à la reine Aliénor d’Aquitaine une liaison avec son oncle et ancien tuteur, Raimond de Poitiers, prince d’Antioche. En apprenant cette nouvelle, le roi, dépité et courroucé, renonce à reprendre le comté d’Edesse (acte dénoncé, selon les historiens, comme une faute politique). Louis VII décide alors de se lancer vers Jérusalem. Face au refus d’Aliénor de le suivre, il doit l’entraîner de force. La campagne se soldera par un échec écrasant. Après la défaite de l’expédition, le couple royal prend le chemin du retour dans deux navires distincts. Le trajet sera riche en péripéties. La nef d’Aliénor est capturée par des navigateurs byzantins lors d’une bataille entre Roger II de Sicile et l’Empereur Manuel Comnène. Délivrée aussitôt par les Normands, elle se retrouve en Sicile avec le roi. Les relations du couple royal sont brouillées et la discorde règne.

Aliénor d'Aquitaine

Aliénor d’Aquitaine

– mars : arrivée de Louis VII à Antioche.

– Printemps : Conrad III de Hohenstaufen rejoint enfin Louis VII en Palestine, et part pour Saint-Jean-d’Acre.

Louis VII et Conrad III

Louis VII et Conrad III

– A Saint-Jean-d’Acre, Croisés et nobles de Jérusalem projettent d’attaquer Damas, en Syrie, alors sous l’autorité des Égyptiens. Baudoin III en sera le chef.

Combats entre Chrétiens et Musulmans

Combats entre Chrétiens et Musulmans

L’INCIDENT D’ANTIOCHE ET SES CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES !

Au printemps, la Croisade fait une halte de dix jours à Antioche, où le couple royal est accueilli par Raymond de Poitiers, oncle d’Aliénor, prince d’Antioche. Durant le séjour, l’oncle et la nièce s’entendent comme deux « larrons en foire » et passent beaucoup de temps ensemble. Une certaine ambiguïté naît alors de cette relation et le roi commence à nourrir des soupçons sur la fidélité de son épouse ; une querelle longtemps entretenue éclate entre les deux époux. Louis VII désire quitter Antioche pour se diriger vers Jérusalem. Aliénor refuse de suivre son mari, prétextant qu’elle ne veut pas laisser son oncle. C’est lors de cette altercation que la reine fait allusion au degré de consanguinité qui existe dans leur couple. Cet argument, rédhibitoire pense-t-elle, lui donnera le cas échéant le droit de demander l’annulation de leur mariage.

Raimond de Poitier accueillant Louis VII à Antioche.

Raymond de Poitiers accueillant Louis VII à Antioche


OBJECTIF DAMAS !

 

LE CONSEIL DE SAINT-JEAN D’ACRE

Après maintes péripéties, et après avoir été mis à mal par les troupes musulmanes, Louis VII, Conrad III, et l’armée de la Deuxième Croisade arrivent enfin à Jérusalem. Réunis en conseil de guerre à Saint-Jean-d’Acre le 24 juin 1148, les Croisés vont choisir de porter leur attaque sur Damas. Ils savent qu’ils prennent le risque de faire le jeu de Nûr al-Din, leur principal adversaire.

LA JALOUSIE, UN PRIVILÈGE ROYAL!

La jalousie que Louis VII éprouve à l’encontre de Raimond de Poitiers, prince d’Antioche, second fils du duc Guillaume IX d’Aquitaine et oncle de la reine Aliénor, aura de lourdes conséquences. Elle est la cause d’une énorme erreur de sa part, tant politique que tactique. Se sentant bafoué, il quitte Antioche précipitamment au bout de quinze jours. Son armée épuisée est décimée après de terribles échecs successifs ; il lui faut du temps pour récupérer des forces. Le Capétien est convaincu que Raimond de Poitiers ne pense qu’à ses intérêts personnels par le biais des conseils stratégiques qu’il lui fournit. Or, le roi est mal avisé envers le soupirant de sa reine. Bien au contraire, ce dernier veut se rendre maître d’Alep où se trouve Nûr al- Din, l’ennemi mortel des Chrétiens, pour ensuite reprendre Edesse. En optant pour marcher sur Damas, le Capétien va désespérément perdre toute chance de réussite et négliger un avis se basant sur une parfaite connaissance du terrain, des forces en présences et de l’équilibre politique.

 

SITUATION

Vers la mi-avril 1148, les débris de l’armée franque de Louis VII parviennent à Jérusalem. Ils y retrouvent l’empereur Conrad III, venu par mer directement de Constantinople.

Malgré le prêche admirable de l’abbé Bernard de Clairvaux, à Vézelay le 31 mars 1146, la Deuxième Croisade en Terre Sainte semble maudite. L’expédition a traversé de nombreux revers et ses effectifs sont terriblement affaiblis… Mais enfin ! La destination tant souhaitée par le roi de France est devenue une réalité.

Octobre 1147 à Dorylée, Asie Mineure. Les forces de Conrad III ont été écrasées par les forces seldjoukides du sultan Masud Ier (Mesud Ier, 1116-1155). Pour sa part, le Capétien Louis VII a été lourdement battu à Antalya, et le long du littoral en Syrie l’armée croisée a fait l’objet d’un harcèlement permanent.

On estime que sur les 140 000 hommes partis d’Occident au printemps 1148, seul un tiers est encore en vie.

Dans la Ville sainte, le Capétien et le Hohenstaufen s’agenouillent devant le Saint-Sépulcre et les reliques de la Vraie Croix. Tous deux se rendent au Mont Golgotha (Mont du Calvaire), et visitent tous les lieux liés au souvenir du Christ. Mais au-delà de la prière, ils ont tous les deux la ferme intention de reprendre le comté d’Edesse, détenu par les Musulmans depuis le mois de novembre 1144.

DISPUTES ET DÉSACCORDS

De nombreux seigneurs des États Latins sont venus à Jérusalem, attirés par l’arrivée des armées croisées. Ils ont pour intention d’entraîner les deux monarques, Louis VII et Conrad III de Hohenstaufen, dans leurs fiefs distincts. Mais beaucoup sont absents…

D’ailleurs, le Capétien vient de rompre avec Raimond d’Aquitaine, le prince d’Antioche. Il le soupçonne d’adultère et d’inceste avec son épouse, la reine Aliénor d’Aquitaine, puisqu’elle est sa propre nièce (lire l’encadré ci-dessus « l’incident d’Antioche »).

Raimond de Tripoli lui aussi a refusé de se joindre aux armées croisées. Une rumeur l’accuse d’avoir empoisonné le comte de Toulouse Alphonse-Jourdain, fils du fondateur de la principauté tripolitaine.

Alphonse Jourdain Cartulaire de la cité de Toulouse

Alphonse Jourdain Cartulaire de la cité de Toulouse

Seul le royaume de Jérusalem est présent en la personne du jeune Baudouin III de Jérusalem. Étant seulement âgé de dix huit ans, c’est sa mère, la reine régente Mélisende, qui fera autorité, assistée du connétable du royaume Manassès d’Hierges.

Mélisende de Jérusalem

Mélisende de Jérusalem

Les princes d’Antioche et de Tripoli proposent de se diriger sur Alep afin de combattre Nûr al-Din, le successeur de l’illustre Zengi. Mais le plan ne sera pas approuvé par le connétable du royaume de Jérusalem, Manassès d’Hierges, ni par ses alliés.

DAMAS PLUTÔT QU’ALEP

Loin d’être unis afin de faire front contre les troupes musulmanes, les seigneurs francs sont divisés par d’incessantes disputes. De toute évidence, il apparaît peu probable, voire impossible, que les habitants de Jérusalem servent les intérêts de leurs rivaux. Ils choisissent donc une autre tactique, et suggèrent aux Croisés de s’emparer de Damas. Après Bagdad, Damas est la ville la plus célèbre de l’Orient musulman.

Siège de Damas

Siège de Damas

LE CONCILE D’ACRE

 

Le 24 juin 1148, un grand conseil de guerre se tient à Saint-Jean d’Acre, au nord de Jérusalem. Ce concile est formé à la demande de la haute cour de Jérusalem. Il est conduit par le roi de France Louis VII, l’empereur Conrad III de Hohenstaufen, et Baudouin III de Jérusalem. Il est entendu ce jour-là que les armées croisées alliées aux forces du royaume de Jérusalem attaqueront Damas. Cette décision sera lourde de conséquences, car trop rapide et irréfléchie.

2ème Croisade conseil de guerre de Jérusalem

2ème Croisade conseil de guerre de Jérusalem

ONT PARTICIPE AU CONCILE d’ACRE :

De nombreux seigneurs importants ont participé au Concile, Mais il est impossible de tous les nommer.

POUR LE ROYAUME DE FRANCE ET SES ALLIES :

– Le Capétien Louis VII, roi de France.

Thierry d’Alsace, comte de Flandre.

Godefroy de la Rochetaillée, évêque de Langres.

Arnoul, évêque de Lisieux.

– Guy de Florence, cardinal de San Crisogno et légat du pape.

Robert 1er, comte de Dreux.

Robert 1er de Dreux

Robert 1er de Dreux

Henri 1er, comte de Champagne.

Henri Ier de Champagne

Henri Ier de Champagne

 

POUR LE SAINT EMPIRE GERMANIQUE :

– L’empereur Conrad III de Hohenstaufen, roi des Romains (notons qu’il ne fut jamais couronné empereur).

Otton de Freising, évêque et chroniqueur allemand.

Otton de Freising

Otton de Freising

–  Henri II d’Autriche, comte palatin du Rhin, duc de Bavière et Margrave d’Autriche de la lignée des Babenberg.

Frédéric Ier de Hohenstaufen, dit Frédéric Barberousse, neveu de Conrad, Duc de Souabe. (Il deviendra Roi des Romains, Roi de Bourgogne et d’Arles, Roi d’Italie, Empereur du Saint-Empire, et Comte Palatin de Bourgogne).

– Guillaume V de Montferrat, marquis de Montferrat.

Etienne de Bar, évêque de Metz.

Henri Ier de Lorraine, évêque de Toul.

Theodwin, cardinal de Sainte Ruffine, légat papal.

Welf VI, margrave de Toscane.

Welf VI

Welf VI

Hermann III, Margrave de Bade.

– Berchtold III, duc d’Andechs.

 

POUR LE ROYAUME DE JÉRUSALEM :

Baudouin III, roi de Jérusalem.

Baudouin III est couronné roi de Jérusalem

Baudouin III est couronné roi de Jérusalem

Melisende de Jérusalem, mère de Baudouin III et reine régente.

Foucher, patriarche de Jérusalem.

Baudouin II, archevêque de Césarée.

Robert, archevêque de Nazareth.

– Rorgo, évêque d’Acre.

Bernard, évêque de Sidon.

Guillaume, évêque de Beyrouth.

Adam, évêque de Baniyas.

Gérard, évêque de Bethléem.

Robert de Craon, maître de l’Ordre du Temple.

Armoiries Robert de Craon

Armoiries Robert de Craon

Raymond du Puy, maître de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

Raymond du Puy Ordre de Saint Jean de Jérusalem

Raymond du Puy Ordre de Saint Jean de Jérusalem

Manassès d’Hierges, connétable du royaume de Jérusalem.

– Onfroy II, seigneur de Toron.

Philippe de Milly, seigneur de Naplouse ; il sera grand maître de l’Ordre du Temple.

Armoiries de Philippe de Milly

Armoiries de Philippe de Milly

Gautier 1er de Grenier, seigneur de Césarée.

Balian, seigneur d’Ibelin.

Armoiries d'Ibelin

Armoiries d’Ibelin

Elinand, seigneur de Tibériade.

Payen le Bouteiller, seigneur d’Outre-Jourdain.

– Guy 1er de Brisebarre, seigneur de Beyrouth.

– Gérard de Grenier, comte de Sidon.

Les précédents rois (en l’occurrence Foulques V d’Anjou, le père de Baudouin III) avaient conservé et assuré avec intelligence le fragile équilibre politique établi jusqu’alors avec la principauté turque.

Foulques V d'Anjou

Foulques V d’Anjou

Pourtant, l’intérêt principal des cités de Damas et de Jérusalem est de faire alliance, et de s’unir contre l’ennemi commun, Nûr al-Din, atabek de Mossoul, fils et successeur de l’illustre Zengi. Nûr al-Din a pour but d’unifier la Syrie musulmane. Pour arriver à ses fins, il s’est déjà rendu maître d’Alep, et doit s’attaquer irrémédiablement aux petits émirats.

Atabeg : titre de noblesse turc. Sous l’hégémonie de la dynastie seldjoukide, il s’agissait d’un dignitaire qui avait le rôle de protecteur d’un jeune prince. A la mort de ce dernier, un Atabeg était désigné pour défendre les biens des héritiers.

Durant le règne de Foulques V d’Anjou, cette alliance avait contraint Zengi (Imad ed-Din Zengi) à renoncer à s’emparer de Damas. Cependant pour les Francs, Damas représente le dernier rempart contre l’atabeg de Mossoul Nûr al-Din , d’autant que ce dernier  entretient une haine viscérale contre les Chrétiens.

Au-delà de servir exclusivement les intérêts des princes d’Antioche et de Tripoli (Raimond d’Aquitaine et Raimond de Tripoli), il s’avère que l’objectif de se rendre maître d’Alep et d’attaquer Nûr al-Din, est indispensable pour la survie même des États Latins en Terre Sainte.

Les deux monarques occidentaux n’ont certainement pas connaissance de ce délicat jeu d’équilibre, ce qui n’est pas le cas du connétable Manassès et des barons de Jérusalem ; eux le savent… Nonobstant, ils choisissent de bénéficier à court terme de la présence des forces croisées pour conquérir de nouvelles terres, même s’il faut pour cela attaquer ceux qui les protègent de leur principal ennemi.

Siège de Damas

Siège de Damas

C’est une armée franque, réduite et désorientée qui s’avance vers le piège de Damas.

DÉROULEMENT

23 juillet

L’armée chrétienne, maintenant puissante et unifiée, a franchi les hauteurs du plateau du Golan pour se diriger nord-est. Le régent de Damas, l’émir Muîn al-Din Unur, est aussitôt averti de l’avance des Francs. Dans l’urgence, il fait mander l’aide de l’atabeg de Mossoul Nûr al-Din, et dans l’attente des renforts, il fait combler tous les puits et les points d’eau autour de la ville. Puis, comme un intrépide guerrier, il se porte au devant de l’ennemi.

Dès son arrivée à Darayya, l’armée croisée entreprend d’attaquer Damas par l’ouest. La priorité est l’approvisionnement, et les jardins qui s’y trouvent sont protégés par des tours et des murailles. La possession des vergers va faire l’objet de combats acharnés sous des avalanches de flèches damascènes.

 

Combats entre Chrétiens et Musulmans

Combats entre Chrétiens et Musulmans

 

24 juillet

Une première escarmouche oppose Chrétiens et Musulmans. Les Francs prennent l’avantage sur leurs adversaires. Après les avoir repoussés, ils parviennent à prendre position sous les murs de Damas, au milieu de jardins et de vergers.

25 juillet

Le lendemain, toute la journée les archers damascènes harcèlent sans cesse les assiégeants chrétiens. Lors d’un des assauts menés sous les remparts de la ville, Conrad III fait des merveilles : on le représentera plus tard, pourfendant de son épée depuis l’épaule jusqu’à la hanche, un sarrasin puissamment armé.

LE PRIX DE LA TRAHISON

26 juillet

Alors que les assaillants ont déjà perdu deux jours en vaines échauffourées, les Croisés voient avec stupeur se profiler au loin les renforts d’Alep et de Mossoul. Ces colonnes sont conduites par Nûr al-Din et son frère Saif al-Din. Le rapport de forces est en train de basculer en faveur des assiégés. Cette nouvelle donne n’a pas échappé au régent de Damas, l’émir Muîn al-Din Unur. Celui-ci en profite pour jouer son va-tout, sa dernière carte ! Il veut semer la discorde au sein de ses ennemis. En outre, il sait qu’il ne peut faire confiance à Saif al-Din et Nûr al-Din ; il redoute que les deux frères ne prennent possession de Damas en récompense de l’aide fournie. Aussi écrit-il à Baudouin III :

« Si je ne parviens pas à défendre la ville, je la livrerai à Saif al-Din, et vous savez bien que s’il prend Damas vous ne pourrez plus vous maintenir en Syrie ».

Cet argument, avancé par le régent de Damas, reprend les écrits de l’ancienne alliance politique qui existait entre les Latins d’Orient et les Damascènes. Ce qui donne matière à réflexion…

Le chroniqueur Syriaque Aboul Faradji rapporte :

« Muîn al-Din Unur, qui commandait la ville, envoya secrètement des messagers au roi de Jérusalem et obtint de lui, à force d’argent et de prières, qu’il se retirât. Il donna au roi deux cent mille pièces de cuivre légèrement recouvertes d’or. Il en donna cinquante mille autres de la même espèce au comte de Tibériade, et les Chrétiens ne s’aperçurent de la fraude que lorsqu’ils eurent levé le siège ». Rapporté par le chroniqueur Syriaque Aboul Faradji

Une fois revenus à la raison par la corruption, les barons de la Deuxième Croisade oublient le rêve de conquête. Ceux-là même qui voulaient s’emparer de Damas entreprennent de convaincre Louis VII et Conrad III d’abandonner et de lever le siège ! Les deux monarques, vexés par ce bouleversement, ont du mal à accepter ce revirement. De graves désaccords apparaissent alors dans le camp des Croisés. La nuit qui arrive ne calme pas les esprits ; Muîn al-Din Unur en profite pour user de tous les moyens qui sont à sa disposition pour faire partir les assiégeants. Il dépêche ses archers qui se faufilent dans le noir et décochent leur flèches sur les soldats isolés, faisant de nombreuses victimes.

UNE DÉSHONORANTE RETRAITE

27 juillet

Afin d’éviter de se faire décimer sans pouvoir se défendre, les Chrétiens tentent un ultime assaut. Ils contournent la cité vers l’est, où l’on pense que les remparts sont moins bien défendus et donc plus vulnérables. Mais très vite leurs positions deviennent intenables. Les Croisés sont forcés de se battre dans des sables, et sans eau. Ils sont obligés de se rendre à l’évidence ; la défaite est totale.

28 juillet

Pressés par les renforts qui se dirigent sur eux, les Francs lèvent le siège et battent en retraite.

Louis VII et Conrad III, impuissants, ne peuvent qu’éprouver du mépris pour ces seigneurs de Palestine « en la foi desquels ils avaient confié leurs personnes et leurs hommes, et qui les avaient déloyalement trahis, les conduisant en un lieu où ils ne pouvaient combattre pour la chrétienté et pour l’honneur ».

Chroniques de Guillaume de Tyr.

 

Guillaume de Tyr

Guillaume de Tyr

Après cette débâcle qui conclut irrémédiablement l’échec de la Deuxième Croisade, dont le but avoué était de reprendre Edesse, Conrad III prend rapidement le chemin du retour vers l’Occident. Louis VII, quant à lui, reste huit mois à Jérusalem, où par des œuvres pieuses et charitables il espère se faire pardonner de ses fautes et de ses erreurs. Il retournera en France en 1149, en faisant un détour via la Sicile et Rome. Il est à retenir le seul fait positif de cette aventure : durant son absence, le royaume aura été sereinement et sûrement gouverné par l’abbé Suger.

LA DÉTRESSE DE BERNARD DE CLAIRVAUX

L’échec de la Deuxième Croisade est un coup dur pour celui qui l’a prêchée, l’abbé Bernard de Clairvaux. Il en vient presque à rendre Dieu lui-même responsable: « Il semble que le seigneur, provoqué par nos péchés, ait oublié Sa miséricorde et soit venu juger la terre avant le temps marqué. Il n’a pas épargné son peuple ; il n’a même pas épargné Son nom, et les gentils s’écrient : « Où est le Dieu des Chrétiens ? ». Les enfants de l’Église ont péri dans le désert, frappés par le glaive ou consumés par la faim […]. Nous annoncions la paix, et il n’y a pas de paix. Nous promettions le succès, et voici la désolation. Ah ! certes, les jugements de Dieu sont équitables : mais, celui-ci est un grand abîme, et je puis déclarer bienheureux quiconque n’en sera pas scandalisé. » A ceux qui s’indignent de sa réaction, l’abbé réplique : « Je reçois volontiers les coups de langue de la médisance et les traits empoisonnés du blasphème, afin qu’ils n’arrivent pas jusqu’à Dieu. Je consens à être déshonoré, pourvu qu’on ne touche pas à sa gloire ! »

Saint-Bernard

Saint-Bernard

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2 réponses

  1. paura852451 dit :

    Félicitations pour cet article intéressant sur le siège de Damas lors des croisades. J’ai particulièrement apprécié la manière dont vous avez présenté les enjeux et les différents acteurs impliqués dans cette bataille. Votre analyse est très pertinente et invite à une réflexion approfondie sur les conséquences de cet événement. J’aimerais beaucoup en savoir plus sur vos recherches et vos sources d’information. Avez-vous d’autres articles sur ce sujet ou des recommandations de lectures ? Merci encore pour cette lecture passionnante.

  2. paura852451 dit :

    Merci pour cet article fascinant sur le siège de Damas en 1148. J’ai apprécié la façon dont vous avez présenté les différents acteurs et les enjeux de cette bataille historique. Votre article m’a donné envie d’en savoir plus sur cette période de l’histoire et sur les autres batailles des croisades. J’aimerais savoir si vous avez des recommandations de livres ou de sources pour en apprendre davantage. Encore une fois, merci pour ce contenu enrichissant.

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